CHAPITRE 6 :

- On pensait que les plus fous étaient enfermés ici, à Silent Lake, mais en réalité, ils dirigeaient l'établissement. Quel paradoxe. L'être humain est définitivement l'animal le moins évolué. Il se sert de ses capacités pour détruire ce qui l'entoure. À commencer par la planète Terre, j'ose imaginer ce que ce sera dans les années 2000. Puis il détruit même ceux de son espèce, il se fait violence, à lui, comme aux autres. Vous y comprenez quelque chose vous ? Où est sa logique ? Nous allons changer de directeur Grace, comment ça va se passer pour les affaires ?


- Oui petite, il court à sa perte, mais la folie ne devrait pas t'effrayer vu le monstre que tu es, tu ne penses pas ? Le paradoxe, c'est toi, qui as l'air si humaine. Justement, HUMAINE. Pour les affaires, je gère le coté paperasse et directive. Tu ne te mêleras aucunement de ça. Tu continueras comme si de rien était.


Le gardien m'a raccompagné en cuisine et j'ai repris le travail que j'avais commencé avant mon entretien avec Grace. Je ne peux m'empêcher de me poser des questions à propos de tout ça. Durant les deux semaines précédentes, c'était un véritable enfer. On était confiné dans nos chambres quasiment toute la journée, on sortait juste pour manger, se laver et se dégourdir un peu. La totalité du personnel a été entendu par la police, et plus de 70% des infirmières ont déclaré avoir été abusées par le directeur, ou avoir reçu des avances. Quant à lui, il a été arrêté. Depuis, ce sont les employés qui gèrent Silent Lake avec l'aide du commissariat du coin. Autant dire que le règlement est différent. Pour les affaires de Grace, ça se passe lorsque l'effectif de policiers passe à 4. Grace a des connaissances au commissariat et bien sûr, ce sont ces quatre-là. Je devine qu'ils sont payés un paquet, autant pour leur silence que pour les infos aujourd'hui est un grand jour, j'ai le droit à la suite de l'histoire de 375, enfin. Et c'est aussi le jour où le nouveau directeur débarque, ça par contre, je l'appréhende.


13H35.


- Te voilà enfin ! Tu as cinq minutes de retard. Donne-moi ta main que j'établisse le contact. Comme d'habitude, tu ne dis pas un mot, c'est clair ? Bien. La dernière fois, je m'étais arrêté à l'évasion de 375. Il avait quitté sa prison pour rejoindre Silent Lake. Comme je te disais, il lui a fallu moins d'une semaine pour qu'il traumatise les patients et le personnel de cet établissement.

Pour commencer, c'est lui qui a imposé le port des lunettes de soleil ici, et depuis qu'ils ont plus quittées nos visages. Depuis qu'il a arraché les yeux d'un homme qui refusait de les porter. Cet homme avait fait un scandale en plein réfectoire parce qu'il ne voulait pas des lunettes, comme s'il ne craignait pas 375.

Alors, ce jour-là, en pleine nuit notre ami aveugle s'est produit dans sa chambre et lui a perforé les deux yeux, en commençant par la gauche, à l'aide d'un tire-bouchon. L'homme hurlait la mort, mais personne n'a réagit. Comme si tout le monde savait ce qui lui arrivait et surtout qu'ils avaient peur de s'interposer. Mais il ne s'est pas contenté de lui perforer les yeux, oh non ! Il lui a arraché le premier œil avant percé, à l'aide de ses doigts uniquement. À ce moment-là, l'homme avait toujours l'œil droit valide et assistait à sa propre mise à mort.

375 a croqué dans l'œil qu'il venait d'extraire, le consentir chantait gicler sur les murs. Puis, voyant la peur du sujet, il a réitéré l'opération avec l'œil droit. On dit qu'il avait inscrit sur le mur, avec le sang de sa victime «tu porteras tes lunettes. »

Le lendemain matin les infirmières ont retrouvé l'homme, allongé en position latérale de sécurité, mort d'une hémorragie, les yeux mangés sur la moitié, délicatement souhaité de chaque côté de sa tête, du sang partout dans la pièce. La scène fut tellement traumatisante que deux infirmières ont démissionné.

Et ce n'était que le début du cauchemar. Il fallait qu'il crée cette atmosphère de peur pour que les autres lui obéissent, pour qu'il dirige Silent Lake. Alors il a continué ses horreurs.

Un jour, il a crucifié un gardien dans sa propre chambre, par les mains, les pieds et les oreilles. Le motif qu'il a donné aux policiers en charge de l'enquête du meurtre était «il me donnait des ordres, ne me respectait pas et refusait de se soumettre, alors je lui ai, comme dirait-on, tire les oreilles. »

Et il était assis là, se léchant les doigts qu'il traînait au sol, dans le sang du cadavre face à lui qui se vidait. C'est à partir de ce moment-là que ça a commencé et qu'il a régné sur le sanatorium. Personne ne se sentait en sécurité et c'est absolument ce qu'il voulait. 375 avait du matériel qui lui venait de l'extérieur, des clous, des marteaux, des choses que l'on ne trouve pas ici. Personne ne comprenait comment il se fournissait. Ses actes étaient comme fantômes. On savait que les crimes étaient de lui parce qu'il ne cherchait pas à les cacher, il les revendiquait, dans l'unique mais de traumatiser, et ça fonctionnait. Depuis, tout le monde garde ses lunettes sur le nez ...


Mais c'est que je te sens envoûtée par l'histoire de 375 ma chère !

On va s'arrêter pour aujourd'hui. Raconter cette histoire m'a fait le plus grand bien cette fois-ci. Je te rends ta main. Gardien? J'ai terminé. Il a remis la camisole de Grace, et l'a ramené à sa chambre pour quelques heures, jusqu'à l'arrivée du nouveau directeur. Pour ma part, je suis encore plongée dans son histoire, admirant 375 qui m'inspire tout sauf de la peur. Je suis si déçue de ne pas l'avoir connu, mais une chose est sûre, je garde mes lunettes sur le nez, pour rendre hommage à cette légende. Tout à coup, un gardien m'interpelle, me sortant brusquement de mes rêveries: « Eh LL, tu dois payer ton histoire, alors file en cuisine, tu as un inventaire à faire, et ce, avant 16h00 pour l'arrivée du nouveau directeur. »

C'est en traînant les pieds qu'il m'y a emmenée, histoire de 375 prend une tournure intéressante et inspirante, je veux en savoir d'avantage !

« Je te donne un stylo parce que je ne retrouve pas les craies, mais je te préviens la folle, je vérifie sa composition dès que je le récupère, alors ne tente rien, ne vole rien, même pas le ressort, sinon tu finiras ta semaine à l'isolement. » Me lance le gardien.

Je souffle, et je me mets au travail.


16H00.


On est tous intéressés dans le salon pour rencontrer le nouveau directeur. Il y a plein de patients que je n'ai jamais vu. On a tous la camisole, et je n'aime pas ça, me sentir enfermée, serrée, je ne suis pas à l'aise. Je ne pense pas qu'un d'entre nous pense à tuer le nouveau directeur ou lui faire du mal, étant donné qu'on veut tous que les policiers partent d'ici. Non ?

D'ailleurs, il y en plein la pièce, scrutant nos moindres faits et gestes, prêt à bondir sur le premier cas suspect. Je suis perturbée depuis qu'on nous a mis dans la pièce, car ils ont remplacé les canapés habituellement déplacés ici en carré, pour y mettre des lignes et des lignes de chaises. Où sont les canapés confortables où nous avons l'habitude de nous asseoir en écoutant le juke-box ? Mais ! Où est le juke-box ? L'arrivée du nouveau directeur perturbe tout le monde, et même le salon qui voit ses meubles disparaître.

Encore une fois, je n'aime pas ça.


16H10.


Une horde de policier accompagne un homme, qui je devine, est le nouveau directeur. C'est un petit homme, rond. Il a le même genre de barbe que l'ancien, longue, grise et sale: une barbe de fumeur. Un ventre rond qui déborde légèrement au-dessus du pantalon dans lequel il a inséré sa chemise, les boutons prêts à céder. Il marche avec les jambes écartées et les pieds de côté. Il se décide enfin à monter sur l'estrade devant tout le monde, racle sa gorge et dit d'une grosse voix :

«Bonjour à tous. Je me présente, je suis le nouveau directeur de Silent Lake, Monsieur Torret. Désormais, je remplace mon confrère, Monsieur Cazat qui a quitté son poste récemment. Je m'engage à soigner chaque patient présent dans cette pièce, ainsi que ceux à l'infirmerie ou en isolement. Tous les patients de l'établissement sans exception, bien évidemment. Dès demain, je me pencherai sur vos dossiers, individuellement, pour vous connaître au mieux et savoir comment agir avec chacun d'entre vous. Mon mais, n'étant pas d'être l'abrutit qu'était le directeur précédant, ça va de soit mais d'être rigoureux et beaucoup plus ferme sur certains sujets qu'il a laissé à l'abandon beaucoup trop longtemps. Je recevrai tous ceux qui ont des questions mercredi dans mon bureau. D'ici là, on organisera des réunions informatives dans cette pièce, sur le nouveau règlement, et les ajustements faits par mes soins. Nous vous tiendrons informés par des affiches au réfectoire. Je vous demande à tous d'avoir confiance en moi et mes méthodes de travail, que vous aurez la chance de connaître très bientôt. »


Et il n'a pas dit un mot de plus.

Il est redescendu de l'estrade de fortune, construit juste pour son discours, et a quitté la pièce avec un sourire forcé en remontant sa ceinture. Certains patients ont fait une crise, d'autres ont crié après son départ, un effet de panique chez les patients les plus faibles. Les gardiens ont donc décidé de nous ramener par petit groupe dans nos chambres. Ils ont commencé par le quartier de haute sécurité et ont emmené Grace dans les premiers, pieds enchaînés, menottés. Je l'ai regardée au loin, elle avait le regard froid. Au plus, elle s'éloignait, au plus, je ressentais d'ici la rage en elle. Quand elle a vu le visage du nouveau directeur, son expression a changé, elle en a perdu le sourire, comme si quelque chose a choisi la chiffonnait. Une choisi est sûr, elle ne l'aime vraiment pas et les jours continuent d ' être tout sauf joyeux. Heureusement pour moi, pour une fois, je ne serais pas dans ses pattes, j'ai d'autres choses à faire prochainement. Puis ils ont amené les patients faibles, et pour terminer, nous, les plus normaux du groupe.

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