Chapitre 36

Pour commencer... Bonne année!

Ensuite, je voulais m'excuser pour cette petite absence et mon retard dans mes publications que ça soit pour ASTRE ou pour SILENCE. J'ai eu une petite baisse de morale en cette fin d'année 2022 et j'ai remis beaucoup de choses en question. Mais je commence ce début d'année reposée, motivée et surtout la tête remplie d'idées. J'espère terminer cette histoire en beauté. Et je vais maintenant publier régulièrement! Je veux revenir en force! Astre se terminant bientôt également, sachez que je vous réserve déjà une nouvelle histoire mais aussi le retour de NINE, complètement réécris et avec de grosses nouveautés. Enfin, voilà, je tenais à vous partager tout ça afin de commencer l'année. Merci infiniment à vous d'être toujours là si vous lisez ces mots et merci aux personnes qui prennent le temps de me laisser ces commentaires qui me touchent plus que tout, qui m'encouragent et qui me font beaucoup rire certaines fois. Merci infiniment d'être là.

...

CHAPITRE 36

Four years old
With my back to the door
All I could hear was the family war - Demi Lovato

(Time_NF)

Louis.

Je regarde mes doigts glisser sur les touches du piano, ne sachant même pas si je suis en train de jouer quelque chose de correct ou non. J'avais commencé à jouer un morceau de sleeping at last puis j'ai enchaîné avec une chanson de twenty one pilots et, au final, j'ai laissé les pensées me submerger au point de ne plus savoir comment ni quoi jouer. J'ai beaucoup trop de chose en tête, beaucoup trop de questions sans réponses et beaucoup trop de réponses que je remets en question.

J'ai l'impression que tout est beaucoup trop compliqué, comme un gros tas de noeuds sans fin que je n'arrive pas à dénouer. Pourtant, je pourrais dire que rien n'a été aussi simple que depuis que je suis ici, chez les Smith. Je découvre un cadre de vie sain. Après des années à me dire que atterrir en famille d'accueil serait le problème, je commence à réaliser que j'avais faux depuis le début. Du moins, ça ne peut pas être le problème lorsqu'on tombe sur madame et monsieur Smith, enfin Jane et Victor comme ils préfèrent que je les appelle.

Il m'a fallut un peu de temps pour m'acclimater à ce nouvel endroit, à cette nouvelle vie. Je dors sans avoir peur d'être réveillé par un coup de poing ou par des cris. Je me réveille sans m'inquiéter pour Lucia puisqu'elle est littéralement dans la chambre d'à côté. Ça nous fait énormément du bien, de vivre à nouveau ensemble, en sécurité. Je redécouvre ce que c'est que de terminer une journée de cours et de pouvoir la raconter à ma petite soeur, de pouvoir rire avec elle dans le salon, à table, dans une de nos chambres. Et je l'écoute en retour me parler de ses amis, des cours, de ses activités. On fait des jeux de société tous les deux ou avec Jane et Victor. Leur chat dort avec Lucia toutes les nuits, je crois qu'il a eu un coup de coeur pour ma soeur. Un coup de coeur partagé.

Au lycée aussi, ça se passe plutôt bien. J'ai le groupe de soutien à mes côtés, et Harry aussi. Je découvre ce que c'est que de ne plus se cacher. D'assumer pleinement notre relation, notre couple, sans avoir peur des regards des autres, sans avoir peur que ça se sache par Matthew et que Harry ou moi en payons les conséquences. Même si ça serait mentir de dire que je ne suis pas terrifié à l'idée que le procès ne se passe pas comme je le souhaite et que Matthew et ma mère se retrouvent en liberté. Mais j'essaie d'y penser le moins possible. Du moins, j'essaie de me persuader que je n'y pense pas chaque jours.

Heureusement, Harry sait comment me faire penser à autre chose, que ça soit au lycée, chez lui ou chez moi. Entre les cours, on se retrouve dans les couloirs, à la cafétéria ou encore à notre endroit, sur le toit du lycée. On révise ensemble et c'est parfois à moi de distraire Harry lorsque je le vois angoisser sur les examens et sur l'énorme retard qu'il avait prit durant l'année. Il a peur d'échouer et de devoir refaire sa dernière année. Il angoisse énormément et je suis fier de le voir se battre pour réussir mais je sais aussi qu'il tomberait de très haut s'il finissait tout de même par redoubler. A ça se rajoute l'angoisse de ne pas savoir ce qu'il veut faire plus tard. Il n'a encore postulé à aucune université contrairement à nos amis et à moi. En plus d'avoir l'impression d'être en retard, il a cette angoisse constante de n'avoir aucune idée des études ou du métier qu'il souhaite faire. Il m'a dit que c'était comme vouloir à tout prix avancer mais sans savoir pour autant où aller. C'est ce qui le démotive parfois. De se battre pour un diplôme sans vraiment savoir pour quoi il se bat derrière. Pour quel avenir.

Enfin, si, il m'a dit qu'il avait une seule certitude. Une motivation qu'il ne remet jamais en question.

Me suivre à San Francisco si je suis pris.

Je suis touché par son envie de me suivre, même si je lui ai demandé plusieurs fois s'il était sûr de lui. Parce que je ne veux pas qu'il me suive par peur que le distance remette en question notre relation. Je lui ai dit que ça ne serait pas le cas, jamais, pas après tout ce qu'on a traversé, pas après toutes les remises en question qu'on a déjà subit. S'il y a bien une chose dont je suis sûr dans cette vie, c'est de mes sentiments et de ma relation avec Harry. Mais Harry m'a toujours répondu qu'il le savait, qu'il me croyait et que, non, il ne me suivait pas par peur de me perdre mais par envie. Envie de s'échapper d'ici, lui aussi. Même s'il aime bien sa nouvelle vie ici, il m'a avoué que depuis le décès de Aimée, il a juste besoin de s'évader également, de voyager, d'occuper ses pensées et de profiter. Il veut voir des paysages, il veut découvrir le monde entier car Aimée, elle, ne le fera jamais.

Je suis sorti de mes pensées lorsque j'entends klaxonner dans la rue en face de ma chambre. Je ne fais pas attention la première fois mais, lorsque ça recommence, je fronce les sourcils et décide de me lever du piano, tentant d'ignorer la douleur qui se propage dans mon genoux. Je grimace légèrement et m'approche de ma fenêtre.

Mes yeux s'écarquillent aussitôt.

Parce que Harry est en bas de chez moi alors qu'il me disait qu'il rentrerait chez lui directement après son dernier cours. Ça m'étonnait qu'il ne vienne pas directement chez moi un vendredi soir, ou qu'il ne m'invite pas chez lui, surtout aujourd'hui, mais je n'ai pas voulu l'embêter en pensant qu'il voulait juste être un peu seul.

Mais ce n'est pas ça qui m'étonne le plus.

En réalité, c'est plutôt de le voir seul au volant d'une voiture. Celle de son père.

J'ouvre aussitôt ma fenêtre pour me pencher vers l'extérieur avec un grand sourire.

« Tu as eu ton permis?! » Je m'exclame.

Je savais qu'il l'avait passé deux jours plus tôt, je l'ai même accompagné et j'ai surtout tenté de le calmer lorsqu'il angoissait comme un fou les nuits précédents l'examen. Et je savais aussi qu'il aurait bientôt les résultats mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me l'annonce comme ça.

« Je le sais depuis midi, en fait. » Il répond en sortant de la voiture.

« Mais on a mangé ensemble à midi! Pourquoi tu ne me l'a pas dit?!

-Je voulais une annonce spectaculaire.

-Tu n'as tué personne en conduisant jusqu'à chez moi? C'est vrai que c'est spectaculaire. »

Harry me tend son majeur tout en me lançant un regard blasé malgré son sourire qui continue de le trahir. Je ne peux m'empêcher de rire, comprenant maintenant pourquoi il m'a fait croire qu'on se verrait pas ce soir. Il voulait juste avoir le temps de rentrer chez lui pour prendre sa voiture. J'aurais dû m'en douter mais j'étais trop loin dans mes pensées pour réfléchir clairement. Pourtant ça me paraît logique. Harry ne m'aurait pas laissé seul. Pas ce soir.

« Tu crois que j'ai le droit de rester dormir? » Il me demande, toujours en bas de ma fenêtre, me montrant en même temps son sac d'affaires.

Je ne peux m'empêcher de sourire avant de lui répondre:

« Evidemment que tu peux. J'arrive. Essaie de te garer sans écraser les fleurs de Jane.

-Je ne prendrais pas le risque d'écraser les fleurs de ma proviseur. »

On rit tous les deux et je secoue la tête avant refermer ma fenêtre et de sortir de ma chambre. Je descend rapidement les escaliers pour rejoindre le salon où se trouvent Jane, Victor et Lucia sur le canapé avec le chat contre elle. Ma soeur lâche son livre des yeux lorsqu'elle me voit arriver et ne peut s'empêcher de me dire:

« Tu peux dire à ton chéri qu'on a une porte d'entrée et qu'il n'est pas obligé de te faire la sérénade depuis la fenêtre?

-Félicitation pour son permis, cependant. » Rajoute Victor sans quitter ses mots fléchés du regard.

« Et, oui, il peut rester dormir ce soir. » Termine Jane qui travaille sur des dossiers depuis la table du salon.

Elle retire ses lunettes en relevant la tête vers moi et je ne peux m'empêcher de rire avant de la remercier du regard. Je sais qu'elle a compris que je suis nerveux ces derniers jours. Tout comme Lucia. Elle attend une réponse de notre part mais elle ne vient pas. Je suis censé lui donner une réponse ce soir, ou au plus tard demain matin, mais j'ai beau ne plus m'arrêter de penser, je ne sais pas quoi faire.

A la place, je décide d'aller ouvrir à Harry qui a terminé de se garer. Il s'approche de la porte d'entrée avec son sac sur l'épaule et me montre fièrement la voiture avec les fleurs intactes à côté.

« Je suis fier de toi. » Je dis lorsqu'il arrive en face de moi. « Et pas que pour les fleurs.

-Pour l'écureuil que j'ai évité de justesse sur la route alors? » Il plaisante.

Je secoue négativement la tête en riant mais je sais que Harry peut lire toute la fierté que j'ai pour lui dans mon regard. Parce que je suis tellement fier. Pas seulement pour son permis mais pour tout ce qu'il a accomplit cette année, depuis qu'on s'est rencontré. Il est parti de rien mais surtout de très loin. Il était au plus bas avec aucune envie, aucune motivation. Et là, il a eu son permis. Malgré le fait que ça soit une première étape à vivre sans Aimée. Il le vit quand même. Pour lui et un peu pour elle aussi.

Je m'approche de lui pour l'accueillir avec un long baiser qui représente aussi tous ces mots que je n'arrive pas toujours à sortir de ma poitrine. Je ne suis pas le plus démonstratif ni le plus bavard de nous deux. Je ne suis peut-être pas non plus le plus romantique. Mais je suis amoureux de Harry et je sais qu'il ne peut plus en douter.

Harry répond à mon baiser sans pouvoir s'empêcher de sourire, ce qui rend notre baiser un peu plus brouillon. Je ris légèrement contre ses lèvres avant de lui faire signe de me suivre à l'intérieur.

Ce n'est plus une surprise de voir Harry ici. Et je découvre ce que c'est que de ramener son copain chez soi. Ou du moins à ce qui ressemble le plus à mon chez-moi. Je découvre ces nouvelles habitudes comme par exemple le fait que Jane lui propose toujours une tasse de thé en le voyant arriver. Puis Victor lui parle de ma voiture qu'on aime retaper tous les trois avant de demander à Harry comment vont ses parents et Kaly, son chien qu'on oublie jamais dans nos conversations.

Puis Harry se dirige vers Lucia pour lui ébouriffer les cheveux et l'embêter alors qu'elle est en train de lire. Ma soeur râle et rit en même temps, tentant de repousser Harry qui rit lui aussi. J'aime tellement leur relation. J'aime voir Harry être de plus en plus proche et complice avec ma soeur, un peu comme s'il la considérait comme la sienne. Pas comme Aimée. Pas comme l'idée de la remplacer. Mais plutôt comme une petite soeur adoptive qu'il considère comme sa propre famille aujourd'hui. Et il n'y a rien qui peut me rendre plus heureux que de les voir rire ensemble, de les voir proches. De savoir que je les ai tous les deux dans ma vie aujourd'hui.

Après avoir bu un thé tout en discutant du permis de Harry, ce dernier et moi-même montons dans ma chambre où Harry dépose son sac d'affaires près du piano.

« Tu étais en train de jouer avant que j'arrive? » Il demande en voyant quelques partitions traîner juste à côté.

« J'essayais. » Je répond en m'asseyant sur mon lit. « Mais j'arrive pas à rester concentrer. »

Il suffit d'un regard pour que Harry comprenne ce qui me tracasse autant. En même temps, ça parait plus qu'évident. Il se pince les lèvres et s'approche du lit pour se placer entre mes cuisses, restant toujours debout contrairement à moi. Je relève la tête vers lui en souriant faiblement et il me sourit de la même façon, passant une main dans mes cheveux tout en me demandant:

« Tu ne sais toujours pas si tu veux voir ton père? »

Entendre la question à voix haute rend l'idée encore plus réelle et me tord l'estomac malgré moi.

Demain, mon père va être interrogé par la gendarmerie afin d'avoir un nouveau témoignage. Je ne sais même pas ce qu'il va vouloir dire ou non. Je sais déjà qu'il ne va pas comprendre pourquoi on vient l'interroger comme ça. Je sais juste que, après avoir témoigné, Jane m'a proposé que j'aille lui parler également. La gendarmerie est au courant et la police aussi. Lucia et moi avons le droit de lui rendre visite, d'avoir un moment avec lui. En soit, on a toujours eu le droit aux visites mais ma mère nous l'interdisaient et même une fois que j'ai eu le permis je n'avais plus le courage d'aller le voir. Parce que ça fait des années qu'on ne s'est pas vu. La dernière fois, j'étais enfant et il venait de tuer cet homme devant chez nous, devant moi, tuant ainsi tout espoir de s'enfuir avec lui comme il nous l'avait promis. Il n'a pas su régler ses histoires de trafic de drogue comme il nous l'avait dit. Il n'a pas su nous protéger comme il nous le promettait. Il l'a fait un temps, mais il est parti, et nous a abandonné également. Disant à l'enfant que j'étais de ne rien dire aux policiers sur maman. De mentir moi aussi. Pourquoi? Par peur que Lucia et moi soyons séparés et envoyés en famille d'accueil. Par peur qu'on ait une famille d'accueil violente comme il l'avait lui. Je le sais maintenant que Jane m'a tout avoué à l'hôpital. Elle le connaissait et m'en a parlé comme un homme bien. Mais est-ce qu'un homme bien a des histoires de drogues? Est-ce qu'un homme bien tue? Même si c'était pour nous protéger?

Est-ce qu'un homme bien demande à son enfant de se battre pour sa petite soeur et lui alors qu'il n'a jamais demandé à se retrouver seul contre le reste du monde?

Et moi, est-ce que je vais vouloir parler à cet homme?

Je n'en sais rien. Je n'en ai aucune idée.

« Je ne sais pas quoi faire. » Je soupire.

En fait, je crois que je le sais déjà au fond de moi.

Mais j'ai juste peur.

Peur de tout ce que je retiens depuis trop longtemps et peur de la façon dont ça pourrait ressortir tout d'un coup face à lui.

« Est-ce qu'il te manque? » J'entends Harry me demander tout en s'asseyant à mes côtés.

Je déglutis avant d'avouer la tête baissée:

« Oui.

-Mais tu lui en veux aussi.

-Oui.

-Les personnes à qui on en veut peuvent aussi nous manquer. Je ne pense pas que ça soit forcément mauvais. Sauf si tu estimes que son retour dans ta vie est quelque chose de malsain.

-Tu parles d'un retour dans ma vie. » Je pouffe nerveusement. « Même si décide de lui parler, il sera toujours enfermé. Même si je le voulais, mon père ne pourrait jamais revenir dans ma vie. Tu sais, j'étais qu'un gamin mais je l'ai compris tout de suite lorsqu'il s'est fait embarquer. Je ne connaissais rien à la loi mais je l'ai vu dans ses yeux. J'ai vu qu'il ne reviendrait pas. »

Harry se pince de nouveau les lèvres alors que ma jambe tressaute nerveusement. Je la fixe jusqu'à ce que Harry vienne y poser tendrement sa main tout en me répondant:

« Alors, si ce n'est pas pour le faire revenir dans ta vie, ça peut aussi être une façon d'avoir le droit de lui dire au revoir. Parce que tu n'as pas eu le temps de le faire la première fois. »

Je relève la tête vers Harry dont le regard était déjà posé sur moi. J'ai beau avoir retourné mes pensées dans tous les sens ces derniers jours, je n'avais jamais vu les choses comme ça. Je n'avais pas pensé à la simple idée de pouvoir dire au revoir à mon père. C'est assez tragique, des retrouvailles pour dire au revoir. Mais pourtant c'est ce qui a le plus de sens dans notre situation. Parce que ça fait des années que je fais le deuil de notre relation. Mon père n'a pas été là pour me voir grandir et il ne le sera pas avant longtemps. Lorsqu'il sortira, s'il ne meurt pas là-bas, j'aurais grandis depuis longtemps, sans lui.

« En tout cas, peu importe ton choix, je veux que tu saches que je peux être là. Même si je dois attendre dans la voiture. Si t'as envie que je vienne avec toi, je viens. » Rajoute soudainement Harry.

Je le regarde et même si je n'arrive pas à sourire actuellement, j'espère qu'il peut lire toute ma reconnaissance dans mon regard. Et tout mon amour aussi. Tout ce que je ressens pour lui malgré ce poids sur ma poitrine.

« Tu es sûr? Ça peut durer longtemps.

-Je sais, mais je suis sûr. Je veux être là pour toi. »

J'arrive à sourire faiblement mais ce sourire se fait un peu plus triste lorsqu'Harry rajoute en me regardant:

« Je sais que ça peut faire mal de dire au revoir lorsque la vie ne nous laisse pas le choix.»

Il me sourit tristement et rajoute plus faiblement:

« Mais je sais aussi que ,dans ce drame, ça peut être une chance aussi de pouvoir dire au revoir. »

Parce que certaines personnes s'en vont si brutalement qu'on en a jamais l'occasion.

Je prends une grande inspiration avant de me pencher vers Harry pour poser ma main sur sa joue et venir attraper ses lèvres avec les miennes. Le baiser est doux, réconfortant, malgré la douleur qui a pu se propager dans nos coeurs. Puis le baiser se fait plus intense, plus profond. Un frisson traverse ma nuque en même temps que je me redresse pour venir sur les genoux de Harry. Sauf qu'en m'appuyant sur le mien, une décharge électrique le traverse, propageant la douleur dans toute ma jambe. Je n'arrive pas à retenir un léger gémissement et une grimace qui vient se dessiner sur mon visage.

Harry cesse alors de m'embrasser, inquiet. Il scrute mon visage en fronçant les sourcils avant de baisser les yeux sur mon genoux que bouge rapidement pour trouver une position plus confortable et où la douleur est moins forte. Harry déglutit, son bras s'enroulant autour de ma taille en même temps qu'il me demande:

« Ça ne va pas mieux, ton genoux?

-Si, ça va mieux.

-Louis...

-Ça va mieux. » Je le coupe, plus froidement que je le voudrais.

Harry me regarde plus tristement et je prends une grande inspiration avant de me reprendre avec culpabilité:

« Ce que je veux dire c'est que j'ai encore mal parfois mais ça va.

-D'accord.

-Tu ne me crois pas?

-Pas vraiment. » Il me répond honnêtement. « Mais je te connais assez pour savoir que ça ne changera pas grand chose, que je te crois ou non.

-Tu m'en veux?

-Non. J'ai juste peur que tu fasses passer ta santé en second plan pour un match.

-Ce n'est pas juste un match.

-C'est vrai, je sais. » Il reprend plus doucement.

Je me pince les lèvres en le regardant, l'atmosphère se faisant plus lourde malgré nous. Je sais que Harry a raison. Je sais que je fais l'aveugle en ignorant les douleurs de mon genoux depuis cette nuit-là où je me suis battu avec Matthew. Lorsque j'en parle, je parle d'une simple bagarre et ça rend fou Harry. Parce que j'ai été poignardé cette nuit-là, parce que j'aurais pu mourir. Mais c'est comme si je ne le réalisais pas. J'en parle avec monsieur Thomas, le psychologue du groupe de soutien, j'ai conscience que c'était grave et que ça m'a traumatisé plus que je ne souhaite le montrer.

Mais en parler comme une simple bagarre me permet de faire comme si cette nuit-là mon corps n'avait pas été meurtri au point de remettre en jeu mon avenir et ma bourse. Parce qu'il y a bientôt ce match, juste avant les examens. Ce match où les recruteurs pour l'université de San Francisco seront là. Je ne peux pas me permettre d'arrêter le football et de ne pas jouer lors du match. Alors je fais comme si de rien n'était, comme si mes blessures n'étaient pas si graves et comme si j'étais pas épuisé à force de me réveiller dans la nuit à cause des cauchemars, à cause de ces images qui reviennent me hanter malgré moi. Je ne veux pas accepter que Matthew a réussi à m'atteindre physiquement et mentalement. Pas après toutes ces années à me battre pour tenir.

« Je ne veux pas en parler. » J'avoue à Harry.

Parce que c'est toujours cette réponse que je finis par lui donner lorsque ma santé devient notre sujet de conversation. Je ne suis pas sûr que ça convienne à Harry, mais il ne souhaite pas trop me bousculer ou me contrarier sur ça. Puis, comme il l'a dit, il me connaît. Et il a raison. Je sais qu'il ne me croit pas lorsque je dis que ça va. Mais ça ne m'empêche pas de continuer. Peut-être que je ne peux pas le duper lui. Mais le reste du monde, j'arrive encore à le faire. Alors je continue. Car mes vieux démons sont toujours là et que j'ai toujours appris à mentir, à faire semblant. Je ne peux pas m'en débarrasser comme ça. Mais monsieur Thomas est aussi là pour ça. Pour m'aider. Pour m'apprendre.

« D'accord, on en parle pas.

-Je suis désolé. » Je murmure à Harry.

Il sourit tristement avant de resserrer ses bras autour de moi et de me faire doucement basculer sur le lit où je me retrouve allongé sur le dos.

« Déshabille-toi. » Il me lance soudainement.

« T'es plutôt direct comme mec, tu le sais ça? »

Harry lève les yeux au ciel avant de rire légèrement et de me répondre:

« Ne te fais pas de faux espoirs.

-Je ne peux que me faire de faux espoirs lorsque tu me dis de me déshabiller.

-Qui sait, peut-être que je vais juste vouloir te dessiner?

-Tu ne sais pas dessiner.

-Touché. » Il répond en posant une main sur son coeur.

Je ris en le regardant et Harry finit par se pencher vers moi pour venir déposer un long baiser sur mes lèvres, glissant jusqu'à ma joue et enfin mon oreille où il glisse doucement:

« Toi, tu fais ce que tu veux. Mais, moi, je prends soin de toi. »

Une douce chaleur vient réchauffer mon coeur et je ne peux m'empêcher de sourire, touché, avant que les lèvres d'Harry viennent retrouver les miennes. Tendrement, ses mains glisse sous mes vêtements, caressant d'abord mes côtes tout en contournant mes nouvelles cicatrices pour ne pas appuyer dessus. Les plaies cicatrisent bien, mais ce qu'elles ont laissés plus profondément en moi qui prennent plus de temps à guérir. Lorsque Harry retire mon t-shirt sans cesser de m'embrasser, je vois bien son regard glisser sur mes cicatrices et sur cette nuit qui doit alors lui revenir en tête. La peur de me perdre, l'attente à l'hôpital, la simple idée qu'on m'ait fait du mal, qu'on m'ait vraiment atteint cette fois.

Mais le regard d'Harry retrouve le mien et ses lèvres viennent se poser tendrement dans mon cou en même temps que ses mains caressent mon torse, mes hanches. Il descend ses baisers le long de mon corps, me retirant petit à petit mon pantalon. L'air frais sur ma peau me fait frissonner mais, surtout, je ne peux m'empêcher de gémir de bien être lorsque Harry se met à me masser les jambes, dans une tendresse infinie qui réchauffe instinctivement mon corps. Je le regarde avec un sourire en coin et il me sourit en retour, me volant un baiser avant de continuer son massage. Il fait attention à ne pas appuyer trop fort, il guette chacune de mes réactions pour être sûr de ne pas me faire mal. Il fait attention à moi, tout simplement, lorsque moi je ne le fais peut-être pas assez envers mon propre corps.

Je souris en sentant quelques baisers être déposés sur la peau de mes cuisses. Je peux sentir mon coeur battre vite, beaucoup trop vite, et pourtant ce moment est doux et apaisant à la fois.

Je me sens à ma place.

Au bout de ses lèvres comme au bout de ses doigts.

(Look After You_The Fray)

Harry.

Je crois que Louis n'a pas fermé l'oeil de la nuit. Où peut-être seulement quelques minutes, une petite heure grand maximum. Je l'ai senti bouger dans le lit, dans mes bras, s'excuser en chuchotant à chaque fois que je me réveillais moi aussi pour le regarder. Et il n'y a pas une fois où je ne lui ai pas répété de ne pas s'excuser, surtout pas pour ça. On les connaît tous, ces nuits qui ressemblent qu'à un infini couloir sombre, sans lumière, où les minutes paraissent des heures et où on a l'impression qu'on ne verra plus jamais le soleil se lever. Ces nuits où notre cage thoracique se serre tellement qu'on a du mal à respirer, s'imaginant les pires symptômes alors qu'ils mènent tous à la même conclusion: l'angoisse.

J'ai compris que Louis avait prit sa décision à l'instant où il s'est levé, le souffle court et les yeux cernés. Il m'a regardé et il n'a rien eu à dire de plus. Je le savais déjà.

Il a prit la décision d'avoir le droit à son au revoir.

Je pense qu'il n'y avait pas de bonne ou mauvaise décision. Juste celle dont il avait besoin. Et il a choisit. J'aurais aimé choisir aussi. J'aurais aimé avoir mon au revoir. Je ne l'ai jamais eu et je ne l'aurais jamais. Mais je me demande si ça n'aurait pas été tout aussi douloureux de regarder Aimée dans les yeux en sachant ce qu'elle comptait faire et sans pouvoir la faire changer d'avis. Parce que c'est ce que j'essaie d'accepter aujourd'hui. Que je n'aurais peut-être jamais pu changer les choses. Que ce n'est pas de ma faute, ni celles de mes parents.

J'ai juste dû dire au revoir lorsque c'était déjà trop tard.

Mais peut-être que c'est toujours trop tard lorsqu'on en arrive à dire au revoir.

Peut-être que les au revoir sont les points qu'on laisse à la fin d'une phrase, à la fin d'un livre, même lorsqu'on aimerait tous les remplacer par des virgules pour ne jamais voir la fin arriver, pour continuer de lire jusqu'à en avoir le souffle coupé.

Je sors de mes pensées en voyant Lucia arriver dans la cuisine. Nous sommes actuellement en train de prendre le petit-déjeuner. Enfin, en train de faire comme si. Parce que je suis le seul à manger un peu, une main posée sur la cuisse de Louis sous la table. Ce dernier ne veut rien manger, sûrement l'estomac noué. Il est fatigué, perdu dans ses pensées, mais vient tout de même poser sa main sur la mienne. Parce qu'il sait qu'il peut s'y accrocher.

Victor est déjà parti travailler, seule Jane nous accompagne voir le père de Louis. Elle est assise en face de nous, buvant son café, perdue dans ses pensées également. Le père de Louis était son ami, son plus cher ami, j'imagine que ce n'est pas facile pour elle nous plus d'en être séparé depuis autant d'années. Je ne sais même pas si elle aura le droit de le voir.

Lucia vient s'asseoir à côté de Jane et Louis relève directement la tête pour regarder sa petite soeur. Elle aussi a de grosses cernes. Je crois que personne n'a bien dormi cette nuit. Mais Lucia est forte, très forte. Contrairement à nous, elle ne reste pas dans le silence plus longtemps. Tout en prenant une pomme dans le panier à fruit, elle annonce à tout le monde:

« Je ne veux pas le voir. Mais je vous accompagne, pour Louis. »

Je souris doucement, touché par leur relation. Louis sourit légèrement aussi, touché et triste à la fois. Mais il ne compte pas faire changer d'avis sa soeur juste parce qu'ils n'ont pas prit la même décision. Non, ils ont tous les deux prit la meilleure décision pour eux-même.

« Merci, Lucia. » Dit doucement Louis.

Sa soeur lui répond par un sourire tendre mais on voit bien que cette décision n'a pas été facile à prendre. Lucia ressent beaucoup plus de colère que Louis. Parce qu'elle en veut à son père d'avoir enfermé Louis dans le silence, dans le mensonge, de lui avoir donné autant de responsabilités alors qu'il n'était qu'un enfant. Elle a déjà dit devant moi que c'était à leur père de continuer à les protéger, pas à Louis de se retrouver à être un frère et un père à la fois. Celui qui la protégeait, qui prenait les coups pour elle et qui se tuait au travail pour lui payer cet internat. Tout ça, elle le met sur le dos de leur père et de son arrestation. Une fois, lors d'une crise de nerf, elle a même sorti que la plus grosse erreur de leurs parents était d'avoir fait des enfants. Ce jour-là, Louis n'a pas su quoi répondre. Peut-être qu'il était un peu d'accord avec elle, voir totalement, et ça m'a fendu le coeur d'imaginer un monde sans eux, sans lui.

Lucia voit aussi une psychologue maintenant. Louis s'est rendu compte en vivant de nouveau avec elle qu'elle avait du mal à gérer sa colère. Ce qu'il ne voyait pas forcément comme elle était toujours en internat. Un petit problème devient rapidement un gros à ses yeux et la colère prend toujours le dessus sur la tristesse, un peu comme un moyen de défense. Mais Lucia y travaille, petit à petit.

Et Louis travaille aussi sur le fait d'accepter qu'il n'a pas pu protéger sa soeur des traumatismes du passé. Même s'il l'a protégé de beaucoup de choses, même s'il a tout donné pour elle, ils partagent ces mêmes fantômes qui viennent régulièrement les hanter.

Le téléphone de Louis ne fait que vibrer et, à chaque fois qu'il l'allume, c'est pour voir un nouveau message de nos amis. Il les avait prévenu qu'il irait peut-être voir son père aujourd'hui. Et malgré le fait qu'on se soit levé tôt en plein week-end, ils semblent s'être réveillé aussi pour lui envoyer un message. Tous les prénoms défilent, Liam, Lenny, Charlie, Zayn, Ava, Manël, Niall. Tout le monde sans exception. Louis leur répond avec un léger sourire, alors ça me fait sourire aussi.

J'ai dû mal à imaginer qu'après cet été, notre bande d'amis, notre groupe de soutien, ne sera plus ensemble au quotidien. Ces habitudes qu'on a prises depuis le début de l'année, nos pauses repas, nos week-ends, nos soirées. Ça n'existera plus vraiment. J'espère qu'on continuera de se voir quand même, mais on sait tous que ça sera beaucoup moins qu'avant. Et ça me fait mal de le réaliser.

Mais il y a notre voyage en Angleterre cet été. Ces quelques jours qu'ils m'ont offert à mon anniversaire. On va même retourner là où j'habitais. Là où se trouve la tombe d'Aimée. Elle va voir que je suis parti plus seul que jamais mais qu'il y a maintenant plus d'une personne à mes côtés. Ces personnes que j'aurais tellement aimé pouvoir lui présenter. Elle les aurait adoré. Et ils l'auraient adoré aussi.

« On devrait y aller, on a un peu de route. » Annonce Jane.

Sa phrase est comme une bombe qui résonne pas loin de nous et qui nous fait tous sortir de nos pensées. Je tourne instinctivement la tête vers Louis qui déglutit discrètement en hochant la tête. Puis il lance un regard à soeur qui lui offre un sourire rassurant. Même si, au fond, elle ne doit pas être plus rassuré que lui.

On débarrasse rapidement la table et je trouve que c'est assez ironique. Cette manie qu'on a de faire les choses rapidement, de vouloir voir le temps passer plus vite même lorsqu'on a peur de ce qui nous attend. On dit toujours qu'on préfère que ça passe vite, pour que ça soit derrière nous. On fait comme si on avait pas cette mauvaise habitude de tourner la tête pour continuer de regarder le passé. Parce que, au final, ce n'est pas laisser les choses derrières nous qui est important. Non.

C'est plutôt d'apprendre à arrêter de se retourner.

Après tout, le danger est là.

Lorsqu'on oublie de regarder devant soi.

(Running Up That Hill_Orchestral Version Samuel Kim)

Louis.

C'est comme si mon cerveau s'était déconnecté durant la route. Je n'ai fait attention qu'à la main de Harry sur ma cuisse et aux doigts de Lucia entre les miens. Je n'ai écouté que le bruit des autres voitures sur l'autoroute, ne faisant même pas attention à la musique qui passait à la radio. Un peu comme ce matin avec mon piano. Les notes de musiques résonnaient mais j'étais incapable de dire ce que je jouais.

Et je me demande quelle partie de ma vie je suis en train de jouer maintenant aussi. Toujours assis dans la voiture, mais maintenant garé sur le parking privé de cette prison qui nous surplombe. Jane fume dehors. Je ne savais même pas qu'elle fumait. Peut-être qu'elle ne fume pas d'habitude. Moi j'ai arrêté, mais je crois que je n'aurais pas dit non à une cigarette là maintenant. Mais je me sens incapable de bouger, incapable de sortir.

Actuellement, mon père est en train de se faire interroger par la gendarmerie. Il est en train de témoigner. Il est sûrement en train de découvrir ce qu'il s'est passé aussi. Mais est-ce qu'il sait à quel point il a tout raté? Tout raté de ma vie depuis qu'il est parti? Est-ce qu'il sait que je suis là aussi? A quelques mètres seulement. A quelques pas de mettre fin à des années de distance.

« Louis. » M'appelle doucement Harry, assis à côté de moi.

Je sors de mes pensées pour le regarder et il me sourit doucement, se demandant sûrement ce que je ressens à cet instant. Et j'aimerais le savoir moi aussi. Son regard dévie vers l'extérieur et, en suivant son regard, je découvre des gendarmes maintenant aux côtés de Jane, en train de lui parler. Il y a aussi des gardiens avec eux.

« Je crois que tu vas pouvoir y aller. » Murmure Lucia en regardant à travers la fenêtre de la voiture aussi.

Je sens mon coeur se mettre à battre plus vite, beaucoup trop vite. Je remets tout en question. Ma présence ici. Les mots qui sont coincés dans ma gorge mais surtout dans ma poitrine. J'ai imaginé ce moment durant des années. Je l'ai imaginé à l'instant où j'ai vu mon père se faire embarquer. C'est comme si je redevenais l'enfant en train de pleurer sur le trottoir, se demandant comment les choses allaient se passer maintenant. En sachant au fond de lui que ça ne pouvait que mal se passer.

« Tu peux encore changer d'avis. » Me dit doucement Harry en me voyant complètement figé par l'appréhension.

Mais je secoue négativement la tête. Malgré la peur. Malgré les doutes. Je sais que mon silence ne sera pas totalement brisé tant que je n'aurais pas parlé à mon père. Tant que je n'aurais pas sorti tous ces hurlements, tous ces murmures et tous ces pleurs que je retiens depuis des années, depuis qu'il est parti. Je veux qu'il me voit. Qu'il voit que je suis toujours là. Que j'ai réussi. Que j'ai réussi là où il a échoué. Je ne suis pas devenu comme lui, même si j'ai cru que j'allais finir par sombrer moi aussi. Et c'est sûrement ce que j'aurais fait si je n'avais pas eu Lucia à protéger. Ma soeur m'a dit que c'était à cause d'elle que je subissais tout ça. Mais elle n'a pas compris que, sans elle, je ne me serais pas battu une seule fois. J'aurais quitté ce monde avant même de savoir ce que c'est que l'amour ou l'amitié.

Et mon père doit savoir ça.

« J'y vais. » Je dis alors en voyant Jane tourner la tête vers moi au même moment.

Je me tourne d'abord vers Harry, pour le rassurer d'un regard. Mais je crois que c'est lui qui me rassure le plus en prenant le temps de me prendre dans ses bras, déposant un rapide mais doux baiser sur mes lèvres.

Puis je me tourne vers ma soeur pour l'attirer à moi et la serrer dans mes bras. Elle me serre fort en retour, sa tête plongée dans mon cou et quelques larmes s'échouant sur ma peau.

« Tu es sûre de ne pas vouloir venir?

-Oui.

-S'il me pose des questions sur toi, tu veux que je réponde?

-Il n'avait qu'à voir ça de ses propres yeux. » Elle me répond.

Je pensais être celui qui contient le plus de haine en moi. Mais c'était avant de réaliser à quel point Lucia contient toute cette haine depuis des années. Je dois accepter qu'on a peut-être le même père mais pas vraiment la même histoire. Lucia était encore plus petite lorsque notre père est parti. Elle retient seulement qu'il n'était pas là pour nous voir grandir ou nous protéger. Et je ne peux pas la contredire sur ça. Je respecte son choix. Tout comme elle respecte le mien.

Harry et moi échangeons un dernier regard avant que je ne sorte de la voiture pour rejoindre Jane, la gendarmerie et les gardiens.

« Ils vont t'emmener jusqu'à ton père. » M'explique Jane d'une voix rassurante.

« Vous ne venez pas? » Je demande en fronçant les sourcils.

Jane secoue négativement la tête et je ne sais pas si c'est un choix de sa part ou si elle n'a pas le droit. Je vois juste cette pointe de tristesse dans ses yeux malgré le sourire qu'elle tente de garder pour moi.

« Je lui dirais que si je suis là, c'est parce que son amie a tenu sa promesse. » Je dis doucement.

Ma phrase fait sourire Jane, mais fait échapper quelques larmes de ses yeux également. Je lui offre un léger sourire en retour, un sourire rempli de remerciements. Puis je fais quelques pas pour suivre tout ce monde qui m'accompagne.

C'est lorsque j'entre dans la prison que je réalise que je suis maintenant seul avec moi-même. Et je ne peux m'empêcher de penser à ce que devait ressentir mon père lorsqu'il est arrivé par là aussi. Lorsqu'il savait qu'il n'en sortirait sûrement pas, ou pas avant des années et des années, laissant ses enfants derrière lui avec une mère violente. Comment a-t-il pu se taire sur ça en nous sachant dehors sans lui pour nous protéger? Est-ce qu'il me faisait confiance à ce point? Est-ce qu'il me croyait aussi fort?

Ce sont les questions que je me pose en même temps que j'écoute les consignes qu'on me donne. Je ne répond rien. Je me laisse faire lorsqu'on me fouille, lorsque je passe sous des portiques. Je n'avais de toute façon rien sur moi. Même mon téléphone je l'ai laissé dans la voiture.

« Il vient pour qui? » J'entends un gardien demander à son collègue.

« Stephen Tomlinson. » Répond celui à côté de moi.

Le premier gardien semble surpris de la réponse. Il tourne la tête vers moi pour me scruter en fronçant les sourcils. Avant de dire cette phrase qui me serre le coeur malgré moi:

« C'est la première fois qu'il a une visite. »

Parce que mon père n'avait que nous. Et on avait que lui. En se faisant arrêter, il nous a condamné tous les trois.

« Tu vas être avec Stephen Tomlinson dans une des salles de visite. On sera présents aussi et le prisonnier sera menotté. S'il y a le moindre problème, on est là pour te faire sortir en toute sécurité. »

Le prisonnier. C'est comme si je réalisais pour la première fois que ce mot est assimilé à mon père. Et ils en parlent comme un danger alors que ça a toujours été lui qui représentait pour moi la sécurité.

« C'est bon pour toi, petit? » Me demande le gardien le plus âgé.

Je hoche automatiquement la tête, ne m'étant pas senti aussi vulnérable depuis longtemps. Moi qui garde un masque depuis des années, c'est comme si je le voyais finalement tomber à mes pieds pour dévoiler le visage de l'enfant apeuré que j'ai toujours voulu cacher.

Les gardiens finissent par déverrouiller une grande porte qu'ils poussent ensuite pour me laisser entrer. Je sens qu'ils sont juste derrière moi, et j'en vois même d'autres positionnés à certains coins de la pièce. Je me dis d'abord que ça n'a rien d'intime mais j'oublie rapidement leur présence lorsque je découvre l'homme assis à une table en face de moi, les mains menottés par dessus.

Je me prend une claque. Parce qu'il est comme la dernière fois que je l'ai vu, avec quelques rides en plus et les joues plus creusées. Mais c'est tout. Je l'imaginais négligé avec les cheveux gras et long, mais ce n'est pas le cas. Ses cheveux sont propres et coupés, sa barbe est taillée. Ses yeux bleus et larmoyants se relèvent vers moi et, rapidement, on entend un sanglot résonner. C'est le sien. Mais je crois que c'est le mien aussi.

« Papa. » Je murmure, la gorge nouée.

C'est la dernière chose que je lui ai dit. La dernière chose qu'il a entendu ce soir là. Ce mot que j'ai murmuré depuis le trottoir en le regardant se faire embarquer. J'ai l'impression de retourner des années en arrière. Je me sens petit et fragile. Je me sens triste. Je réalise que, malgré toute ma rancoeur, j'avais besoin de lui. Et qu'il m'a terriblement manqué.

Malgré ses mains menottées, il se lève pour se diriger vers moi. Et je m'avance vers lui aussi. Il tend instinctivement ses bras vers moi mais ne peut pas les écarter. Alors c'est moi qui le fait. Je le prend dans mes bras.

Parce que je fais sa taille maintenant.

Parce qu'il est resté sur le trottoir, l'enfant.

« Louis. » Répète mon père en pleurant contre moi. « Mon fils. »

J'ai l'impression que ma tête va exploser à cause de tous les sanglots qui me traversent et que je n'arrive plus à contrôler. J'ai envie de sourire et de hurler à la fois. Envie de lui dire qu'il m'a manqué et que, bordel, j'aimerais aussi le détester.

Puis il écarte légèrement son visage pour me regarder dans les yeux et me dire à travers ses larmes:

« J'ai eu tellement peur. Ils m'ont interrogés mais refusaient de me dire ce qu'ils s'étaient passé. Ils m'ont parlé de ta mère, d'un certain Matthew, je ne comprenais rien. Puis ils m'ont demandé si ta mère avait déjà été violente envers Lucia et toi et j'ai compris qu'il s'était passé quelque chose et... ils ont parlé de toi... de coups de couteau et...

-Parce que tu ne te doutais pas qu'en nous laissant seuls avec elle il allait forcément se passer quelque chose? » Je le coupe en reniflant.

Mon père s'arrête de parler mais les larmes continuent de couler sur ses joues. Je déglutis et laisse doucement mes bras retomber le long de mon corps. C'est étrange, cette sensation de manque intense et en même temps cette impression de ne l'avoir jamais perdu. Je n'ai pas l'impression que mon père a changé et pourtant c'est le cas. On a tous les deux changés. Nous ne sommes plus les mêmes.

« Est-ce qu'on peut s'asseoir? » Je demande.

Je vois bien que mon père aurait préféré que je ne le lâche jamais, mais il hoche tout de même la tête en me montrant la table à côté de nous. On s'assoit alors l'un en face de l'autre et c'est en sentant mes yeux me brûler que je réalise que je n'ai jamais arrêté de pleurer.

« J'ai fais ce que tu m'as dit. » Je commence en me raclant la gorge.

Mon père relève la tête vers moi et, cette fois, je laisse tout sortir:

« Je ne sais pas si tu as oublié ce que tu m'as dit avant de te faire embarquer, mais pas moi. C'était il y a des années, mais je n'ai rien oublié. Parce que j'étais qu'un gamin et que c'était les dernières paroles de mon père. C'était tout ce qu'il me restait de toi. Tes instructions. Tu représentais la sécurité pour moi. Tu représentais ma seule chance d'avoir une vie meilleure. Sans les coups de maman. Sans la faim, sans la peur. Sans avoir à donner la fin de mon assiette à Lucia en faisant comme si je n'avais plus faim. Sans avoir à me lever en plein milieu de la nuit pour la faire cesser de pleurer avant que maman ne l'entende et ne vienne la secouer pendant que, toi, tu faisais tes trafics dehors. Alors, oui, tu le faisais pour l'argent, pour nous aider, mais je suis désolé de te dire que ce n'est pas le genre de père qu'il nous fallait. Pas le genre de père qui dit à son fils de ne rien dire à la police parce qu'il a peur qu'on soit envoyé dans une famille d'accueil violente comme lui l'a vécu avant alors qu'on était déjà dans une famille violente.

-Comment...

-Comment je sais? Jane. »

Les yeux de mon père s'écarquillent et je déglutis difficilement avant de rajouter:

« Elle aussi, elle n'a pas oublié ce que tu lui avais dit.

-Merci... » Il murmure en s'essuyant le visage.

« Merci? » Je répète dans un rire nerveux.

Mon père relève la tête vers moi, perdu, avant de me répondre peu sûr de lui:

« Je suis soulagé de savoir que vous êtes maintenant en sécurité, Louis. C'est tout ce que j'ai toujours voulu.

-Parce que tu crois que c'est grâce à toi? Putain mais est-ce que tu m'as écouté une seule seconde?! Depuis que tu es parti, j'ai pris tellement de coups que j'ai dû m'arrêter de compter pour juste tenter de me soigner. J'ai dû travailler en plus du lycée pour payer un internat à Lucia afin de la mettre en sécurité parce que notre connard de beau-père lui demandait à onze ans si elle savait ce qu'était le sexe! J'ai dû emmener et aller chercher maman une centaine de fois en centre de désintoxication pour que ça ne change absolument rien mais en regardant ma petite soeur avoir l'espoir à chaque fois de voir sa mère changer! J'ai grandis avec des traumatismes que je n'arrive toujours pas à gérer. J'ai failli rayer l'amour de ma vie à cause de toi et à cause de cette mission que tu m'avais confié alors que c'était à toi de la réaliser! C'était à TOI de nous protéger! J'ai pas eu d'enfance ni d'adolescence et ce sont des choses que je ne rattraperais jamais. J'ai perdu beaucoup trop de fois et j'ai failli perdre ma vie la nuit où Matthew m'a poignardé! Et toi tu dis merci? MERCI? Alors que tout ce que tu mérites de me dire c'est un désolé. Même si ça n'effacera rien de tout ce qui s'est déjà passé. »

Des larmes de rage se mêlent maintenant à celles de tristesse. C'est un beau bordel dans mes yeux et sur mes joues, mais ça ne peut pas être pire que l'intérieur de ma cage thoracique.

Mon père me regarde sans pouvoir s'empêcher de pleurer.

« Tu n'es pas celui qui m'a sauvé, papa. Tu es celui qui m'a mit en danger. »

Celui qui m'a sauvé, c'est la même personne que je vois dans le reflet de ses larmes. C'est moi. Et toutes ces personnes qui ont été là pour moi. Lucia. Harry. Zayn. Mes amis. Jane. Ceux qui étaient là. Mon père n'étaient pas là.

« Je suis tellement désolé. » Il finit par lâcher. « Je suis désolé de ne pas avoir réussi à mettre fin à mes trafics. Je suis désolé de ne pas avoir réussi à vous protéger plus longtemps. Je suis désolé de vous avoir mit en danger. Désolé de ne pas avoir tenu mon rôle de père en refusant de tout avouer à la police ce soir là. Je suis désolé d'avoir pensé à mon passé et à moi au lieu de penser à vous et à votre futur. Je suis désolé de t'avoir laissé te débrouiller seul, Louis. Je suis tellement désolé. J'ai tout avoué aujourd'hui lorsqu'ils m'ont interrogés mais je sais que c'est trop tard, que le mal a été fait, je suis tellement désolé pour Lucia et pour toi. »

Je prends une grande inspiration, les lèvres tremblantes. Il a raison. Même en s'excusant maintenant, le mal est fait. Je m'étais toujours dit que je voulais voir mon père pour comprendre ses choix. Mais je réalise aujourd'hui qu'il n'y a pas grand chose à comprendre. Mon père a agit comme un homme perdu et démuni. Comme un homme avec des fautes. Et non pas comme le super-héros que je pensais qu'il était.

« Mais tu n'es pas venu seulement pour m'entendre m'excuser. » Il reprend soudainement.

Je relève la tête vers lui et me pince les lèvres en secouant négativement la tête.

« Je suis venu te dire au revoir. » J'avoue, la gorge nouée.

Mon père ferme les yeux, laissant les larmes couler sur ses joues. J'espère qu'il sait que je ne fais pas ça pour le punir. Je le fais pour moi. Même si ça me crève le coeur, il fait parti des personnes que je veux laisser derrière moi. Peut-être qu'on se reverra, peut-être pas. Mais je ne peux pas rester dans cet espoir de pouvoir à nouveau compter sur lui. D'attendre qu'il soit sorti.

Sans le savoir, la première chose qu'il m'a apprit, c'est à m'en sortir sans lui.

« Tu as parlé d'amour. » Il lâche après un long silence.

Je fronce les sourcils et il reprend avec un sourire triste:

« Tu as dit avoir failli rayer l'amour de ta vie à cause de moi. Mais j'imagine que c'est pas le cas, du coup?

-Non. Ce n'est pas le cas.

-Comment s'appelle t-elle?

-Harry. Il s'appelle Harry. »

Mon père semble légèrement surpris, mais il ne fait pas de commentaires. Il se contente de sourire sincèrement et j'en profite pour rajouter:

« L'amour n'a rien à voir avec ce que tu me disais. Ça n'a rien à avoir avec une partie de poker où tout le monde représente un adversaire. L'amour n'est pas obligé d'être un danger. C'est vrai que ça peut nous donner l'impression d'être faible, parfois. C'est vrai qu'on prend le risque d'avoir une nouvelle personne à perdre. Mais on peut aussi être une équipe. On peut se retrouver à deux face aux dangers. On peut être plus fort. Et cette personne peut nous prouver qu'elle ne compte pas s'en aller. »

Je prends une grande inspiration avant de terminer:

« L'amour est un risque à prendre. Et j'ai décidé que je n'étais plus à un risque prêt. »

Ma phrase fait sourire mon père. Il hoche lentement la tête, s'essuyant les yeux pour la énième fois malgré les menottes qui restreignent ses mouvements. Puis, en ancrant son regard dans le mien, il finit par me répondre:

« Pour ce que ça vaut, je suis fier de toi Louis. »

Une vague de chaleur traverse mon corps et je prends une grande inspiration avant d'enfin me permettre de sourire légèrement. Puis, tout en essuyant mes yeux à mon tour, je lui dis:

« Tu ne me demande pas de nouvelles de Lucia?

-Si tu ne m'en a pas encore parlé c'est qu'elle ne le souhaite pas, je me trompe?

-Non. » J'avoue dans un murmure.

Mon père se pince tristement les lèvres en hochant la tête et de nouvelles larmes s'échappent de ses yeux.

« Peut-être qu'elle viendra te voir un jour, mais je ne peux pas te le promettre.

-Epargnons-nous les promesses. » Il sourit tristement.

« Tu ne peux pas lui en vouloir.

-C'est à moi que j'en veux, Louis. Je n'en voudrais jamais à Lucia pour ça. Ni à toi.

-Je ne sais pas non plus si je reviendrais te voir.

-Je sais.

-Je vais peut-être partir à San Francisco.

-Pour tes études?

-Si j'obtiens la bourse grâce au football, oui.

-Tu fais du football? » S'étonne mon père en souriant.

J'oublie presque où nous nous trouvons. J'oublie presque les menottes autour de ses poignets et les larmes sur nos joues. Je commence à lui parler du foot, du lycée, de mes notes qui ont augmentées, du groupe de soutien, de mes amis, de Harry, de la famille d'Harry, de ce qu'aime Harry. Je lui parle de Zayn et de sa mère qui m'ont gardé chez eux durant plusieurs semaines. Je lui parle de ce qu'est devenu ma vie aujourd'hui. Et, en la racontant, je crois que je réalise en même temps que lui que, oui, je n'ai eu besoin que de moi pour en arriver là. De moi et de cet amour auquel mon père ne croyait pas.

Sans s'en rendre compte, les aiguilles tournent autour de l'horloge, autour de la montre au poignet d'un gardien, sur le téléphone qu'Harry tient sûrement dans sa main en m'attendant dans la voiture. Le temps passe et pourtant j'ai l'impression qu'il a été mit sur pause le temps de résumer ces dernières années, le temps d'un au revoir que je m'étonne à vouloir prolonger.

« Le temps de visite s'est écoulé. »

C'est la phrase qui nous ramène à la réalité. Nous ne sommes pas dans notre salon, autour d'une table, à jouer au poker et à nous raconter notre journée. Non. Les cartes ont été abandonnées depuis longtemps et, en nous regardant dans les yeux à cet instant, je comprends que la partie est terminée. Il n'y a plus de jeu, plus de stratégie, plus de rancoeur. Mon père fait tapis. Il lâche tout. Même les cartes qu'il aurait pu cacher dans ses manches. Il sait qu'il a perdu depuis bien longtemps maintenant.

Mais je comprends aussi que, depuis le début, c'est moi qu'il voulait voir gagner.

« Louis? »

J'ancre mon regard dans le sien en même temps qu'on se lève tous les deux, l'un en face de l'autre.

« Ne revient pas me voir. Les seules personnes que j'espère voir arriver ici, c'est Matthew et ta mère. Et, tu peux me rendre un service? »

Je ne sais pas si j'ai envie de lui rendre un service. Ça m'étonne même qu'il en demande un. Mais, sur le doute, je hoche la tête. Il sourit alors doucement avant de me dire:

« Ne m'écoute plus jamais. »

Ça me fait sourire doucement. Ça pourrait presque me faire rire malgré tout le drame qui se cache derrière cette phrase.

« Alors je ne t'écouterais peut-être pas lorsque tu me demande de ne pas revenir te voir. » Je lui répond, le coeur lourd.

Les yeux de mon père s'éclairent même s'il sait que ce n'est pas une promesse. On a dit plus de promesse. Mais, malgré tout ça, je l'aime. Je l'aime malgré ses erreurs. Je l'aime malgré le fait que je me sois retrouvé tout seul. Et il m'aime aussi, je le sais. Il n'a pas su nous protéger mais il a essayé. C'est peut-être triste de se contenter de ça mais j'ai aimé ce moment qu'on vient de partager. J'ai aimé lui parler de mes amis, lui parler de Harry. Même si j'ai une nouvelle famille à l'extérieur, je ne suis pas sûr de vouloir faire comme s'il n'en faisait pas parti lui aussi.

Alors peut-être que je reviendrais, peut-être pas.

Mais, en attendant, je ne peux que lui dire:

« Au revoir, papa. »

On se prend dans les bras, nos larmes ne cessant de couler sur nos joues. Des sanglots se coincent dans ma gorge mais aussi dans celles de mon père qui tremble légèrement en me serrant contre lui.

Ses mains menottées sont contre le bas de son ventre et je sens ses doigts se glisser jusqu'à la poche de mon jean. Je fronce légèrement les sourcils, sentant un très léger poids retomber dans ma poche en même temps qu'il murmure dans mon oreille:

« Tapis. »

Je comprends immédiatement de quoi il s'agit. Alors je pleurs encore plus, le serrant un peu plus fort contre moi. J'essaie d'éterniser ce moment jusqu'à ce que les gardiens nous rappellent qu'il est temps de partir.

Lorsqu'on se sépare, je vois deux gardiens attraper mon père par chaque bras pour le ramener dans sa cellule. En même temps que je continue de reculer sans regarder où je vais. Juste pour ne pas lâcher mon père du regard. Il pleure, mais il me sourit aussi. Tapis. Je sais très bien ce que ça veut dire. Il le sait aussi. C'est peut-être la dernière fois qu'on se voit.

Puis les portes se referment devant moi, me laissant comme dernière image le visage de mon père.

Nous faisons le chemin inverse. On me ramène jusqu'à l'extérieur de la prison où m'attendant Jane, Harry et Lucia en dehors de la voiture. Je ne sais même pas combien de temps est passé. Ils tournent tous les trois la tête vers moi en me voyant arriver, inquiets.

Mais moi je baisse la tête vers ma main que je plonge dans ma poche. Je sens l'objet chaud contre mes doigts, me faisant comprendre que mon père le gardait précieusement dans sa main depuis que je suis arrivé. Je souris tristement en sortant l'objet de ma poche pour le regarder.

Un jeton de poker.

Celui qui manquait à ma collection. Celui que, je ne sais comment, mon père a gardé avec lui. Cette nuit-là, avant d'être arrêté, mon père et moi faisions une partie de poker. Il m'avait apprit ça très tôt, ce n'était pas un jeu commun pour un enfant, mais j'adorais ça. Mon père a dû partir précipitamment lorsqu'il a su qu'un de ses dealers arrivait chez nous. Le même dealer qu'il a tué. Dans la précipitation, mon père a gardé dans sa main le jeton qu'il comptait jouer. Et il l'avait mit dans sa poche, me disant qu'il revenait.

Il n'est jamais revenu.

« Tapis. »

Au poker, on fait tapis lorsqu'on joue toute notre mise.

Maintenant qu'il m'a vu, mon père estime qu'il n'a plus rien à perdre.

Voilà pourquoi il m'a donné ce jeton.

Me revoir était la seule récompense qu'il attendait.

Je renifle doucement en rangeant précieusement le jeton dans ma poche. Puis j'avance vers Harry, Lucia et Jane qui s'avancent vers moi également pour rapidement me retrouver. Ils regardent mes yeux brillants et mes joues trempées. Mais ils voient aussi un léger sourire se dessiner sur mes lèvres.

Aucun mot ne sort d'entre mes lèvres mais ce silence là n'a rien d'angoissant. Il est réconfortant. Il est nécéssaire. Comme si ces cris du coeur venaient enfin de s'arrêter. Lucia est la première à s'approcher de moi pour me prendre dans ses bras. Elle ne me pose pas de question sur papa et je sais qu'elle ne m'en posera pas. Elle viendra chercher ses réponses elle-même si elle estime un jour en avoir besoin.

Jane m'offre un sourire ému avant de me demander:

« Comment... Comment il va?

-Mieux maintenant, je crois. » Je réponds.

Jane hoche la tête en souriant tristement puis mon regard tombe dans celui d'Harry qui attend silencieusement, ne sachant pas vraiment quoi me dire. Parce qu'il me connaît. Me demander comment ça va ne servirait à rien. Il le voit dans mes yeux. Ça va et ça ne va pas en même temps. Mais je veux dire que ça ira mieux. Que ça ne peut qu'aller mieux. Mais je soufflerais réellement le jour où le procès sera passé. Et seulement si mon père croire ma mère et Matthew entre les barreaux. Même si je trouve ça injuste qu'ils finissent au même endroit. Pour mon père. Mais ce n'est mon père qu'à mes yeux. Aux yeux du monde, c'est un meurtrier et un prisonnier comme les autres. Et je ne peux pas remettre ça en question.

Les gens qu'on aime ne le sont qu'à nos yeux.

« Je lui ai parlé de toi. » Je dis soudainement à Harry.

Surpris, il me regarde en haussant légèrement les sourcils. Et je sais que je n'ai pas besoin de rajouter quoi que ce soit. J'ai parlé de Harry à mon père. Je lui ai prouvé que, malgré tout ce qu'il s'est passé, mon coeur est encore capable d'aimer. Et bien plus fort que je ne pouvais moi-même le croire.

Harry s'approche pour me prendre à son tour dans ses bras. Et je le serre de toutes mes forces en retour. Mon coeur bat beaucoup trop vite, mais ce n'est pas douloureux cette fois. Parce que je réalise que le silence n'existe plus. Parce que j'entends la respiration d'Harry contre mon oreille, parce que j'entends son je t'aime qu'il murmure contre moi. Parce que je lui murmure les mêmes mots en retour.

Mon père m'a apprit quelque chose depuis petit.

Ne jamais parler durant une partie. Ne jamais montrer ce qu'on ressent.

J'ai pensé durant trop longtemps que la vie devait être menée comme nos parties.

Avec stratégie.

Mais on ne peut pas jouer éternellement.

Et lorsque la partie se termine, je crois qu'il vaut mieux avoir une raison de partir plutôt que de rester.

Parce que les jetons peuvent s'accumuler.

Mais qu'un silence peut finir par nous briser si on décide de le faire trop durer.

Stephen Tomlinson n'en a pas été capable.

Mais Louis Tomlinson, avec un seul jeton, a compris comment mettre fin à une partie.

En renversant la table.

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

SILENCE approche de la fin, plus que trois chapitres environ... Mais j'espère qu'ils vous plairont!

Encore merci infiniment d'être là et d'être à mes côtés pour voir mes petits personnages avancer.❤️

Je vous dis à très vite pour la suite. Pas cette semaine mais l'autre normalement, comme je tourne avec ASTRE!

Plein plein d'amour. Encore merci pour tout.

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