Chapitre 29
Hi! J'espère que vous allez bien?
On se retrouve aujourd'hui pour un chapitre qui est ce que j'aime appeler un chapitre de "transition" donc un un chapitre assez simple mais qui, j'espère, vous plaira quand même! Merci infiniment d'être là. Merci pour vos commentaires et votre soutien. Merci pour tout.
Cette semaine et la semaine prochaine sont deux semaines où je prépare un événement qui m'angoisse particulièrement alors je suis désolée s'il y a moins de chapitres. Une fois l'événement passé, je reviens avec beaucoup de chapitres ainsi qu'une nouvelle fiction d'été qui commencera à être publiée le 1er juillet!
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CHAPITRE 29
« Le silence est un état d'esprit qui devrait faire plus de bruit. » Gaetan Faucer
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(A Part Of Us_Yael Naim)
Louis.
C'est le coeur serré que je me gare devant l'internat de Lucia. Assise côté passager, je la vois baisser la tête en se pinçant les lèvres. Une fois le moteur coupé, je me retourne complètement vers elle et j'ai à peine le temps d'ouvrir mes bras qu'elle vient se blottir contre moi. Je savais que, après ces vacances de Noël ensemble, la séparation allait être douloureuse. Mais c'est encore pire maintenant qu'on a eu cette discussion, cette dispute.
Maintenant que je connais les intentions de Lucia.
Ces prochains mois seront peut-être nos derniers mois de silence. Lucia m'a prévenue, et je n'irais pas contre sa volonté. Une fois notre année scolaire terminée, elle va dénoncer notre mère et notre beau-père, même si ça veut dire pour elle partir en famille d'accueil tant que je ne peux pas prouver que je peux assumer sa garde.
J'y pense tous les soirs depuis qu'on en a parlé. Je ne peux pas la laisser faire ça toute seule. Je dois trouver la force de témoigner à ses côtés. Je dois briser le silence à ses côtés. Parce qu'il faut qu'on nous entende. Même si l'emprise psychologique est là, et que la peur aussi. Ces prochains mois s'annoncent difficiles entre la pression du diplôme de fin d'année, la bourse que je dois décrocher et maintenant cette histoire qui sera sûrement l'épreuve la plus difficile de toutes.
C'est dur de devoir accepter que je me suis battu toute ma vie pour nous faire survivre tous les deux et que, aujourd'hui, ma soeur m'avoue ne plus vouloir que je me batte pour elle. Qu'elle souhaite me voir penser à moi et rien qu'à moi. Mais est-ce que je vais en être capable? Je m'inquiéterais toujours pour elle, c'est ma petite soeur. C'est aussi elle qui m'a fait tenir tout ce temps. Est-ce que je vais être capable d'accepter notre séparation? Comment ça va se passer? Si elle est placée, avec qui ça sera? Et si la famille d'accueil n'est pas à la hauteur? Si on me refuse certaines visites?
Je soupire en serrant un peu plus fort Lucia contre moi. Lorsqu'on se sépare, je peux voir les larmes qu'elle retient aux coins de ses yeux. Mon coeur se serre un peu plus fort. Parce que je sais que ça sera toujours aussi douloureux de me séparer d'elle. Que, tant que je ne pourrais pas vivre avec elle, la douleur sera la même. C'est plus fort que moi, de penser que c'est à moi de la protéger. Nos parents n'ont jamais su le faire, ça a toujours été mon rôle.
-« Tu remercieras encore Zayn et sa mère de ma part. » Elle me dit lorsqu'on sort de la voiture.
Je souris doucement et hoche la tête tout en ouvrant le coffre de ma voiture pour en sortir la valise de Lucia. Le soleil se lève à peine autour de nous et les seuls élèves présents devant l'internat sont ceux qui reviennent des vacances, tout comme Lucia. Les cours ne commencent que dans une heure mais les internes doivent revenir plus tôt pour ranger leurs affaires dans leurs chambres et tout mettre en ordre avant la reprise.
Lucia récupère sa valise d'une main avant d'attraper ma main avec l'autre. Je serre doucement ses doigts et je ferme ma voiture avant de l'accompagner jusqu'au portail où une surveillante en uniforme nous sourit. Nous la saluons poliment et Lucia se tourne complètement vers moi en prenant une grande inspiration.
-« Je vais venir te voir, ok? » Je lui dis doucement en prenant son visage entre mes mains.
Au final, en disant ça, j'essaie de me rassurer moi aussi. Parce qu'on sait tous les deux que beaucoup de travail nous attendent, beaucoup de pression mentale. Je vais beaucoup réviser les week-end et même si Lucia m'a dit de penser à moi, je trouverais toujours du temps pour venir la voir et passer un moment avec elle. Au moins pour la rassurer. Parce que je sais qu'elle a toujours peur d'imaginer Matthew venir me chercher chez Zayn ou n'importe où parce que ça lui manque de me cogner. Ce qui est malheureusement très probable.
-« Tu fais attention à toi, hein? » Elle me demande justement. « Tu ne retournes pas chez Matthew et maman.
-Non, je n'y retourne pas. Zayn et sa mère m'ont dit que je pouvais rester autant que je voulais. Ça me gêne de leur imposer ma présence mais Harry m'a dit que je pouvais passer quelques nuits chez lui si je voulais aussi. Alors, je vais alterner entre les deux, je pense. »
C'est vraiment dur de ne pas avoir de chez-soi. D'avoir l'impression d'être l'intrus à chaque fois qu'on entre dans une maison. Evidemment, je me sens bien chez Zayn et chez Harry. Leurs mères ainsi que le père d'Harry me disent sans cesse que je suis ici chez moi, sans même savoir ce qu'il se passe dans ma famille. Et c'est adorable de leur part, mais c'est faux. Chez-eux, ce n'est pas chez moi. Parce que, chez-moi, ça n'existe toujours pas. Et j'aimerais que ça existe un jour. Pour l'instant, ce qui ressemble le plus à un chez-moi c'est le toit du lycée où je peux m'isoler. Parce que c'est un endroit que je me suis approprié. Comme si j'étais le seul à y avoir ma place. Un peu comme dans les bras d'Harry.
Lorsque la surveillante nous rappelle gentiment que Lucia va devoir rentrer, ma soeur me serre une dernière fois dans ses bras. Je la serre en retour de toutes mes forces. Et, en même temps que sa tête vient s'échouer contre mon épaule, je l'entends me murmurer:
-« J'ai réfléchis et il existe deux autres personnes qui peuvent témoigner des violences de maman et de Matthew. »
Je fonce les sourcils et Lucia garde ses bras autour de moi pour me faire comprendre de ne pas bouger. Qu'on doit éterniser cette étreinte afin qu'elle puisse continuer de se confier. Je lance ion regard en direction de la surveillante qui ne nous regarde plus, qui nous laisse nous dire au revoir tranquillement.
-« Des personnes à qui moi je ne pourrais pas parler en étant à l'internat. » Continue Lucia.
Je comprends directement le sous-entendu. Lucia ne m'oblige à rien mais, si j'en ressens l'envie et le courage un jour, il y a apparement deux personnes à qui je pourrais aller parler pour nous deux. Pour nous aider prochainement.
Je hoche la tête, faisant signe à Lucia de continuer. Lorsqu'elle prononce le nom de la première personne, je m'en doutais.
-« Andy. »
Je repense alors à la dernière fois que je l'ai vu, devant chez Matthew et ma mère. Je n'arrive toujours pas à réaliser sur ce qu'il s'est passé ce soir-là. Il m'a aidé. Il m'a empêché de craquer sous la colère et de provoquer Matthew juste pour me faire casser la gueule en retour. Sachant très bien que je n'aurais pas eu le courage d'aller porter plainte après. J'étais juste à bout après la discussion avec Lucia et c'est comme si je voulais à ce moment-là que toute la douleur que je ressentais au fond de moi devienne physique.
Ce soir-là, pour la première fois, Andy et moi n'étions pas ennemis. Nous étions les deux victimes de l'histoire. Ce que nous avons toujours été. Mais c'est lui qui a voulu créer cette animosité entre nous. Mais s'il me détestait vraiment, il ne m'aurait pas aidé ce soir-là.
-« Je vais essayer de lui parler. » Je dis alors à Lucia. « Et quelle est la deuxième personne? »
Cette fois, j'entends Lucia déglutir avant de me dire avec une plus petite voix:
-« Papa. »
Mon sang se glace. Et pourtant, je m'étonne de ne pas y avoir pensé plus tôt. Sûrement par déni. Pourtant Lucia a raison, notre père sait que notre mère est violente. Il en a été témoins plus d'une fois. Même si elle a réussi à inverser les rôles après le meurtre qu'il a commit. Ils sont tous les deux fautifs, mais mon père ne nous a jamais levé la main dessus. Est-ce qu'on lui donnerait la parole malgré sa place en prison ? Je ne l'ai pas revu depuis des années, depuis qu'il a été embarqué sous mes yeux. D'abord parce que j'étais trop petit, mais ensuite parce que je n'en ai jamais eu la force. Je sais dans quelle prison il se trouve, j'ai entendu ma mère en parler avec les policiers. Mais je ne lui ai jamais rendu visite. La dernière fois qu'il m'a vu, j'étais encore un enfant. Est-ce que je peux lui rendre visite en prison? Au parloir? Quelles sont les démarches à suivre? Qu'est-ce qu'il est devenu? Est-ce qu'il accepterait de m'écouter? Est-ce qu'il essaierait de témoigner en notre faveur?
Est-ce que j'aurais la force de me retrouver face à lui?
Lucia comprend que j'ai entendu, mais je que je ne sais pas quoi répondre. Alors elle me serre une dernière fois contre elle avant qu'on ne se sépare. Sans un mot de plus, je la regarde s'éloigner avec sa valise. La surveillante l'accueil avec un grand sourire et ma soeur retrouve rapidement une amie.
Juste avant de disparaître dans l'internat, Lucia se tourne une dernière fois vers moi pour me faire un sourire et un signe de la main.
Je lui répond de la même façon.
Lorsque j'ai appris à Lucia à marcher, je n'aurais jamais imaginé que ça serait ensuite à moi d'apprendre à la voir s'éloigner de moi.
♦
Mon coeur commence déjà à se réchauffer à l'instant où je toque à sa porte. Il est encore tôt, les cours ne commencent que dans trente minutes et, après cette séparation avec Lucia, j'avais besoin de venir ici. C'est sa mère qui m'ouvre. Son sourire s'attendri en me voyant et elle me lance directement:
-« Bonjour Louis, comment vas-tu?
-Bonjour Amélia, je vais bien merci et vous?
-Ça va merci. »
Je ne sais jamais si la mère de Harry est sincère lorsqu'elle me donne cette réponse. Ça a l'air d'aller mieux, surtout depuis qu'elle est en arrêt maladie et qu'elle va voir une psychologue avec le père de Harry. Mais est-ce qu'on peut vraiment aller mieux après la perte d'un enfant? C'est ce que je me demande à chaque fois que je les vois. Ce que je me demande à chaque fois que je surprend Harry nous observer, Lucia et moi.
-« Harry est encore en train de se préparer. » Reprend sa mère, me sortant de mes pensées.
-« Oh, oui je me doute, je suis arrivé un peu tôt désolé.
-Ne t'excuse pas voyons! Tu n'as qu'à le rejoindre. Si tu n'as pas déjeuné, je viens de faire des pancakes. Tu peux te servir.
-Merci beaucoup. » Je réponds en entrant dans la maison.
C'est à la fois doux et douloureux, de voir à quel point Amélia est presque maternelle avec moi. Honnêtement, j'avais peur qu'elle m'en veuille d'avoir rendu triste son fils le soir de Noël. Harry m'a avoué que ses parents avaient compris que ça avait un lien avec moi et qu'ils ont même finit par en discuter. Et, même si j'étais heureux de savoir que Harry pouvait compter sur ses parents dans les mauvais moments, soulagé de savoir qu'il n'avait pas été seul, j'étais aussi terrorisé à l'idée de revoir sa famille après ça. Mais, lorsque je suis revenu ici pour la première fois après notre presque séparation avec Harry, c'était comme si rien de tout ça ne s'était passé.
Sous les conseils de la mère d'Harry, je pique un pancake que je dévore en même temps que je monte les escaliers. Je me dirige ensuite vers la chambre d'Harry, prenant soin de toquer à sa porte avant d'entrer. Lorsque j'ouvre la porte, je remarque Harry assis sur son lit, en train d'enfiler un t-shirt. Il sourit immédiatement en croisant mon regard avant de me dire:
-« Je me disais bien que j'avais entendu ta voix.
-J'arrive un peu tôt, désolé.
-Tu peux venir quand tu veux. » Il me répond immédiatement.
Je souris doucement avant de m'approcher de lui. Lorsque je m'assois à ses côtés sur le lit, Harry se retourne complètement vers moi avant de se pencher pour m'embrasser. Et c'est tout ce dont j'avais besoin. Tendrement, je glisse ma main sur sa joue pour le garder contre moi et approfondir notre baiser. Et dire que je n'aurais plus eu le droit à ça si j'avais fait un autre choix. Plus de baisers, plus d'étreinte réconfortante, plus de Harry.
Alors que je m'apprête à m'éloigner pour reprendre mon souffle, Harry sourit et me retient pour murmurer contre mes lèvres:
-« Attends, je me fais un stock de bisous comme je ne pourrais plus t'embrasser toute la journée une fois de retour au lycée. »
Sa remarque me fait d'abord doucement rire. Mais, rapidement, la culpabilité vient me ronger de l'intérieur. Parce qu'il a raison. Durant ces vacances de Noël, nous avons été plus proches que jamais. Notre dispute et nos problèmes nous ont encore plus rapproché. Après nos retrouvailles au jour de l'an, on avait du mal à se lâcher même pour quelques minutes seulement. Alors, forcément, le retour à la réalité est assez violent. Déjà que je n'aurais plus Lucia près de moi, je vais devoir jouer les amis avec Harry. En sachant que c'est moi qui nous impose ça.
-« Je suis désolé. » Je ne peux m'empêcher de soupirer en éloignant mon visage de sien.
Je baisse instinctivement la tête mais, rapidement, la main d'Harry vient se poser contre ma joue. Je relève mon regard à ce geste pour tomber dans le sien qui n'est absolument pas accusateur. Au contraire, il est doux et rempli de tendresse. En même temps que son pouce caresse ma joue, il me dit doucement:
-« Je ne disais pas ça comme un reproche. Enfin, bien-sûr que t'embrasser quand je veux va me manquer un peu mais je t'en veux pas de ne pas vouloir afficher notre couple.
-C'est tellement injuste. Tu sais pourquoi je ne veux pas qu'on s'affiche? Parce que je connais très bien les connards du lycée, la moitié se trouve dans mon équipe de foot. Si je veux la bourse, je dois faire aucun faux pas mais je ne pourrais pas me retenir d'en cogner un s'il se permettait de mal me parler de toi ou d'avoir des remarques déplacées. Mais aussi parce que je ne sais pas comment réagirait Andy en l'apprenant. Il le dirait peut-être à son père et ça serait encore pire. Je ne veux pas qu'on s'en prenne à toi au lycée et je veux encore moins que tu sois mêlé à mes histoires de famille si on peut appeler ça comme ça. » Je ris nerveusement sur cette dernière phrase.
J'ai déjà dû me retenir de cogner Tom le jour où il parlait mal de Harry et Lenny, balançant plusieurs rumeurs. Et, quant à Andy, même si je suis maintenant perdu le concernant, je ne sais pas comment il réagirait. Certes il m'a aidé ce soir-là mais il est aussi imprévisible que moi. Je ne veux pas prendre le risque de mêler Harry à tout ça. Mais, contrairement à avant, je donne au moins mes raisons à Harry. Je me confie à lui. J'apprends à communiquer tandis que, de son côté, il respecte mes décisions en acceptant de ne pas trop s'y mêler non plus, même si c'est pour m'aider. Je veux bien accepter son aide, mais sans que ça n'aille trop loin. Il m'aide déjà énormément rien qu'en étant là, en m'écoutant, et en me proposant de passer quelques nuits chez lui pour soulager ma culpabilité d'habiter maintenant chez Zayn.
Harry hoche doucement la tête puis, avec un sourire triste, il ne peut s'empêcher de rajouter:
-« C'est tout de suite plus compliqué lorsqu'on est deux garçons, pas vrai? »
Je soupire en acquiesçant. Malheureusement, je ne peux pas le contredire.
-« Mais je suis fier d'aimer un garçon comme toi. » Rajoute soudainement Harry.
Surpris, je tourne la tête vers lui en souriant tendrement. Et dire que, quand j'ai rencontré Harry, il était celui qui avait le plus de mal à s'exprimer. Il était le plus silencieux de nous deux. Petit à petit, que ça soit avec ses parents, avec le groupe de soutien ou avec moi, je le vois s'ouvrir de plus en plus. Et, moi aussi, je suis tellement fier de lui. Je ne suis pas encore le meilleur lorsqu'il s'agit de m'exprimer, surtout avec des mots, mais j'espère qu'il le comprend lorsque je me penche soudainement pour attraper ses lèvres entre les miennes.
Un silence peut faire énormément de bruit.
Et dans celui qui s'installe durant notre baiser, j'espère que Harry peut entendre à quel point je suis fier d'être amoureux de lui.
♦
(Trust Me_The Fray)
Harry.
Depuis que le cours de mathématiques a commencé, je regarde l'horloge sur le mur. C'est ce que je fais dans toutes les matières, lorsque j'y pense. A mes côtés, Manël est tout l'inverse de moi. Concentrée, elle note tout ce que dit la prof et fait même des exercices à l'avance lorsqu'elle a terminée avant tout de le monde. Je l'admire tellement pour son intelligence, pour son ambition.
Je ne sais pas comment elle fait. Je ne suis pas comment ils font tous autour de moi. Lorsque je les observe, j'ai l'impression de ne pas être dans la même classe. De ne pas être dans la même temporalité. Depuis le début de l'année, je ne fais rien d'autre que regarder les aiguilles tourner. Le temps passe et je n'arrive à rien. Je fais le strict minimum avec aucune motivation. Chez moi, a peine posé devant mes devoirs, j'ai l'impression que toute l'énergie dans mon corps me quitte.
Pourtant le diplôme de fin d'année approche et ça me retourne l'estomac rien que d'y penser. Je n'ai pas envie de passer une année de plus ici, encore moins si c'est pour être sans mes amis et sans Louis. Mais, d'un autre côté, j'ai l'impression que je n'y arrive pas. Que me motiver ne suffit pas.
Et, justement, en même temps que la sonnerie retentit, je vois la prof se rapprocher de moi pendant que tous les élèves rangent leurs affaires et s'en vont. Manël est encore en train de ranger ses affaires lorsque notre prof s'arrête devant moi pour me dire:
-« Harry, tu ne m'a pas rendu les devoirs qu'il y avait à faire pendant les vacances. »
Je déglutis discrètement et détourne le regard. Je croise alors celui de Manël qui se pince les lèvres avant de se pencher pour continuer de ranger son sac. Je soupire discrètement avant d'avouer malgré mon estomac noué:
-« Je ne les ai pas fait. »
Notre professeur de ne me regarde pas avec un air sévère. Et je ne sais pas si c'est parce ce qu'elle connaît mon dossier ou si c'est parce qu'elle apprécie mon honnêteté. Dans tous les cas, je la vois réfléchir quelques secondes avant de me dire:
-« Tes résultats sont inquiétants pour les examens de fin d'année. Je donne des cours de soutien entre midi et demi et treize heures dans cette même salle. Les élèves peuvent venir avec leur repas. Réfléchis-y. »
Je hoche doucement la tête tandis qu'elle rajoute avant de s'éloigner:
-« Je te donne une semaine de plus pour me rendre les devoirs des vacances.
-Merci madame. »
Je la regarde s'éloigner avant de soupirer en rangeant mes affaires. Manël, qui était donc à côté, a tout entendu. Lorsque je relève la tête, elle m'offre un sourire réconfortant avant de me suivre jusqu'à la sortie de la classe. Il est midi et c'est la pause déjeuner alors on traverse les couloirs pour rejoindre les autres à la cafétéria.
-« Je ne veux pas être trop indiscrète et tu n'es pas obligé de me répondre mais... Est-ce que le problème c'est les mathématiques? » Ose me demander Manël pendant que nous marchons.
-« Toutes les matières sont un problème. » Je lui avoue en soupirant. « J'ai pas toujours été comme ça. Enfin, j'ai jamais été très bon mais je n'avais jamais été très mauvais non plus. Le pire c'est que, parfois en regardant mes devoirs, je sais qu'il y en a certains que je suis capable de faire mais c'est comme si je ne trouvais pas la force de me concentrer. Et c'est pareil en cours. Je pense trop et je finis par réaliser que je n'ai rien écouté, que je ne suis plus.
-Qu'est-ce que tu veux faire après le lycée? » Me demande soudainement Manël.
En même temps qu'elle me pose cette question, je m'arrête de marcher sans même le réaliser. Un peu comme si sa question était un mur qui se matérialisait sous mes yeux. Et c'est le cas, je crois. Parce que la seule réponse qui me vient est:
-« J'en sais rien. »
J'en ai aucune idée. Je n'arrive pas à me voir plus loin que demain. J'ai du mal à me projeter et c'est comme si je n'aimais rien assez fort pour que ça devienne un choix d'avenir. J'ai l'impression que rien ne me passionne. Que aucun métier ne me donne envie. Manël, elle, est passionnée par le droit et la politique. Ça l'anime. Elle veut révolutionner le monde.
-« T'es pas obligé d'avoir la réponse maintenant, tu n'as que dix-huit ans. T'as toute la vie pour trouver ou pour changer d'avis. Même si certains profs veulent te faire croire que tu n'as que quelques mois pour trouver. Ils oublient de nous préciser que c'est ok de ne pas savoir tout de suite, de se tromper ou de changer d'avis. »
La réponse de Manël est comme une vague de soulagement. Et, justement, elle est aussi passagère qu'une vague qui s'échoue à nos pieds. Elle disparaîtra bientôt et mes angoisses seront de retour mais, à cet instant, j'apprécie entendre quelqu'un me dire ça pour la première fois.
-« Je vais t'aider pour les cours de maths. On pourrait même faire quelques exercices ensemble en s'appelant?
-Vraiment? Ça te dérangerait pas?
-Bien-sûr que non! Ça fait plusieurs fois que je te dis que je peux t'aider pour les cours, Harry.
-Merci beaucoup. » Je lui réponds sincèrement.
Manël me sourit avant de venir enrouler ses bras autour du mien, me serrant contre elle. Je ris doucement à son geste avant de poser ma main sur la sienne qui tient mon biceps. Au même moment, une personne arrive soudainement derrière nous pour nous séparer. On tourne la tête en même temps pour voir Lenny qui passe un bras autour des épaules de Manël puis l'autre autour des miennes. Il nous serre contre lui pendant qu'on se remet à marcher en direction de la cafétéria.
-« T'as l'air bien content pour un jour de rentrée. » Je lui fais remarquer.
Il sourit encore plus fort en hochant la tête alors qu'on échange un regard perdu avec Manël. Lenny nous regarde à tour de rôle avant de rire et d'enfin nous avouer:
-« Je crois que j'ai vécu un énorme coup de coeur pas plus tard que ce matin en me rendant à la bibliothèque du lycée. Je vous explique. J'allais rendre le livre que j'ai emprunté pour mon cours de français et la dame du CDI m'a demandée d'aller le ranger à sa place. Sauf que j'ai même pas eu le temps de faire quelques pas qu'un garçon m'a demandé s'il pouvait avoir le livre que j'avais entre les mains. Lorsque j'ai croisé son regard, j'ai eu l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Et c'est finalement lui qui m'a sourit en me disant qu'il était le voisin de mon oncle. Et là je me suis souvenu de la phrase qu'a sorti mon oncle le jour de Noël. Vous saviez que le fils du voisin est PD? Je lui ai alors répondu que c'était pas une chance d'avoir mon oncle comme voisin et il m'a répondu que ça ne devait pas être une chance de l'avoir comme oncle non plus. On s'est sourit quelques secondes avant qu'il ne me redemande s'il pouvait avoir le livre du coup et je lui ai donné en bafouillant un bien sûr. Bordel, j'aurais dû lui répondre, je peux avoir ton numéro en retour?
-Un peu trop direct. » Je commente.
-« Un peu trop direct, je te l'accorde. » Me répond Lenny. « Mais je l'ai laissé partir sans même savoir son prénom!
-Au moins tu connais son adresse. » Relativise Manël.
-« Pourquoi ils ne mettent jamais les prénoms des enfants sur les boîtes aux lettres? » Râle dramatiquement Lenny.
On rit tous les trois en même temps que nous arrivons à la cafétéria. Alors que Lenny étire son cou dans tous les sens pour voir s'il ne trouve pas son nouveau coup de coeur, je remarque rapidement le reste de notre groupe à une table. Louis relève la tête en nous voyant entrer dans la cafétéria et il me fait un sourire qui me fait regretter de ne pas pouvoir l'embrasser là maintenant. Lenny, Manël et moi passons rapidement au self pour récupérer nos plateaux. C'est Zayn qui s'occupe de servir le repas alors on le salue en le croisant, lui disant qu'on le voit ce soir au groupe de soutien de toute façon.
Lorsqu'on rejoint enfin les autres à la table, Lenny s'empresse de s'asseoir en face de Charlie pour lui parler de sa rencontre dans la bibliothèque. A côté de Charlie se trouve Niall qui sourit en écoutant aussi le récit de Lenny. Liam, lui, semble faire un exercice au dernier moment tout en mangeant tandis que Ava lance plusieurs regards et sourires à Zayn qui lui rend tout en travaillant. Manël s'installe à côté de Ava tandis que, moi, je me retrouve à côté de Louis qui se tourne vers moi en souriant.
-« Regarde. » Il me dit directement en me tendant trois feuilles.
Je fronce d'abord les sourcils avant de réaliser qu'il s'agit de trois contrôles datant d'avant les vacances. On a dû lui rendre ce matin. Et il n'a que de bonnes notes. Je ne peux m'empêcher de sourire, fier de lui. Louis travaille comme un acharné chez Zayn. Il fait tout pour décrocher cette bourse où il doit être aussi bon au foot que dans son travail.
-« C'est mérité. » Je lui répond en souriant.
A ce moment là, j'évite de sortir les contrôles que j'ai dans mon sac et qui n'ont aucune note au dessus de la moyenne. A cette pensée, je repense à la discussion que nous venons d'avoir avec Manël et je les coupe tous dans leurs discussions pour leur demander en plein repas:
-« Vous savez ce que vous voulez faire après le lycée? »
Ils arrêtent tous leurs occupations pour tourner la tête vers moi. Louis semble le premier surpris à m'entendre poser cette question. Mais nous tournons rapidement la tête vers Lenny qui est le premier à répondre:
-« Je veux travailler au CDI pour pouvoir parler à joli voisin. »
On rit tous et Lenny finit par reprendre:
-« Plus sérieusement, je pense me tourner vers le diplôme d'éducateur. Aider les jeunes dans le besoin ou les personnes handicapés. Le groupe de soutien m'a encore plus donné envie d'aider les autres. »
Je hoche la tête avant de regarder Manël qui dit comme depuis le début de l'année:
-« Je pense toujours postuler pour une Université de droit et sciences politique.
-Moi je vise les sciences tout court. » Intervient Niall. « J'aimerais bien travailler sur le VIH, pour une raison évidente. » Il tente de plaisanter sur les derniers mots.
Charlie lui sourit doucement tout en se penchant pour lui embrasser la joue. Ça me fait sourire et je ne peux m'empêcher de lancer un regard à Louis qui me regardait déjà. Est-ce qu'il comprend à quel point je les envie? Est-ce qu'il les envie aussi?
-« Je compte envoyer ma candidature dans une Université pour faire science de l'éducation, personnellement. J'aimerais être professeur des écoles. » Nous avoue Charlie.
-« Je te vois tellement bien poser des petites pommes rouges sur les bureaux des élèves pour la rentrée. » Pouffe Liam.
-« Ils préféreraient avoir des sachets de bonbons, si tu veux mon avis. » Répond Ava. « Mais t'as du courage pour vouloir travailler avec des monstres. »
Charlie rit et secoue la tête alors que Liam nous dit:
-« Moi j'ai décidé de passer les formations pour devenir pompier volontaire et ensuite passer les concours pour devenir pompier professionnel. Pas d'études pour ma part.
-Pas d'études pour moi non plus. » Répond Ava avant de croquer dans sa pomme.
Voyant qu'elle ne rajoute rien, je ne peux m'empêcher de lui demander:
-« Tu comptes faire quoi alors? »
Ava ancre son regard dans le mien avant de hausser les épaules.
-« J'en sais rien. J'ai essayé d'aller voir la conseillère d'orientation mais ça m'a pas donné plus de réponse. Je sais pas ce que je veux faire plus tard donc, après le lycée, je pense que je vais chercher du travail histoire de mettre de l'argent de côté puis je verrais plus tard. Peut-être que l'envie de faire des études me viendra, peut-être pas. Je me dis que des opportunités finiront bien par s'offrir à moi. On sait pas de quoi demain est fait. On va grandir, on va mûrir. Je vais déjà apprendre à me connaître moi-même avant de chercher à connaître mon avenir. »
Le discours de Ava est comme une claque. Mais, le pire, c'est qu'elle le dit d'un air si détaché que je crois qu'elle ne se rend même pas compte que c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre.
Entendre quelqu'un normaliser le fait qu'on est pas obligé de savoir quoi faire après le lycée. Que les études ne sont pas une obligation. Que notre monde ne va pas s'arrêter de tourner parce qu'on a pas trouvé ce qu'on compte faire dans un an. Un an c'est beaucoup mais c'est rien en même temps. Ce qu'on décide de faire cette année sera peut-être à des années lumières de ce qu'on fera dans quarante ans.
Le monde tourne. On grandit, comme le dit Ava. Tout évolue autour de nous, sans cesse, et on évolue avec. Même lorsqu'on a l'impression d'être coincé sur place. On évolue chaque seconde qui passe.
-« Après, avec un peu de chance, je gagne au loto et on en parle plus. » Plaisante Ava.
On rit tous à sa remarque jusqu'à ce que Niall demande en regardant Louis:
-« Et toi Louis, tu veux faire quoi? »
Ce dernier s'étire sur sa chaise tout en semblant réfléchir. Mais c'est pourtant comme une évidence qu'il répond:
-« Je veux faire du foot, déjà. Avoir ma bourse pour pouvoir intégrer une Université où je ferais et étudierais le sport. Je pense qu'être prof de sport dans un établissement scolaire pourrait me plaire aussi, ou être coach pour les petits.
-Je t'enverrais mes élèves pour que tu les calme avant que je leur fasse cours. » Lui dit Charlie.
Ils rient tous les deux et c'est finalement Liam qui me pose cette fameuse question à mon tour:
-« Et toi du coup, Harry?
-Je sais pas. » Je réponds directement avec un sourire pincé. « Je sais pas du tout. »
Liam m'offre un sourire désolé, comme s'il avait peur que je lui en veuille de m'avoir posé la question. Mais je le rassure avec un sourire à mon tour avant de baisser la tête pour prendre une bouchée de mon repas.
-« C'est pas grave, tu sais. » J'entends soudainement Lenny intervenir.
-« Ouais, c'est pas grave si tu sais pas ce que tu veux faire. » Continue Niall.
-« On gagnera au loto ensemble et on ira faire le tour du monde pendant que les autres feront leurs devoirs. » Me dit Ava avec un clin d'oeil.
Sa remarque me fait sourire et Manël continue en me disant:
-« S'il faut, nous on sera perdu dans deux trois ans. Tout peut changer si vite dans la vie. »
Ça, j'en suis malheureusement très conscient.
-« Je pense que le plus important c'est de faire quelque chose qui nous donne envie de se lever le matin. De ne pas subir la journée. » Dit Liam.
-« Puis, c'est pas grave de prendre aussi un certain temps pour se sentir bien. C'est pas être fainéant que de penser à sa santé mentale, par exemple. Tu peux aussi prendre une année sabbatique si tu as besoin de temps. C'est pas une course. » Me dit Charlie avec un sourire rassurant.
-« Merci. » Je leur répond à tous.
Parce que je ne sais pas quoi dire d'autre à part merci. Je me suis bousillé le cerveau durant toutes les vacances en pensant à un potentiel avenir. Je sentais encore mon estomac se nouer tout à l'heure en traversant les couloirs après ma discussion avec la prof. Je me sens déjà plus léger à l'idée de me fixer qu'un seul objectif pour le moment. Avoir mon diplôme. Pour la suite, j'y penserais plus tard. J'ai énormément de retard à rattraper mais Manël veut bien m'aider et peut-être que certains profs le voudront aussi, comme la prof de maths. Je ne dis pas que la motivation me vient soudainement, ça serait trop facile, mais on va dire qu'un petit poids vient d'être retiré de mes épaules.
Alors que les autres se remettent à manger en parlant de tout et n'importe quoi, je sens soudainement une légère pression contre mon genoux. Surpris, je baisse la tête pour voir la main de Louis sur ma jambe, cachée par la table. Lorsque je relève la tête pour le regarder, il me sourit tendrement, son regard passant sur mes lèvres comme un doux supplice. Je me pince les lèvres dans un sourire avant de discrètement passer ma main sous la table à mon tour pour venir frôler ses doigts avec les miens.
On se sourit doucement tous les deux et Louis secoue la tête, comme pour chasser certaines envies. Il finit par se concentrer sur ce que disent les autres mais sa main n'a pas bougée.
Alors mon sourire n'est pas prêt de s'effacer.
...
J'espère que ce chapitre vous aura plu...?
Comme je sais que beaucoup passent le BAC en ce moment je voulais partager un petit chapitre qui parle de la peur de l'avenir. Je vous envoie plein d'amour et de courage. C'est ok de ne pas toujours savoir ce qu'on veut faire! Je crois en vous quoi qu'il arrive.
Encore merci infiniment pour tout. L'action revient petit à petit dès le prochain chapitre avec le retour des réunions du groupe de soutien, Andy...!
Toujours beaucoup d'amour aussi pour Harry & Louis.
Je vous dis à très vite pour le chapitre 30!
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