Chapitre 9
-Elle refuse de manger, pour l'instant. J'ai entendu une infirmière chuchoter qu'elle pourrait être transférée au secteur psychiatrique si elle continuait à ne pas s'alimenter. Elle ne parle à personne, même pas à Léa ou à Charlotte. Même Adrien a essayé, mais pas moyen.
C'est ce que je craignais.
Emilie ne veut pas entendre parler de nouveau ou de changement. Alors se dire qu'elle doit reconstruire sa vie entière n'est pas surmontable.
Je m'en doutais et pourtant j'espérais qu'elle se batte, malgré tout.
-Si tu me demandes une idée, je n'en ai pas tellement Rob'. Fin, peut-être mais j'aurais peur d'empirer les choses.
-Dis toujours, je peux te donner mon avis.
-Tu sais, cette vidéo qu'on a passé des heures à faire, pour ses dix-huit ans ? Tu pourrais peut-être la lui montrer ? Pour lui faire comprendre qu'elle n'est pas seule ? Oh ne me regarde pas comme ça, je sais que c'est stupide, je te l'avais dit.
Sa bouche se referme et il a l'air songeur.
-Non, ce n'est peut-être pas si mauvais que ça. Je mettrai les sous-titres, pour dire d'atténuer le choc de ne pas nous entendre. Je vais essayer, mec.
Il pose une main sur mon épaule et s'en va, sûrement demander à Charlotte de lui mettre la vidéo sur clé USB.
Peu après, Adrien rentre dans ma chambre et s'assoit sur la chaise à côté de mon lit, sans m'adresser la parole. C'est la première fois que je le vois depuis plus d'une semaine.
-Je ne pouvais pas te voir.
Je fronce les sourcils et attend une explication, sans broncher.
-C'est elle qui souffrait et toi tu te plaignais d'être triste pour elle et d'avoir peur qu'elle ne te le pardonne pas. Mais j'ai compris tu sais. Je me suis mis à ta place, pour la première fois depuis l'accident et je suis en train de me dire que je ressentirais la même chose. En bref, je suis désolé d'être un gros con.
Un faible rire s'échappe de ma bouche après qu'il se soit insulté et je hoche la tête, pour lui faire comprendre que l'histoire est réglée.
-Je m'en suis rendu compte. De l'importance qu'elle avait dans ma vie. C'est dingue ça, je suis tellement stupide de ne pas l'avoir vu avant mais c'est comme ça. Et j'ai envie de lui dire, que sourde ou pas, ça ne la change pas.
Il est adorable dans toute sa maladresse et je pense qu'elle aimerait savoir tout ça.
-Tu devrais lui dire.
-Mais comment ?
-Mec, ce n'est pas parce qu'elle est sourde qu'il n'y a pas d'autre moyen de communication. Crée toi une putain d'adresse mail et explique lui enfin ce que tu ressens. Peut-être que ça la fera manger un peu.
-Et toi ?
-Quoi, moi ?
-Pourquoi tu n'essaies pas de lui dire ce que tu ressens ?
-Parce qu'elle ne veut pas le savoir.
Le barrage de ses bras et le cri qu'elle a poussé quand j'étais à moins de deux mètres d'elle me revient et je repousse ce moment en secouant la tête.
-Merci, en tout cas.
Je souris à moitié et regarde mon portable, qui vient de vibrer.
« La vidéo est prête et je la sous-titre ce soir. On la lui montre demain matin, tu peux venir si tu veux »
Et tout gâcher ? Non merci, Robin, je pense que je vais m'en passer. Mon idée a malgré tout du être approuvée par Léa et Charlotte et ça me remonte un peu le moral.
Demain est un autre jour, me dirait l'infirmière.
Et moi, j'espère juste qu'à la même heure demain, une part d'Emilie nous sera revenue.
C'est tout ce que je veux.
C'est tout ce que j'espère.
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