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- Voilà le topo : la base est quasi imprenable, à cause de tous les Traqueurs qui rôdent. Si on attaque de front, c'est la défaite assurée. Il va falloir être malins.
- C'est ce qu'on fait depuis le début, Sacha, je fais remarquer lassement. On a déjà tenté le coup deux fois. On a échoué deux fois.
- Tu sais ce qu'on dit... jamais deux sans trois, intervient Jojo avec un clin d'œil.
Je rêve ou il prend ça à la légère ? Sacha a déteint sur lui... et pas en bien.
Rassemblés dans le salon, nous tentons d'élaborer un plan qui tienne la route... pour une fois. La différence, c'est que nous avons un atout majeur, cette fois-ci : l'accès aux dossiers informatiques du professeur Croix. Certes, on ne peut rien en faire, mais nous avons au moins l'avantage de pouvoir étudier toutes les informations qu'il a récoltées sur chacun d'entre nous.
Nous avons par exemple découvert que toutes les personnes recrutées ont été pucées... même les apprentis. Je suppose que face à la menace que nous représentons, le professeur Croix a voulu se préparer et accélérer le processus. Je m'en veux un peu de savoir que tous ces gens que j'ai côtoyés lors des entraînements ont été pucés par ma faute. Mais l'heure n'est pas aux remords. On s'occupera de leur cas plus tard.
Par contre, nous avons déniché une information intéressante : Terminator - vous savez, le sergent instructeur fan de Forrest Gump - n'est pas sous l'emprise d'une puce. C'est d'ailleurs sûrement le seul. Sans crier victoire trop vite, nous pensons tout de même pouvoir le rallier à notre cause - et, vu le bonhomme, ce serait un sacré plus.
En attendant, nous en sommes toujours à la phase de l'élaboration du plan et nous peinons à avancer. (Je jure qu'une fois toute cette histoire terminée, je ne m'impliquerai plus dans quoi que ce soit qui exige un plan. Plus jamais.)
- Qu'est-ce que tu proposes, Sacha ? demande James en ignorant son fils.
Mon frère fait mine de réfléchir pendant quelques instants avant de s'exclamer d'une voix tonitruante « Je sais ! ». On croirait presque voir une ampoule s'éclairer au-dessus de sa tête.
- Ça va vous paraître stupide.
- Dis-nous ce qu'il en est, on jugera ensuite, répond James.
- Nous pourrions nous déguiser.
Un silence d'incompréhension s'installe dans la salle. Qu'est-ce que c'est que cette idée ? Il s'est cru au carnaval ?
Devant les mines hébétées que nous affichons, mon frère explique son idée.
- On pourrait se faire passer pour des Traqueurs. Nous n'aurions alors aucun mal à s'infiltrer dans la base.
Nous nous taisons tous le temps de méditer son idée. J'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. C'est un peu fou. Mais c'est aussi la seule idée que nous ayons.
- Mais où trouverions-nous des tenues de Traqueur ? finit par demander Jessie.
- On pourrait les piquer aux gardes qui surveillent l'entrée, suggère Charlie.
- Ça pourrait marcher... déclare James, pensif.
Sacha acquiesce doucement en réfléchissant.
- Si je comprends bien, ce que vous proposez, c'est qu'on arrive au QG en prenant les gardes par surprise. On les assomme, on leur vole leurs uniformes et on rentre en se faisant passer pour des Traqueurs.
- Exactement.
Avant que je puisse poser une question, Nick me devance.
- Est-c'que l'fou furieux sait qu'le gamin a été dépucé ?
Mon cerveau enclenche la traduction automatique - j'ai encore un peu de mal avec la façon dont il s'exprime - et je comprends qu'il demande si le professeur Croix est au courant que Jojo n'est plus sous son emprise. La réponse est non. Et c'est une très bonne nouvelle. Parce que ça signifie que ce sera d'autant plus facile de s'introduire dans le QG.
- Eh ben, l'voilà, not'plan ! s'exclame joyeusement Nick.
- Vous voulez que je fasse croire que je suis toujours sous contrôle pour qu'on puisse se faufiler tranquillement à l'intérieur ? déclare Jojo, sceptique.
Aïe... S'il ne marche pas avec nous et qu'il ne se pense pas capable de jouer la comédie, ça va être plus compliqué que prévu. Mentalement, je prépare tout un discours pour le convaincre au cas où il refuserait, mais il est plus rapide que moi.
- J'en suis !
... Ce garçon ne cessera jamais de m'étonner. Mais je ne vais pas me plaindre. Il se sent d'attaque pour suivre le plan à la lettre, alors nous n'avons aucune chance d'échouer.
Enfin... en théorie.
***
- Répétons une dernière fois : Jessie et moi attaquons les gardes par surprise pour leur dérober leurs uniformes. Après quoi, Joe, tu entres en scène avec Melody et Sacha en faisant croire que tu les as capturés pour les ramener. Nick et Charlie, vous restez en retrait au cas où les choses tournent mal. Ne leur dévoilons pas toutes nos cartes d'un coup.
C'est drôle, James s'est tout de suite imposé comme le chef de notre groupe. Personne ne s'y est opposé, d'ailleurs. C'est venu de manière naturelle. En tout cas, il a bien fait, car il supervise drôlement bien notre petite troupe. Sans lui, je pense que l'organisation serait légèrement plus... bancale.
Comme l'a expliqué James, Jessie et lui seront les premiers à sortir du véhicule. Leur mission (si toutefois ils l'acceptent) consiste à mettre KO les deux gardes que nous avons repérés à l'entrée, puis à voler leurs tenues d'empereur Sith afin de se faire passer pour eux. Ensuite, c'est Jojo, Sacha et moi qui descendrons pour arriver devant l'entrée, où Jojo prétendra nous avoir arrêtés. Si tout se passe bien, nous devrions pouvoir entrer sans problème. À l'intérieur, notre trio se dirigera vers le laboratoire du nain moustachu tandis que les parents de Jojo feront un détour par la cour intérieure, où nous savons de source sûre - les dossiers informatiques - que Terminator se trouvera. Ils tenteront de le convaincre de rejoindre nos rangs. Nous pensons qu'il n'est pas au courant que tous les jeunes qu'il entraîne deviennent des meurtriers. Ce sera notre argument principal : la culpabilité. (J'avoue, c'est moche, de faire ça. Mais on en a besoin.)
Quant à Jojo, mon frère et moi, eh bien... nous jouerons notre comédie au professeur Croix le temps que les adultes reviennent. En d'autres termes, nous servons d'appât.
Reste à savoir si notre jeu d'acteur sera à la hauteur...
Nous nous trouvons tout près de la base. À une centaine de mètres, je dirais. En apercevant la grande bâtisse grise (qui ressemble davantage à une prison qu'à un centre d'entraînement, si vous voulez mon avis), nous avons coupé le moteur le temps de tous nous préparer pour notre plan d'attaque.
Tandis que Sacha offre un adieu mélodramatique à Charlie qui fait mine de le repousser - alors que je sais très bien qu'elle adore les petits sketches de mon frère -, je me prépare en enfilant les menottes que vous avons trouvées à l'arrière du van volé. (La chance a voulu qu'une deuxième paire s'y trouve aussi - nous la passerons à Sacha une fois qu'il aura fini son numéro.) Sans dire un mot, Jessie et James font de même, empoignant leurs massues de fortune, et Jojo est assis seul dans un recoin du camion. Je suppose qu'il se prépare mentalement. Il faut dire que nous appréhendons tous un peu à l'idée de retourner dans cette forteresse dont nous avons réussi à nous échapper in extremis. Surtout pour y affronter un nain totalement barjo.
- On y va.
Tout le monde relève la tête à l'annonce de James.
- Nous ne devrions pas en avoir pour très longtemps. Les enfants, ajoute-t-il à notre intention, on se voit d'ici deux minutes.
- Bonne chance, papa. Toi aussi, maman.
- Revenez en un seul morceau, je dis, ce qui leur arrache un sourire.
Ils nous lancent tous deux un dernier regard avant d'ouvrir la porte et de la refermer une fois dehors. Immédiatement après, Jojo se met à remuer la jambe très rapidement. Tic ou réaction nerveuse, je sens qu'il n'est pas bien. Je ne sais pas si je lui serai d'une grande utilité, mais je m'assieds à côté de lui dans l'espoir de le rassurer ou, au moins, de lui apporter un peu de réconfort.
Je pose une main amicale sur son dos. Surpris par mon geste, il s'arrête de bouger. Il se tourne vers moi et son visage traduit une anxiété immense.
- Eh, ça va aller. Ils sont forts. Et puis, c'est nous qui avons la partie la plus difficile du plan.
Cette remarque le fait sourire.
- C'est vrai, quoi. C'est nous qui faisons le plus dur. Je vais être obligée de me faire passer pour une prisonnière !
- Et moi, je vais être obligé de me faire passer pour un Traqueur... je pensais être débarrassé de ce rôle, mais pas pour très longtemps, visiblement, répond-il avec un petit rire.
Nous nous sourions tous les deux, plus ou moins rassurés. Moi aussi, j'ai peur. Autant que n'importe qui d'autre. Mais je n'en laisse rien paraître. Parce que le plus important est de sauver mes parents et de détruire le nabot et son armée de clones.
Le silence est seulement perturbé par Sacha qui continue ses bêtises et par le bruit des touches de l'ordinateur de Nick. Étant donné que nous sommes beaucoup plus près de la base qu'avant, il tente de hacker le système d'ici. Honnêtement, je pense que c'est une perte de temps. Mais si ça lui permet de se sentir utile et d'évacuer son stress, autant le laisser faire.
- Sacha, arrête un peu de faire l'idiot et viens te préparer.
Pour toute réponse, j'obtiens un grognement mi-agacé, mi-amusé.
- Tout de suite !
Il râle un peu mais me rejoint finalement et passe les menottes - après avoir volé un baiser à Charlie, bien sûr.
- Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre...
Une minute passe.
Puis deux.
Puis trois.
L'anxiété monte en nous tous alors que Jessie et James tardent à revenir. Jojo est sur le point d'exploser. Ses deux jambes sont maintenant prises de tics nerveux, et je sais que rien que je pourrai dire ne le calmera. Je croise mes doigts, mes mains, mes doigts de pieds et mes jambes en espérant que rien ne leur soit arrivé.
Alors que la tension dans le camion est à son comble, la porte s'ouvre dans un grand fracas.
- Mission accomplie ! s'exclame une Jessie tout essoufflée.
- Et sans aucune égratignure, acquiesce son mari.
Doté d'une énergie nouvelle, Jojo bondit de son siège et se jette dans les bras de ses parents. Comme lorsqu'il les avait retrouvés dans les cellules. Ça me fait chaud au cœur. J'espère bientôt pouvoir faire de même...
Sacha semble avoir saisi mon envie mêlée d'inquiétude, car il me prend les mains et me souffle un mot d'encouragement du style « Bientôt, ce sera nous. Promis ».
- À vous de jouer, maintenant, nous lance James.
Là, c'est moi qui suis prise de tics nerveux. Je parviens pourtant à me lever et à me diriger vers la porte restée ouverte. Quant à Sacha, il a été capturé par les bras de Charlie qui lui fait promettre d'être prudent. Quand je vous disais que ce n'était qu'une façade.
Une fois que nous avons échangé de brefs saluts à Nick qui est plongé dans l'écran de son portable, nous sortons tous les trois du van, Jessie et James en tête. Ils se dépêchent d'aller se placer de part et d'autre de l'entrée - immense porte en métal - avant que Jojo, tenant d'une main les menottes de Sacha et de l'autre les miennes, n'y arrive.
Devant l'imposante porte, nous marquons une pause. Le temps de nous préparer avant de sauter à pieds joints dans la gueule du loup.
- Vous êtes prêts ? nous souffle-t-il.
Sacha et moi nous regardons et un message passe entre nous. Encouragement, angoisse, complicité. Peu importe. Ça me donne la force d'acquiescer et d'emboîter le pas à Jojo qui se dirige vers l'entrée.
C'est parti.
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