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- Je ne veux pas passer pour la rabat-joie de service... mais là, c'est carrément suicidaire !
Tout le monde se retourne vers moi.
- Nous avons convenu du plan tous ensemble, Melody. Tu ne vas tout de même pas retourner ta veste au dernier moment ? me réprimande James.
Il me fait de plus en plus penser à mon père. Je suis certaine qu'ils s'entendraient comme larrons en foire.
Nous sommes tous les cinq (Jessie, James, Nick, Sacha et moi) tapis au pied du mur qui nous sépare du repaire des Traqueurs. Et je vous avoue que je n'étais pas particulièrement pressée de le revoir. Pas après ce qu'il s'y est passé. Le fait est que, à la vue du mur, l'anxiété est montée crescendo jusqu'à se transformer en panique.
Bref, tous mes beaux discours sur le fait d'être une héroïne se sont envolés en un claquement de doigts et je suis à deux doigts de me faire dessus et de rebrousser chemin, quitte à passer pour une lâche.
Comprenez-moi ! La dernière fois que je suis venue ici, mon ami s'est fait capturer et le professeur foldingue a clairement laissé entendre que j'étais la prochaine sur la liste. Cette perspective m'enchante peu, voyez-vous.
- D'abord, je n'ai décidé de rien du tout, je le corrige. Vous avez élaboré le plan entre vous, et vous nous avez laissés, Sacha et moi, à l'écart, nous jugeant « trop jeunes » pour y prendre part. Ensuite, comprenez que j'aie peur ! Je suis vraiment la seule à penser à tous les dangers qui nous attendent ?
Jessie s'avance vers moi, avec un regard qui se veut réconfortant. C'est peine perdue, la panique m'a totalement envahie.
Elle s'arrête devant moi et je crains un instant qu'elle ne me gifle, puis, contre toute attente, elle me prend dans ses bras.
Soufflée sur le coup, je lui rends son étreinte en imaginant que c'est ma maman - et l'illusion paraît diablement réelle. Mes parents... ils me manquent tellement...
- Je sais que tu as peur, ma puce... et je ne t'en veux absolument pas. Moi aussi, j'ai peur. Mais pense à Joe, qui attend que nous venions le délivrer. Pense à tes parents, que tu sauveras d'un danger certain en éradiquant ces saletés de Traqueurs. Et pense à toi. Toi qui pourras chanter de nouveau lorsque l'on aura mis fin à cette histoire.
Elle me fait un petit sourire et me caresse la joue, exactement comme le fait ma maman, avant de se reculer. J'articule un « merci » muet.
À ma grande surprise, Sacha se rapproche également de moi. J'écarte les bras, pensant qu'il va lui aussi me faire un câlin. Mais non, évidemment, Sacha reste fidèle à lui-même.
Lui, il me gifle.
- T'es ma sœur, oui ou non ?! Alors tu te ressaisis, nom de dieu ! Chez nous, on ne perd pas espoir, jamais ! Tu te motives pour aller chercher ton copain, après quoi on se débarrasse une fois pour toutes de ce taré et de ses pantins, et on sauve papa et maman ! Tu relèves la tête, tu redresses le menton et tu passes en mode warrior !
Son petit speech et sa gifle auront au moins eu le mérite de me remettre les idées en place. (Par contre, il m'a bien dévissé le cou, cet abruti.)
Je me tourne vers James en me préparant à lui présenter mes excuses, mais il m'arrête d'un signe de la main.
- Garde ta salive pour tes retrouvailles avec tes parents, me sourit-il.
- Merci.
Nick, qui n'est sûrement pas un habitué de ce genre de scènes, a l'air totalement paumé. Toutefois, il se ressaisit bien vite et nous lance un « Go ! » qui tient plus du cri de guerre.
Comme un seul homme, nous nous levons tous et escaladons l'échelle que James vient de lancer par-dessus la muraille (il l'avait récupérée après notre fuite). Au fil des échelons, ma panique diminue pour laisser place à un sentiment de calme, presque de vide... C'est l'accalmie avant la tempête, je suppose.
...
Je devrais peut-être penser à me reconvertir en philosophe, moi.
Arrivée en haut du mur, je me sens apaisée. Pour une raison que j'ignore, toutes mes peurs se sont envolées pour laisser place à un sentiment de... oui, c'est ça. Un sentiment de confiance. Je sens que tout ira bien. Je sais qu'on va réussir. (Non, je ne suis pas une girouette, j'essaie simplement de me convaincre.)
- Melody, dégage de là !
Sacha et son amabilité légendaire me font passer de l'autre côté de la muraille, au pied de laquelle m'attendent les adultes.
- On est au complet ? s'enquit Nick.
- Oui, oui, il ne manque que l'autre débile.
Je l'entends d'ailleurs me hurler quelque chose du genre « Je t'ai entendue ! », ce à quoi James répond par « Chut ! Vous voulez nous faire repérer ?! ».
- Alors on avance !
Ayant l'entrée bien en vue, nous partons comme des balles vers l'intérieur. Je manque une ou deux fois (ou quatre) de tomber, mais je parviens à rester sur mes pieds, et nous atteignons le bâtiment indemnes.
Direction le labo du professeur Croix !
Cependant, plus nous progressons, plus l'anxiété monte en moi. (Le calme aura été de courte durée...) Heureusement pour mon cœur, nous arrivons bien vite à destination, alors je n'ai pas le temps de m'inquiéter.
Nous y voilà. Nous nous apprêtons à commettre l'irréparable. Ça passe, ou ça casse. Et, en toute honnêteté, j'ai la désagréable impression que c'est la deuxième option qui l'emporte.
- Ok, tout l'monde, chuchote Nick, notre leader. Vous avez bien l'plan en tête ?
Le hochement de tête qu'esquisse James a l'air de le satisfaire.
- Jessie, James, vous entrez en premier. Les gosses, vous restez avec moi.
Le couple prend une grande inspiration, se retourne une dernière fois en nous lançant un sourire, et, main dans la main, fait irruption dans la salle nimbée de blanc.
Si Nick et Sacha sont confiants, moi, de mon côté, je ne respire plus. Aucune bouffée d'air ne parvient à descendre le long de la trachée, puisque mes dents sont serrées et mes lèvres pincées. Dans l'espoir d'un quelconque bruit, ou signe m'indiquant que les parents de Jojo sont toujours en vie, tout un tas d'images plus épouvantables les unes que les autres traversent mon esprit. Tous les pires scénarios s'élaborent dans ma tête, alors que l'attente se fait de plus en plus longue.
J'ai l'impression que Jessie et James sont entrés depuis quinze minutes, qu'un quart d'heure s'est écoulé depuis la dernière fois que j'ai inspiré, alors que quelques secondes à peine se sont sûrement écoulées.
Quand soudain, la porte s'ouvre. Nous nous mettons en garde, poings serrés et regard féroce, en pensant avoir affaire à l'un des Traqueurs, ou même au professeur en personne. Aveuglés par l'éclatante lumière blanche, nous ne distinguons d'abord pas qui nous fait face.
- Entrez. Vite !
Hein ? James ?
Mes yeux s'étant accommodés à la clarté, je constate en effet que c'est non pas le professeur Croix, mais James, qui se tient dans l'encadrement de la porte.
- James ? Mais... qu'est-c'que c'est qu'ce bazar ?
Nick fronce tellement les sourcils qu'une ride a fait son apparition.
- Entrez, nous allons vous expliquer.
Plus poussés par la curiosité que par l'ordre du père de Jojo, nous nous précipitons à l'intérieur... qui est complètement vide. Une horrible sensation de déjà-vu monte en moi. La dernière fois que je me suis introduite en douce dans ce labo, j'ai été bien accueillie...
Avant de me mettre à sérieusement paniquer, je rejoins Jessie qui est accoudée au bureau du nabot. Elle lève la tête vers moi et m'offre un sourire contrit.
- Ma puce... ne t'inquiète pas, tout ira bien. Je te le promets.
Pourquoi tente-t-elle de me rassurer ? Ça sent mauvais. Très mauvais.
Ma réponse se trouve sur la table. Un petit Post-it, signé de la main du professeur, y est collé.
Melody, ma chère amie !
Je vois que tu as une fois de plus visité mon petit chez-moi. Tes parents ne t'ont-ils jamais appris la notion de propriété privée ?
Enfin soit. Suite à ta petite... rébellion, j'ai décidé de prendre mes précautions. Car, vois-tu, j'aimerais éviter de fâcheux incidents. Tu comprends cela, n'est-ce pas ?
Néanmoins, je suis persuadé que nous pourrions trouver un terrain d'entente ; ça nous faciliterait la vie à tous les deux.
Alors je t'invite à parler au calme, rien que toi et moi, de notre petit... différend. Une discussion entre adultes, sans effusions aucunes.
L'angle de Grove Street et de Bedford Street, ça te dit quelque chose ? Il se trouve que tes aimables parents m'ont invité à prendre le thé... ce serait malpoli de refuser ! Évidemment, ton ami Joe sera présent à notre petite réunion.
Il serait dommage de rater notre entrevue, ne trouves-tu pas ?
Dans ce cas, rejoins-nous, et je te promets qu'aucun mal ne sera fait à ta famille. Enfin... peut-être.
Amicalement,
Le professeur Croix.
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