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- Euh... dis, Melody... Je suis plus très sûr que ce soit une bonne idée...
- Chut !

Je me retourne vers Jojo et lui lance un regard assassin. C'est vraiment pas le moment de parler, et encore moins d'avoir peur !

- Tu sais, on peut toujours faire demi tour et-
- Chut !

Je le réprimande, mais je n'en mène pas large moi non plus.
Nous sommes tous les deux au tournant du couloir qui mène à l'antre du diable. Nous nous apprêtons à sauter dans l'inconnu au péril de nos vies...
Je plaisante. Nous allons (seulement) entrer par effraction dans le bureau du professeur Croix, pour tenter de trafiquer son système de puces. Et accessoirement, sauver mon frère.

- Jojo, je chuchote, tu arrêtes de flipper et tu te tais !
- Comment veux-tu que je sois rassuré à l'idée de rentrer dans le labo du savant fou alors qu'on peut se faire attraper d'une minute à l'autre ?! rétorque-t-il à mi-voix.

Je le frappe pour de bon en lui ordonnant une fois de plus de la fermer, et il me fusille du regard en retour.

- Allez, on y va !

Je m'avance prudemment dans l'étroit couloir et je fais signe à Jojo de faire de même. Il m'emboîte le pas, et je suis presque sûre qu'il se fait dessus - tout comme moi.
À pas feutrés, nous nous approchons de l'entrée du labo.
C'est alors qu'un bruit retentit derrière moi. Apeurée, je fais volte-face pour découvrir Jojo... étalé par terre.
J'hésite entre rire et pleurer. Il a vraiment mal choisi son moment pour s'emmêler les pieds.

- Tu peux m'aider à me relever ? dit-il en levant des yeux suppliants vers moi. S'il te plaît ?

Je me mords la joue et me sermonne mentalement pour l'hilarité qui monte en moi.
Je retiens mon rire comme je peux en aidant la blond à se remettre sur ses pieds.
À mon avis, il a remarqué mon amusement, mais il est tellement angoissé par ce que nous nous apprêtons à faire que toute remarque sarcastique s'est évaporée de son imagination.

- Merci, murmure-t-il.

Je lui souris gentiment et nous reprenons notre lente progression. (Il faudra tout de même qu'il m'explique comment il a réussi à trébucher sans obstacle... Sur ce coup, il a été encore pire que moi.)
Arrivés devant la porte, nous nous arrêtons et nous regardons, paralysés de peur.
Je respire lentement et Jojo m'imite.
Puis nous entrons.

***

- La vache, c'est impossible !

Jojo s'énerve, assis sur le fauteuil du professeur et le nez collé à l'écran.

- Pousse-toi et laisse-moi faire, je lui ordonne en le dégageant du siège. Va faire le guet devant la porte.

Ne me demandez pas comment, mais par un miracle de la nature (ma bonne étoile est de retour), le professeur n'était pas dans son bureau.
À vrai dire, nous avons couru jusqu'à son antre sans se soucier de savoir s'il y serait ou non... Nous avons une sacrée veine. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé si nous avions ouvert la porte et que le professeur avait été là...
Pour le moment, nous devons nous concentrer sur notre tâche, qui consiste à hacker l'ordinateur du professeur foldingue... Et étant donné que Jojo a échoué, c'est à mon tour de me confronter au système informatique.

- Voyons voir...

Je me creuse la cervelle, mais rien ne me vient. C'est malin, tiens. Nous avons foncé tête baissée, et maintenant que nous sommes devant le pare-feu de l'ordinateur, nous sommes bloqués.
C'est ridicule. J'avais un plan du tonnerre, et voilà qu'il tombe à l'eau à cause d'un mot de passe. Un fichu mot de passe !

- Essaie « DarkVador1977 », propose Jojo.
- Sérieusement ? je réponds en roulant des yeux.
- Bah quoi ?

Je n'ai pas le temps de le réprimander, je ravale donc une vanne bien sentie et me remets au travail.
Réfléchis, Melody, réfléchis...
Mais rien ne vient. Le temps presse et nous n'avons pas avancé d'un pouce. Le stress monte, et m'empêche de me concentrer.

- Qu'est-ce que j'ai faim...

Je me retiens de le frapper une nouvelle fois, mais franchement il abuse. Comment peut-il penser à manger alors que nous risquons nos vies ?!

- Je me ferais bien un petit pamplemousse...

J'ai une idée. C'est stupide, je sais. Mais à ce stade, je n'ai plus rien à perdre. Alors je tente.
Je tape à toute vitesse sur le clavier.
L'écran est en cours de chargement, ça prend tellement de temps... Allez, charge, bon sang !

- OH, MON DIEU !

J'ai réussi. J'ai craqué le mot de passe.
Jojo stoppe net dans son monologue sur son envie de manger et me regarde, les yeux ronds.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as faim, toi aussi ?

Il s'approche de l'écran et s'aperçoit que je suis parvenue à rentrer dans l'ordinateur.

- Melody ! C'est incroyable, tu as réussi !

Il me tend la main et je lui fais un check. Un peu plus, et je serais en train de faire une danse de la joie.

- Bravo !

Un sourire rayonnant illumine son visage. J'aime le voir comme ça.

- Qu'est-ce que tu as bien pu saisir, comme mot de passe ?
- C'est bête. Vraiment.
- Dis-moi !
- Tu as parlé de pamplemousse... alors j'ai repensé à cette vieille bande dessinée... Je ne sais pas si tu la connais, ça s'appelait Les Légendaires...
- Évidemment que je connais ! Elle est géniale, cette BD ! s'enthousiasme Jojo.
- Oui, je sais. Bref, je me suis souvenue que l'auteur, quand il était jeune, aimait jouer aux espions avec ses amis. Et son nom de code, c'était Pamplemousse Rose.
- Ne me dis pas que tu as tapé « Pamplemousse Rose » !
- Non.

Il penche la tête sur le côté d'un air interrogateur.

- Je n'ai pas mis d'espace.

Puis nous explosons de rire.
C'est tellement idiot. Le professeur Croix aurait mis « PamplemousseRose » comme mot de passe ?! C'est totalement fou !
D'un autre côté, à chaque fois que je suis venue (bien trop à mon goût), j'ai vu une bouteille de jus de pamplemousse traîner quelque part dans le bureau...
Je croise le regard hilare de Jojo et je suis heureuse. Oui. Malgré la situation, je suis heureuse à cet instant. Je suis avec mon ami, et ça me suffit.
Bien entendu, cette sensation ne dure qu'un moment, car la réalité me rattrape bien vite. Je n'ai pas le droit de me réjouir. Sacha est quelque part, peut-être en danger. Mes parents aussi.

- Bon, dépêchons-nous de désactiver ce système de mes deux !

Jojo saute presque sur place en disant ça. Il est incapable de cacher son excitation. Je le comprends : nous venons tout juste de retrouver une lueur d'espoir.

- Dépêche, Melody, ils peuvent arriver d'une minute à l'autre !

Sous les invectives de Jojo, je saisis la souris de l'ordinateur et ouvre le fameux dossier « Puces ».
Les têtes des apprentis me fixent et je les entends presque me souffler « Melody, nous comptons tous sur toi ». (Je plaisante, ça n'arrive que dans les films. Moi, je ne vois que des centaines de portraits muets. C'est tout.)

- On cherche quoi, au juste ?

Jojo s'interroge à voix haute et fait les cent pas derrière moi, ça ne me rassure pas. Ça me stresse, même.
Agacée, je me retourne.

- Jojo, tu peux arrêter de tourner en rond, s'il te plaît ? Tu m'angoisses !
- Ah, pardon, s'excuse-t-il en cessant ses allers-retours.
- Et pour répondre à ta question, je ne sais pas. Justement, je fouille dans les dossiers pour trouver où se cache la faille.
- T'as besoin d'un coup de main ? demande-t-il.
- Non, ça va, merci. Ce que j'aimerais, c'est en finir avec cette histoire, nom de Dieu !
- Tu imagines si on était dans un film... T'aurais pas le droit de dire ça, rigole Jojo. Pas tout de suite, en tout cas.
- Mais qu'est-ce que tu racontes, encore ?

Quelle énormité il va me sortir, cette fois ?

- Dans les films, les héros se plaignent vers la fin, quand tout espoir est perdu. Enfin, non, à part dans Le Seigneur des Anneaux. Mais bon, Frodon c'est l'exception qui confirme la règle. Alors que nous, on a toutes les raisons du monde de se réjouir, notre plan marche à merveille !

Je suis très sceptique quant à son raisonnement. Je ne sais pas si c'est le stress qui lui fait penser des trucs aussi bizarres, mais je l'ignore et me replonge dans ma recherche.
La souris se promène partout sur l'écran, j'ouvre des dizaines de fenêtres qui envahissent l'écran, je suis prise d'une frénésie incontrôlable. Et mes recherches aboutissent.

- Aha ! j'annonce, victorieuse.
- Tu as trouvé ? accourt Jojo.
- Non, mais j'ai découvert que le fou aimait le beurre de cacahuètes.

Un air d'incompréhension se peint sur son visage. Ce qu'il peut être tarte, des fois.

- Mais oui, j'ai trouvé, banane ! Vise un peu ça ! Ça va pas être du gâteau, mais je sais qu'on va y a-

Je suis stoppée net dans ma phrase par un bruit dans notre dos. Nous nous retournons en chœur et nous voyons un pan de mur coulisser et dévoiler un couloir sombre.

- Une porte secrète ! Trop bien ! s'extasie Jojo.

Son émerveillement est vite remplacé par la peur quand nous apercevons quelqu'un marcher dans ce couloir.
Nous ne sommes plus seuls.

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