20

Comment ?
Pourquoi ?

- Arrêtez-la !

Comment c'est possible ?
Pourquoi lui ?

- Ne la laissez pas s'échapper !

Je cours sans m'arrêter, sans même savoir où je vais. Tout ce que je sais, c'est que je dois m'enfuir, le plus loin possible.
Je dois les semer. Je dois me mettre à l'abri.

Instinctivement, mes jambes m'ont menée à ma chambre.
J'aperçois la porte, je suis sauvée. J'actionne la poignée mais elle ne marche pas.
Bon sang ! Pourquoi maintenant ?
Je tente une nouvelle fois, sans plus de succès.
Prise de panique, je secoue la poignée de la porte de ma chambre frénétiquement jusqu'au moment où elle s'ouvre de l'intérieur.
Je tombe nez à nez avec Jojo. Et quand je dis nez à nez, je veux dire littéralement. Ma main est restée sur la poignée et le mouvement brusque de la porte ouverte m'a surprise.
Avant même de réaliser ce qui m'arrive, me voilà étalée sur un Jojo à l'air hébété.

- Qu'est-ce qui se passe ?
- Ferme la porte !
- Mais-
- FERME LA PORTE !

Il s'exécute rapidement, et heureusement. Il s'en est fallu de peu. J'ai réussi à les semer, mais c'était moins une.

- Tu vas te décider à m'expliquer ce qui t'arrive ? s'agace Jojo. Pourquoi tu étais en train de courir ? T'étais poursuivie, ou quoi ? Et pourquoi tu n'es pas à l'entraînement ?
- TAIS-TOI, JOJO !

Surpris par mon ton agressif, il stoppe net dans son interrogatoire.

- Tais-toi...

Je craque. Les larmes me montent aux yeux et dévalent mes joues sans que j'aie le temps de les essuyer.

- Eh... intervient Jojo. Qu'est-ce qui se passe ?
- Je... nous... Sacha, il...

Mes paroles sont entrecoupées de sanglots, je suis incapable de formuler une phrase complète.

- Respire, Melody, ça va aller. Prends ton temps.

J'écoute ses conseils. Inspiration, expiration.
Ça me calme un peu.

- Commence par le début. Pourquoi tu n'étais pas à l'entraînement ?
- C'est Terminator. Il m'a appelée alors que tout le monde était parti pour faire les quinze kilomètres. Alors je suis allée le voir, et il m'a demandé de faire venir Sacha.
- Mais pourquoi ?
- Parce que le professeur foldingue voulait nous voir.
- Hein ? Encore ? s'étonne-t-il.
- Oui, mais pas pour des questions. Cette fois, il voulait nous faire commencer l'entraînement auditif.
- Sérieusement ?! Mais c'est bien trop tôt ! Mes parents m'avaient dit que l'amélioration de l'ouïe ne commençait que plusieurs semaines après le début de l'entraînement physique.
- Oui, j'aurais dû me méfier...

Une lueur d'inquiétude apparaît dans les yeux de Jojo.

- Et Sacha... il est où ?

Je prends sur moi pour ne pas me remettre à pleurer.

- On est donc allés, Sacha et moi, au labo. Le professeur nous a accueillis presque à bras ouverts et nous a dit de nous installer... À ce moment-là, j'ai aussi remarqué un dossier suspect sur son ordi, mais je t'en parlerai après.
- Rien ne presse, me rassure-t-il.
- Si, justement ! Sacha est en danger, il faut qu'on aille l'aider !

Là, il bugge. Il fronce les sourcils.

- Comment ça ?
- Laisse-moi finir, j'y viens. Donc le professeur a commencé à nous expliquer ce qu'on allait faire pour l'entraînement auditif. Et deux minutes après la fin de ses instructions, des Traqueurs sont arrivés et ont emmené Sacha. On n'a pas eu le temps de comprendre ce qui nous arrivait.
- Attends, attends... Tu veux dire qu'ils l'ont capturé et emmené et tu ne sais pas pourquoi ?
- En fait... Je crois que je sais pourquoi ils l'ont emmené.

Je marque une pause le temps de le laisser digérer toutes les informations.
Cependant, ses yeux m'invitent à poursuivre.

- Tu te souviens de la discussion qu'on avait eue avec Sacha ?
- Laquelle ?
- Celle sur les raisons qui ont poussé les Traqueurs à nous recruter tous les deux. Toi, c'était à cause de tes parents, et moi, j'ai été dénoncée car jugée dangereuse et potentiellement rebelle.
- Mais ils ne t'ont pas exécutée parce qu'ils n'avaient aucune preuve tangible que tu chantais. Alors ils ont préféré t'engager et te garder à l'œil, explique Jojo.
- Tout à fait, je conclus. Eh bien, à mon avis, ils ont découvert que Sacha avait fait un tour chez nous et qu'il était en contact avec moi. Ils ont donc voulu l'évincer pour me mettre des bâtons dans les roues. Sauf que je ne sais pas où ils l'ont emmené, ni ce qu'ils comptent lui faire !

Jojo me prend les épaules et me force à m'asseoir sur mon lit, à côté de lui.

- Melody, doucement... Ça va aller.

Je n'ai plus la force de protester. J'ai perdu espoir. Je continue mon récit, abattue.

- Après ça, j'ai compris qu'ils voulaient s'en prendre à moi aussi. Alors j'ai couru.
- Et tu as réussi à leur échapper ?
- Oui. Je crois, j'ajoute, incertaine.
- Tu crois ?! s'insurge-t-il. Imagine si tu les as ramenés ici, on fait quoi ?!
- Ne t'excite pas, ils savent où est notre chambre. Donc tôt ou tard, ils finiront par venir.

Il me dévisage, abasourdi.

- Comment tu peux être aussi sereine en sachant qu'on risque - non, qu'on va - se faire attraper ?!

Je hausse les épaules en signe de lassitude.

- Je sais qu'ils vont venir nous chercher. On le savait tous les deux, ce n'était qu'une question de temps.
- D'accord, mais on n'a même pas de plan !
- Calme-toi...

Nous avons inversé les rôles. Il est devenu l'incontrôlable et moi le psy.

- Et pour ce qui est de notre stratégie, j'ai une idée.
- Par pitié, ne me dis pas que tu comptes invoquer le pouvoir de l'amour des frères et sœurs pour te transformer en magical girl et sortir ta baguette magique pailletée...
- J'ai plus huit ans, je te signale !
- Oh, tu sais...

Je le frappe - mais pas trop fort. Il grimace légèrement et me sort un stoïque « Même pas mal ». Ah, ça veut jouer au mec viril. Eh bien, il va voir, Red Riot...
Je contracte mes muscles et je l'assène de coups de poings. Il résiste à peine trois secondes avant de déclarer forfait.

- Alors, c'est qui la meilleure ?

Il ne répond pas, touché dans son ego. Pauvre chou.
J'ai gagné - et je n'en suis pas peu fière.
Mais l'heure n'est pas aux plaisanteries. Sacha est en danger, nous devons nous dépêcher d'élaborer une stratégie et d'aller le sauver.

- Je te la fais courte. Sur l'ordi du savant fou, j'ai vu un dossier qui s'appelle « Puces ». Et dans ce dossier, il y a avait tout un tas de portraits... les photos des apprentis Traqueurs.
- Il y avait les nôtres ?
- Non, non... Bien sûr qu'elles y étaient, triple buse !

Il lève les yeux au ciel mais je n'y prête pas attention.

- J'en ai conclu qu'il y avait un lien entre des puces et les apprentis, donc avec les Traqueurs.
- Viens-en au fait !

J'ignore sa remarque et je poursuis mon explication.

- Puis c'est là que ça m'est revenu. Le comportement bizarre des Dark Vador. Ils sont toujours taciturnes, ils ne parlent qu'en onomatopées. Et puis, même en détestant la musique, qui irait jusqu'à tuer pour ça ?
- À croire qu'ils sont contrôlés... souligne Jojo.
- Bingo !

Il écarquille les yeux, interloqué.

- Tu ne veux pas dire que...
- Si ! Et c'est logique ! Ça expliquerait un tas de choses, notamment le fait qu'ils obéissent au doigt et à l'œil au professeur comme de gentils petits toutous.
- Mille millions de mille milliards de mille sabords !

Jojo tombe des nues, comme moi un peu plus tôt. La différence, c'est que moi, je ne pouvais pas me permettre d'exprimer ma stupéfaction à voix haute.

- Puisque le professeur dispose d'un matériel high-tech (contrairement aux Dark Vador, d'ailleurs), je pense qu'il les contrôle depuis son ordinateur. D'où la présence du dossier.
- Nom de Zeus !

Ah, il l'a dit, finalement.
Je dois dire que son imitation de Doc est plutôt réussie. Il ne lui manque que les cheveux blancs en pétard.

- Mon plan est simple. On va s'introduire dans le labo, on va bidouiller le système des puces. Ensuite, les Traqueurs reprendront leurs esprits et on les ralliera à notre cause. Tout ça en secourant mon frère, bien entendu.
- D'accord, c'est super, ton plan est parfait. Il y a juste un truc qui cloche. Tu ne crois quand même pas que les Dark Vador vont accepter de rejoindre notre camp ?
- Bah, si.
- Melody, ces gens se sont engagés (ou ont été engagés) parce qu'ils ne supportent pas la musique ! En désactivant les puces, tu ne feras qu'empirer les choses !
- Non, parce que - tiens-toi bien -, je pense qu'ils sont contrôlés mais conscients. À mon avis, ils voient, entendent et comprennent tout ce qui se passe autour d'eux, mais sont incapables d'agir à leur guise.
- C'est une possibilité... déclare-t-il, pensif.
- À ce moment-là, le professeur n'aurait plus d'armée pour le défendre. On serait en position de force.
- J'avoue que ton plan me paraît vraiment bien... quoiqu'un peu simple, constate-t-il.
- Je te l'accorde, mais on n'a pas le temps d'en trouver un autre. À moins que tu n'aies une meilleure idée ?

Il secoue la tête. C'est bien ce que je pensais.

- Alors, en route !

Jojo va pour se lever du lit, mais je le retiens par le poignet.
D'un coup, la panique est arrivée comme un tsunami en moi.
J'ai peur. J'ai peur pour mon frère. J'ai peur que mon plan ne marche pas. J'ai peur de mourir aujourd'hui, dans cet endroit lugubre. Mais surtout, j'ai peur pour Jojo. Je me suis fait un ami ici, et je ne veux pas le perdre.
J'écarte les bras et il semble comprendre, car il m'enlace. Je me blottis contre lui et je reprends confiance.

- Tout ira bien, me chuchote-t-il. Je te promets qu'on va sauver ton frère.

Nous nous détachons l'un de l'autre et je lui souris d'un air qui se veut déterminé. Une lueur audacieuse brille dans son regard, je me sens invincible à ses côtés.

- Allons chasser de l'homme.

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