Je suis démasquée.
Ça y est, je vais mourir ici et maintenant, c'est comme ça que ma vie va s'achever. Et je n'aurai pas eu le temps d'apprendre à chanter Believer d'Imagine Dragons sans m'emmêler les pinceaux.

Je vais sûrement un peu vite, alors reprenons là où nous en étions.
Il y a trois heures, en rentrant du lycée sous une pluie battante, j'ai été accostée par des individus assez louches. Il s'agissait de Traqueurs, ces pions de la mairie de New York dont la mission est d'anéantir toute forme de musique. Et ils étaient là pour m'inviter à rejoindre leurs rangs.
J'ai failli les rembarrer mais je n'avais pas le choix, la loi le dit explicitement : je devais les rejoindre.

Après des adieux déchirants à ma famille, mon père, ma mère et mon frère, j'ai embarqué à bord du tristement célèbre Traceur, le vaisseau high-tech ultra-flippant qu'utilisent les Traqueurs.
Je plaisante, bien évidemment, j'ai une fâcheuse tendance à dramatiser les choses.
Les vaisseaux high-tech n'existent pas. Vous voyez le camion de Scooby-Doo, ce vieux dessin animé ? Dans ce cas, vous pouvez tout à fait imaginer la tête des véhicules des Traqueurs. Oui, oui, ils ont beau être des soldats de la mairie de New York, ils ne disposent pas de moyens très... élevés, dirons-nous (appelons un chat un chat : le gouvernement ne les considère que comme des pions à son service, ce qu'ils sont effectivement).
Bref, je suis montée à bord d'un de ces camions ma foi très banals, et j'étais en route pour le QG des Traqueurs... l'enfer. (Je vous ai déjà dit que je dramatisais beaucoup les choses ?)

En vérité, les bases des Traqueurs sont assez similaires aux bases militaires. Logique, j'ai envie de dire : ce sont des soldats.
On m'a directement emmenée dans la petite pièce qui me servirait de chambre pour les semaines ? les mois ? les années ? à venir, sans aucune autre information.

Et me voilà prisonnière de cette toute petite chambre morose.
Et pour passer le temps, quoi de mieux qu'une bonne chanson ? Je me suis mise à fredonner Maps de Maroon 5, chanson qui me paraissait adaptée à ma situation : I miss the taste of a sweeter life, I miss the conversations...
Même en étant dans le repaire des Traqueurs, je n'ai pas peur de chanter. J'ai toujours été une rebelle.

Petit bémol : je n'étais pas seule dans la pièce et, étourdie que je suis, je ne m'en étais évidemment pas rendue compte.
Ce n'est qu'arrivée au refrain de ma chanson que je me suis aperçue qu'on m'observait. Ce qui a donné à peu près ça : « But I wonder where were you, when I was at my worst down on my- ahhh ! »

Donc je suis sur le point de mourir, on m'a surprise en train de chanter, au sein même du repaire des Traqueurs. Et je n'aurai jamais embrassé un garçon, je n'aurai jamais écouté en entier l'album de Coldplay, Music of the Spheres, je n'aurai jamais organisé de flashmob géant macarena, je n'aurai jamais-

- Tu étais en train de chanter une chanson de Maroon 5, non ?

Alors là. Je ne rêve pas ? La personne qui m'a entendue chanter vient de m'adresser la parole ? Cette personne ne m'a pas tuée ? Ce quelqu'un connaît même le groupe de musique que j'étais en train de fredonner ?

- Maps, si je ne me trompe pas. J'adore cette chanson !

Je crois que l'enfer que je mentionnais plus haut s'est transformé en paradis sur Terre.