15

- Ton... ton frère ?

Jojo bégaye sous le coup de la surprise.

- Tu as vraiment cru qu'on était ensemble ?
- Ben...

C'est à son tour de me faire rire aux larmes.

- Jojo, enfin... j'arrive à articuler.
- Mais vous vous êtes fait un câlin, et puis il t'appelle « petite noisette »...

Je hurle de rire face à l'incompréhension du blond.

- Il m'appelle comme ça à cause de ma petite taille et de la couleur de mes cheveux !
- Ah bon...

Il s'enfonce de plus en plus, et moi, je suis toujours morte de rire.

- Jojo, tu es vraiment irrécupérable.
- Ça prêtait à confusion !

Je me mords la lèvre pour ne pas rire une nouvelle fois.

- Donc Sacha est ton frère, c'est noté.
- Eh oui ! Et il a le même âge que toi. Vous deviendrez peut-être amis, qui sait ?
- Peut-être, oui.

Hmm, c'est pas très enthousiaste comme réponse, ça.
Jojo n'aime pas mon frère, tant pis pour lui. Il ne sait pas ce qu'il rate.

- Ah, au fait, je ne t'ai toujours pas raconté mon entrevue avec le professeur foldingue ! je me rappelle soudain.
- Oui, tu as raison, moi non plus !

Notre entraînement est terminé, nous avons donc tout le loisir de parler de nos rendez-vous respectifs avec le professeur Croix.

J'apprends ainsi que Jojo a eu d'innombrables détails concernant l'entraînement des Traqueurs - et je ne peux m'empêcher de penser que c'est du favoritisme : moi, je n'ai eu aucune précision concernant cette fameuse formation ! - mais que le professeur ne lui a posé aucune question.
Bref, tout l'inverse de mon entretien, qui s'est limité à une simple interrogation (« Est-ce que tu aimes la musique ? »... j'en ris encore) et durant lequel aucune information (ou presque) ne m'a été donnée.

Et maintenant, Jojo est en train de m'expliquer en quoi consistera notre apprentissage.

- Je vais essayer de te résumer la formation des Traqueurs.
- Ok, je t'écoute.
- Premièrement, notre entraînement physique... avec Terminator, comme tu dis. C'est simplement du sport pour développer nos capacités physiques : force, endurance, agilité, vitesse, ...
- D'accord, je vois le principe.
- Ensuite, l'amélioration de notre vue.
- Je vois mal comment ils vont faire.
- Je n'ai pas tout compris, mais ils vont nous faire faire une série d'exercices, et, entre autres, un qui est lié à la mémoire. En gros, on rentrera dans une pièce et on aura une minute pour mémoriser le maximum de choses présentes - évidemment, il y aura plein d'objets dans la salle.
- Mais c'est impossible ! je m'insurge.
- Je suis plutôt d'accord, mais on n'a pas le choix.
- On a donc la force, la vue et l'intelligence (avec l'histoire de la mémoire). Pour l'ouïe, comment ça se passe ?
- Ça se limite à deux exercices. Le premier consiste à nous bander les yeux, et ainsi, notre oreille s'affine.
- Oui, j'ai déjà entendu parler de ça... quand tu « supprimes » un sens, les autres sont décuplés.
- Effectivement. Par contre, si tu pouvais arrêter de me couper la parole toutes les deux minutes, j'apprécierais.

Il n'a pas tort, mais je lève quand même les yeux au ciel pour bien lui faire comprendre qu'il a un sacré culot. Comme on dit, c'est l'hôpital qui se fout de la charité !
Lui, il m'interrompt tout le temps, et je ne dis jamais rien - enfin, presque.

- Je disais donc que, pour le premier exercice, nous aurons les yeux bandés, et nous devrons nous repérer grâce à notre seule ouïe.
- Compris.
- Pour ce qui est du deuxième exercice, c'est un peu plus compliqué.
- En considérant que tous les exercices que tu as énuméré sont faciles, je remarque.

Jojo me fait les gros yeux. Ah oui, c'est vrai, je l'ai encore coupé. Oups.

- Pardon, pardon...
- JE DISAIS.
- Oui, bon, ça va... Pas besoin d'hausser le ton. On dirait mon père... je marmonne.
- Le deuxième exercice est donc un chouïa plus dur que les autres. Pour faire simple, ils nous emmèneront dans un simulateur d'endroits très bruyants, par exemple un parc rempli d'enfants.
- Pourquoi un simulateur ? Pourquoi ne pas nous emmener directement dans un square bruyant ?
- Parce que tant que nous n'avons pas terminé notre apprentissage, nous avons interdiction de sortir de l'enceinte du QG.
- Quelle perspective réjouissante...

Jojo commence à s'énerver, et je me rends compte que je suis incapable de le laisser finir ses explications sans glisser un commentaire ici et là.
Je plaque donc les mains sur ma bouche et je serre les dents très fort. Jusqu'ici, c'est la seule technique que j'ai trouvée pour me forcer à me taire quand c'est nécessaire.

- Dans ce simulateur, de nombreux bruits seront présents : des hurlements et des rires d'enfants, les bruits de pas, les papiers que l'on déballe, les landaus que l'on pousse, les pleurs des bébés, ... Et parmi toute cette cacophonie, nous devrons distinguer un son précis qui nous sera donné au préalable. Évidemment, ça paraît simple en théorie. En pratique, c'est une autre paire de manches...

Je retiens une remarque sarcastique.
Cet entraînement ressemble à celui d'Hercule dans le dessin animé. Seul petit problème : je ne suis pas Hercule, et je ne risque pas de le devenir, même dans un avenir lointain.

- Et est-ce qu'on aura d'autres exercices que celui de la mémoire pour l'intelligence ?
- Oui, comme pour la vue et l'ouïe, il y en a plusieurs.
- Est-ce qu'un autre te vient à l'esprit ?
- Laisse-moi réfléchir...

Jojo prend la pose du Penseur de Rodin, et pendant ce temps, je tente d'ingérer toutes les informations qu'il m'a livrées.
Je remarque au passage qu'il est 19h24, que ça fait donc pas loin de deux heures que nous parlons, et que le dîner arrive dans six minutes. Il va falloir que Jojo abrège.

- Ah, ça me revient !

Il laisse planer un silence comme on en voit dans les films quand le héros s'apprête à larguer une bombe - au sens figuré, bien entendu.

- Accouche !

Je m'impatiente.
Quant à Jojo, il s'amuse de mon agacement.

- Jojo, je compte jusqu'à trois. Si à trois, tu ne m'as rien dit, je vais vraiment m'énerver.

On parle de quelque chose de sérieux, là ! Pourquoi est-ce qu'il se comporte comme un enfant ?
Pourquoi est-ce qu'il me fait tourner en bourrique et me force à jouer les mamans ?

- Un...

Son sourire s'élargit d'autant plus.

- Deux...

Il n'a vraiment pas l'air décidé à me dire quoi que ce soit.
Alors la sentence tombe.

- Trois ! Gare à toi, Jojo !

Je me rue sur lui et il se protège la tête, pensant que je vais le frapper... mais j'ai une torture bien pire que ça en tête.

- Que- oh, non ! Pas ça !

Il est pris d'un fou rire incontrôlable... Normal, puisque je suis en train de lui faire des guilis.

- Allez Jojo, crache le morceau !
- Non ! Jamais !

Je redouble d'intensité dans mes chatouilles.
Quant à l'abruti sur qui je suis assise, il est au supplice.

- Dis-moi !
- Ok, ok, c'est bon... capitule-t-il.

Je descends de lui et je le regarde, dans l'attente d'une réponse.

- Tu te souviens du film Divergente ? me demande-t-il de but en blanc.
- Oui, pourquoi ?
- Est-ce que tu te rappelles de la scène où elle doit choisir entre un steak et un poignard, sans savoir ce qui l'attend ?
- Euh... oui, vaguement.

Je ne vois pas bien où il veut en venir.

- On aura des tests similaires, pour vérifier nos aptitudes de survie.
- Quel rapport avec l'intelligence ?
- Notre capacité à survivre est liée à notre intelligence. Ils testent nos choix de survie, ils testent notre intelligence. CQFD.
- Mouais...

Ça me paraît un peu tiré par les cheveux, mais soit.
Au moins, maintenant, je sais ce qui m'attend. C'est déjà ça de pris.

- Merci pour toutes les infos, Jojo.
- C'est normal, on doit se serrer les coudes !
- Par contre, je ne sais pas si ça me rassure d'être au courant de nos exercices, ou si, au contraire, ça me fait encore plus peur.
- N'y pense pas.

Ok, merci le conseil pourri.
Moi qui passe mon temps à trop réfléchir sur tout et tout le monde, il me demande de ne pas penser. Comment vous dire que... c'est pas possible.
Je suis interrompue dans mes pensées par de discrets coups frappés à notre porte.

- Dîner.

Mon dieu, mais quelle amabilité !
Je me lève pour aller ouvrir, et quelle n'est pas ma surprise lorsque je constate que celui que je pensais être un Traqueur affecté à notre service repas n'est autre que Sacha !
Le fourbe. Il a réussi à trouver notre chambre, et il vient nous rendre visite pour je ne sais quelle raison.

- Sacha ! Tu m'avais manqué !
- À moi aussi, petite noisette, me répond-il avec un clin d'œil.
- Entre, je t'en prie.

Jojo maugrée dans mon dos - je pense qu'il n'est pas un grand fan de mon frère, mais j'en ignore le motif - mais je n'y prête pas attention.

- Bon, alors, qu'est-ce que tu fais ici ?

Ça doit bien être la troisième fois aujourd'hui que je lui pose cette question.

- Je viens pour parler du plan, pardi !
- Pardon ?

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