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Je n'en crois pas mes yeux.

- Sacha, c'est vraiment toi ?!

Je me jette dans les bras qu'il m'ouvre en réponse.

- Oui, Melody, c'est bien moi.

Je suis joie. Il m'a tellement manqué !

- Comment tu vas, petite noisette ?

Je lève les yeux vers lui et je lui adresse un sourire rayonnant.

- On ne peut mieux, maintenant que tu es là !

Il me sourit à son tour et me caresse les cheveux comme le faisait ma maman quand j'étais petite.
Quant à Jojo... eh bien, je crois qu'il a momentanément perdu l'usage de sa langue. Mais je ne m'en fais pas pour lui.

- Et toi, tu vas bien ?
- Je suis au top de ma forme ! m'assure-t-il.

Et il a raison, il a l'air... en forme.
Tout d'un coup, je me rends compte qu'une question me brûle les lèvres depuis que je l'ai aperçu.

- Mais qu'est-ce que tu fais là, enfin ?!
- Eh bien, je-
- Vous allez me faire le plaisir de rentrer dans vos chambres sur-le-champ, les asticots ! À moins que vous n'ayez envie de vous prendre des coups de pied au cul !

Je ne sais pas si son derrière a subi un quelconque traumatisme, mais je n'ai pas la moindre envie d'endommager mon magnifique arrière-train, alors nous courons, Sacha, Jojo et moi, vers le couloir qui mène aux chambres.
Je tourne la tête vers Sacha et je m'aperçois qu'il cache difficilement son hilarité. Arrivés dans le couloir, nous éclatons tous les deux de rire.

- Franchement, c'est quelque chose, ce sergent instructeur ! dit-il, en larmes.
- Je ne sais pas si on doit rire ou avoir peur de lui !
- Sûrement les deux !

Une fois notre fou rire passé, je lui repose ma question, avant d'être interrompue une nouvelle fois, et ce par un Dark Vador.
Personne ne veut savoir pourquoi Sacha est ici, ma parole !

- Retournez immédiatement dans vos chambres, apprentis.

Je dois tourner ma langue sept fois dans ma bouche, exactement comme on me l'a appris étant enfant, pour m'empêcher de lui rétorquer que nous étions en pleine conversation.

- On se voit plus tard, petite noisette ! Je t'expliquerai tout demain, c'est promis ! me dit Sacha avant de s'éloigner à grands pas dans la direction opposée à la nôtre.

Je ne vais jamais tenir jusqu'à demain ! J'ai besoin d'une réponse tout de suite !

- Toi.

Ah, le Traqueur n'en a visiblement pas fini avec nous.

- Moi ? je demande, perplexe.
- Oui. Viens avec moi.

Jojo, qui n'est toujours pas capable d'articuler un mot, me lance un regard interrogateur. Je hausse les épaules pour lui répondre, car j'en sais autant que lui.
J'emboîte le pas à Dark Vador à contrecœur, et j'aperçois du coin de l'œil Jojo qui se dirige vers notre chambre.

- Où est-ce qu'on va ?

C'est confirmé, les Traqueurs n'aiment pas parler. Encore une différence entre eux et moi.
Je ressasse encore et encore les innombrables questions que je me pose depuis mon arrivée ici, et je constate au bout de quelque temps que le chemin que nous empruntons me dit quelque chose...
Oh non.
Je viens de comprendre où Dark Vador m'emmène.
Nous allons dans le repaire du mini professeur diabolique.

Encore une fois, la clarté de la pièce m'éblouit, et le fauteuil me fait toujours aussi peur.

- Ah, Melody ! Comme on se retrouve !

Ahhh, mais pourquoi faut-il qu'il prenne ce ton mielleux ? Je préférerais qu'il soit menaçant, son air gentil me fait peur.
Le professeur Croix est installé derrière un bureau sur lequel est posé un ordinateur allumé. J'essaie de jeter un coup d'œil, dans l'espoir d'apercevoir une info, mais il s'en aperçoit et éteint l'appareil.
Ouh, mais c'est qu'il aurait des secrets à cacher, le nain...

- Ne t'inquiète pas, je n'en aurai pas pour longtemps !

C'est censé me rassurer ?
Quand le méchant annonce que ce sera rapide, ça signifie qu'il compte abréger les souffrances de sa victime. Sauf que je ne tiens pas plus que ça à mourir, rapidement ou pas.

- J'ai juste une question à te poser. J'ai oublié de te le demander la dernière fois.

Ça y est, je panique.
Je vous assure que ma pierre tombale sera ornée de la mention « Ci-gît Melody, dix-sept ans, morte d'angoisse ». Remarque, ça pourrait être comique.
Non, je retire ce que j'ai dit, je déteste l'humour morbide. C'est trop glauque.

- Qu'est-ce que c'est que cette chose à ton poignet ? demande-t-il en désignant mon bracelet.

Ledit bracelet étant orné d'une note de musique.
Il va falloir que je me surpasse, cette fois.
Je suis vraiment nulle pour mentir et il faut que j'invente un bobard en moins de cinq secondes pour justifier le fait que je porte un bijou à l'effigie de la musique. Superbe.

- C'est un cadeau de mon frère.

Jusque-là, tout va bien.
En même temps, je n'ai pas menti : c'est vraiment mon frère qui m'a offert ce bracelet pour mes seize ans.

- Et pourquoi y'a-t-il cette... note de musique dessus ? continue-t-il, en insistant bien sur les derniers mots.

Là, je vais devoir inventer.
Mon frère me l'a offert parce qu'il sait que je suis contre la loi qui interdit la musique, il sait que j'aime chanter et danser par-dessus tout, il sait que la musique fait partie de ma vie.

- Parce que c'était le seul bracelet qui restait dans le magasin où mon frère l'a acheté.

Le professeur me regarde, dubitatif.

- Et pourquoi ne pas s'être rendu dans une autre boutique ?

Et pourquoi ne pas me laisser repartir et vous contenter de cette réponse ?
Il va finir par me démasquer, à force. Pourquoi faut-il qu'il insiste autant ?
Tout est question de paix intérieure. Ça va aller, Melody. Inspire, expire...
Go.

- Parce qu'il m'a acheté mon cadeau à la dernière minute et qu'il n'avait pas le temps d'aller ailleurs.

Please, please, please...
Dites-moi que je l'ai convaincu, je vous en prie.
Le mini prof prend un malin plaisir à faire durer le silence angoissant.
Quant à moi, je commence à suer à grosses gouttes.
Allez, réponds, bon sang !

- D'accord, je te crois.

Sérieux ? Aussi simplement que ça ?
Je ne vais pas me plaindre... mais quand même. C'est louche.

- C'était tout ce que j'avais besoin de savoir. Tu peux y aller.

C'est limite si je ne prends pas mes jambes à mon cou.

- Merci, au revoir, dis-je d'une traite.

Je ne souhaite pas rester une seconde de plus dans cette pièce. L'air est lourd, j'ai l'impression d'étouffer.
Le Traqueur qui se tenait derrière la porte durant tout ce temps me raccompagne jusqu'à ma chambre.
J'ai à peine ouvert la porte que Jojo me saute dessus.

- Bah alors, t'étais où ?

J'ai connu plus chaleureux comme accueil, venant de Jojo.
Je prends garde de bien refermer la porte derrière moi avant de lui répondre.

- Dark Vador m'a emmenée dans le labo du mini professeur maléfique.
- Pour quoi faire ?
- Il m'a posé des questions sur mon bracelet, dis-je en exhibant mon bijou.

La bouche de Jojo fait un O parfait.

- Je ne l'avais jamais remarqué ! Ah oui, effectivement, tu joues avec le feu... ajoute-t-il en voyant l'ornement.
- Je suis une rebelle, je lui réponds malicieusement.
- Ça, je le savais déjà.
- D'ailleurs, en parlant de ça... Il faut qu'on fasse attention, Jojo.

Il me jette un regard d'incompréhension.

- Bah, pourquoi ?
- Oh, trois fois rien... Seulement qu'on passe notre temps à chanter dans notre chambre ! Je sais bien qu'on a prévu de restaurer la musique à New York (et éventuellement dans le monde entier, mais ça reste à voir), mais il ne faudrait pas qu'on se fasse attraper. Comme tu l'as dit, ça pourrait être compromettant.
- Ah, ça... Ne t'en fais pas, on ne risque rien ici !
- Oui, oui, les chambres sont insonorisées, je sais... Mais il faut qu'on soit plus prudents, je ne suis pas sereine. Regarde, le professeur Croix a remarqué mon bracelet et je suis presque sûre qu'il a des soupçons.
- D'accord, on n'aura qu'à chanter moins fort.
- Jojo... je souffle, exaspérée.

Il est content de ses bêtises. Un vrai gamin.

- Plus sérieusement, je te promets d'être sur mes gardes.
- Parfait !

Un silence passe, que je savoure avec plaisir après les beuglements incessants de Terminator que j'ai dû supporter toute la journée.

- Melody, je voulais te demander...
- Oui ?
- Ce garçon, Sacha... C'est qui ?

Ah oui, c'est vrai, j'ai oublié de lui préciser.

- C'est ton petit ami ?

Jojo ne cessera jamais de m'étonner par ses âneries.
Et, sur ce coup-là, il a tapé fort.

- QUOI ?!
- Vous aviez l'air très proches.

Mais quel idiot !

- Jojo, tu es vraiment un imbécile fini.

Ses yeux sont deux grands points d'interrogation.
Bon, je vais lui dire, il me fait de la peine.

- Sacha est mon frère, gros bêta !

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