- Non, non, non et non ! C'est hors de question !
- Mais pourquoi ?
- Parce que c'est bien trop risqué !

Mon plan n'a visiblement pas plu à Jojo.
Je vous explique le principe en deux mots.
Les Dark Vador ont une ouïe super développée. Donc ils entendent tous les petits bruits que nous autres misérables humains sommes incapables de distinguer. Mais leur super-pouvoir a une limite : s'ils sont sensibles au bruissement d'une feuille, le moindre son au-dessus de leur seuil de tolérance pourrait être fatal à leurs tympans.
Mon plan consiste donc à trouver un appareil suffisamment puissant pour leur exploser les tympans !
Après ça, le maire de New York n'aura plus de chasseurs de musique. On aura donc fait tomber sa ligne de défense !
Reste le problème de l'interdiction de chanter en elle-même, mais ça, on verra plus tard.

Pour le moment, j'essaie comme je peux de convaincre Jojo d'adhérer à mon idée - qui, admettons-le, n'est pas si mauvaise ! -, ce qui n'est pas chose aisée.
J'avais à peine fini ma réplique parfaite de héros qui trouve enfin un super plan (« Mon plan consiste donc à trouver un appareil suffisamment puissant pour leur exploser les tympans ! ») que Jojo a commencé à secouer la tête en répétant « Non, non, non, non, non... ». Ah, je vous jure... ce garçon est épuisant.

- Je ne te demande pas de les tuer, non plus !
- C'est tout comme !
- Allez, Jojo... s'il te plaît...

Je tente les yeux doux.
Méthode qui ne marche clairement pas sur Jojo qui me répond un non catégorique.

- T'as une meilleure idée, peut-être ? je lui demande, agacée.
- J'ai pas dit ça... Mais je n'ai aucune envie de rendre sourds des centaines de gens !
- Mais ce sont des assassins ! Pourquoi faire tant d'états d'âmes pour des soldats qui seraient prêts à nous tuer, toi et moi, sans même ciller ?
- Parce que ce serait s'abaisser à leur niveau ! Et je refuse d'être aussi cruel que ces criminels !

Il n'a pas tort. Je le comprends totalement, je ressens la même chose.

- Mais c'est notre meilleure - non, notre seule - stratégie pour les faire tomber !
- Eh bien, on en trouvera une autre ! répond-il du tac au tac.
- Crois-moi, ce plan ne me plaît pas plus qu'à toi. Mais je ne vois rien d'autre susceptible de les mettre KO.

Je me sens abattue.
Je pensais que mon plan marcherait du tonnerre, mais Jojo a raison... nous ne pouvons décemment pas devenir des criminels nous aussi, et ce seulement pour accomplir nos desseins.

- Je sais que c'est loin d'être un plan parfait... Mais est-ce que tu vois une autre solution ?

Il lève la tête vers moi.

- Non, Melody. Mais on trouvera, je t'assure.

Une grande lassitude m'assaille.
Je suis là depuis trois jours, et je n'ai toujours pas été fichue de trouver un plan.
Je commence à désespérer.
En plus, on a entraînement dans sept minutes !

- Bon, écoute, Melody. Allons à notre entraînement, et on reparle de ça ce soir, d'accord ?

Laisser la conversation en suspens comme ça ne me plaît pas trop, mais tant pis. Je ne veux pas risquer d'arriver en retard à la séance de sport de Terminator.

- Allez, ça ne sera pas si dur que ça, tu vas voir ! sourit-il en m'entourant les épaules avec son bras, me forçant par la même occasion à avancer vers la porte.
- Je veux paaas... je gémis, comme une enfant, en traînant des pieds.

Puis je me rends compte d'un élément manquant à mon attirail de sportive, et je cours vers mon lit.

- Attends ! je lui lance, paniquée.

Jojo s'arrête et se retourne vers moi.

- Qu'est-ce qu'il y a ?
- J'ai oublié de me coiffer !

Ça y est, il est mort de rire. Il lui en faut vraiment peu.

- Laisse-moi deux secondes !

J'attrape l'élastique qui est resté sur mon lit et je me confectionne une queue-de-cheval improvisée.

- Tadaaa !

Je m'avance vers la porte d'un pas rapide (je n'ai toujours pas envie d'arriver en retard), mais Jojo me retient par le bras.

- Quoi ?

Il approche sa main de mon visage et je commence à avoir peur qu'il ne me donne une pichenette (je déteste ça), mais il replace simplement une mèche de cheveux qui s'est échappée de ma coiffure derrière mon oreille.

- Voilà, c'est beaucoup mieux, me dit-il en me regardant droit dans les yeux.

Je ne suis pas une fille tactile, alors ce qui vient de se passer me fait légèrement rougir. Surtout que son regard est toujours planté dans le mien. Non pas que ça me dérange, il a de beaux yeux (ils ressemblent à du chocolat), mais le rose de mes joues s'intensifie lorsqu'il me sourit.
Pour que Jojo ne remarque pas ma gène, je me dépêche de passer la porte en le laissant fermer.

- Eh ! Attends-moi ! crie-t-il derrière moi.

Il me rejoint en deux enjambées et nous voilà partis vers la cour intérieure.

***

- Vous êtes prêts ?
- Oui, sergent instructeur !

Terminator vient de nous annoncer qu'aujourd'hui, pour des raisons qui m'échappent, nous courrons non pas dix, mais douze kilomètres ! Vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir.

- Alors c'est parti !

Je prends sur moi pour que mes pieds ne restent pas plantés dans le sol, et je démarre ma course aux alentours de 5km/h.

- Rappelle-toi : tout est dans la tête.

C'est Jojo qui m'encourage avant de partir comme une fusée pour rejoindre le peloton de tête.
Je lui envoie un clin d'œil en retour, et deux secondes après, il a déjà disparu de mon champ de vision.

Nous devons être une bonne trentaine à subir l'entraînement de Terminator. Et parmi eux, je suis de loin la plus nulle.
Volontaires ou recrutés, nous suivons tous le même entraînement physique tous les jours, afin de développer l'une des quatre capacités requises : la force, et par la même occasion, l'endurance.

- Accélère si tu veux pas te prendre des coups de pied au cul !

Ça, c'est le sergent instructeur qui m'encourage à sa façon.

Je ne connais personne ici à part Jojo. D'un autre côté, je n'ai pas cherché à faire copain-copain avec des gens qui détestent la musique au point de supprimer tout ce qui est en lien avec elle. Et je n'en ai pas envie.
Quoique, il n'est pas impossible que je connaisse un des apprentis...
Je peux me tromper, mais hier, au premier entraînement, j'ai aperçu un garçon brun que j'ai cru reconnaître. Toutefois, il était très loin et, sans être myope, je n'ai pas la vue de Superman (problème que les entraînements des Traqueurs se chargeront de régler).

- Plus vite que ça, asticot !

Je presse le pas sous les injonctions de Terminator.

***

Je ne pourrai pas tenir.
Je viens de terminer l'entraînement et j'ai encore survécu, je dois avoir une bonne étoile quelque part. Mais cet exploit ne se reproduira pas une troisième fois, j'en doute fort.
Car malgré les séances sportives que me réserve mon super coach (alias la grande asperge blonde), je ne suis pas faite pour les efforts physiques. Encore un problème à résoudre.

Je traîne maintenant ma carcasse aux côtés d'un Jojo encore débordant d'énergie vers notre chambre, quand nous sommes soudain interpelés par quelqu'un derrière nous.

- Eh, vous deux !

Intriguée, je me retourne en même temps que lui pour découvrir le brun que j'avais cru reconnaître hier. Et la surprise est de taille.

- SACHA ?!

Je crois que ma mâchoire vient de se décrocher.