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- Je... je ne sais pas quoi dire, Jojo... Je suis sincèrement désolée, je ne savais pas, pour tes parents...
Voilà cinq minutes que je me répands en excuses. J'ai abordé un sujet sensible pour Jojo et il n'a pas décoléré depuis tout à l'heure.
- Pas besoin de dire quoi que ce soit, tu as déjà assez parlé comme ça.
- Mais je...
- C'est bon, je te dis !
Lui qui a toujours le sourire me ferait presque peur maintenant.
Les sourcils froncés et les yeux emplis d'une rage difficilement contenue, il fait les cent pas dans la chambre. Je suppose que c'est sa manière à lui de se calmer.
J'espère ne jamais revoir cette expression sur son visage. Il est en colère, mais surtout, je lui ai fait de la peine. Et je m'en veux horriblement.
Mais en l'état actuel des choses, les excuses ne servent à rien, je le vois bien. Mieux vaut attendre que sa colère soit redescendue pour parler. En attendant, je ne moufte pas.
Je croise les doigts pour qu'il ne soit pas le genre de personne qui met des heures à se calmer.
***
Je commence à en avoir marre.
Ça doit bien faire quinze minutes que Jojo arpente la chambre tel un lion en cage et que je suis silencieuse. Et ça devient pesant.
Quinze minutes sans parler, pour moi, c'est très long !
J'attends le petit-déjeuner avec impatience. Non seulement j'ai faim, mais en plus la nourriture fera redescendre la tension de la pièce.
On toque à la porte.
- Petit-déjeuner.
Enfin ! C'est pas trop tôt.
Je me lève pour aller ouvrir, mais Jojo est plus rapide. Il s'empare brusquement du plateau que lui tend Dark Vador et lui claque presque la porte au nez. Bon... ça s'annonce mal.
- Tiens.
C'est Jojo qui me tend mon assiette avec la plus grande amabilité du monde.
- Merci.
Je lui réponds sur le même ton. Je ne vais pas être souriante et enjouée alors qu'il m'a limite envoyée bouler, non plus !
En baissant les yeux vers mon assiette, je découvre une substance non identifiable.
- Euh... c'est quoi, ça ?
S'il y a bien une chose pour laquelle je ne suis vraiment pas douée, encore moins que mentir, c'est faire la tête à quelqu'un.
Cette ambiance lourde de reproches me pèse, et j'ai envie de retrouver le Jojo jovial d'il y a vingt minutes.
Alors je tente comme je peux de relancer la conversation, mais il n'a pas l'air de vouloir discuter.
- Je sais pas, et j'ai pas envie de savoir.
Ok... Il va falloir que je lui tende une plus grande perche si je veux qu'il sorte de sa bouderie.
- On dirait des œufs et du bacon... mais ils dateraient de plusieurs années, je lance.
- Ouais...
Il me tape sur les nerfs. J'essaie d'être gentille, et lui, il me rembarre !
Il ne me reste plus qu'une solution.
Je tente le tout pour le tout.
- Eh, Jojo.
- Quoi ?
- Tu sais comment on appelle un yaourt dans une forêt ?
- Non.
- Un yaourt nature.
La bonne vieille blague. C'est assez stupide, mais ça a l'air de marcher, car le visage de Jojo s'éclaire un peu.
- Et est-ce que tu sais pourquoi il n'y a plus de mammouths sur Terre ?
Il secoue la tête.
- Parce qu'il n'y a plus de pappouths !
Un léger sourire apparaît, je suis sur la bonne voie.
- Et pourquoi est-ce qu'un fou apporte des seaux d'eau au supermarché ?
Il hausse les épaules.
- Pour payer en liquide.
Silence dans la salle.
Et, enfin, Jojo s'exprime. Avec plus d'une syllabe !
- Celle-ci est tombée à l'eau.
Il me faut un moment pour comprendre qu'il parle de ma dernière blague, et ensuite son jeu de mots me paraît hilarant.
Nos regards se croisent, et nous explosons de rire.
Quel soulagement. Le Jojo fâché ne me plaît vraiment pas, et je ferai tout pour ne plus jamais le revoir à l'avenir.
- Écoute, je suis vraiment désolée, je ne voulais pas te mettre dans cet état et-
- C'est bon, me coupe-t-il. Tu ne pouvais pas savoir. Et puis, j'avoue que je me suis un peu emporté, avoue-t-il, penaud.
Je lui souris gentiment, tandis que lui me tend la main.
- On fait la paix ? propose-t-il.
J'accepte sa main avec plaisir.
- D'accord !
- Et pour fêter nos réconciliations, quoi de mieux qu'une bonne petite chanson ? Prête pour un karaoké ?
- Et comment !
Nous entonnons l'air de There's nothing holding me back de Shawn Mendes et, très vite, notre petite improvisation tourne au concert, avec Jojo dans le rôle du chanteur déchaîné, et moi dans le rôle du public.
On s'amuse comme des fous jusqu'à ce que l'un de nous deux remarque l'heure : 9h03.
- Merde.
9h04.
- Merde.
9h04 et cinq secondes.
- Merde, merde !
9h04 et dix secondes. Il ne manquerait plus qu'il me sorte un « nom de Zeus ! ».
Jojo panique et moi, je le regarde faire, sans comprendre l'objet de son stress.
- Tu m'expliques ? je l'interroge.
- Le prof ne t'a rien dit ?
- Qui ça, professeur Croix ?
- Oui ! L'entraînement commence à 9h10 dans la cour intérieure, on va être en retard !
- QUOIII ?! Mais le mini savant fou ne m'a rien dit !
Jojo se retourne vers moi, hilare.
- Le mini savant fou ?
- Il est vraiment riquiqui...
Mais nous n'avons pas le temps de nous moquer de la taille du professeur Croix, il faut encore qu'on mange et qu'on s'habille (nous avons gardé nos vêtements d'hier).
J'engloutis le contenu de l'assiette en évitant de me demander ce que j'envoie dans mon estomac. Puis je vais pour m'habiller, mais je me rends compte que je n'ai pas d'autres vêtements que ceux que je porte actuellement. Les Traqueurs ne m'ont laissée emmener aucune affaire personnelle.
- Dépêche, Melody !
- J'aimerais bien, mais je n'ai pas d'habits !
- Prends ça !
Jojo me lance une combinaison toute noire, similaire à celle des tributs de Hunger Games.
Je lui demanderai plus tard (il faut encore qu'on parle d'un tas de choses) d'où il la sort.
Je l'enfile en deux temps, trois mouvements, et nous voilà en train de courir à toute vitesse dans les couloirs du QG.
- Notre... entraînement est... commun ? je lui demande, peinant à respirer.
- Oui ! Le prof ne t'a rien dit, ou quoi ?
- Non... presque... rien... Je t'expliquerai... ce soir...
Jojo est beaucoup plus sportif que moi.
Nous ne courons pas depuis cent mètres que je suis déjà prête à cracher mes poumons, mais lui a l'air parfaitement à l'aise. Tant mieux pour lui.
***
Je ne dois vraiment pas avoir fière allure.
Nous voilà arrivés dans la cour où se déroulera notre entraînement pour les mois à venir, et heureusement pour nous, nous sommes arrivés à l'heure.
Jojo est frais comme un gardon - il devait se destiner à être athlète avant d'être choisi par les Traqueurs, c'est pas possible autrement.
Moi, en revanche, je me demande comment je ne suis pas encore morte. Pantelante et ruisselante de sueur, on dirait que je sors de deux heures de sport, alors que j'ai à peine couru cinq cent mètres.
- Garde-à-vous !
Notre instructeur vient d'arriver.
Étonnamment, il ne ressemble pas à Dark Vador... Non, il tient plus de l'ogre. C'est une vraie armoire à glace.
- Je serai votre instructeur pour les mois à venir ! Avec moi, soit vous filez droit, soit vous dégagez ! Et vous allez commencer par me faire cent pompes suivies de cent abdos et enfin dix kilomètres !
COMBIEN ?!
- Exécution !
Par pitié.
Faites que ce cauchemar s'arrête.
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