Chapitre 12
Moment présent.
Un mal de crâne atroce me réveilla en sursaut le lendemain. D'abord désorientée, je ne saisis pas immédiatement où je me trouvais. Le rideau rouge pâle qui camouflait la fenêtre laissait passer de délicats rayons, me faisant comprendre qu'il était passé six heures. En me levant brusquement, je me précipitai vers la sortie avant de m'arrêter net. Je posai mon front ruisselant de sueur sur la porte froide en riant doucement. Il n'y avait pas de test qui m'attendait aujourd'hui. Pas d'entraînements, pas de cours, rien. En m'adossant sur le battant en bois, je tentai de me ressaisir. Toutes traces des combats de la veille avaient disparu et une chaise toute neuve, en plastique cette fois, se trouvait devant le bureau immaculé.
Je touchai distraitement le bas de pyjama noir que l'on m'avait donné. Tout était si différent du centre, que j'avais de la difficulté à distinguer le vrai du faux. Ce que William m'avait rencontré hier m'avait abasourdie. Mais en même temps comment pouvais-je croire des gens que je venais de connaître ? D'ailleurs, maintenant que la fatigue ne dictait plus mes moindres faits et gestes, j'étais beaucoup plus dubitative. En soupirant, je me dirigeai vers ce qu'on m'avait dit être un garde-robe. Mon prétendu oncle m'avait annoncé qu'il s'agissait de linges de taille variés pouvant me faire. J'ouvris ce dernier avant d'analyser sceptiquement les morceaux de vêtements qu'il possédait.
Jamais je n'avais vu autant d'accoutrements différents. Allant du rose fluo au noir, du simple coton au satin, je clignai des paupières à plusieurs reprises. Presque automatiquement, ma main se tendit vers un gros sweat à capuche blanc. Il était rare que j'aie la chance de porter ce genre de chose, alors pourquoi ne pas le faire maintenant ? De plus, l'automne pointait le bout de son nez, donc le temps à l'extérieur était frais. Je saisis un legging noir et refermai la porte. On m'avait montré la veille où se situait la salle de bain, donc je quittai la chambre avant de me diriger vers cette dernière. Par habitude, j'observai par-dessus mon épaule. Cependant, il n'y avait rien. Je secouai la tête, honteuse.
Contrairement à où j'avais dormi, le couloir lumineux était peint en gris et le plancher était recouvert d'une moquette blanche. Plusieurs fenêtres exhibant l'extérieur me firent comprendre qu'il n'y avait aucun voisin dans les parages. La maison de trois niveaux était entièrement entourée d'arbres et de quelques sentiers pédestres. Personne ne peut savoir que je me trouve ici, pensais-je étrangement. Je continuai mon chemin jusqu'à ma destination avant de m'y enfermer.
Pour la deuxième fois en quelques heures seulement, je pris une douche chaude. Je frottai mes membres en me retenant avec peine de grimacer. Ils avaient soigné mon entaille au bras gauche et cette dernière était maintenant recouverte d'un pansement. Je ne devais pas le mouiller, mais tant pis, mon être entier en avait besoin. C'était toujours ainsi lorsque je revenais de mission. Peu importe combien de fois je me lavais, le sentiment d'être couverte de sang me hantait. Une fois que ce mal qui me rongeait s'apaisa, je sortis puis m'habillai. Ma chevelure ayant été épargnée par l'eau, je ne fus pas contrainte de la sécher.
J'allai porter mon pyjama dans la chambre et enfilai mes espadrilles avant de descendre à l'étage aux hauts plafonds. Mes pas résonnaient sur le plancher de bois, tandis que je m'approchai d'une énorme baie vitrée qui menait à dehors. J'aperçus au loin le dos massif de William et plusieurs de ses hommes qui s'entraînaient. Certains combattaient à mains nues, pendant que d'autres le faisaient avec des armes variées. Le chef des terroristes aboyait des instructions et ajustait la mauvaise posture de certains. En repensant à notre affrontement de la veille, ma main me démangea soudainement. Sans faire de bruits, je sortis et m'approchai d'eux à pas de loup. Personne ne semblait encore m'avoir remarqué, alors que je me situais à un quelques mètres seulement. En croisant les bras contre ma poitrine, je passai en revue les menaces potentielles autres que mon supposé oncle.
Ton oncle, affirma la voix qui m'avait accompagnée toute ma vie.
Comme à l'habitude j'y fis abstraction, quand un jeune homme de la même taille et de la même carrure que Jax retint mon attention. Contrairement à ce dernier, il possédait une longue chevelure noire attachée en une queue de cheval. Lorsque mon regard fit un aller-retour entre sa crinière et la mienne, un certain amusement m'envahit. Il se mouvait avec une fluidité presque féline et je voyais bien qu'il ne bougeait pas inutilement. Sa peau aussi pâle que la mienne semblait scintiller au soleil à cause de la sueur qu'il dégageait. Rapidement, son adversaire se retrouva au sol et ses lèvres fines s'étendirent en un sourire satisfait. Après avoir échangé quelques paroles avec ce dernier, il l'aida à se relever.
Sans presse, je me détournai pour m'approcher de William. Il demeura immobile un moment avant de me faire face. Son expression me fit comprendre qu'il était ravi de me voir.
— Abigaelle, fit-il simplement. Je ne pensais pas que tu serais debout de si bonne heure.
Mes yeux s'élevèrent au ciel, en notant que la plupart des gens présents avaient cessé leurs activités et m'analysaient.
— Depuis aussi longtemps que je me souvienne, jamais je ne me suis levée plus tard que sept heures. Ce n'est qu'une perte de temps sinon.
La plupart d'entre eux me regardèrent comme si une deuxième tête m'avait poussée, sauf William qui se contenta de secouer la sienne tristement. Ne comprenant pas exactement pourquoi, je haussai les épaules.
— Puis-je me joindre à vous ?
Mon oncle croisa les bras contre sa poitrine.
— Dans ton état ?
— Je ne vois pas en quoi mon état m'empêcherait de me battre.
En tournant la tête vers ses hommes, le chef terroriste leur demanda de continuer et me fit signe de nous éloigner. Je ne bronchai pas en lui emboîtant le pas. Il s'arrêta à la lisère de la forêt et passa une main sur son visage fatiguer.
— Abigaelle, je ne sais pas si tu t'es regardé dans un miroir, mais tu es couverte de blessures.
Je ricanai. Parmi tous les gens présents, c'était lui qui me disait cela ?
— Et à qui la faute ? demandai-je sèchement.
— Ils ne m'ont pas laissé le choix. C'était le seul moyen pour t'amener ici et tu le sais mieux que personne, répliqua-t-il sur le même ton en me pointant du doigt.
Je tiquai.
— C'est justement, car je suis au courant comment ils sont, que je ne veux pas rester à ne rien faire.
Ce fut à son tour de rire.
— Abigaelle, je vois comment tu nous regardes. Tu analyses tous nos faits et gestes comme un loup qui attend de bondir sur sa proie.
Il s'approcha davantage en me scrutant de la tête aux pieds.
— Tu as été programmé pour faire tout ce qu'ils te demandent sans broncher depuis ta naissance. Tu ne vas pas croire du jour au lendemain ce qu'un parfait inconnu te raconte. Tout comme n'importe quel soldat coincé dans un camp ennemi, tu vas te mêler à nous et tenter de trouver nos faiblesses. Puis, lorsque le moment sera opportun, tu nous anéantiras.
Je relevai le menton et rencontrai ses yeux couleur acier. Ce type était trop malin pour son propre bien. J'aurais pu essayer de mentir et lui faire croire le contraire, mais cela n'aurait servi à rien. Sa détermination était aussi solide que la mienne et il était loin d'être naïf.
Je m'adossai sur un arbre en soupirant.
— Alors que proposes-tu ? Si tu as fait tout ce travail pour m'avoir ici, tu as fort probablement déjà songé aux conséquences que cela amènerait.
Il approuva nonchalamment.
— Dans tous les scénarios, il était hors de question que tu participes à nos séances. Tu te reposeras pendant quelques jours, le temps que tes blessures ne soient plus dangereuses et tu auras un entraînement personnalisé.
Je ne pus trouver que trouver la situation dans laquelle je me trouvais ironique. Je ne pourrais pas les analyser, mais eux le pourraient.
— C'est avec toi que je vais m'entraîner ?
— Oh non, tu vois le type à la longue chevelure noire ? dit-il en se retournant pour me le montrer.
Je n'eus nullement besoin de regarder où il pointait. Il dut le comprendre, puisqu'il resta un bref moment sans parler avant d'enchainer. Visiblement, il venait de réaliser à quel point j'étais un « bon soldat ».
— Mathias va demeurer en ta compagnie ces prochaines semaines pour s'assurer que tu ne te...
— Pour s'assurer que je ne me perdre pas en pleine forêt ? lui suggérai-je en le coupant.
Il me regarda las. Manifestement, nous n'avions pas le même humour.
— Exactement et c'est également avec lui que tu vas t'entraîner. J'espère que tu comprendras un jour que ce que je fais, c'est pour ton bien.
Je fis sourde oreille à ses derniers propos et sentant que quelqu'un m'épiait. Mon attention s'arrêta sur ce fameux Mathias et un sourire envahit mon visage. Ces yeux pers me fixaient avec hargne, comme s'il savait que nous parlions de lui.
Ces prochaines semaines allaient être fort intéressantes.
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