Chapitre 11.2

Les doux rayons du soleil me réveillèrent. Je clignai des yeux en m'étirant avant d'apercevoir que nous étions dans un quartier résidentiel plutôt coquet. Ma mère prit une gorgée de café qui devait maintenant être froid, ce qui la fit grimacer. Elle roulait à vitesse d'escargot, cherchant l'adresse qui était notée sur le bout de papier.

— 146, 146, murmurait-elle en continu, les yeux grands ouverts.

En cherchant avec elle, je pointai finalement du doigt un bungalow aux briques brunes. Tous les rideaux étaient déployés et aucune voiture n'était dans le petit stationnement. Elle me remercia d'un hochement de tête avant de s'arrêter devant une maison voisine. Elle éteignit le moteur et nous restâmes un bon moment sans bouger. Les résidents du quartier étaient encore profondément endormis et aucun soldat n'arpentait les rues. Un ange passa, puis ma mère décida de prendre les choses en main. Elle sortit du véhicule en refermant discrètement la portière. Elle observa les alentours avant de se diriger vers la cour arrière où habitait Cass. D'abord hésitant, je restai sur le siège sans bouger avant de me tapoter le visage. J'étais plus courageux que cela. Il s'agissait de la vie de ma sœur.

Je m'extirpai maladroitement de la voiture avant de rejoindre ma maternelle. Elle se tenait sur le balcon arrière et cherchait quelque chose dans son sac à main noir. Elle en ressortit un couteau et un fusil. Mes yeux s'écarquillèrent. Mais qu'est-ce qu'elle faisait avec ça ? Elle me tendit l'arme à feu et je le saisis d'une main tremblante. Avant le décès de notre père, ce dernier nous amenait Cass et moi dans les bois pour nous apprendre à tirer. C'était illégal et si nous nous étions fait prendre, cela nous aurait valu plusieurs années de prison. Cependant, nos parents préféraient que nous soyons en mesure de nous défendre si jamais il se passait quoi que ce soit. Je comprenais mieux maintenant. J'enlevai le cran de sûreté comme on me l'avait appris et visai le chemin par où nous étions arrivés. Pendant ce temps, ma mère tentait de déverrouiller la porte avec la lame. Elle y parvint après plusieurs minutes, puis se glissa à l'intérieur après avoir reprit l'arme de mes mains, ce qui me laissa bouche bée.

— Cassiopée, chuchota ma mère en avançant avec précaution dans la cuisine blanche, puis dans la salle à manger qui, étrangement, n'avait aucun meuble.

Un long corridor sombre menant à plusieurs portes closes se trouvait à notre droite. Lentement, nous l'approchâmes avant d'ouvrir la première porte. Il s'agissait d'une chambre peinte en beige, entièrement plongée dans l'obscurité. Excepté un vieux matelas et de la poussière, rien ne l'ornait. Une petite silhouette à la chevelure blonde était couchée sur ce dernier, roulée en boule. Mon cœur rata un battement, en apercevant ma grande sœur. Notre mère abaissa finalement son arme, pour se précipiter vers son aîné. Elle lui caressa le dos et chuchota des mots dans son oreille. Cassiopée s'agita avant de se réveiller.

— Maman ? demanda-t-elle confuse.

Sans m'en rendre compte, des larmes commencèrent à couler le long de mes joues. Peut-être à cause des événements de la soirée ou bien en voyant dans quel état était ma cadette. Je me précipitai vers les membres de ma famille avant de les enlacer.

— Willy, tu m'écrases, protesta Cassiopée encore endormie.

— Je m'en fiche, grommelai-je en les serrant avec plus de force.

Ma sœur se dégagea de notre étreinte avant de nous regarder tous les deux. Des cernes ornaient son visage étroit et sa peau était plus pâle qu'à l'habitude. Notre mère lui caressa la joue et dit :

— Nous devons quitter immédiatement. Tu nous expliqueras tout lorsque nous serons dans la voiture.

Cassiopée secoua la tête, peinée.

— Je ne peux pas prendre le risque de vous mettre en danger, répliqua-t-elle d'une voix tremblante d'émotion. Je suis reconnaissante que Bel m'ait donné la chance de vous voir une dernière fois, mais il est hors de question que je parte avec vous.

Ainsi, son copain, ou son ancien copain plutôt s'appelait Bel.

— Jeune femme, tu es peut-être une adulte, mais tu demeures ma fille. Je ne resterai pas les bras croisés alors que tu es en danger.

— Maman...

— Non, ce n'est pas la peine d'essayer de me faire changer d'avis. Je suis ta mère et il n'est pas question que mon enfant reste dans ce lieu immonde.

Elle saisit Cassiopée par le bras en se relevant.

— Willy, nous partons.

Je me mis debout à mon tour, avant de les suivre au salon. Cass se débattait, mais rien ne pourrait faire changer l'avis de notre maternelle. Nerveusement, je me rendis jusqu'à la fenêtre et entrouvris légèrement le rideau plein de poussières. Il n'y avait toujours personne dans les environs, mais cela ne me rassura pas pour autant. Le ciel nuageux correspondait à mon état d'esprit actuel. La pluie n'allait pas tarder à tomber. Je laissai redescendre le tissu qui fit plonger à nouveau la pièce dans l'obscurité.

— Personne, annonçai-je avant d'éternuer brusquement. Si nous voulons partir, c'est tout de suite.

Ma sœur allait protester, mais je la coupai.

— Non, tu ne dis rien. Tu as disparu pendant des semaines sans donner de nouvelles. Tu n'as pas idée à quel point maman et moi étions inquiet. Je crois que c'est la moindre des choses que tu nous accompagnes et que tu nous expliques ce qu'il se passe. Je suis peut-être qu'un môme, mais tu es ma sœur. Je suis certain que tu ferais la même chose à ma place. Alors, tu embarques avec nous et puis c'est tout.

Un long silence s'en suivit. Mon comportement n'était habituellement pas aussi explosif que les deux femmes de ma vie. J'avais tendance à prendre mon temps pour analyser les situations et garder la tête froide. Ce n'était pas dans ma nature de m'exprimer ainsi. Mes pieds me guidèrent jusqu'à la porte arrière que j'ouvris à voler. Cass me regardait, les yeux grands comme des secoupes, visiblement bien réveillée maintenant. Le visage de notre mère, quant à lui, rayonnait de fierté. Elle m'emboîta le pas, toujours en tenant ma sœur par le bras. Elle déposa un baiser sur mon front avant de sortir à l'extérieur.

Après nous être bien assuré que le champ était libre, nous nous précipitâmes jusqu'à la voiture. J'eus à peine le temps d'embarquer derrière le siège passager, que notre maternel démarra brusquement. Mon corps se fit projeter sur la fenêtre, ce qui me coupa le souffle. En me redressant, je m'attachai en toussotant. Si nous n'étions pas dans cette situation, j'aurais volontiers foudroyé ma mère du regard. Ou non.

Cassiopée nous guida jusqu'à la voie rapide la plus près en quelques minutes seulement. Je n'avais aucune idée où nous allions, mais il était évident que nous ne retournions pas à la maison. En grimaçant, je songeai qu'il aurait probablement fallu que j'amène un sac avec du linges et quelques bouquins. J'avais été si pressé, que je n'avais pas réfléchis à ces simples détails. Puis, en observant dans le rétroviseur, le visage si fatigué de ma sœur, ses pensées disparurent rapidement. Peu importait, si je n'avais rien pour me changer les idées, le principal, c'était qu'elle était saine et sauve.

— Alors Cassiopée, demanda finalement notre mère en éteignant la musique du CD qui jouait. Peux-tu me dire pourquoi nous nous trouvons dans cette situation ?

Cette dernière poussa le plus long soupir que j'eus jamais entendu.

— Je suis enceinte.

Ma mâchoire faillit se décrocher. Je savais qu'elle était en âge d'avoir des enfants, mais celle-là, je ne m'y en attendais pas. Maman fixa la route sans ciller, attentant la suite.

— Bel est le père, enchaîna-t-elle lentement en articulant chaque mot.

Son regard sombre parsemé d'argent me fit comprendre qu'elle était au courant pour les fameuses habiletés de son "ami". Maman ne réagissait toujours pas. Je me recroquevillai dans mon siège, peu assuré. Lorsqu'elle faisait cette tête, ce n'était jamais bon signe. Contrairement à moi, Cass se redressa et releva son menton, je me retins de me frapper la tête contre la portière. Elle et son foutu comportement puéril.

— Puis-je savoir en quoi c'est mal ? continua notre mère. Si toutes les femmes se faisaient poursuivre parce qu'elles tombaient enceintes, je pourrais comprendre, mais ce n'est pas le cas. Beaucoup de choses nous sont interdites, mais nous avons encore ce droit.

Cass hésita un moment avant de prendre la parole.

— Je sais que ça peut paraître dingue, mais... cet enfant... il sera doté de capacités hors du commun. Des capacités que des gens veulent contrôler depuis des années. Vous croyez probablement que je suis folle, mais il faut que vous me croyiez. Ils traquent sans relâche tous ces enfants depuis des générations. Ce sont de vrais psychopathes.

Pendant un moment, je crus que ma sœur avait perdu la tête. Cependant, plus je repensai à l'homme... à Bel que j'avais vu hier et plus je doutais. La douce chaleur qui m'avait enveloppée, ses paroles qui résonnaient dans ma tête et son aura en étaient tous des preuves. De plus, ma sœur était bien des choses, mais elle n'était pas une menteuse. Aucune émotion ne traversa le visage de notre mère.

— Alors ils te traquent à cause de cet enfant.

Cass approuva.

— Nous ne sommes pas entièrement certains de comprendre comment ils nous ont retrouvés, mais ils l'ont fait.

— Qui sont-ils exactement ?

— Bel n'a pas pu me le dire, mais je suis convaincue qu'il s'agit d'une branche du gouvernement. Seulement eu ont les ressources nécessaires pour faire tout ça sans se faire prendre.

L'atmosphère était lourde, bien trop lourde. Personne n'osa parler pendant un bon moment. Nous étions tous trop sous le choc pour dire quoi que ce soit. Le gouvernement ? Des êtres possédants des capacités surnaturelles ? Décidément, je n'avais pas besoin d'un livre pour me changer les idées. Je n'étais pas encore entièrement convaincu que nous n'avions pas besoin envoyer ma sœur dans un centre psychiatrique, mais seul le temps pourrait le dire.

— Alors tu sais s'il s'agit d'une fille ou d'un garçon ? demandai-je finalement, ne supportant plus ce silence pesant.

Ma sœur pouffa, embarquant dans mon jeu. Un sourire se dessina même sur le visage sérieux de notre maternel.

— Je suis presque persuadée qu'il s'agit d'un petit chenapan.

Je haussai un sourcil perplexe.

— Pourquoi penses-tu cela ?

— C'est ce qu'on ma dit.

Je souris à mon tour.

— Cette explication n'est pas très convaincante sœurette.

Elle se tourna du mieux qu'elle le put pour me faire face.

— Dans tous les cas, j'ai déjà choisi des prénoms pour les deux scénarios.

— Sans même me consulter, fit notre mère en faisant semblant d'être offensée.

Cass se détourna.

— Ne t'en fait pas, je savais que tu allais dire cela, alors j'ai choisi des noms que tu ne peux pas refuser.

Elle fit une pause théâtrale et puis dit finalement :

— Si c'est un garçon, il s'appellera Thomas si c'est une fille elle s'appellera Abigaelle.

Des larmes apparurent dans les yeux de notre mère. Il s'agissait des prénoms de nos grands-parents paternels. Les êtres les plus respectables que j'avais connus. Je tournai la tête, puis poussa un cri. Une voiture roulait droit vers nous.

Puis, d'un seul coup, ce ne fut que chaos.

J'entendis le hurlement de ma sœur et des éclats de verre m'atteignirent à la main, tandis que celle-ci avait bougé d'elle-même pour me protéger le visage. La voiture fit plusieurs tonneaux et le monde devient alors à l'envers. Une douleur atroce traversa tout mon corps, comme s'il avait été transpercé par des milliers d'aiguilles.

Une couleur rouge, rouge sang, envahit ma vision.

Je m'évanouis et tout disparut pendant un instant. Cependant, des cris me firent reprendre connaissance et j'aperçus des personnes tenter d'extirper ma sœur du véhicule. Elle n'était plus attachée et la moitié de son corps se trouvait à l'extérieur. Ensanglantée, elle enfonçait ses ongles dans le siège en essayant de se soustraire de leur poigne.

— Arrêtez, protestai-je d'une voix si rauque et si faible, qu'ils ne m'entendirent pas.

Je tentai en vain de répéter, mais personne ne me portait attention. Un léger gémissement s'échappa de ma bouche, je ne sentais plus mes membres. Cassiopée hurlait et pleurait à s'en rompre la gorge. Ma vision se fit trouble. Notre mère n'avait toujours pas bougé, sa portière complètement défoncée vers l'intérieur. Je compris à ce moment que c'était à cet endroit que l'on nous avait percutés. Mon cœur se déchira et mon monde s'écroula en réalisant qu'elle était fort probablement morte sur le coup.

— Laissez-moi tranquille, supplia ma sœur d'une voix vibrante de rage.

D'un seul coup, on l'extirpa totalement de la voiture et elle disparut de ma vision, ce qui me fit paniquer davantage. Un jeune homme à la coupe militaire la remplaça et jeta des coups d'œil vers ma mère avant de m'analyser. Sous le choc, je me contentai de l'observer en retour sans esquisser le moindre mouvement. Mon être entier était consumé par la fureur. J'allais les tuer. J'allais tous les tuer. Ils allaient payer pour ce qu'ils avaient fait.

— Yanis, fit une voix grave plus loin. Sont-ils tous morts ?

Yanis, me fixait de ses yeux noirs sans ciller, puis répondit finalement :

— Oui, Monsieur Ki. La mère est morte sur le coup et le fils ne respire plus.

Il m'observa encore quelques secondes, puis sans dire un mot de plus, il sortit de la voiture. Je l'entendis s'éloigner.

— Cassiopée, fit de nouveau l'autre homme. Je suis ravie de faire votre rencontre ! Comme vous le savez, vous nous avez malheureusement posé quelques problèmes. Vous pouvez donc comprendre que notre intervention était nécessaire. Sachez que je suis très navré pour votre famille.

Ma vision se fit de plus en plus obscure, alors que les hurlements de ma sœur se faisaient lointains.

Oui, ils allaient tous y passer. C'était une promesse.  

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top