23h58
La respiration lourde, je m'adosse au mur, les yeux clos.
Le corps de Foxtrot-Bravo s'est affalé sur ceux de Laren et de Mankowski, et près de sa nuque grossit une flaque de sang répugnante. Il ne lui reste guère plus que sa mâchoire inférieure, et je m'efforce de ne pas trop regarder. Le type portait sûrement un casque semblable au mien, à voir les débris de plexiglas qui se sont éparpillés sur sept mètres.
Je crève de chaud, j'ai l'impression de cuire dans mon propre jus comme une sardine dans sa boîte. J'enlève le casque, que je laisse tomber au sol - il n'a fait que me gêner, de toute manière. Puis, n'y tenant plus, je retire également la cagoule censée résister à a peu près n'importe quoi. Je vais tout de suite mieux, essuyant mon front trempé.
L'air empeste la poudre brûlée, la mort toute fraîche. Des douilles courtaudes, épaisses et dorées jonchent le sol par dizaines. Quatre cadavres gisent au sol, pathétiques, et je n'entends nulle respiration, nul bruit de vie. A l'angle du couloir, dans la pièce, l'halogène tressaute, bourdonne telle une grosse mouche à merde. Ayant à peu près retrouvé ma lucidité, je trouve le courage de me pencher sur le cadavre de Foxtrot-Bravo pour l'examiner de plus près, me bouchant le nez.
Son uniforme ressemble fortement aux Spetsnatz urbains, de par son treillis clair, alors que j'avais entendu ce salaud s'exprimer dans un anglais irréprochable. Au détail près, son accoutrement est en tout point semblable à celui du SWAT : gilet, protections, gants, etc.
Un fusil de marque inconnue gît non loin de là, et par pur réflexe, je m'en empare.
Le machin devait peser pas loin des quatre kilos ; c'est beaucoup pour une arme portative. Je le glisse en bandoulière sur mon épaule - une Defender, c'est bien, mais en cas d'échaffourée avec les copains de Foxtrot-Bravo, une automatique, c'est mieux. Je n'ai pas le coeur à prendre une arme sur le corps de mes équipiers.
— Foxtrot-Bravo ? Foxtrot-Bravo ? Ici Alpha-Leader. Répondez.
Maudite radio. Elle grésille dans une flaque de sang près des jambes de ce pauvre Hugo Laren.
— Alpha-Leader de mes deux, gromellé-je en écrabouillant le réceptacle d'un coup de talon rageur.
Le talkie-walkie explose comme une briquette de jus de d'orange sous la rangers coquée. J'adore les rangers, j'ai l'impression de les avoir portées toute ma vie, et c'est une arme supplémentaire pour défoncer des portes ou des estomacs inopportuns. Alpha-Leader ne m'importunerait plus. Quand à moi, je suis dans la merde. Noire, absolue. Mon unité avait été massacrée, étendue au sol dans son jus. Je suis coincé dans ce trou puant, cette putain d'usine désaffectée, seul, alors que des types de la trempe de Foxtrot-Bravo se baladaient tranquillement dans les bâtiments défoncés.
Au SWAT, vous n'êtes jamais seul. Sans les copains, je suis sans bras, sans yeux, sans jambes. Je ne suis rien. Au SWAT, vous n'êtes pas un Un, vous êtes un Tout. Faut pas se faire de films, tout seul, je n'arriverais pas à grand chose. Quand l'halogène grince quinze mètres plus loin, je sursaute.
Une brise fade m'effleure la joue. Trois ombres se détachent sur un mur sale et lointain, allongées, acerées.
Les portes battantes claquent.
— Foxtrot-Bravo ?
Ah, mauvaise pioche, mec. Il est raide mort, ton copain.
Je commence à reculer précipitamment alors que les trois ombres s'allongent, se dirigeant sans aucun doute vers le couloir dans lequel je me trouve. Sachant que je n'ai absolument aucune chance contre trois types armés, je prends la fuite comme un putain de lapin, m'engageant silencieusement dans les entrailles nauséabondes du bâtiment.
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