01h06
Je vais mieux.
Je m'allume une cigarette alors que, les cuisses maculées de sperme, elle s'est laissée glisser au sol, le regard vide. La lumière du bureau vacille.
— Allez, lève-toi, lui ordonné-je. On va retrouver tes copains.
Elle ne bouge pas d'un poil.
— Mais ils vont te tuer...
J'explose de rire, rechargeant rapidement la Defender.
— Pas si t'es avec moi. Alpha-Leader ne voudrait pas voir ta jolie gueule voler en éclats, n'est-ce pas ? J'risque rien.
Je m'avance vers elle, la forçant brutalement à se mettre debout. Elle a l'air d'être privée de toute volonté, brisée parce qu'elle vient de subir. J'aurais peut-être dû crever de honte, mais ce n'est pas le cas. L'agrippant fermement par un bras à lui coller un hématome, je l'oblige à me suivre. Nous franchissons la porte, nous engageant dans la passerelle.
— Ils doivent être dans la cour, m'indique-t'elle d'une voix plate.
Je la traîne à ma suite. Son pas est automatique, résigné. Elle renifle de temps en temps.
Je n'y prête guère d'attention, je marche droit devant moi, animé d'une rage fébrile.
Elle trébuche quelquefois, se prenant les pieds dans des planches renversées ou glissant sur un tas de paperasse. Je l'insulte, elle pleurniche, et nous continuons à déambuler dans les couloirs tortueux. Parfois, en passant devant les fenêtres qui n'ont pas été obstruées, j'aperçois la marelle que jette au sol la lune spectrale et j'inspire une goulée d'air pur, glacé, qui ne schlingue pas la pourriture et cela me donne la force de continuer, d'avancer encore. Le fusil me pèse au dos, me frappant douloureusement le flanc. Je ne sens plus mes doigts à force agripper le bras de la fille.
Nous sommes descendus de la passerelle grinçante, avons traversé les ateliers tels deux fantômes. Le silence est de plomb, de fins tourbillons de poussière se soulèvent à chacun de nos pas. Elle m'indique parfois le chemin à suivre d'une voix tremblante, et je l'écoute, l'entraînant dans les profondeurs de l'usine d'une poigne d'acier.
Plus nous descendons vers le rez-de-chaussée, plus l'air se fait lourd, se chargeant des miasmes de l'abandon. Je commençais à en avoir ma dose, la fatigue me pèse comme une enclume, j'ai envie d'en finir au plus vite avec cette histoire de dégénérés.
J'allais buter tous ces types, je plaiderais la légitime défense, je montrerais au FBI les cadavres de mon unité et je rentrerais paisiblement chez moi.
Et là, je m'enverrais un demi-litre de whiskey avec des cheeseburgers, je prendrais un bon ray de coke pour faire passer le mal de tête et je m'effondrerais sur le canapé pour m'endormir devant la télévision.
Ouais. Joli programme.
Et elle ? J'aurais pas le cœur à la descendre, c'était sûr. Alors, je la présenterais aux flics comme une junkie qui se serrait trouvée au mauvais endroit au mauvais moment - promis, juré, m'sieur l'agent fédéral ! - et une fois qu'on lui aurait lâché la grappe au commissariat, je lui conseillerais d'oublier toute cette histoire et, vu qu'à priori, elle n'avait plus d'endroit où aller, je l'amènerais gentiment dans mon pieu où je pourrais la sauter en toute légalité.
Un bourreau à tôt fait de se transformer en ange gardien sauveur, vous pouvez me croire.
Nous descendons enfin au rez-de-chaussée du côté est du bâtiment. Je n'ai pas eu le temps d'explorer cette partie, ainsi la découvré-je avec méfiance. L'escalier de service miteux débouche sur le hall d'accueil, plutôt spacieux.
Le présentoir en bois verni est fleuri de tags plus ou moins explicites et le sol, contrairement au reste des locaux, est recouvert de carrelage, dont certaines dalles sont brisées, fissurées, comme éclatées par des pattes d'éléphant.
Les portes principales, qui ont autrefois dû être automatiques, ont été condamnées par un X en bois mal ajusté.
Cela n'a empêché personne de s'introduire ici, car la petite porte annexe a été tout simplement défoncée, à voir ses carreaux explosés et sa poignée tordue vers le haut. Dans un coin lointain est posé un matelas poisseux de tâches innommables - sécrétions de toutes sortes, transpiration, sang, sperme, urine, et à côté se sont éparpillés plusieurs mégots de joints de mauvaise qualité. Ça pue le parc zoologique, ça me soulève le cœur. Je n'ai plus qu'une envie, celle de sortir.
Après m'être assuré qu'elle n'avait aucune issue possible - je lui barrais l'escalier de service - je lâchais son bras. Elle se frotte la peau endolorie, presque distraite. Elle regarde autour d'elle comme si elle se trouvait dans le couloir de la mort.
— Il faut aller par là, décide-t'elle en m'indiquant la petite porte annexe fracassée.
Je lui saisis les cheveux, les entortillant autour de mes doigts pour m'offrir une prise confortable.
— N'essaie pas de me rouler... Si jamais il arrive un truc de travers, je peux t'assurer que je m'occuperais de toi même si je suis sur le point de crever.
— Je suis incapable de mentir.
Et dans sa bouche délicieuse, ça sonne tellement vrai que j'ai presque envie de la croire. Elle a un air tellement démuni, elle parait être incapable de s'occuper d'elle-même, tel un oisillon tombé du nid. Y'a de quoi exciter l'instinct de prédateur de n'importe qui.
Sur cette brillante réflexion, la tenant toujours par les cheveux, je pousse lentement la porte branlante après m'être assuré que les environs étaient déserts. Une fois dehors, je l'attire contre moi, plaquant son dos à mon torse et lui entourant le cou d'un bras sans pitié.De l'autre, je tiens la Defender prête à l'emploi sur sa petite personne.
— Allons-y, princesse. Mène-moi à tes copains cannibales.
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