-« ANOMALIA WHEELER ! C'est la troisième fois que je viens te réveiller ! Si tu ne te lèves pas tout de suite tu vas sincèrement vraiment le regretter. Je pense que ton frère serait très content que je mette son groupe de rock favori à fond dans toute la maison ! », me hurla ma mère du couloir.

  Je poussai un grognement ensommeillé mais me levai directement. Je ne tenais pas à être sortie du lit par les hurlements tonitruants des chanteurs préférés de mon frère.

  J'attrapai de quoi m'habiller et filai dans la salle de bain. Après la douche la plus courte de l'histoire des durées de douches, je mis un jean et un tee-shirt gris et me plantai devant le miroir. Mes boucles d'un noir de jais tombaient en cascades sur mes épaules, ma peau extrêmement clair qui contrastait avec mes yeux bleu nuit,... Je n'avais vraiment rien des jeunes filles qui peuplaient ma classe de première.

  Avec un soupir, je partis déjeuner.

  Dans la cuisine, je retrouvai mon frère attablé devant deux assiettes d'œufs brouillés, de bacons, de toasts,... Liam me regarda en souriant de toutes ses dents.

  Je lui souris en retour en levant les yeux au ciel, amusée.

  Liam est fait de contraires, des jours il mange pour quatre, d'autres on jurerait qu'il jeune. Et c'est comme ça pour presque tout !

  J'attrapai un bol de céréales, et les bouteilles de lait et de jus d'orange. Tandis que je me servais, mon frère me regardait en me lançant des regards rieurs. Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il y avait de drôle. J'haussai les épaules en voyant mon frère prit d'un fou rire, refermai les deux bouteilles et engouffrai une cuillerée de céréales dans ma bouche. Un goût horrible m'envahit les papilles. Je grimaçais de dégoût. Mon frère hilare pointait du doigt la couleur du liquide que j'avais versé dans mon bol. C'est là que je compris, j'avais inversé les bouteilles. J'avais versé du jus d'orange dans mon bol de céréales à la place du lait. Je me levai en grognant pour jeter l'affreuse mixture à la poubelle.

  Je remontai faire un brin de toilette et dix minutes après j'étais à la porte d'entrée.

-« Liam ! On va être en retard ! », lui criai-je, exaspérée.

  Mon frère arriva d'un pas nonchalant et alors que je m'apprêtai à ouvrir la porte il m'arrêta :

-« Any je pense qu'avant de partir tu devrais remettre ton tee-shirt à l'endroit et mettre les deux mêmes chaussures non ?

- Je... Merci Liam. », dis-je, rouge de honte.

  Il secoua la tête, habitué, et me passa devant.

                                                                                             ***

  On dû courir comme des dératés pour ne pas manquer le bus scolaire. On chercha des yeux le car en destination du lycée Jeanne d'Arc. Après l'avoir trouvé on se précipita à l'intérieur avant qu'il ne parte.

  Le chauffeur nous râla dessus mais nous laissa nous s'asseoir. Je sentais les regards des autres dans mon dos pendant qu'on cherchait une place, aussi acérés que des flèches. Ils me connaissaient tous, ou presque, à cause de mes multiples crises d'hallucinations. Et ils me détestaient pour une raison que je ne connaissais pas. Peut-être était-ce parce que je suis trop différente d'eux ?

  Liam aussi, on le regardait bizarrement mais il n'y accordait aucune importance. Je lui enviai cette nonchalance et cette maturité impressionnantes, comme innées chez lui.

  On s'assit vite pour ne pas être projetés par les coups de freins puissants de notre expérimentateur de chauffeur.

  Je regardai le paysage défiler, anxieuse. Je n'avais vraiment pas hâte d'arriver au lycée, contrairement à mon petit génie de frère

                                                                                             ***

  Je me concentrai une seconde. Puis voyant qu'aucun élève ne levait le doigt pour répondre, trop occupés qu'ils étaient à dévisager le professeur les yeux exorbités par sa demande, je me dévouai.

-« Oui Melle Wheeler ? m'interrogea t-il, soupçonneux que j'y arrive.

  M. Sterks se frotta le menton en plissant les yeux, incrédule.

-« Hum... Oui c'est exact Melle Wheeler. »

  Les regards des élèves, ébahis, se portèrent alors sur moi.

  Des murmures fusaient, sur la bête de foire que j'étais, dans toute la salle.

  J'essayai de faire comme si de rien n'était mais à l'intérieur de moi, mon cœur cognait violemment dans ma poitrine. Qu'est-ce qu'il m'avait pris de répondre ?

  Quelle idiote, non mais quelle idiote... Comme si j'avais besoin de reporter encore plus l'attention sur moi !

  Je soupirai intérieurement et me concentrai sur le ciel sombre, pourvu que cette journée finisse vite.

  Je me faufilai, jouant des coudes quand il le fallait, jusque dans la cour pour retrouver mon frère. Après les deux harassantes heures de mathématiques et les deux heures de sciences passées à disséquer une grenouille, j'allai enfin pouvoir nourrir mon pauvre estomac qui criait famine depuis déjà une bonne heure.

  Je cherchai Liam des yeux et voyant son groupe d'amis, je me dirigeai vers eux. Une fois à leur hauteur, je tapai sur l'épaule de Nic, le meilleur ami de mon frère, et lui demandai :

-« T'aurais pas vu Liam ? Je le cherche. »

  Il fronça les sourcils, la surprise se lisait dans ses yeux.

-« Euh... Liam n'était pas en cours aujourd'hui, tu n'es pas au courant ? me répondit-il, mal à l'aise.

- Hein ? Mais... On est venu au collège ensemble aujourd'hui ! », dis-je, de l'inquiétude percée dans ma voix.

  Il me regarda une minute puis haussa les épaules.

-« Peut-être qu'il se sentait pas bien et qu'il est rentré chez vous. »

  Ça se sentait très bien au ton qu'il avait employé, il n'y croyait pas une seconde non plus. Ce n'était vraiment pas le genre de mon frère de manquer les cours, surtout à quelques semaines des examens de fin d'année.

  Mon visage devint livide et je me précipitai à la vie scolaire pour appeler ma mère, lançant un vague « à plus tard » aux amis de mon frère.

  Liam, je t'en supplie, sois à la maison.

  Il avait dû se passer quelque chose de grave pour que mon frère soit absent...

  Une surveillante appela ma mère sur ma demande pour s'assurer que Liam était bien chez nous. Je n'entendis que quelques bribes de conversations mais vu le visage blême que me présenta la surveillante après avoir raccroché, ça n'augurait rien de bon.