Mia arriva en trombe quelques minutes plus tard.

- Enfin arrivée ! Salut Fumiko ! Kim n'est pas là ? dit-elle, essoufflée tout en parcourant la pièce des yeux.

- Salut Mia ! Comment ça Kim n'est pas là ? Elle est juste..., elle s'interrompit en regardant la table où Kim s'était assise et qui, désormais, était libre. Désolée, elle était pourtant assise juste là, je ne l'ai pas vue partir... bégaya-t-elle.

- Bizarre... répondit Mia en reprenant son souffle.

- Vous voulez parler de la jeune fille à l'écharpe rouge ? répliqua une voix rauque dans le salon de thé.

Mia et Fumiko tournèrent leurs regards vers le fond de la salle. Assise à une table, une tasse de thé fumante devant elle, une vieille dame les regardait de ses yeux plissés de rides tout en remuant sa cuillère.

- Oui, ça doit sûrement être elle... fit Mia.

- Je l'ai vue partir avec une femme, répondit simplement la vieille dame en reposant la cuillère sur la table.

- Une femme ? rétorqua Mia.

- Sa mère peut-être ? proposa Fumiko.

- Non je ne pense pas, répondit la vieille dame toujours aussi calme.

Elle huma la vapeur de son thé et porta la tasse à sa bouche pour en prendre une ou deux gorgées.
Puis elle continua :

- C'était une jeune femme aux cheveux courts et foncés, elle était grande aussi. Votre amie n'avait pas l'air d'aller bien. La jeune femme est sortie puis votre amie l'a suivie ensuite, je ne sais pas où elles sont allées.

- Ça ne ressemble pas à Kim... s'inquiéta Mia.

- Appelle-la, la rassura Fumiko.

- Oui, bonne idée...

La vieille dame se leva peu de temps après pour payer son thé et remercia Fumiko avant de se diriger vers la sortie quand...

- Attendez..., la rattrapa Mia. On ne se serait pas déjà vues ?

- Je m'en souviendrai. Vous devez me confondre, répondit la vieille dame avec un sourire.

A chaque fois qu'elle esquissait un sourire, ses yeux se plissaient tellement qu'ils en faisaient ressortir ses rides.

- Peut-être bien, vous avez sans doute raison... s'excusa Mia, un peu confuse.

- Il n'y a pas de mal, fit-elle toujours aussi souriante. J'espère que vous retrouverez votre amie, elle n'a pas pu aller bien loin, gloussa-t-elle.

En sortant, la vieille dame tritura son pendentif. Nostalgique, elle l'ouvrit et admira une nouvelle fois ses petits-enfants.

***

- Qu'est-ce que je fais ici ? demanda Kim, encore un peu sonnée.

Elle s'était assise sur une chaise face à une table et dévisageait ces deux interlocuteurs, encore inconnus pour elle.

- Encore des questions ! Tu ne t'arrêtes jamais toi ! Et puis c'est toi qui m'as suivie, non ? grogna Epsilon toujours aussi aimable.

- C'est bon Epsi, t'énerves pas... intervint Thêta d'une voix calme. Je vais te dire les grandes lignes, fit-il en se tournant vers Kim.

Il appuya ses paumes contre la table et enchaîna :

- Tu te trouves dans le quartier général des Alphabetics Outlaws ou Alpha Outlaws. Nous ne sommes pas vraiment connus de la population voire pas du tout et ça serait bien que ça le reste si tu vois ce que je veux dire...

Kim hocha la tête.
Il poursuivit :

- Chacun de nous possède une PES -Perception Extra-Sensorielle- qui nous différencie du commun des mortels. Nous avons tous été victimes d'un quelconque accident ce qui nous a permis de développer ces capacités. Chacun de nous possède une PES -ou ESP- différente et qui nous est propre. Pour faire simple, nous sommes des Espers et, pour une raison que j'ignore, nous sommes également tous reliés par ça.

Il retroussa sa manche et désigna son avant-bras à Kim. Comme elle, un symbole étrange était tatoué sur sa peau.

- C'est...

- Une lettre grecque, communément appelée Thêta.

- Tu sais comment tu l'as eue ? demanda Kim sans se soucier du reste.

- À vrai dire, je ne m'en souviens plus... avoua-t-il en passant sa main dans ses cheveux dorés.

- Toi non plus, Epsilon ? fit Kim en posant le regard sur elle.

- J'en sais rien non plus. D'ailleurs c'est pour ça qu'on se nomme comme notre symbole. Personne ne se souvient de sa vie d'avant.

Kim se sentait embarrassée. Après une pause, elle ajouta :

- Pourtant moi...

- Oui, toi tu te souviens de tout ! la coupa Epsilon en cognant son poing contre le mur. Pourquoi toi et pas nous, hein ?!

- Calme-toi, Epsi... réprimanda gentiment Thêta.

- Mais comment tu as su pour moi ? Tu m'as bien trouvée et tu sais mon prénom, s'intéressa Kim.

- C'est grâce à Thêta. Il t'a vue.

- Comment ça...? insista Kim.

- Explique-lui toi, moi j'en ai ma claque, je vais informer San.

Elle se dirigea vers l'unique porte et sortit en la claquant avec brutalité.

- Ne t'inquiète pas, elle n'est pas toujours comme ça... s'excusa Thêta comme si c'était sa faute. Quand Epsilon disait que je t'ai "vue", c'est que j'ai eu comme une sorte de prémonition. J'ai vu de brèves images de ton agression dans la rue, ton signe tatoué sur ton cou, autrement dit sigma, et en plus de ça je savais ton nom... Je savais aussi qu'on te trouverait dans ce restaurant. Ne me demande pas comment je l'ai su, je ne pourrais pas te répondre.

- Sigma...? s'interloqua Kim en touchant sa nuque.

- Oui ton symbole à toi c'est sigma.

- C'est donc comme ça que je dois m'appeler ?

Il échappa un petit rire.

- Si tu ne te souvenais plus de ton nom oui, mais puisqu'on sait que tu t'appelles Kim je ne vois pas pourquoi on devrait t'appeler Sigma.

- Oui..., marmonna Kim, se rendant à l'évidence.

Kim se demandait comment un gamin de cet âge pouvait être aussi mature. Quand il parlait, ce n'était pas les paroles d'un adolescent. On aurait dit un adulte, beaucoup plus vieux que Kim même.

Après cela, un long silence s'installa dans la pièce. Kim dévisagea Thêta qui s'était adossé au mur, bras croisés et visage bas et qui ne semblait pas faire attention à elle. Elle remarqua qu'il avait un grain de beauté sur la joue gauche.

Il portait une chemise thé vert, un jean noir qui allongeait ses jambes et à son poignet gauche se trouvait une montre plutôt originale.

Kim passa alors en revue la pièce dans laquelle est se trouvait : murs gris et froids, sol en béton, néons au plafond, derrière son dos un miroir au mur, ou sans doute une vitre teintée...

On dirait une salle d'interrogatoire...

Kim s'attarda sur cette vitre et décida de se lever afin d'aller voir de plus près quand soudain une sonnerie vint briser le silence. Thêta leva la tête et Kim prit machinalement son portable qui se trouvait dans sa poche. Il fronça les sourcils.

- Qui est-ce ?

Quand Kim vit le nom de l'appelant elle eut un haut le cœur. Elle laissa échapper :

- Mia...

- Qui est Mia ?

- Mon amie... Avec qui j'avais rendez-vous, jusqu'à-ce que je suive Epsilon...

- Ah, ça ne doit pas être drôle pour elle, tu lui as posé un lapin.

Elle grimaça mais ne lui répondit pas. La sonnerie continuait de retentir. Au moment où Kim allait glisser son doigt sur l'écran pour prendre l'appel, Thêta ajouta :

- Je ne pense pas que ça soit une bonne idée.

Elle lui jeta un regard noir et déverrouilla son téléphone.

- Bon sang, Kim ! Où est-ce que tu es ?!

- Mia laisse-moi t'expliquer... C'est assez compliqué comme ça.

- Comment ça compliqué ? Une dame t'a vue partir accompagnée par une femme qui semblait... -elle chercha le bon mot- bizarre.

- Excuse-moi... Je ne sais pas ce qui m'a pris... Mais je vais bien ne t'inquiète pas.

Soudain on entendit des pas furtifs dans le couloir, la porte s'ouvrit violemment et Epsilon fit irruption dans la pièce.

- C'est Iota ! Il a repris connaissance !

- J'arrive ! lança Thêta.

Sans trop vraiment comprendre ce qu'il se passait Kim bafouilla à son interlocutrice :

- Je te rappelle !

- Kim ! cria Mia à l'autre bout du téléphone.

Elle raccrocha puis elle suivit ses deux compagnons au pas de course.