Chapitre 24 : Reste avec moi ce soir

Après toutes ces péripéties pour faire une chose aussi simple que manger, on parvient enfin à se détendre. Je prends une première bouchée de mon riz triangulaire au thon, tandis que Jimin qui a surveillé avec attention que ses nouilles soient bien conforment à l'image, saisit ses baguettes pour les plonger dans son bol. Il apporte le tout à ses lèvres et engloutit plus ou moins maladroitement le contenu. Ses yeux s'écarquillent de surprise et il se met alors à manger à toute vitesse. Cette vision me fait éclater de rire.

Moi- Calme toi, tu vas t'étouffer !

Il finit ce qu'il a dans la bouche et me fais face en ventilant rapidement ses lèvres.

Jimin- C'est juste que... comme ça pique beaucoup, il faut que je me dépêche de manger avant que le goût pimenté ne me rattrape.

Je ris de plus belle et il recommence à dévorer ses nouilles enrobées de sauce rose. C'est vrai qu'il n'a pas choisit la saveur la plus délicate...

Moi- Il faut que tu connaisses ta tolérance au piment avant de prendre quelque chose de trop épicé. Sinon tu risques de te rendre malade.

Il hausse les épaules et termine son premier bol. Il soupire de soulagement et cherche activement des yeux quelque chose. Je lui tends une briquette de lait à la fraise en souriant, amusé.

Moi- Ça va apaiser la sensation de brûlure.

Il saisit alors une canette de bière au gingembre et la consomme à grosse gorgée. Mes yeux s'arrondissent d'horreur.

Moi- Mais t'es fou ?! Ça va encore plus aggravé ton...

Jimin- Aaarghh !! Qui est-ce qui a inventé une boisson au piment ?!

Il se met à haleter de panique et je remarque que ses lèvres sont rouges vif et semblent avoir enflées. Je fais de mon mieux pour me retenir de rire et ouvre la briquette que je lui avais précédemment proposée afin de l'apporter à sa bouche. Il me la prends des mains et se dépêche de la terminer promptement, les sourcils froncés de douleur.

Il se calme peu à peu, en prenant de profondes inspirations pour ventiler sa sensation de brûlure, et vient saisir délicatement un donut à la framboise. Je l'observe avec attendrissement.
Avec lui, j'ai l'impression d'assister aux premières fois d'un enfant. Dans le sens où ses nouvelles expériences sont tellement banales pour le plus commun des gens tandis que ce qu'il a l'habitude de faire est exceptionnel à mes yeux.

Je pense que c'est ce que l'on pourrait appeler une rencontre entre deux mondes différents qui serait du à notre écart social. Plus je me fais ce genre de remarque, et plus je réalise à quel point notre relation n'aurait pas pu aboutir autrement que par la contrainte du pari. Si je n'avais pas une fierté si démesuré, je n'aurais jamais tenté de me rapprocher de lui et je n'aurais jamais ressenti ce que c'est que d'aimer quelqu'un. Parfois, les pires intentions peuvent mener au meilleur scénario.

Moi- Je peux te poser une question ?

Ses yeux interrogés plongent dans les miens qui le fixaient déjà depuis un certain moment. Mon cœur battant recommence à s'affoler, comme toutes les fois où il me regarde, peu importe la situation.

Jimin- Ça dépend laquelle.

Moi- Pourquoi est-ce que tu as peur de la foule ? Ou du regard des autres en général ?

Son expression change du tout au tout, laissant deviner un agacement ou un inconfort.

Jimin- Parce qu'il y a des personnes qui ne les craignent pas ? Même toi tu en es effrayé, c'est pour ça que tu essayes d'être parfait, que tu ne vis que pour leur compliment et leur reconnaissance.

Je me mords la lèvre et doit bien lutter contre mon irritation extrême pour ne pas rompre notre contact visuel.

Moi- Arrête de faire ça.

Jimin- Quoi ?

Moi- Dès que tu te retrouves dans une situation délicate, tu me repousses en me lançant des mots blessants. Je veux juste comprendre, Jimin.

Jimin- Et si je ne veux pas que tu comprennes ?

Moi- Alors ce sera ton choix mais sache que tu peux me confier beaucoup de chose. Je sais que c'est à toi de déterminer si oui ou non tu me considère comme quelqu'un de confiance mais je te le dis quand même au cas où tu aurais oublié d'y réfléchir.

Il se mordille anxieusement la lèvre et baisse les yeux. J'espère ne pas avoir dis quelque chose de mal...

Jimin- Je n'ai pas envie que tu saches tout de moi et moi rien de toi.

J'acquiesce.

Moi- Je comprends. Demande moi alors ce que tu veux et je te répondrais à condition que tu me promettes de faire de même avec ma question.

Jimin- Marché conclus.

Je souris, satisfait et il recrée notre contact visuel, paraissant plus détendu. J'aurais du commencer par là.

Jimin- Pourquoi as-tu peur de la nourriture ?

Un frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale, me faisant me crisper d'angoisse malgré moi. Je laisse échapper un soupire rieur, agacé par ma réaction automatique.
De toutes les choses à demander... pourquoi a-t-il fallu qu'il chosisse ça ?

Moi- Désolé, mon cœur, mais... tu pourrais changer de question, s'il te plaît ?

Jimin- Très bien mais change la tienne aussi.

Je laisse tomber ma tête en avant, stressé et le cœur battant violemment. Je plonge mon visage dans mes mains, réfléchissant.
J'ai vraiment besoin de savoir ce qu'il l'a rendu comme ça ! Mais...

Moi- J'ai peur que tu me trouves ridicule.

Jimin- De toutes les choses que tu as faites, je n'en ai jamais trouvé une seule de ridicule, et pourtant il y avait tout pour. Alors je ne pense pas que je puisse te voir de cette manière un jour.

Ses paroles me font rire doucement, me rassurant un peu. Je glisse mes doigts dans mes cheveux en fermant les yeux, ayant besoin de calme pour réfléchir. Par où commencer ? La primaire ? Le collège ? L'élément déclencheur ou... la cause directement ? Je soupire bruyamment afin de vider ma tête et prends une profonde inspiration. Je souffle longuement et consciencieusement pour me détendre, et relache mes muscles afin de me donner un peu de courage.

Moi- Mes pères se sont toujours disputés depuis aussi longtemps que je m'en souvienne et pour une raison ou pour une autre, ça m'a beaucoup affecté durant mon enfance. J'étais angoissé tout le temps et je me sentais mal alors je me suis mis à manger énormément. Au fil des années, j'ai été diagnostiqué boulimique et en ai pas mal souffert. Au collège on me taquinait un peu, c'était pas vraiment méchant mais ça me rendait encore plus complexé. Tu sais, les blagues du style "tout le monde peut passer les portes sauf Jungkook", "si Jungkook saute, ça risque de faire un tremblement de Terre"... des choses du genre.

Bon, tout bien réfléchi, c'était vraiment méchant en vrai. Aishh ces enfoirés !

Moi- Et puisque je mangeais avec mes émotions, ça ne m'aidait pas du tout. Mon état s'est aggravé après la séparation de mes parents, disons ça comme ça, mais ça m'a aussi fait un petit déclique. J'ai donc décidé un jour de printemps de me reprendre en main, je devais avoir quatorze ans. Donc voilà, j'ai perdu beaucoup de masse plutôt rapidement mais mon trouble de l'alimentation est toujours là alors ça me fait flippé de me dire que je pourrais tout reprendre si j'écoute mes désirs.

Un long silence accompagne mon discours, m'embarrassant de plus en plus, avant que Jimin ne prenne enfin la parole.

Jimin- Ça explique beaucoup de choses.

Je lève les yeux vers lui, intrigué. Il répond à mon regard.

Jimin- La raison pour laquelle tu es tant obsédé par ton apparence, ton acharnement à obtenir l'amour et la validation des autres... c'est ta revanche en quelque sorte.

Mes pupilles se perdent dans les siennes.

Jimin- Je suis désolé d'avoir critiqué ta manière de fonctionner, sans savoir que tu avais besoin de ça pour te sentir mieux dans ta peau.

Ému, des larmes menacent de s'échapper de mes yeux, alors je les lève vers le ciel en tentant de faire passer la boule douloureuse qui s'est formé au fil de ses paroles.
J'ai... enfin l'impression que quelqu'un me comprend.

Moi- Merci...

Jimin sort un mouchoirs en tissus brodé, plié et parfumé de sa poche, avant de me le tendre. Je le saisis après l'avoir remercié d'une petite et rapide inclination, et éponge mes larmes naissantes avec. Je reprends un peu mes esprits, me remettant de mes émotions, et arbore de nouveau mon plus beau sourire.

Moi- Bon ! C'est à ton tour maintenant !

Il détourne le regard et refait la courbe de ses cheveux comme il en a l'habitude lorsqu'il est mal à l'aise. Il reste un moment silencieux, les yeux perdus dans le vide, et je comprends qu'il a, lui aussi, besoin de savoir par où commencer.

Jimin- Je faisais de la danse avant, contemporaine et classique. Mais... on m'a humilié publiquement un jour et depuis, ça me rend malade. Je ne peux plus danser devant personne, je déteste voir les autres le faire et pendant un moment je ne supportais pas d'entendre les musiques sur lesquelles j'ai été moqué... et je tremble dès que l'attention est concentré sur moi. Voilà.

Il se mord la lèvre en fixant le sol.

Jimin- C'est pathétique.

Il essuie rageusement une larme avec le dos de sa main. Je le regarde, ne sachant que dire ou faire. À présent je réalise la vraie valeur de ce qu'il a fait pour moi jusqu'à maintenant. Venir à la soirée d'anniversaire, m'accompagner au bal, manger avec moi et même sortir avec moi. Il avait même déjà dit un jour qu'il ne voudrait jamais le faire parce que ça signifierait être regardé et épié en permanence, et pourtant... il a quand même accepté.

J'approche ma main de ses doigts délicats qu'il triture d'anxiété depuis la fin de son discours, et vient prendre sa paume afin de passer lentement mon pouce dessus pour qu'il puisse plonger son regard dans le mien. Chose qu'il fait, une expression douloureuse sur le visage.

Moi- Ça n'a rien de pathétique, c'est absolument compréhensible, Jimin.

Jimin- Je sais pas... j'ai l'impression d'être trop dramatique ou trop faible.

Il fuit mon regard de nouveau, alors je relache sa main et glisse les miennes sur ses joues pour le forcer à se concerter sur moi.

Moi- Arrête de te rabaisser à cause de ces imbéciles. Tu n'es rien de ce que tu crois être et je suis sûr que leur but est de te détruire ; montre leur qu'ils ont échoué.

Ses lèvres frémissent et ses pupilles paniquées s'affolent, ne sachant lequel de mes yeux regarder.
Merde... si je continue comme ça, il risque bien de craquer complètement... Si les belles paroles ne fonctionnent pas, il ne me reste qu'une seule solution !
Je soupire bruyamment en laissant tomber théâtralement ma tête en arrière.

Moi- Arrghh!! Je vais tuer ces enfoirés pour m'avoir fait perdre la chance de te voir danser !

Jimin pouffe discrètement de rire en essuyant ses larmes, avant d'arborer une expression plus détendue.

Jimin- Techniquementet... si ce n'est que toi qui regarde... ce ne sera pas bien dérangeant.

Je replace mon visage face à lui, plein d'enthousiasme.

Moi- Vraiment ?? Alors tu peux me faire un spectacle là maintenant, tout de suite ?

Il sourit timidement, réfrénant son désir visible. Ses yeux semblent pétiller à l'idée de me montrer ses capacités mais quelque chose l'en empêche.

Jimin- Je sais pas... j'ai mangé alors je ne serais pas très bon et puis... il n'y a pas de musique et c'est embarrassant de danser dans un endroit pareil alors...

Moi- Mais quelle mauviette !

Jimin affiche une mine surprise, voire choqué par mes propos, mais sans que cela semble l'avoir énervé. Je profite de cet instant de confusion dans son esprit pour me lever brusquement et faire jouer "Merry go Round of life" de Joe Hisaishi.

Jimin- Qu'est-ce que tu...

Moi- Regarde moi faire, et apprends.

Je commence alors à faire bouger mon corps un peu dans tous les sens, profitant de l'espace en fermant les yeux pour faire mine d'être concentré. Jimin explose de rire.

Jimin- Arrête ça !!

J'entrouve un œil entre deux pas afin de vérifier son expression. Il semble... complètement dégoûté. C'est parfait ! Je ne lui donne pas une minute avant qu'il ne craque.

Jimin- Tu n'es même pas en rythme !

Je fais alors un petit saut, attérissant sur un pied avant de tournoyer sur moi-même faisant de mon mieux pour paraître gracieux.

Jimin- Mais écoute la musique !

Mes bras s'agitent dans les airs, tentant de reproduire la mélodie que compose le piano.

Jimin- Suis la pulsation... pas les notes !

Je lève une jambe et la repose à multiple reprise tout en sautillant doucement.

Jimin- C'est un carnage... un vrai carnage !...

Je souris et pose les yeux sur lui.

Moi- Montre moi alors.

Il soupire rieusement, dépassé, avant de se lever pile au moment où le violon prend la tête. Cinquante secondes - Voilà tout ce qu'il lui a fallu pour céder.

Je vois alors son corps mouvoir avec tellement délicatesse qu'on croirait qu'il ne fait qu'un avec l'air. Il se déplace selon l'atmosphère de la musique, la retranscrivant à travers ses gestes et positions plus impressionnantes les unes aux autres, et ses jambes se rapprochent et se séparent avec l'habileté d'un professionnel. Son visage est concentré mais complètement épris de sa passion, me faisant comprendre encore plus pourquoi ce sport est vu comme de l'art.

J'attends qu'il soit complètement emporté par son emballement pour allé m'assoir prudemment, craignant de perturber son extase. Je l'observe ainsi, ne pouvant rien faire d'autre que de fixer sa silhouette prendre tant de différentes formes sur une seule mélodie. Mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression d'être sourds, comme si mon être tout entier avait décidé de devenir stupide, ne connaissant qu'une chose : Park Jimin.

Tout le reste semble s'être effacé, le temps, le froid, l'endroit et tous mes problèmes. Une image seulement persiste : mon prince qui danse accompagné d'une lointaine musique si insignifiante par rapport à son talent. Mes yeux le parcourent encore et encore, avec tant d'amour que j'ai peur de me noyer à l'intérieur ; j'ai peur de me perdre dans cet océan de sentiments.

Néanmoins, le temps finit par passer, et l'heure de se quitter est arrivé. Nous avons pris le bus de dix-sept heure et sommes arrivé devant le lycée à dix-neuf, heure à laquelle la Rolls Royce se présente en face de nous.

Moi- J'ai passé une merveilleuse journée avec toi.

Je tiens ses mains, le regardant avec tendresse, tandis qu'il maintient son regard fixé vers le sol, accrochant ses petits doigts aux miens. Il semble tourmenté.

Moi- On se voit demain ?

Il ne répond rien et continue à m'agripper avec autant de ferveur. Malgré le fait qu'on ait passé plus de six heures ensemble, ce n'était pas assez ; ni pour moi, ni pour lui.

Moi- Tu devrais...

Jimin- Reste...!

Je me tais, surpris par sa soudaine prise de parole.

Jimin- Reste avec moi ce soir.

Il lève la tête vers moi, me présentant un visage suppliant et tourmenté par une décision qu'il vient de prendre... ou peut-être à laquelle il réfléchit depuis longtemps.

Jimin- Viens chez moi, s'il te plaît.

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À suivre...
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J'espère que ce chapitre vous aura plu ^^

Moi j'ai adoré l'écrire alors je croise les doigts pour que vous ayiez apprécié cette adorable scène entre les deux autant que moi :))
Sinon, attendez vous à quelque chose de bien meilleur dans le chapitre qui va suivre)))

En attendant, on se dit à bientôt pour de nouvelles aventures de Sigma~♡

PS : Plus que 2 chapitres avant la fin de la partie 1 ㅠㅠ

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