La mousse
Il n'y a pas eu de bruit, rien, ou alors je dormais. Diane avait du retard alors j'ai essayé d'allumer la radio. Juste du bruit blanc. Je regarde si elle est bien branchée, elle est bien branchée. Je remonte l'antenne, et le fil n'a aucune tension. Je tire, et je vois que l'antenne est coupée. Le couloir est obstrué. Je suis enfermé.
J'essaie de garder mon calme. Le couloir taillé est bloqué par de la roche dès l'entrée. Le nénuphar électrostatique à l'entrée a été bien abimé aussi. Je frappe sur la roche. Ça m'a l'air aussi épais qu'une montagne. J'ai une petite crise de panique, puis j'essaie de me raisonner : ils ont besoin de moi, dehors. Diane a vu que c'était obstrué. Ils sont déjà en train de creuser.
Je plaque mon oreille contre la roche. Aucun bruit...de vagues distorsions cristallines, cycliques, comme le bruit du vent ou des vagues. Et si une armée les avaient tous bombardés ? C'est impossible. Je reprends mon calme.
Je passe en mode veille. J'éteins tous les appareils. Je garde les lumières chimiques des tubes lumineux. Je fais une mesure d'oxygène de la caverne. 21,20%. La proportion d'oxygène a diminué dans la caverne. Je ne comprends pas. Mais cela joue en ma faveur : ma petite maison étanche n'est plus alimentée. Si la caverne est parfaitement isolée, la proportion d'oxygène sera le moindre de mes problèmes. À vue de nez, avec la taille de cette pièce, je pourrais tenir 5 jours. 5 jours. Disons 1 jour pour constater le problème, 1 jour pour amener du matériel de forage...ils auront 3 jours pour percer un petit trou, juste pour l'oxygène. C'est faisable. S'il n'y arrivent pas, ce sont des nuls !
J'ouvre la malle des rations. J'en ai pour 2 semaines. Au moins la faim et la soif ne seront pas un problème.
Je m'allonge et je contrôle ma respiration. Moi qui craignais de mourir d'hyperoxie, je risque de manquer d'oxygène. En tant que biochimiste, j'ai mille façons de créer de l'oxygène. J'ai un peu de javel ici. En la faisant bouillir, en rajoutant du chlorate de potassium...je suis sûr qu'il y a du potassium ici...oh, non, il y a encore plus simple avec l'azote liquide...je vais trouver. C'est très stimulant. J'ai l'impression de vivre intensément. Mais une pensée tourne en boucle dans mon esprit : pourquoi la teneur en oxygène a baissé ? Elle aurait du augmenter, avec les précautions que nous avons prises.
Je commence à bricoler un alambic improvisé pour créer de l'oxygène, les heures passent dans le silence absolu. Ma tête est lourde à cause du dioxyde de carbone stocké dans mon laboratoire étanche. Allez, je n'ai rien à perdre. Je dégrafe la porte de mon laboratoire. Des odeurs alcalines, iodées, humides, s'engouffrent. Je me sens immédiatement mieux, comme si on venait de me tirer dehors. C'est normal : l'oxygène donne de l'euphorie. Mais je ne perds pas la tête.
J'ai l'impression de regarder cette grande caverne pour la première fois. Je marche un peu. Cela me fait du bien. Je me sens bien. L'euphorie de l'oxygène. Cela ne durera pas.
La mousse brune suinte comme une sorte de rosée. C'est intéressant. Si c'est de l'eau, je pourrai en faire quelque chose. Je fais des prélèvements.
Les heures passent à nouveau. La proportion d'oxygène est stable, curieusement. J'ai décidé de me concentrer sur la roche qui obstrue le tunnel. Comme elle est solide, je tape dedans pour envoyer des signaux sonores, mais je n'ai aucune réponse. Je me sens seul, mais au moins, je peux parler dans ce dictaphone. Si vous retrouvez ce message à coté de mon cadavre, et bien, j'en serais NAVRÉ et retenez la leçon de ne jamais vous engager dans l'armée !
Ok, plusieurs heures sont passées depuis mon dernier message. J'ai mangé, bu. Je vais bien. Tous mes signes vitaux sont corrects. Je pense être lucide.
J'ai analysé la couche suintante sur la mousse, et la mousse. La couche est composée d'un peu d'eau mais d'une densité extraordinaire d'une bactérie inconnue que j'ai nommée la bactérie étouffeuse. Cette bactérie présente des propriétés étonnantes. Déjà, le liquide dans lequel elle baigne reflète la lumière comme un miroir selon l'angle du rayon lumineux qui l'éclaire. Cela m'a posé des petits problèmes pour parfaire mes observations, mais j'ai trouvé des solutions. Vous imaginez cependant que ce n'est pas pour cela que je l'ai appelée la bactérie étouffeuse. Donc en effet, cette bactérie, tout comme moi, absorbe l'oxygène pour en faire du CO2 en créant de la matière organique morte, qui est ce que j'ai pris pour de la mousse. Donc, vous entendez bien, la proportion d'oxygène reste stable malgré ma respiration et l'abondance de la bactérie étouffeuse.
Conclusion : soit la plante silicium produit des masses importantes d'oxygène, mais c'est impossible étant donné la lenteur de son métabolisme, soit il y a quelque part ici un accès à l'air libre, ce qui est une très bonne nouvelle. Je vais chercher ce trou.
Les heures passent et des mystères s'éclaircissent. Sous la mousse de la bactérie étouffeuse qui recouvre les murs, j'ai découvert d'autres couloirs naturels. Je suis dans un système de grottes bien plus grand que prévu. Quand j'ai découvert la première ouverture, j'ai cru que mon cœur allait exploser. Littéralement. Et j'ai compris. J'ai refermé. Dans ce système de grotte, c'est là que la proportion d'oxygène était très importante.
La bactérie étouffeuse, qui consommait l'oxygène comme moi, n'allait pas me tuait. Elle me maintenait en vie. Le danger était tout autour de moi. Et c'est ce qui est arrivé à l'équipe archéologique. Ils ont voulu explorer, et se sont intoxiqués.
Ces tunnels sont mortels, remplis d'un poison appelé oxygène. Mais ils sont ma seule chance de sortie. Il y a peut-être de l'autre coté de ces parois un chemin vers la sortie.
Je vais tenter une expédition.
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