12 - L'Expédition
De nombreuses choses intrigantes, étonnantes et mystérieuses ont constitué la colonne vertébrale de ma mission jusqu'à aujourd'hui.Mais...ce que j'ai découvert aujourd'hui est totalement extraordinaire et bouleversant, même si cela diminue grandement mes chances de survie. Et pourtant, il va falloir que je vive. Il va falloir que des gens écoutent un jour ces mots, car il y a ici quelque chose d'encore inexplicable, mais de primordial.
Pour survivre à l'environnement trop riche en oxygène, j'ai bricolé ma combinaison étanche, celle que j'avais à l'arrivée ici et que j'utilisais pour mes prélèvements. J'ai scotché dans mon dos un morceau de la maison étanche d'environ 2 mètres cubes. À chaque inspiration, au repos, nous respirons la moitié d'un litre, ce qui me donnait donc 4000 respirations de repos (mais beaucoup moins en activité), en étant prudent, 30 petites minutes d'exploration. Après ce n'était pas la mort : une solution de secours me permet de faire entrer petit à petit l'oxygène.
Mes bâtons chimiques phosphorescents se meurent, mais ils allaient m'accompagner dans l'exploration des cavernes. Je retire une couche protectrice qui scelle la caverne, je la referme, je mets un bâton lumineux devant. Je me dis qu'en plus de l'oxygène il va falloir que je trouve une façon de faire de la lumière, sans tout brûler : l'oxygène est un combustible trop puissant.
Les cavernes sont à hauteur d'homme, organiquement creusées, comme par des rivières ou des vers géants. La mousse brune est absente, mais les racines violettes, et les nénuphars apparaissent de temps en temps. Ma visière s'obstrue de buée, puisque je ne peux pas recycler l'air. Il n'y a aucun bruit ici, juste mes pas lourds, empêtrés dans la combinaison.
15 minutes sont passées. Je devrais rentrer, mais devant moi je vois un filet de lumière. La lumière du jour ! Je vais pouvoir sortir ! J'avance plus rapidement, consommant mes précieuses ressources d'oxygène. Le couloir naturel monte, longe une racine violette aussi large que je suis haut. Je vais arriver au pied d'un arbre fou de Socotra, sans nul doute.
J'émerge sur du sol de sable. J'entends l'océan, tout près. Je suis à l'air libre. C'est dingue. J'en suis sorti.
J'ouvre ma combinaison et j'inspire, j'éclate de bonheur d'être à l'air libre ! Je suis dans un endroit étrange et fabuleux. Je m'exclame : Le jardin des dieux ! Mais où suis-je ? De l'autre côté des deux pics ? Devant moi, un océan de petites vagues, sans une île ni un bateau, soutenant un ciel sans nuage. Et derrière...
Je me retourne. Une montagne immense, qui remonte jusqu'au-dessus d'une corolle brumeuse. Le Fuji-Yama, ou le mont Ararat. Et au-dessus, non pas de la neige, mais de la lumière. Un spectacle qui n'existe pas, et je pèse mes mots, un spectacle qui n'existe pas sur la terre. Ni au Yémen, ni dans ces îles étranges à l'est du Kamchatka, ni dans les quelques terra incognita de notre planète.
Je suis bouleversé et stimulé. Je respire encore. Je sens une odeur acide, presque aggressive. Elle vient de l'océan. Je trempe les doigts de ma combinaison dans l'écume. Des traces blanches.
Puis le monde tourne. Le point au centre de ma vision reste fixe, mais tout autour, le décor tourne comme si j'étais dans une machine à laver. Nystagmus. Je suis en train de subir un nystagmus. Je suis en train d'être empoisonné à l'oxygène. Je referme ma combinaison, les yeux fermés.
Je reviens vers mon trou, j'y tombe. Le nystagmus me donne la nausée. Je vomis, et l'odeur affreuse me tient éveillé. Une partie de moi veut aller danser là-haut, dans la lumière de la montagne, et une petite conscience rationnelle me demande de retourner sur mes pas. J'avance en me roulant sur le mur. Mon cœur bat vite.
Puis l'oxygène redescend dans ma combinaison car je l'ai consommé. Je me sens mieux une faible minute, et je m'aperçois que j'ai sous la main un bâton chimique de lumière - mais totalement éteint. Je n'ai plus de moyen de rentrer dans la caverne.
J'avance les yeux fermés, je me dis juste : avancer, avancer, avancer...et je perds connaissance. J'ouvre ma combinaison pour avoir un peu d'oxygène. Mais non, je m'effondre.
Quand je me suis réveillé, j'avais le nez sur un pavé de mousse brune. J'étais à deux pas du bâton lumineux (maintenant sombre) qui marquait l'entrée de ma caverne. Même si la proportion en oxygène était mortelle, le fait d'avoir posé la tête sur un plan de bactérie étouffeuse m'avait sauvé la vie, car elles créaient une petite atmosphère juste au-dessus d'elles ! Je suis revenu à quatre pattes dans la caverne. J'étais épuisé, désespéré, mais aussi heureux à cause de ce foutu oxygène. La montagne de lumière...est-ce que je l'avais hallucinée ?
J'ai pris du repos. J'ai dormi, mangé, bu. J'ai aussi renommé la bactérie étouffeuse en bactérie sauveuse, et je l'ai remerciée, car il faut bien avoir des amis dans les moments de solitudes, et les miennes, d'amies, m'avaient sauvé la vie.
Quel est ce rivage étrange ? Il y a des endroits hostiles dans le monde. Je pensais à Dallol, en Éthiopie : une terre acide qui ronge tout, à l'atmosphère irrespirable. Ces endroits fous existent. J'étais sonné. Et cette montagne immense, ce sommet de lumière...s'il existait, bon sang, je le saurais non ?
Je vais découvrir ces secrets. Comment ? L'euphorie de l'oxygène me donnait la certitude que j'y arriverais. En vérité, j'avais un plan. J'avais un plan pour tenir dans l'oxygène. Je l'avais découvert par hasard. J'en avais encore sur le nez.
J'allais utiliser la bactérie sauveuse.
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