Chapitre 45 - Ivy
Assise sur le canapé, je n'arrivais pas à croire ce que mon père venait de faire.
À peine étais-je arrivée à la maison, qu'il avait attrapé mon sac pour se saisir de mon téléphone, tandis qu'il m'accusait d'être complètement stupide et de ne pas saisir l'ampleur de mes actes. Ce fut alors que j'avais compris, avant qu'il ne me le dise lui-même, qu'il était au courant pour Jake et moi. Il m'avait traitée de menteuse, de traînée et j'en passais. Il ne supportait pas l'idée que je sois amoureuse d'un ancien taulard qu'il avait lui-même coffré.
J'avais essayé de lui faire comprendre que Jake était quelqu'un de bien, d'intègre, qui avait certes commis des erreurs, mais qu'il avait déjà payé pour ses crimes. Bien évidemment, mon avis tout comme mes arguments lui passaient au-dessus de la tête. Tant que je vivrais chez lui, je devrai me plier à ses règles ou me barrer.
Quant à ma mère, elle se contentait de garder le silence. Tous deux ne se rendaient pas compte de combien ils pouvaient être étouffants. J'étais à deux doigts d'atteindre ma majorité, j'étais suffisamment âgée désormais pour prendre mes propres décisions. Il n'avait pas le droit de m'interdire de voir Jake, d'aller fouiner chez lui ou encore de me confisquer mon téléphone. Je respectais toujours son autorité, mais ce qu'il me faisait en ce moment était totalement injuste. Nous n'avions rien fait de mal, mis à part si passer du temps et développer des sentiments l'un pour l'autre était désormais un crime passible d'emprisonnement.
J'avais beau plaider ma cause, lui certifier qu'il ne cherchait à aucun cas à se venger de lui, il ne voulait pas en démordre. Pour lui, Jake était le diable et je m'étais faite corrompre. Seulement, c'était moi qui avais fait le premier pas. J'avais pris les devants afin qu'il se passe quelque chose entre nous. Jamais il ne m'avait manipulée, et alors qu'il avait l'occasion de coucher avec moi, il avait refusé mon offre alléchante.
— D'abord ta sœur, ensuite toi... qu'est-ce que j'ai bien pu faire dans cette vie pour mériter deux éléments dans votre genre ? s'énerva-t-il, toujours avec mon téléphone à la main.
La façon dont il avait dit à Jake de ne plus jamais m'approcher, m'avait donné des sueurs froides. Il ne se rendait pas compte qu'au lieu de me garder près de lui, en vérité, il me perdait à chaque seconde qui passait. J'étais consciente qu'il pensait agir comme ça dans mon propre intérêt, qu'il était de son devoir de me sauver, me protéger, mais Jake n'était pas l'ennemi.
— Qu'ai-je fait pour que tu me punisses de la sorte, Ivyann ? Explique-toi !
— Declan, soupira ma mère, beaucoup trop calme à mon goût.
— Pourquoi tu rapportes toujours toi à toi ? Je n'ai rien fait de mal ! certifiai-je, en prenant une intonation assurée.
Et c'était la vérité. Sortir avec quelqu'un n'en était pas un.
— Sortir avec un ex-taulard, tu ne crois pas que cela soit suffisant ? Je t'avais dit de te tenir éloignée de lui !
— Je n'ai pas voulu, d'accord ? Je l'aime et si tu m'empêches de le voir, je vais quand même continuer à le faire, alors que toi, je vais te détester ! proférai-je le tréfond de mes pensées.
Ma rancœur envers lui grandissait à vue d'œil. Il était tellement borné qu'il n'écoutait pas et ne voulait pas comprendre mes sentiments. Jake et moi, nous avions une relation saine, mais à croire que mon petit ami avait fait de moi une dépravée.
— T'es-tu droguée ?
— Non, jamais de la vie je ne ferais une chose pareille ! Pour qui tu me prends ?
Je n'avais pas besoin d'entendre sa réponse pour la connaître : pour Kelly. Pendant toutes ces années, il avait tenté d'arranger chez moi ce qui avait foiré chez elle. Mais la vie ne fonctionnait pas de cette manière. Il aurait beau me protéger d'absolument tout, ça ne m'exposerait que davantage au danger de ce monde. J'avais dix-sept ans et je le comprenais aisément, pourquoi n'en était-il pas de même chez lui ?
La seule chose que lui et ses règles faisaient depuis quatre ans, c'était de m'étouffer. J'étais devenue une personne que je n'aimais pas dans le fond. À cause de lui, j'avais témoigné contre Jake et il était allé en prison pendant deux ans alors qu'il aurait pu écoper de cette peine. Jamais jusqu'à maintenant je n'avais autant regretté mon geste, et pourtant, je l'avais fait.
— Pour une personne que me ment depuis des mois ! Voilà pour qui je te prends, Ivyann !
— C'est ma vie privée, tu n'as pas à t'en mêler, rétorquai-je.
— Tu es mineure et tu vis sous mon toit, bien entendu que ça me regarde ! Je pensais qu'Olivia était une bonne influence, mais à croire que je me suis également trompé sur son compte.
— Olivia n'a rien à voir là-dedans ! m'emportai-je.
— Si tu ne traînais pas avec elle, tu ne te serais jamais frottée à ce délinquant !
— Arrête de l'appeler comme ça ! Tu es injuste ! Il a peut-être commis des erreurs, mais il en a payé le prix. Tu ne sais pas à quel point il est difficile pour lui de s'intégrer à cause de gens fermés d'esprit comme toi !
Ma remarque le fit rire, car visiblement, il avait des informations sous la manche qu'il pensait que j'ignorais. Or, il ne pouvait pas être plus loin de la réalité. Jake s'était toujours montré sincère avec moi, il ne me cachait rien. Ça n'avait jamais été un secret pour moi qu'il créchait chez un dealer, pas par choix, mais parce qu'il n'avait pas d'autres alternatives. Ce Drake avait été le seul à lui tendre la main.
— Il continue à dealer, Ivy, ça, je peux te l'assurer !
— Et moi je te dis que non ! Je le connais, contrairement à toi ! Mais pourquoi lui voues-tu une telle haine ? Que t'a-t-il donc fait ? C'est à cause de Kelly ? Tu penses qu'il lui a vendu de la came ? Tu sais, personne n'a forcé ta fille à se droguer !
Je sentis sa main s'abattre sur ma joue, plongeant par la suite le salon dans un silence plus que pesant. Je portai ma main à l'endroit meurtri, alors qu'il commençait à chauffer. C'était la première fois qu'il me giflait de toute ma vie, et pourtant, je lui en voulus énormément. Il n'avait pas le droit de me faire ça. Que ce soit de me frapper ou de m'obliger à cesser toute relation avec la personne que j'aimais. Ce n'était pas sa vie, mais la mienne. Il n'avait pas le droit de se comporter en tyran. J'en avais marre de me plier à ses ordres, de ne pouvoir avoir aucun écart et d'avoir la sensation de ne jamais être à la hauteur de ses attentes. Je n'en pouvais plus.
— Je t'interdis de le revoir, Ivyann. Ai-je été suffisamment clair ?
— Qu'est-ce que tu vas faire ? M'enfermer dans ma chambre pour l'éternité ? C'est ma vie, pas le tienne et tu n'as aucun droit de me forcer à faire quelque chose que je ne veux pas ! Tu pourras me punir, me frapper, je m'en fous ! Ça ne m'empêchera pas de l'aimer et de vouloir être près de lui ! L'amour, sais-tu ce que c'est ou en as-tu oublié le sens ?
Sa main s'éleva une nouvelle fois, et je m'attendis à recevoir un nouveau coup... mais cela ne se produisit pas. Il serra le poing, me foudroya du regard et quitta la maison en claquant la porte. Je repris mon souffle, puis m'assis sur le canapé, les jambes tremblantes. Ce n'était pas la première fois que je lui tenais tête, mais mon cœur n'avait jamais battu aussi vite. La dernière fois, c'était pour ma liberté que je m'étais défendue, aujourd'hui, c'était parce que je voulais aimer un garçon que mon père n'accepterait jamais sous-prétexte qu'il avait commis des erreurs dans le passé.
Je ne pouvais pas vivre dans une maison comme celle-ci, où j'avais l'impression d'être prisonnière. Cette sensation je l'éprouvais depuis des années, mais elle n'avait fait que s'intensifier avec le temps. Kelly avait tellement mené nos parents à bout, que je payais le prix de ses déceptions. Et là, j'atteignais ma limite, je ne le supportais plus. J'étouffais entre ces quatre murs, je ne faisais plus confiance à mes géniteurs. Je les aimais de tout mon cœur, ça ne changerait jamais, mais cette fois... je me choisissais moi. Et par conséquent, Jake.
Je n'avais pas encore dix-huit ans, c'était une question de semaines, mais je pouvais me trouver un boulot après le lycée. Et avec les quelques économies que j'avais de côté, si j'arrivais à faire en sorte que mes parents décongèlent le compte, je pourrai louer un appartement. Où je pourrais vivre avec Jake. Mais avant cela, il faudrait que je fasse une demande d'émancipation.
Jamais je n'avais songé à faire appel à une telle procédure, mais je ne voyais pas d'autre solution dans l'immédiat. Graham Porter l'avait fait pour Cole, peut-être qu'il pourrait m'aider également.
— Pourquoi as-tu fait une telle chose ? me demanda ma mère, inquiète. Est-ce ta manière de te rebeller ?
— Je ne vois pas en quoi aimer une personne est me rebeller, maman.
— Tu penses sincèrement que ce garçon tient à toi ? Qu'il ne joue pas avec toi ?
— J'ai passé une nuit dans son appartement, seule avec lui, avouai-je. Et tu sais quoi ? Il ne m'a pas touchée, bien que j'en mourais d'envie.
Elle savait tout autant que moi ce que cela signifiait. Jake n'avait pas de mauvaises intentions à mon égard. Nous avions enterré la hache de guerre, nous étions pardonnés nos erreurs passées. Pourquoi mes parents ne pouvaient-ils pas oublier ? Après tout, il n'était pas responsable de l'état de Kelly.
— Comment est-ce que papa a su ? ne pus-je m'empêcher de demander.
— Aiden McCall lui en a parlé.
Moi qui soupçonnais Kelly, j'aurais dû me douter qu'il s'agissait de cette sale fouine. Toujours à fourrer son nez là où on ne l'avait pas sonné.
— Tu aimes vraiment ce garçon ?
— De tout mon cœur, murmurai-je. Et si vous m'obligez à choisir... vous vous en mordrez les doigts.
Face à ma franchise, elle s'assit près de moi, le regard dans le néant et l'esprit à mille lieues du salon où nous nous trouvions. Pourquoi ne pouvaient-ils pas accepter qu'une personne pouvait changer et se repentir de ses crimes ?
J'ignorais où mon père était parti, mais ça ne me rassurait pas. Il serait capable de faire arrêter Jake dans le seul but de me faire plier à sa volonté. Il l'avait déjà fait enfermer une fois, qu'est-ce qui l'empêchait de recommencer ? Mon petit ami m'avait parlé de sa période en prison, de son désarroi, de sa colère vis-à-vis de tout et de tous. Il ne voulait plus jamais se sentir ainsi de sa vie. Il avait appris la leçon, et même si son boulot actuel ne l'enchantait pas des masses, il refusait de retomber dans ses vieilles habitudes. Si mon père recommençait les siennes, alors je n'hésiterai pas à le dénoncer auprès des autorités compétentes pour qu'ils lui retirent sa plaque. Je n'étais plus une gamine morte de trouille, manipulable. Non, désormais, je savais discerner ce qui était bien ou mal, sans qu'il n'ait à me le souffler à l'oreille.
Soudain, la sonnette retentit et je me raidis automatiquement. Ma mère se leva, puis alla ouvrir.
— Où est-elle ? demanda une voix que je connaissais à la perfection.
— Comment oses-tu venir ici, espèce de petit vaurien ? se scandalisa ma mère.
Je n'arrivais pas à croire qu'il était venu jusqu'ici, tout en sachant ce qu'il encourait si jamais mon père le voyait.
— Ivy ?! m'appela-t-il en faisant omission de la présence de ma mère.
J'espérais que ma joue avait repris sa couleur d'origine, sinon il allait savoir ce qui était arrivé un peu plus tôt.
— Je suis là, répondis-je en allant à sa rencontre.
Son air paniqué me chamboula, il était à deux doigts d'entrer sans la permission de ma mère, ce qui risquait de lui attirer des ennuis. Malgré la situation, sa venue me réjouissait, même si les risques étaient vraiment trop grands.
— Tu vas bien ?
— Non, mais je suis heureuse de te voir.
Un tendre sourire vint arborer son beau visage, tandis que ma génitrice nous contemplait à tour de rôle, sans trop savoir quoi faire. Finalement, elle se mit un peu en retrait, avant de disparaître totalement. Je fermai la porte derrière moi et restai sur le perron avant de me jeter dans ses bras. Ces derniers m'entourèrent et me pressèrent contre son corps, m'apportant tout le réconfort dont j'avais besoin en cet instant.
— Je suis désolé, murmura-t-il.
— Pas moi, soupirai-je, pesant totalement mes mots.
Me prendre la tête avec ma famille en valait la peine, si cela signifiait que lui et moi on pouvait continuer à être ensemble. Je n'allais pas renoncer à lui. Lui ne m'imposait aucun ultimatum, il voulait simplement que je sois heureuse. Mes parents devraient désirer la même chose, mais ils souhaitaient me contrôler avant tout. J'en avais marre de me laisser faire, de n'être rien d'autre qu'un vulgaire pantin entre les griffes de mon père.
— Tu es bien installé chez Olivia ?
— Oui, et il y a une place pour toi si tu le veux. Je leur ai raconté ce qui s'est passé avant de partir, et Clara m'a dit que si tu le voulais, tu pouvais venir également.
— Je suis mineure, Jake.
Ma gorge se noua, en constatant à quel point il se souciait de mon bien-être.
— Je ne peux pas quitter la maison sans l'accord parental.
— Tu le peux, si c'est de ton propre chef et que tu vas rendre visite à une amie, tenta-t-il de me convaincre. Être dans cette maison te consume. Pourquoi ne viens-tu pas avec moi ? Le temps que les choses se tassent un peu.
— Si mon père apprend que tu es là-bas, ça va très mal se passer.
— Je trouverai un autre endroit où loger dans ce cas.
— Dis pas n'importe quoi, marmonnai-je. Où irais-tu ?
— Je m'en fous, je veux simplement que tu sois en sécurité.
Il me caressa ma joue meurtrie et je grimaçai, l'endroit me faisant encore assez mal. Il s'en rendit compte et ne chercha pas midi à quatorze heures. Son contact était délicieux, ainsi que rempli d'espoir. Je voulais plus que tout partir d'ici, mais les choses se compliqueraient davantage, surtout si je n'étais pas émancipée. Cette idée me trottait dans la tête depuis tout à l'heure, j'y pensais sérieusement. Je ne me voyais pas attendre sagement quelques semaines avant d'atteindre les dix-huit ans.
— Et si tu allais chez moi ? me proposa-t-il.
— Chez toi ?
— Oui, Elijah n'y verra aucun problème. Vous vous entendez bien. Et même si ma mère ne veut pas avoir affaire à moi, elle ne refusera pas d'héberger une amie de mon frère.
— Non, Jake. Je crois que la chose la plus prudente, c'est que je reste ici.
Soudain, la porte derrière moi s'ouvrit et ma mère en ressortit avec un sac de sport, rempli à craquer. Qu'est-ce qu'elle faisait ?
— Ton copain a raison, Ivy. Il vaudrait mieux que tu partes pendant quelques jours, histoire que cette affaire se tasse. Chez Olivia, tu y seras bien.
Elle jeta un coup d'œil sur Jake, très sévère. Toutefois, il y avait quelque chose de doux également.
— Prends soin d'elle, tu veux ?
— Maman ?
— Tu as raison, d'accord ? Ton père a dépassé les bornes. Laisse-lui du temps, que je puisse lui parler à tête reposée. Tout s'arrangera. Je ne crois pas qu'il veuille perdre une autre fille.
Elle me remit le sac, puis me prit dans ses bras, tout en me demandant d'être prudente et de dormir dans la chambre d'Olivia, pas dans celle de Jake.
— Tu devrais y aller avant que ton père ne revienne.
Elle déposa un baiser sur mon front, me surprenant de plus en plus. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me soutienne, je pensais qu'elle obéirait aux ordres de mon père, sans rechigner.
Après m'avoir relâché, elle ferma la porte et je me retrouvai à nouveau seule sur le perron avec Jake, qui lui semblait tout aussi étonné que moi.
— On dirait que le problème est en partie réglé.
Il me tendit la main, et je la saisis avant de nous diriger vers sa Camaro, garée de l'autre côté de la rue.
Oui, il l'avait parfaitement dit : le problème était « en partie » réglé. Toutefois, cela ne me stressait que davantage.
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J'espère que ce chapitre vous a plu ! Maintenant, à savoir si son père va changer d'attitude ou si elle va être obligé de s'émanciper pour pouvoir vivre sa vie comme elle l'entend.
On se retrouve dans deux semaines pour la suite !
Bon week-end !
PS : POUR CEUX QUI NE LE SAVENT PAS, MA NOUVELLE ROMANCE EST DISPONIBLE SUR WATTPAD DEPUIS LE 22/09. IL Y A DÉSORMAIS 6 CHAPITRES EN LIGNE ! VOUS POURREZ AVOIR UN GRAND APERÇU DE L'HISTOIRE ET SI CETTE DERNIÈRE EST FAÎTE POUR VOUS OU NON.
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