Chapitre 4 - Cole (Tome 2)

Assis sur le sable blanc, je contemplai la mer à l'horizon. Il était tôt, mais étant donné que je ne dormais pratiquement pas, ce n'était pas un problème pour moi. J'aurais pu bosser pendant des jours entiers sans prendre de pauses, avoir l'esprit occupé était sans aucun doute mon but ultime.

Mon patron se demandait – amusé – quand est-ce que je me reposais, mais il ne se mêlait nullement de ma vie, ce que j'appréciais. Ici, j'étais le garçon sorti de nulle part, mystérieux et avec qui on essayait de se montrer serviable, même si la seule chose que je souhaitais c'était qu'on me foute la paix.

Avant de partir de Californie, j'avais pu me procurer des faux papiers. Désormais, je ne m'appelais plus Jayden Coleman, mais Finn Fletcher. J'avais emprunté le nom de famille de Veronica.

Du coup, selon ma nouvelle carte d'identité, j'avais vingt-et-un ans et étais né à Seattle, dans l'état de Washington. J'avais également teint les cheveux en blond, afin de passer encore plus inaperçu.

Ils devaient tous se dire que je planifiais cette « fugue » depuis un moment, en particulier mon géniteur, après tout, j'avais essayé de faire comme si c'était le cas. D'après ce que je savais, les autorités avaient retrouvé ma voiture sur le parking de la gare routière à Cloverdale. J'avais fait la une des journaux dans la région et je devais tout savoir dans le but d'avoir une longueur d'avance sur eux si jamais ils se rapprochaient trop. Je doutais beaucoup que Patrick ait laissé mon sort entre les mains des flics de Fairfield, j'étais même certain qu'il avait engagé des détectives privés. Ou alors, peut-être bien qu'il était soulagé de ma disparition, après tout, je n'avais fait que lui attirer des ennuis. Sans moi dans les pattes, il pouvait vivre sa petite vie tranquille. Plus de prises de tête à cause de son inconscient de fils.

Cependant, je ne pensais pas que Piper abandonnerait aussi facilement, pas après ce qu'elle avait fait...

Je réprimai un frisson et pris ma tête entre mes mains, avant de la secouer. Je ne devais surtout pas penser à cette garce, à Fairfield ni à rien qui se trouvait là-bas. J'évitais plus que tout de le faire, car j'avais la sensation que je pourrais bien finir par me foutre en l'air. Ces idées-là me traversaient l'esprit les trois quarts du temps et ce n'était pas normal.

J'avais déjà expérimenté ce genre de phases, que les psychiatres ou les psychologues définiraient comme « suicidaires », tout juste après la mort d'Amara. Peu à peu, cela semblait être passé, mais j'étais entré rapidement dans la phase « autodestruction ». Là, je ne pensais pas être dans une nouvelle phase qui mettrait ma vie en danger, mais je mentirais si je disais que ce genre de pensées ne m'étaient jamais passées par la tête. Je pouvais les contrôler, mais c'était quelque chose qui m'épuisait, que cela soit psychiquement ou physiquement.

Je me maintenais également éloigné de l'alcool et des drogues, mais il y avait des jours où j'étais vraiment à un rien de replonger. Parfois, j'avais tout simplement envie de me soûler à mort, puis d'aller dans l'océan et de laisser tout simplement le courant m'emporter. Je ne manquerais à personne et une fois que j'aurais disparu de la surface de cette Terre, alors les problèmes seraient vraiment terminés pour tout le monde.

Cependant, j'ignorais ce qui me retenait de mettre une fin à cette existence sans sens, mais je savais simplement que je ne pouvais pas faire ça à Olivia. Mon souvenir d'elle était sans aucun doute ce qui m'aidait à garder l'esprit clair, même si je m'efforçais également de ne pas trop penser à elle. Ça faisait mal d'aimer une personne mais de ne pas pouvoir être auprès d'elle pour sa propre sécurité. J'avais pris cette décision seul, j'étais au courant, mais si j'étais resté, jamais elle ne se serait éloignée de moi et elle aurait fini comme Ronnie.

En tout cas, lorsque j'arrivais à m'endormir, la première chose qui me venait à l'esprit en ouvrant les yeux, c'était bel et bien elle.

Nous n'avions été ensemble que pendant quelques jours, pourtant, elle avait réussi à ébranler tout mon monde et à y laisser son emprunte au plus profond de mon cœur ainsi que de mon âme. Les semaines avaient beau s'écouler, ce que je ressentais pour elle ne s'évanouissait pas, ça devenait même encore plus fort à chaque jour qui passait. J'ignorais comment c'était possible.

Je devrais trouver une fille dans le coin, la séduire et coucher avec elle pour me sortir Liv de la tête, mais j'en étais tout simplement incapable. À chaque fois qu'une femme s'approchait de moi, je n'y voyais aucun intérêt, elle était transparente pour moi. Plus rien n'avait vraiment d'importance dans ma vie, j'avais la sensation de n'être rien d'autre qu'une coquille complètement vide. Mes sentiments, je les enfouissais à l'intérieur de moi et les enfermais à double tour, de peur de me laisser submerger par eux. C'était mieux ainsi, ne rien ressentir voulait aussi dire que je ne pouvais pas souffrir, car lorsqu'on n'éprouvait aucun sentiment, rien ne pouvait vraiment nous atteindre.

Pas d'attachements, pas de sentiments, c'était sans aucun doute la meilleure solution pour moi. Après tout, ceux qui m'approchaient et se liaient à moi finissaient tôt ou tard par en payer le prix.

Vivre... je ne le faisais pas vraiment. Mourir ? Je ne le désirais pas non plus. Alors il ne me restait plus qu'à survivre du mieux que je le pouvais, dans ma solitude.

Je secouai la tête pour me débarrasser de ces idées morbides et me focalisai sur le mouvement des vagues en inspirant l'air marin, qui m'apaisa presque instantanément. J'adorais la mer, le sable, l'eau et je ne savais pas vraiment pourquoi, mais c'était tout simplement un fait. J'avais choisi un endroit près de la côte exprès, c'était là où je risquais de me sentir un peu mieux. Je souhaitais avoir un peu de paix dans ce bordel qu'était ma vie et la mer me le rendait bien.

Je bossais tranquillement dans un café du coin, ce qui me permettait de gagner aisément ma vie. J'avais toujours l'argent que j'avais retiré de la banque avant de me débarrasser de ma carte ainsi que de ma voiture, j'essayais de l'utiliser le moins possible. Il se trouvait dans un sac de sport, sous mon lit, et je ne m'en servirais qu'en cas de pépin. Si jamais j'avais des soupçons d'avoir été repéré, je n'aurais qu'à prendre ce fric pour partir quelque part ailleurs. C'était ma sortie de secours.

Les États-Unis étaient très grands, puis chaque état était un monde à lui tout seul. J'avais l'embarras du choix pour me cacher, mais j'avais préféré rester sur la côté Ouest, après tout, c'était mon chez moi. J'avais choisi de m'installer à Rockaway Beach, sur la côte de l'Oregon. Il s'agissait d'un endroit tranquille, avec moins de mille cinq-cents habitants, en bord de mer, ce qui pour moi en faisait l'endroit rêvé. D'ailleurs, la ville ne se trouvait même pas sur la route que parcourait le bus qui allait de Cloverdale à Seattle, j'avais fait plusieurs correspondances avant d'arriver jusqu'ici. Encore une fois, j'avais essayé de penser à tout pour ne pas laisser des traces que l'on pourrait retrouver.

Depuis mon arrivée à la fin du mois de Mai, je squattais une chambre dans le motel Silver Sands. Je l'avais choisi exprès parce qu'il était à un pas de la plage et parce que la partie arrière de la chambre donnait sur l'océan. J'adorais l'observer, surtout la nuit lorsque je n'arrivais pas à concilier le sommeil. J'étais arrivé à un accord avec le propriétaire, je lui payais cent cinquante dollars la semaine et il ne posait pas de questions. Étant donné qu'il s'agissait d'une petite ville où il n'y avait pratiquement pas de touristes, je lui assurais un gain de six-cents dollars par mois, ce qui lui avait convenu parfaitement. Puis... peut-être bien que sa fille l'avait également convaincu, je n'en étais pas encore certain, mais j'avais mes soupçons.

— Hé, tu es bien matinal, Finn, dit une voix derrière moi.

Après ces trois mois, j'avais encore du mal à me faire à mon nouveau prénom, surtout lorsqu'on me prenait au dépourvu comme en cet instant.

Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agissait : Grace, la fille de mon proprio. C'était une fille de seize ans, ou dix-sept peut-être. Depuis que j'avais débarqué ici, elle n'avait cessé de vouloir se rapprocher de moi. J'avais beau la repousser et me montrer froid avec elle, ça semblait avoir l'effet inverse. Elle n'était pas collante, loin de là, mais elle tentait des rapprochements à chaque fois qu'on se croisait.

Je n'étais pas vraiment bavard avec elle, nos conversations se limitaient aux politesses habituelles, mais il lui arrivait de venir sur la plage, tôt les matins, comme moi, pour faire son footing. Alors, elle s'asseyait à mes côtés et commençait à parler, avant de conclure, me souhaiter une bonne journée et partir.

— Les cours reprennent la semaine prochaine, je ne vais plus être en mesure de venir te saluer aussi tôt le matin, soupira-t-elle en s'asseyant auprès de moi, un peu plus proche par rapport à d'habitude.

Je la laissai faire, après tout, si elle m'agaçait, je n'aurais qu'à me lever et partir. C'était aussi simple que ça.

— Ta dernière année de lycée n'a pas été trop difficile ? Personnellement, j'ai le trac.

J'étais censé avoir vingt-et-un ans, par conséquent, ma douzième année devrait être loin derrière moi, mais bien évidemment, ça n'avait jamais eu lieu. En ce moment même, je devrais être en train de me préparer pour aller en cours. J'irais jusqu'à ma voiture et attendrais qu'Olivia arrive, afin que nous partions ensemble pour Rodriguez. C'était sans aucun doute le cas dans un monde alternatif.

— Je dois envoyer mes demandes pour l'université, ça me fait vraiment paniquer.

Je tournai doucement mon regard vers elle. J'ignorais ce qu'elle voyait en moi ou ce qu'elle voulait vraiment, mais en ce moment, elle semblait vraiment avoir besoin d'un conseil, or, je n'étais pas la bonne personne pour ça. À vrai dire, je n'avais jamais réfléchi à quelle université je voulais me rendre, ça ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Sans doute, inconsciemment, je savais que mon nom de famille ainsi que l'argent de cette dernière m'ouvriraient toutes les portes nécessaires, sans que je n'aie à bouger le moindre petit doigt. J'avais eu beaucoup de choses pour acquises pendant trop longtemps, je m'en rendais parfaitement compte à présent.

— Ça ira, murmurai-je afin de la rassurer un peu, même si je n'en avais vraiment aucune idée.

— Tu es allé à la fac ?

— Non, avouai-je.

Pourquoi lui dire le contraire ? La meilleure chose à faire lorsqu'on s'inventait une vie, c'était de dire le moins de mensonges possibles, seulement ceux qui étaient absolument nécessaires et ce dernier n'en était pas un.

— Tu n'as jamais eu envie de faire un métier en particulier ?

Sa question me dérangea, parce que c'était bien le cas. J'ignorais complètement quelle voie je voulais suivre, même si désormais, ça n'avait plus vraiment d'importance.

— La vie que je mène me convient, je ne demande pas plus, répondis-je en haussant les épaules et en tournant à nouveau le regard vers l'océan Pacifique.

— Moi, je désire vraiment quitter cette ville pourrie, ronchonna-t-elle.

— Elle n'est pas si mal que ça, au moins, c'est un lieu tranquille, sans soucis.

— Et c'est ce que tu recherches, non ? Passer inaperçu ?

Face à sa remarque, je me raidis de la tête aux pieds, avant de jeter un coup d'œil discret sur elle. Je ne voulais vraiment pas qu'elle fourre son nez dans mes affaires, or, c'était vraiment l'impression qu'elle me donnait en cet instant et je n'aimais vraiment pas ça.

— Ça va, Finn, ricana-t-elle, tu n'as pas besoin d'être aussi hostile, je ne vais pas te manger.

Elle ne savait vraisemblablement pas en quoi consistait un comportement « hostile », du moins, le mien.

— C'était sympa de discuter un peu avec toi, on progresse ! ironisa-t-elle.

J'essayai de cacher un sourire en coin, son intonation m'amusait. Elle semblait emballée ainsi que déçue, c'était un mélange à la fois étrange et intéressant.

— Je te laisse. À plus tard, Finn ! décréta-t-elle en se levant et en s'en allant.

Je ne lui répondis pas, ni même la regardai, cela faisait peut-être de moi un sale con, mais je lui faisais une faveur. Je ne souhaitais entamer une amitié avec personne et encore moins une relation amoureuse, ce qu'elle semblait vouloir. Je n'étais pas stupide et voyais parfaitement comment elle me reluquait, ça n'avait rien à voir avec du narcissisme, mais je n'étais pas aveugle.

Elle aurait beau faire tous les efforts du monde pour me parler et tenter de m'atteindre, pour moi, elle resterait invisible.

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Hey! Alors ce premier chapitre (hormis le prologue) du point de vue de Cole ? 

Eh oui, désormais il n'est plus brun, mais blond ! Et niveau moral, ce n'est pas le top. 

Bref, on se retrouve vite pour la suite ! 

Bonne fin de semaine !

Tamar.

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