Chapitre 11 - Jake (Tome 2)
Après avoir terminé mon travail, pris une douche express à la maison et mangé un bout, j'étais passé chercher Alex à Eastridge Hills en cette fin d'après-midi.
Dernièrement, on passait beaucoup de temps ensemble et il semblait ne pas trop se faire d'amis à Rodriguez, même si je doutais qu'il fasse l'effort. Après tout, je pouvais le comprendre. Pour lui, ses camarades ne devaient être rien d'autre que des gamins, trop enfantins pour lui qui avait déjà vécu son lot d'emmerdes, dont la case prison. C'était certain qu'ils étaient à des niveaux différents.
Moi aussi j'avais du mal à m'intégrer, à trouver des gens qui me comprenaient, alors je pouvais parfaitement imaginer ce qu'il était en train de vivre. Ça me faisait plaisir qu'il vienne vers moi et qu'on passe du temps ensemble, comme lorsque nous étions tous les deux en taule, mais je doutais beaucoup que cela plaise à sa famille de le voir tout le temps trainer avec moi.
Après tout, la meilleure chose qu'Alex pouvait faire pour oublier ces mois de calvaire derrière les barreaux, c'était de ne pas côtoyer son passé et j'en faisais partie intégrante. C'était loin d'être simple en prison, il fallait avoir des yeux partout et rester sur le qui-vive à tout moment. On pouvait dire que lui et moi avions eu de la chance de ne pas nous être fait agresser dans les douches, mais ce n'était pas le cas d'autres détenus. C'était la jungle, la loi du plus fort, il n'y avait pas de place pour la faiblesse dans ces lieux, sinon, on te dévorait tout cru.
Ce qu'on avait pu tous les deux voir, on ne le dirait jamais à personne et je n'étais pas forcément fière de mon inaction face à certaines situations, mais si tu ne voulais pas que ça t'arrive, il valait mieux écraser et faire l'autruche. Même les gardes faisaient comme si de rien était et après les premiers mois enfermé, j'avais rapidement compris que je devais m'occuper que de ma pomme, du moins, c'était ce que je faisais avant qu'Alex débarque et devienne mon camarade de cellule.
— Quelque chose ne va pas ? finis-je par lui demander après plus de trente minutes de silence.
Nous étions tout simplement assis sur un banc dans un parc. Certains gamins me cassaient les oreilles à crier comme des putois, mais je prenais sur moi.
Alex se contenta de hausser les épaules, chose qu'il avait tendance à faire lorsqu'il n'avait rien à branler de ce qu'on lui disait.
Je poussai un soupir et me laisser retomber contre le dossier en bois du banc.
— Tu es bien maussade depuis quelque temps, tu vas te décider à cracher le morceau quand ? Qu'est-ce qu'il y a ? Des peines de cœurs ?
Il tourna le visage vers moi et me foudroya du regard, avant de lever son majeur et me faire une doigt d'honneur, ce qui me fit ricaner. Il réagissait toujours pareil avec moi, lorsque je devenais insistant.
— Tu sais que tu peux me parler de tout, n'est-ce pas ?
Cette fois, j'étais vraiment sérieux. Quoi qu'il advienne, je le soutiendrais et l'encouragerais, comme il faisait avec moi. J'ignorais vraiment pourquoi je m'étais tellement attaché à ce gamin, mais sans doute toute l'injustice dont le système avait fait preuve contre lui était l'une des raisons. Nous nous ressemblions pas mal également, nous étions loyaux et prêts à tout pour le bien-être de ceux qui nous étaient chers. Ça, je l'avais compris lorsqu'il m'avait raconté la véritable histoire qui l'avait conduit derrière les barreaux.
Alex pivota tout son corps doucement vers moi et me fixa pendant quelques instants, en serrant les mâchoires. Il avait l'air drôlement coupable, qu'avait-il pu bien faire ? J'avais la sensation que quelque chose le rongeait de l'intérieur. Lorsqu'il était en prison, il n'avait pas ce comportement, ni même lorsque toutes les charges avaient été retirées contre lui, alors... qu'est-ce qui avait changé entre temps ?
Il passa ses mains sur son visage et je me rendis compte qu'il tremblait. Bordel, il commençait sérieusement à m'inquiéter !
— J'ai fais une connerie, Jake.
Et c'était censé me rassurer ? Mais qu'il crache le morceau, merde !
— J'ai engagé un détective privé avec l'indemnisation de mon ancien avocat pour retrouver quelqu'un.
Il avala sa salive, laissant son récit en suspens et incitant encore plus ma curiosité. Pendant ce temps, plein d'hypothèses défilaient dans ma tête, qui voulait-il donc retrouver ? Je doutais que cela soit Cole, déjà parce son père en avait engagé plusieurs et qu'ils ne trouvaient rien du tout et ensuite, parce qu'Alex voulait que sa sœur cesse de le chercher, alors je le voyais très mal dépenser de l'argent pour ce fils à papa qui avait disparu parce qu'il le désirait.
— Tu as dépensé trente mille dollars ? m'étranglai-je en imaginant le chiffre.
— Pour le moment simplement cinq mille, souffla-t-il, mais j'ignore si j'ai bien fait. T'as une clope ?
Je sortis rapidement mon paquet de cigarettes ainsi que mon briquet et les lui tendis. Il n'était pas dans ses habitudes de fumer, même en prison, je l'avais rarement vu faire, mis à part quand il était stressé, pas comme moi qui fumais de manière régulière. Je repris mon paquet et en attrapai une également avant de la placer entre mes lèvres pour l'allumer.
La fumée entra dans ma gorge, chatouilla ma trachée et remplit mes poumons, pour quelques secondes plus tard, refaire le chemin inverse pour finalement, s'échapper à travers ma bouche et mon nez.
Alex titillait sa jambe frénétiquement et tirait sur sa clope à l'extrême, la terminant en un temps record. Une fois cette dernière finie, il attrapa à nouveau mon paquet et en sortit une autre, pour répéter le même processus. Je gardai mon calme alors que son comportement commençait sérieusement à me frustrer.
— Qui avais-tu besoin de chercher ? ne pus-je m'empêcher de lui demander.
Il fit tomber la cendre par terre en tapotant doucement sur sa cigarette et tourna à nouveau son regard vers moi.
— Mon géniteur.
Je m'étouffai avec la fumée que j'étais en train d'inhaler. Son quoi ?!
D'après ce que j'avais compris, sa mère l'avait élevée seule avec Olivia, il n'y avait jamais eu de père, simplement eux trois. Je ne connaissais pas l'histoire en détail, mais sa mère aurait décidé de quitter son paternel lorsque ce dernier purgeait une peine de prison et ne l'aurait jamais mis au courant de sa grossesse. Elle avait tout simplement changé d'état et il n'avait jamais tenté de la rechercher.
— Ça va détruire ma mère, se lamenta-t-il. Olivia et moi lui demandions lorsque nous étions petits qui était notre père, mais nous avons cessé de le faire en voyant que ça la mettait mal à l'aise.
Je me doutais que ça devait vraiment beaucoup énerver une mère célibataire de se rendre compte qu'elle ne serait jamais suffisante pour ses gosses, qu'ils voudraient toujours savoir qui était leur père, malgré le fait qu'il ne se soit jamais occupé d'eux.
— Comment tu as fait ?
— J'ai trouvé d'anciennes lettres qu'il lui avait envoyé depuis la prison, soupira-t-il en écrasant la clope par terre. Après toutes ces années, elle les gardait encore. Il y avait son nom dessus, ainsi que le nom de la prison, alors il n'a pas été très difficile pour le détective de faire ses fouilles.
Il avait l'air de s'en vouloir d'avoir fait une telle chose, mais même si mon père était un connard qui s'était barré avec une stripteaseuse vingt ans plus jeune que oui, je pouvais aisément me mettre à la place de mon ami. Si je m'étais retrouvé dans sa situation, j'aurais aimé savoir qui était mon père, après tout, c'était quelque chose de nécessaire lorsqu'il y avait une quête d'identité. Nous voulions tous savoir d'où nous venions, c'était quelque chose de tout à fait normal, de naturel. Il n'avait pas à se sentir coupable.
— Il s'appelle Javier Cortés, quarante ans, d'origine cubaine... il vit toujours en Floride, à vrai dire, il vit toujours à Cape Coral, là d'où est également originaire ma mère. Il a purgé une peine de prison de six ans pour vol de voiture aggravé, c'était une petite racaille qui démantelait des caisses pour revendre les pièces au marché noir. Désormais, il vend des voitures d'occasion, pouffa-t-il, comme si tout ceci le dépassait.
— Est-ce que tu en as parlé à Liv ?
— Non, elle ne comprendrait pas. Lorsque nous étions plus jeunes, c'était elle qui me disait de laisser tomber l'affaire, que je risquais sinon de chagriner notre mère. Elle n'aimait pas la voir pleurer et c'était ce qui arrivait à chaque fois que nous abordions le sujet.
— Ta mère était si amoureuse de lui ?
— Je l'ignore, à ce que je sache, ma mère n'a jamais eu d'hommes dans sa vie, il n'y a toujours eu que Liv et moi, jamais personne d'autre. Elle ne parle jamais de lui, j'ai appris son prénom en trouvant ces lettres, il y a plus de deux mois, lorsque je déplaçais ses affaires de la chambre de la pool-house vers celle du manoir, m'expliqua-t-il. Et elles datent d'il y a plus de dix-sept ans, du temps où elle était enceinte de nous deux et qu'elle vivait encore à Cape Coral avec notre grand-mère.
Si elle les avait gardées, cela voulait dire qu'elles signifiaient quelque chose pour elle, sinon, elle s'en serait débarrassées.
— Tu les as lues ?
— Juste une. Je savais que mon père avait fait de la prison, alors j'ai supposé que c'était lui. Il lui écrivait des choses vraiment très belles et ne cessait de dire que lorsqu'il sortirait de taule, il trouverait un bon travail et deviendrait un homme respectable, qu'il se rachèterait pour ses crimes et lui demandait de l'attendre.
Merde, il était évident que son père aimait vraiment sa mère. Ça avait dû lui faire un choc lorsqu'il avait reçu la lettre d'adieu ou encore, lorsqu'il n'avait plus reçu de lettres d'elle. J'ignorais si elle l'avait quitté dans les normes ou si elle était tout simplement partie, le laissant dans le flou le plus complet.
— Il est divorcé d'ailleurs et a un gamin de dix ans, continua-t-il.
Je retins mon souffle pendant quelques instants, m'imaginant ce qu'il avait dû ressentir en lisant le dossier que le détective lui avait donné.
— Tu as un demi-frère, murmurai-je.
— Il faut croire.
— Et tu sais s'il est au courant pour toi et Olivia ?
Encore une fois, il haussa les épaules.
Alors c'était tout ? Il n'allait pas essayer d'en savoir plus ? Il avait pris l'initiative de le rechercher, l'étape suivante serait de le contacter.
— Tu vas en rester là ?
— Je n'en sais rien, c'est ça qui me tue. Je n'ai aucune idée de quoi faire. D'un côté, j'ai envie de le connaître et de savoir comment il est. Physiquement, nous nous ressemblons pas mal, mais j'ai envie de savoir si nous avons des points communs, cependant d'un autre... je ne veux pas blesser ma mère. Elle a tant sacrifié pour Liv et moi, je ne veux pas qu'elle pense qu'elle n'est pas suffisante.
En effet, c'était un vrai dilemme et il n'était pas sorti de l'auberge. Je le plaignais vraiment, cependant, il devrait faire ce que son cœur lui dictait. En ce moment, il fallait qu'il fasse ce dont il avait vraiment envie, c'était sa vie aussi après tout, il avait le droit de contacter cet homme et d'apprendre à le connaître si l'envie l'en prenait.
— C'est de ton identité de dont il est question, Alejandro. Tu arrives à une étape de ta vie où les évasives de ta mère ne marchent plus, tu dois savoir. Mon seul conseil est de faire ce dont tu as vraiment envie et de ne pas te soucier du reste.
Il avala sa salive et baissa le regard. Il y avait un conflit qui le tiraillait de l'intérieur, ce qui le rendait maussade et cela devait bien faire un moment, près d'un mois. Je me demandais comment il avait fait pour garder ça pour lui et ne pas en avoir parlé à sa jumelle, ce serait bien une première !
— Lorsque je me suis fait poignarder, continua-t-il, j'ai immédiatement pensé à ma famille et j'ai réalisé que j'allais crever sans savoir qui j'étais vraiment.
Je serrai les dents en me souvenant de cet épisode relativement récent. Il avait eu un sacré bol de s'en être tiré aussi bien, alors qu'il aurait parfaitement pu y rester. Heureusement que celui qui l'avait attaqué l'avait raté, sinon en ce moment, je serais en train de discuter devant une pierre tombale avec un fantôme.
— Je pense que tu devrais le rencontrer, c'est ton droit après tout.
Il hésitait énormément, ayant peur de faire du mal à ceux qu'il aimait en sa quête d'identité, mais Alex avait passé une sale période et il avait besoin de se retrouver. Et quelle meilleure manière qu'en découvrant ces racines qui lui avaient été niées depuis sa naissance ?
— Mais tu devrais en parler à Liv d'abord.
— Elle va me trucider.
Peut-être bien, mais elle avait tout autant le droit que lui de prendre une décision, cela ne voulait pas dire qu'Alex devait se plier à sa volonté si jamais elle décidait qu'elle ne voulait rien savoir de cette personne, simplement lui donner l'opportunité de rencontrer l'homme qui était aussi à l'origine de sa vie.
— De toute façon, il vit en Floride, ce n'est pas comme si j'allais m'y rendre.
— Non, mais s'il apprend qu'il a deux enfants, peut-être que c'est lui qui fera le déplacement, raisonnai-je. Si c'était un sale type comme ta mère l'a toujours prétendu, jamais elle n'aurait gardé ces lettres en souvenir.
Ça n'avait pas de sens, si elle l'avait fait, c'était sans aucun doute parce que d'une manière ou d'une autre, leur père était toujours présent dans sa mémoire et qu'elle l'avait aimé.
— Je vais y réfléchir. Merci de m'avoir écouté, guey.
Il me sourit tristement et je lui tapotai virilement le dos, avant de passer un bras par-dessus ses épaules pour le taquiner un peu et ainsi lui remonter le moral.
— C'est à ça que servent les amis, non ?
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Hey ! J'espère que vous allez bien, moi avec cette chaleur, je tiens plus 😫 (l'hiver me manque vraiment).
Enfin bref, on sait pourquoi Alex a un comportement bizarre, c'est la culpabilité qui le fait agir ainsi avec ses proches, mais surtout, avec Olivia. Je trouvais que c'était plus logique qu'il se confie d'abord à Jake, car lui ne le jugera pas.
Je tenais à vous informer également qu'à partir du 4 AOUT je commencerai à publier ma romance feelgood mxm (romance entre garçons pour ceux qui ne connaissent pas) "Nuance Arc-En-Ciel" et je publierai entre 2 et 3 chapitres (ou parties plutôt car les chapitres sont très longs) par semaine. Je publierai une partie spéciale à cet effet sur ce livre le 04/08. Bien sûr, comme toujours, je vous invite à aller la découvrir, il y aura des voyages, des amitiés, de l'amour et BEAUCOUP d'humour.
Bon, on se retrouve la semaine prochaine pour la publication du chapitre 12 de Si Seulement.
Bisous !
Tamar
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