RÈGLES
Après quelques minutes qui me semblent une éternité, un bruit de talons résonne sur le sol. Je lève doucement la tête et aperçois une femme, probablement dans la cinquantaine, qui se dirige vers moi. Un sourire poli étire ses lèvres alors qu'elle s'approche. Elle s'arrête à ma hauteur, tendant une main que je serre instinctivement.
— Bonsoir, Valentina. Je suis ravie de vous accueillir. Je m'appelle Rosita, dit-elle avec chaleur.
— Bonsoir, murmuré-je timidement en réponse.
Elle me détaille brièvement, puis jette un regard autour de moi avant que ses yeux se posent sur ma valise.
— Où est le reste de vos affaires ? demande-t-elle, visiblement surprise.
— Il n'y a que ça, dis-je maladroitement, comme si n'avoir qu'une simple valise était une faute. C'est tout ce que je possède.
— Très bien, répond-elle simplement avant de saisir ma valise. Suivez-moi.
Je la suis en silence. Nous montons l'escalier situé sur notre gauche, et une fois arrivées au premier étage, elle ouvre une porte et entre dans la pièce avec ma valise. Je m'arrête sur le seuil, hésitante, mon regard balayant l'immensité de cette chambre.
Un frisson désagréable parcourt mon dos, et mes mains commencent à trembler. Ma respiration se fait plus rapide et laborieuse. Est-ce une crise d'angoisse ? Pourquoi cet espace me met-il autant mal à l'aise ?
Rosita, remarquant mon malaise, revient rapidement vers moi. Elle pose doucement une main sur mon avant-bras, son regard se voulant rassurant.
— Est-ce que tout va bien ? demande-t-elle, saisissant ma main tremblante dans la sienne.
Je sais qu'elle sent ma nervosité. Son instinct maternel prend le dessus lorsqu'elle pose son autre main sur mon front, probablement pour vérifier ma température.
— Vous n'avez pas de fièvre, dit-elle doucement en plongeant ses yeux dans les miens. Quelque chose vous dérange ?
— Avez-vous... une chambre plus petite ? demandé-je enfin, hésitant à formuler ma requête.
— Cette chambre ne vous plaît pas ? demande-t-elle, libérant ma main avec douceur.
— Ce n'est pas ça, dis-je, ma voix tremblante. Je me sentirais juste plus à l'aise dans une pièce plus petite. Je n'ai besoin que d'un lit et d'un coin bureau. Je ne demande rien d'autre.
— Êtes-vous agoraphobe ?
— Non, ce n'est pas ça, réponds-je rapidement, évitant de révéler des détails trop personnels. Je suis désolée, je viens d'arriver et je vous impose déjà mes exigences. C'est impoli de ma part.
— Ne vous excusez pas, dit-elle avec un sourire apaisant. Je comprends. Venez, je vais vous installer dans la chambre d'amis. Elle est plus petite. Vous vous y sentirez mieux, ajoute-t-elle d'une voix douce qui me surprend.
Je la suis à nouveau, cette fois redescendant au rez-de-chaussée pour emprunter l'escalier de droite. Une fois au premier étage, elle ouvre une nouvelle porte. La pièce est bien plus petite, et son ambiance cosy me rassure instantanément. Face à moi, un lit simple avec une table de chevet et une lampe posée dessus. Une armoire remplie de livres se dresse derrière la tête de lit, et un petit bureau avec une plante verte complète l'espace.
— Est-ce à votre goût ? demande Rosita avec un sourire bienveillant.
— C'est parfait, dis-je, un sourire discret sur les lèvres. Merci infiniment.
— Je vais chercher du linge de lit. Faites comme chez vous, dit-elle avant de sortir.
Une fois de retour, nous faisons le lit ensemble, puis je déballe mes affaires après qu'elle m'a laissée tranquille. L'atmosphère paisible de la chambre me permet de me détendre légèrement. Pourtant, vers vingt-trois heures, malgré l'heure avancée, je ne ressens toujours pas de fatigue.
Je décide de quitter ma chambre pour explorer la maison, mais dès que j'ouvre la porte, je me retrouve face à Mary, la femme de William. Surprise, je sursaute et recule d'un pas.
— Je suis désolée, je ne voulais pas vous effrayer, dit-elle calmement. Êtes-vous bien installée ? Avez-vous besoin de quelque chose ?
— La chambre est agréable. J'ai tout ce qu'il me faut, je vous remercie.
— Bien, alors suivez-moi, je vous prie.
Elle m'entraîne jusqu'à la cuisine, où elle se tient face à moi près du réfrigérateur. Ses yeux s'attardent sur les miens quelques secondes de trop, créant une gêne palpable.
— Vous avez les mêmes yeux qu'elle, murmure-t-elle soudainement.
— Pardon ? Qu'avez-vous dit ? demandé-je, surprise.
— Oubliez ça, dit-elle rapidement, sur la défensive.
Elle reprend alors sur un ton neutre, comme si rien ne s'était passé.
— Puisque vous allez rester ici un certain temps, il y a des règles que vous devez connaître. Puis-je vous tutoyer ?
— Bien sûr.
— Merci. Cela sera plus simple. Tout d'abord, sache que les employés s'occupent de l'entretien, des repas et du linge. Si tu veux aider, tu peux, mais évite d'interférer. Le repas du soir est sacré : c'est le seul moment où nous sommes tous réunis. Maintenant que tu es ici, j'aimerais que tu sois présente. Pour le reste, fais comme bon te semble, mais évite deux endroits : le bureau de William et le sous-sol. Ces lieux sont strictement interdits.
— Je comprends.
— Bien. Il y a une dernière chose, dit-elle, sa voix devenant plus froide tandis qu'elle s'approche dangereusement. Je ne tolérerai aucun rapprochement avec l'un de mes fils.
Son ton, plus proche de la menace que de l'avertissement, me glace le sang. Je ressens une peur viscérale face à l'intensité de ses paroles et à la lueur inquiétante dans son regard.
— Vous n'avez pas à vous inquiéter, dis-je en reculant. Je ne suis que de passage ici.
Son corps semble soudain se détendre, mais elle continue de me fixer avec insistance.
— Bien. Tu sembles intelligente, dit-elle d'un ton tranchant. Mais souviens-toi : si tu enfreins ne serait-ce qu'une seule de mes règles, je me débarrasserai de toi sans hésitation. Ce ne serait pas la première fois.
Ses derniers mots me frappent de plein fouet. Mon regard rencontre le sien, et ce que j'y vois ne me plaît pas du tout. Une vague de haine et de peur me submerge. Malgré mes efforts pour rester calme, mes poings se serrent instinctivement, et une lueur de défi traverse mes yeux embués de larmes.
Je prends sur moi, retenant mon envie de fuir, bien consciente que dans cette maison, le danger est bien réel.
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