PRISE DE DÉCISION

Quelques jours se sont écoulés depuis cette nuit où ma tentative de quitter irrévocablement ce monde a été interrompue. Depuis, le dégoût et la dépression continuent de m'étreindre, m'empêchant de trouver un semblant de paix.

La nuit est tombée lorsque je me dirige vers l'hôtel où je loge, tentant une fois de plus d'éviter William Anderson. Depuis des mois, cet homme insiste pour que je m'installe chez lui, auprès d'une famille que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam.

Un étranger qui, pourtant, semble avoir pris soin de moi depuis que je suis orpheline. Depuis que ma vie a basculé. Il n'a jamais eu de mal à me retrouver, à rester en contact, se faisant passer pour un oncle bienveillant. Et à chaque visite, son visage rayonnait d'un bonheur évident, tandis que le mien se noyait dans l'angoisse. Car pour moi, il n'a jamais été autre chose qu'un bourreau, hantant mes cauchemars.

Je l'ai rencontré à l'âge de onze ans, peu après mon arrivée à l'orphelinat. Malgré son attitude attentionnée et ses gestes qui auraient pu sembler sincères, j'ai toujours su qu'il cachait quelque chose. Une vérité enfouie, bien trop lourde pour être révélée.

William Anderson, cet homme chaleureux en apparence, est en réalité un monstre. J'ai découvert son véritable visage à vingt-et-un ans, après des années de recherches. Son nom revenait toujours, encore et encore, jusqu'à devenir une évidence. Il est l'assassin de ma famille, le seul responsable de l'incendie qui les a emportés.

Même s'il ne me l'a jamais avoué, tout mène à lui. Si un élément est un incident, deux une coïncidence, trois une constante, alors quatre ne peut être qu'une évidence. Cet homme avait tissé sa toile autour de moi, et j'étais devenue sa proie. Pourquoi ? Dans quel but ? Je n'en ai toujours aucune idée.

Depuis cette révélation, j'ai tout fait pour l'éviter. Mais William est persistant. Sa détermination dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer. Avec le temps, j'ai espéré qu'il se lasserait. Pourtant, c'est tout l'inverse. Il s'accroche.

Aujourd'hui, je suis face à un dilemme impossible : accepter sa proposition et m'installer chez lui, revivant chaque nuit mon traumatisme, ou continuer à survivre à peine, prisonnière d'une routine vide de sens. Ai-je seulement un vrai choix ? Je n'en suis plus certaine.

La haine que je ressens pour lui se mêle à une obsession dévorante : découvrir la vérité. Connaître enfin les réponses que je cherche depuis des années. Je sais déjà ce que je vais faire, même si c'est la dernière chose que je souhaite. Même si cela signifie aller vivre avec cet homme que je déteste, dans un lieu inconnu, entourée d'étrangers.

Je pousse un long soupir d'agacement et sors mon téléphone de mon sac. Je déverrouille l'écran, cherchant son numéro dans mes contacts. Deux sonneries plus tard, une mélodie familière résonne derrière moi.

Je me retourne, et mon cœur se serre. William est là, à quelques mètres, un sourire sincère accroché à son visage. Je range précipitamment mon téléphone dans la poche de mon manteau, tentant de cacher ma nervosité. Il s'avance lentement, et lorsqu'il arrive à ma hauteur, il s'arrête, son regard ancré dans le mien.

— Je suis ravi que tu m'aies appelé, commence-t-il d'un ton naturel. Est-ce que tu vas bien ? Manges-tu à ta faim ?

Je déteste cette douceur dans sa voix. Pourquoi se montre-t-il toujours aussi prévenant ? Qu'a-t-il à y gagner ? Pourtant, une part de moi, bien malgré moi, lui en est reconnaissante. Il agit comme le père que j'aurais aimé avoir. Pas comme celui qui m'a abandonnée après l'anniversaire de mon frère.

Je serre les poings, me concentrant pour ne pas tomber dans ce piège.

— Est-ce que tout va bien ? répète-t-il, visiblement surpris par mon silence.

— Oui, excusez-moi, dis-je maladroitement avant d'ajouter plus sèchement : Laissons tomber les politesses, je vous ai appelé parce que vous me poursuivez sans cesse avec cette proposition.

— Je sais que tu ne me fais pas confiance, répond-il calmement. Peut-être que je t'effraie même, mais tu dois...

— J'accepte, le coupé-je avant qu'il ne puisse finir.

Il recule d'un pas, surpris. Son regard se plante dans le mien, cherchant à comprendre.

— Tu acceptes vraiment ma proposition ?

— Oui, c'est ce que j'ai dit, rétorqué-je d'un ton neutre. Vous êtes ma seule issue. C'est uniquement pour cette raison que j'accepte de venir habiter chez vous, déclarai-je d'une voix dure, presque tranchante.

William reste silencieux quelques secondes, avant de soupirer longuement. Son ton, lorsqu'il reprend la parole, est empreint d'une tristesse inattendue.

— Je vois, dit-il, presque à mi-voix. Je comprends ta réticence, c'est normal, même si... même si je me réjouis de ton choix.

— Ne le soyez pas, Monsieur Anderson, rétorqué-je sèchement. Et n'y voyez surtout pas un quelconque signe d'affection ou quoi que ce soit d'autre, car il n'en est rien. Vous le savez parfaitement.

Son regard vacille un instant, mais il reprend rapidement le contrôle, son visage redevenu impassible. Puis, brusquement, il lâche une phrase qui me cloue sur place.

— Pourquoi acceptes-tu mon offre, si ton seul désir est de me tuer ? Ne serait-ce pas plus simple pour toi si je disparaissais ?

Mon souffle se coupe. Ses mots résonnent en moi comme une gifle. Je recule d'un pas, stupéfaite, cherchant désespérément à comprendre ce qu'il attend de moi. Ses yeux, perçants et froids, sont fixés sur les miens, me sondant sans relâche.

Je serre les poings, incapable de formuler une réponse, tandis qu'il poursuit, sa voix s'assombrissant.

— N'est-ce pas ce que tu veux, Valentina ? Me tuer, pour abréger tes souffrances, pour soulager ce tourment qui consume ton cœur ? dit-il en désignant ma poitrine d'un doigt accusateur.

— Taisez-vous, murmuré-je, les larmes montant brusquement à mes yeux. S'il vous plaît... ne dites plus un mot.

— Dis-le-moi, insiste-t-il, son ton plus grave que jamais. J'ai besoin de l'entendre, même si ça ne changera rien. Pourquoi as-tu accepté mon offre ? Après tout, personne ne souhaiterait vivre avec le diable.

— Êtes-vous réellement ce diable ? Celui de cette nuit-là ? Celui à cause duquel je ne veux plus vivre ? rétorqué-je, presque instinctivement.

Mes mots le stoppent net. Son regard, si sûr de lui, vacille une nouvelle fois. Il relève lentement les yeux vers moi, et pendant un instant, quelque chose de différent y transparaît. Une ombre. Une peur.

Comme toujours, je n'obtiens aucune réponse. Pas une seule parole. Juste ce silence pesant qui semble pourtant tout confirmer.

Je reste là, à le fixer, cherchant désespérément un indice, une vérité enfouie derrière son masque. Et ce que je lis dans ses yeux m'inquiète autant que cela me brise. Il y a quelque chose d'indéchiffrable dans son regard, quelque chose qui me laisse un goût amer dans la bouche.

Pourtant, pour la première fois depuis que je le connais, une certitude naît en moi. Cet homme n'est pas celui qui a tué ma famille.

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