MAL ÊTRE

Je m'assois sur le lit, les genoux repliés contre ma poitrine, mes bras enroulés autour, tandis que ma tête se niche dans le creux formé par mes bras.

Le silence de ma chambre semble amplifié par le tumulte qui gronde en moi. Je repasse en boucle les événements de cette soirée : le décès brutal de mon ami, relayé sans âme à la télévision, ce premier repas de famille qui s'est transformé en fiasco, mon altercation avec Lorenzo, et cette haine implacable de Mary. Chaque instant pèse sur mes épaules, mais c'est ma conversation avec Rosita qui trouble le plus mes pensées. Ses paroles résonnent encore comme un écho cryptique que je peine à interpréter. Quant à l'humiliation infligée par William, elle me brûle encore l'esprit.

Cela ne fait que quelques jours que je suis ici, mais j'ai l'impression d'avoir traversé des années dans cette demeure suffocante. Je ne sais plus à qui accorder ma confiance. Jessica, avec son sourire enjôleur et sa gentillesse apparente, pourrait bien cacher une duplicité semblable à celle de sa mère. Christopher, dont le regard semble empreint de bienveillance, est-il vraiment différent de son père ? Et le trio infernal — Mary, Amanda, Lorenzo — il n'y a aucun doute sur leur nature : chacun d'eux, à sa manière, respire le poison. Quant à Rosita, elle reste la plus énigmatique de tous. Ses mots, ses gestes, tout en elle me déroute. Est-elle un pion de Mary, ou quelqu'un cherchant à m'aider dans l'ombre ?

Une paranoïa insidieuse commence à s'insinuer en moi, traînant derrière elle un nuage de doutes. Pourtant, je ne dois pas céder. Pas maintenant. Je ne peux pas me laisser consumer par ces pensées. Je ne suis rien pour eux, et ils ne sont rien pour moi. Je dois rester forte si je veux découvrir la vérité.

Le poids de la fatigue s'abat doucement sur moi, m'appelant à un repos bien mérité. Comme chaque nuit, je quitte le lit pour m'installer sur le sol, dans le coin du mur, près de la table de nuit. Mes genoux remontés contre ma poitrine, mes bras enroulés autour, je repose ma tête contre le bois froid du mur. Les doutes et les souvenirs envahissent mes pensées, un torrent incontrôlable, avant que le sommeil ne m'emporte finalement, m'enveloppant dans un profond abandon.

Il est un peu plus de trois heures du matin lorsque quelqu'un frappe doucement à la porte de la chambre de Valentina. Lorenzo, encore tourmenté par les paroles de sa mère à son sujet, se tient là, hésitant. Après un instant de silence, n'obtenant aucune réponse, il tourne lentement la poignée et entre discrètement.

La pièce est plongée dans la pénombre. Ses yeux s'ajustent à l'obscurité, et il remarque immédiatement que le lit est vide. Intrigué, il balaye la chambre du regard et finit par l'apercevoir. Valentina est assise sur le sol, recroquevillée dans un coin, profondément endormie.

Lorenzo s'approche, silencieux, et récupère la couverture du lit. Il s'agenouille à ses côtés et la recouvre délicatement, prenant soin de bien l'envelopper. Un soupir lui échappe alors qu'il baisse les yeux sur elle. Ses mains écorchées, ses traits marqués par la fatigue et les blessures... Tout en elle évoque une fragilité qu'il ne lui connaissait pas.

— Comment voulez-vous survivre dans cette maison si vous êtes incapable de prendre soin de vous en dehors ? murmure-t-il, presque pour lui-même.

Il se redresse doucement et se dirige vers la salle de bains. Après quelques instants de fouille dans les placards, il revient avec une trousse de secours. De nouveau à genoux près d'elle, il commence à s'occuper de ses blessures. Avec précaution, il désinfecte ses mains à l'aide d'un coton-tige imbibé de produit, veillant à ne pas lui causer plus de douleur.

Passant ensuite à son visage, il applique délicatement une crème sur la plaie de sa joue. À chaque geste, il s'efforce de rester aussi léger que possible, ses mouvements empreints d'une attention qu'il n'accorde d'ordinaire à personne.

Alors qu'il termine, son regard s'arrête sur son visage. Elle fronce les sourcils, et des perles d'eau se forment sur son front. Ses cheveux, légèrement humides, collent à sa peau. Lorenzo pose instinctivement le revers de sa main sur son front. Il grimace.

— De la fièvre... constate-t-il, inquiet.

Sans perdre une seconde, il se lève et quitte la pièce pour aller chercher un médicament. Quelques minutes plus tard, il revient avec un verre d'eau dans lequel il a dilué un antipyretique en poudre.

S'accroupissant de nouveau près d'elle, il soutient doucement l'arrière de sa tête de sa main droite et approche le verre de ses lèvres avec la gauche.

— Valentina, bois... dit-il, mais elle reste inconsciente, incapable d'ouvrir la bouche.

L'eau glisse le long de son menton et s'échappe sur son cou. Lorenzo essuie les gouttes du bout de sa manche, frustré.

Il réfléchit un instant, cherchant une solution. Une idée traverse son esprit, mais elle le fait hésiter.

— Je suis désolé, mais c'est le seul moyen... murmure-t-il, résolu.

« Et si elle se réveillait à ce moment précis ? Et si elle me reprochait mon geste ? Je me maudis, mais c'est la solution la plus rapide. »

Lorenzo prend une gorgée du médicament et garde le liquide dans sa bouche. S'approchant doucement, il soutient à nouveau l'arrière de sa tête, puis exerce une légère pression sur ses lèvres pour les entrouvrir. Lentement, avec une délicatesse insoupçonnée, il pose ses lèvres sur les siennes et lui transmet le liquide.

Il répète l'opération deux fois encore, veillant à ce qu'elle ingère suffisamment de médicament pour faire baisser sa température. Une fois cela fait, il ajuste la couverture autour d'elle, s'assurant qu'elle soit bien protégée du froid.

Debout, il l'observe une dernière fois. Son visage apaisé dans son sommeil, malgré les marques de la journée, semble l'émouvoir davantage qu'il ne veut l'admettre. 

« Vous n'auriez jamais dû venir habiter ici... »

Lorenzo soupire, récupère le verre, et quitte la chambre sur la pointe des pieds, refermant la porte derrière lui.

🌸🌸🌸

Un violent frisson me réveille subitement. Mes paupières sont lourdes, mes yeux piquent, mais après quelques efforts, je parviens à les ouvrir. La lumière du jour inonde déjà la pièce. Je tourne la tête vers la fenêtre, accueillant la chaleur des premiers rayons du soleil sur ma peau. Un léger sourire étire mes lèvres malgré moi. Je ferme les yeux un instant, prenant une grande inspiration pour apaiser le chaos intérieur, avant d'expirer lentement.

Je m'étire, mais un élan de douleur parcourt mon corps, me rappelant chaque choc de la veille. Mon regard tombe alors sur une couverture posée sur moi. Je reste figée. Je suis certaine de ne pas l'avoir prise avant de m'endormir. Mes yeux glissent vers le lit défait. Une étrange sensation me gagne.

Je me relève, mais mes pieds heurtent quelque chose. En baissant la tête, je découvre ma trousse de secours, ouverte et abandonnée au sol. Mon esprit s'emballe. Je me penche pour la ramasser, mes gestes sont lents, mes jambes vacillent. Je me rends péniblement à la salle de bains, chaque pas étant une lutte contre un corps qui semble vouloir me trahir.

Après avoir rangé la trousse dans le placard, je referme la porte et tombe nez à nez avec mon reflet dans le miroir. Mon cœur s'arrête une fraction de seconde. Mes blessures ont été nettoyées. Une fine couche de crème recouvre la coupure sur ma joue, et mes mains, autrefois écorchées, montrent des signes évidents de soin.

Délicatement, mon doigt effleure ma joue, puis mes mains. Une question fuse immédiatement dans mon esprit.

— Pourquoi faites-vous ça ? murmuré-je, le regard fixe, pensant instinctivement à Rosita.

Elle est la seule personne qui aurait pu entrer dans ma chambre, mais une part de moi doute. Qui que ce soit, pourquoi s'en soucier ?

Je secoue la tête pour chasser ces pensées troublantes. Mais avant que je puisse reprendre mes esprits, un violent vertige me prend. Je m'accroche fermement au lavabo, mes doigts blanchissant sous la pression. Le monde vacille autour de moi.

Il me faut plusieurs secondes pour retrouver mon équilibre, mais la chaleur qui m'envahit ne faiblit pas. Mon corps tout entier est un champ de bataille. Chaque muscle me fait souffrir, chaque souffle semble alourdi.

Je prends une douche, espérant calmer ces sensations oppressantes. L'eau ruisselle sur ma peau, mais elle ne parvient pas à effacer cette sensation d'étouffement qui s'accroche à moi. Une fois prête, je descends à la cuisine. Mon esprit est fixé sur une seule chose : travailler. Le travail devenant mon refuge, mon échappatoire.

J'avale un grand verre d'eau, cherchant un semblant de réconfort, lorsque Lorenzo entre dans la pièce. Nos regards se croisent brièvement, mais il détourne rapidement les yeux. Tant mieux. Je n'ai ni l'énergie ni l'envie de supporter ses remarques.

Je repose le verre sur le plan de travail, mais mes mains se mettent à trembler. Comme si mon corps tout entier rejetait l'idée même de calme. Rosita entre à son tour. Son regard s'accroche au mien immédiatement, perçant, insistant.

Un malaise s'installe. Elle avance d'un pas.

— Avez-vous pris votre décision ? demande-t-elle brusquement, ignorant volontairement la présence de Lorenzo dans la pièce.

La question me surprend. Mon esprit est encore embrouillé par la fatigue et les douleurs. Je tente de répondre, mais un nouveau vertige me submerge.

Je m'appuie au plan de travail, tentant de garder pied. Rosita, visiblement alarmée, s'approche immédiatement.

— Est-ce que tout va bien ? demande-t-elle, sa voix empreinte de sincérité.

Je veux répondre. Je veux la rassurer, mais mes forces me trahissent. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Rosita pose sa main sur mon front.

Le contact me fige. Instinctivement, je recule violemment, repoussant sa main. Elle me regarde, déconcertée, ne comprenant pas ma réaction.

« J'ignore si je je peux vous faire confiance, alors pardonnez mon comportement. »

— Je vais être en retard au travail, dis-je précipitamment, ma voix rauque, avant de la contourner et de quitter la cuisine.

Mes jambes vacillent, mes mains tremblent toujours, mais je continue à avancer. Je ne peux pas faiblir. Pas devant eux.

Alors que j'approche de la porte, un autre vertige m'assaille. Je serre les poings et ferme les yeux, m'accrochant désespérément à ma volonté de rester debout, sentant les regards lourds de sens de Rosita et de Lorenzo, posés sur moi. Le visage baissé, je fais un pas de plus... mais percute quelqu'un.

Je relève lentement la tête, le cœur battant à tout rompre, pour croiser le regard imposant de William.

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