Chapitre 73 Olivia
Je fixai le lampadaire en face de moi, toujours assise sur ce même banc, n'ayant pas bougé d'un millimètre. La seule chose que j'avais faîte, cela avait été d'allumer mon téléphone et après un long moment d'hésitation rempli d'appréhension, envoyer un message à Cole en lui disant simplement où je me trouvais.
Depuis, j'attendais tout simplement dans le silence de la nuit, seule.
Les larmes avaient cessé de couler, mais j'en ressentais encore l'envie, cependant, ce n'était plus pour les mêmes raisons. Je ne cessais de me repasser toutes mes conversations avec Cole, tout ce qui avait pu me sembler suspect mais que je n'avais donné plus d'importance que cela.
Lorsque nous avions parlé de ce qui était arrivé à Amara, une semaine plus tôt, il avait dit quelque chose qui sur le moment m'avait interpellé et désormais, elle prenait un tout autre sens. Il avait dit qu'il avait beau critiquer son père, lui-même n'avait pas voulu voir ce qui se déroulait sous son nez alors que son beau-père violait sa sœur. Ce qui signifiait qu'il se passait quelque chose de similaire au manoir et Mr Coleman ne le voyait pas, même si ça se passait tout juste devant ses yeux.
C'était vraiment déroutant, car je ne savais strictement plus quoi penser d'absolument rien. Toutes mes pensées se bousculaient dans mon esprit à une vitesse folle et j'avais même du mal à les saisir.
Je ne cessais de me rappeler ce qui était arrivé la veille au motel. Ce qu'il avait dit aussi.
« Tu dois me prendre pour une pauvre chochotte » ; « j'aurais pu me défendre » ou encore la fois où il avait débarqué à la pool-house soi-disant « ivre » et qu'il m'avait supplié de le laisser entrer. Il était alors désespéré et disait ne pas vouloir rentrer, il s'agissait d'un week-end où son père était absent, tout comme les petits... Il n'y avait que Piper dans la maison, seule, avec lui.
Ce fut alors que ses mots me revinrent en mémoire, tout comme le ton brisé de sa voix, ainsi que son regard suppliant à cet instant-là, celui-là même qui m'avait fendu le cœur.
« S'il te plait, ne me force pas à aller là-bas. Demain, j'irai, je te le promets. Mais aujourd'hui, je ne pourrais pas le supporter. »
Ma vue se brouilla à nouveau à cause des larmes et ces dernières roulèrent sur mes joues, se déversant finalement sur mon cou. Mes mains se mirent à trembler et l'air commença à me manquer tandis qu'une envie incontrôlable de crier à gorge déployée s'emparait de moi.
Cette salope abusait de lui, tout comme Alaric l'avait fait avec sa sœur. Je me trompais peut-être, mais au fur et à mesure que mon cerveau rassemblait les pièces du puzzle, j'avais de moins en moins de doutes. Cette garce, avec son sale sourire affable, était une véritable ordure et méritait de finir en taule pour ce qu'elle lui faisait subir.
Ça expliquait également le comportement que Cole avait eu avec moi au tout début, il pensait que j'étais à la botte de Piper, parce que cette femme lui avait enlevé le peu de liberté qu'il lui restait, pour l'avoir encore plus près d'elle.
Depuis quand cette situation durait-elle donc ? Et Mr Coleman, ne voyait-il donc rien ? Mais qui avait-il épousé ?
Cole détestait véritablement Piper, ce n'était pas une façade afin qu'on ne découvre pas leur « liaison » comme j'avais pensé à un moment. Et il ne se vengeait pas non plus de son paternel.
Tout prenait un sens nouveau et comprendre tout ceci allait finir par me rendre dingue, c'était beaucoup trop dur à assimiler.
Le jour de notre réconciliation, celui-là même où il était venu me chercher parce que je mettais trop de temps à rentrer et qu'il m'avait retrouvé prise au piège avec Aiden, c'était de ce soir-là qu'il parlait lorsqu'il avait dit la veille au pas de ma porte « Demain j'irai, je te le promets ». Les abus s'étaient produits avant ou après qu'il me fut venu en aide ?
Il y avait quelque chose qui m'échappait. Je me souvenais de l'avoir appelé pour qu'il vienne me chercher et lorsqu'il avait décroché le téléphone, avec la langue pâteuse, il m'avait avoué avoir bu et s'être drogué. Et s'il faisait cela afin de pouvoir le supporter ? Cela voudrait dire que son supplice avait eu lieu avant mon appel ou pendant le temps que j'avais passé avec Jake cette nuit-là, la nuit de notre première rencontre.
Bon sang, j'avais envie de vomir même si mon estomac était complètement vide.
J'avais beau vouloir cesser d'y penser, mon cerveau ne pouvait arrêter de faire de nouvelles connexions, afin d'assembler toutes les pièces du puzzle une bonne fois pour toutes. Car oui, j'étais de plus en plus certaine qu'il n'était pas question d'une relation consentie. Ce qui m'avait paru une évidence lorsque je les avais vu dans la chambre, n'en était plus du tout une. Mes yeux m'avaient trompée et j'en étais définitivement arrivée aux mauvaises conclusions, toutefois, je devais entendre les mots sortir de sa bouche. Il le fallait, car sinon, j'allais devenir folle.
Nos secrets mutuels étaient bien trop importants, destructeurs, et nous nous ressemblions encore plus que ce que je pensais, mais contrairement à moi, il portait seul depuis j'ignorais combien de temps le sien, au moins, j'avais mon frère ainsi que Jake. Cole n'avait strictement personne, tout comme il n'avait jamais parlé de ce qui était arrivé à Amara à ses proches, jamais il n'aurait raconté les abus que sa belle-mère lui faisait subir. Je le connaissais assez pour savoir ça.
J'entendis les pneus d'une voiture crisser sur le bitume et en relevant le regard, je vis la Jeep de Cole se garer un peu n'importe comment à quelques mètres d'où je me trouvais. Rapidement, il sortit de la voiture, claqua la portière et vint en courant vers moi lorsqu'il m'aperçut, assise sur ce banc sous le lampadaire. On pouvait dire qu'il ne pouvait vraiment pas me rater, le parc était totalement désert.
Il traversa le jardin sans prendre la peine de le contourner pour emprunter le chemin fait de gravier pour les passants. Son regard était grave et lorsqu'il arriva auprès de moi, il s'arrêta à quelques mètres pour m'observer. Ses sourcils froncés me disaient qu'il avait été inquiet pour moi, mais qu'en même temps, quelque chose le contrariait ou le gênait.
Doucement, il avança vers moi d'un pas décidé et s'agenouilla lorsqu'il fut devant moi. Cole ne me toucha à aucun moment, mais je voyais qu'il mourait d'envie de le faire, son hésitation était palpable. Il était nerveux et sa pomme d'Adam tressautait, comme s'il cherchait à vouloir dire quelque chose sans trop savoir quoi. Quant à moi, je désirais me jeter dans ses bras et enfouir mon visage dans son cou, humer son parfum et lui supplier de me rassurer. La vérité était beaucoup trop dure à digérer, j'avais mal pour lui rien que d'y songer.
Je trouvais ça tellement injuste, que ça me donnait des envies de meurtre. Je me sentais impuissante face à la situation, surtout en étant consciente que ça s'était également déroulé sous mon nez et que je n'avais absolument rien vu.
— Mon dieu, Liv, tu as l'air frigorifiée, dit-il finalement en me voyant trembler.
Cole enleva sa veste en cuir noire et la déposa sur mes épaules, pour ensuite, commencer à me frotter les bras pour me donner de la chaleur. Je n'avais pas froid, j'étais nerveuse, c'était à cause de ça que je tremblais, mais son contact me fit énormément de bien. Malgré tout, il restait lui-même et ça, c'était suffisamment rassurant.
— Ne me refais plus jamais un coup pareil, tu as compris ?
Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas de quoi il parlait. Qu'avais-je donc fait ?
— Ne disparait plus comme ça et n'éteins plus ton portable juste pour me punir. Je te cherche depuis des heures !
Je savais que je n'aurais jamais dû faire ça, mais je voulais être complètement seule, si ça n'avait pas été le cas, je me serais rendue chez Jake ou encore chez Ivy, j'aurais appelé l'un ou l'autre pour me défouler, au lieu de quoi, j'avais choisi la solitude afin de pouvoir cogiter en toute tranquillité.
— Tu es arrivée jusqu'ici en marchant ? me demanda Cole, visiblement très surpris.
À vrai dire, j'ignorais encore comment j'avais fait. Je m'étais tout simplement laissée porter par mes pas, sans réellement de but, et j'avais atterri ici, dans ce parc complètement désert.
— Fairfield n'est pas Los Angeles, mais ce n'est pas prudent de trainer toute seule à ces heures, Olivia, me gronda-t-il comme si j'étais une petite fille.
Cependant, je ne répliquai pas, sachant parfaitement que j'avais fait une connerie en m'éloignant tellement de la maison et en éteignant mon téléphone. Si quelque chose m'était arrivée, j'aurais été dans de beaux draps.
Je voulais lui parler, mais aucun mot n'arrivait à sortir de ma bouche, ils restaient coincés en plein milieu de ma gorge. Le voir me faisait beaucoup trop mal, j'avais l'impression que mon cœur allait se déchirer en mille lambeaux.
Cole baissa la tête et serra les mâchoires, à un tel point, que je vis les veines au niveau de ses tempes tressauter par à-coups. Il posa alors doucement une main sur mon bras, en faisant attention de ne me toucher nulle part ailleurs.
— Quoi que tu aies vu dans cette chambre, ce n'est vraiment pas ce que tu crois, murmura-t-il sans pouvoir soutenir mon regard.
Il n'était pas stupide, il ne fallait pas être un grand génie pour comprendre les raisons de mon silence radio, surtout après le message qu'il m'avait envoyé. Et cela confirmait que ma première hypothèse était effectivement bel et bien fausse. J'aurais aimé désormais qu'elle soit vraie, car l'autre option était tout simplement abominable.
Cole se leva et m'observa depuis sa hauteur, avant de dire :
— S'il te plait, partons. Je t'expliquerai tout, mais pas ici.
Oui, avoir cette discussion sous un lampadaire dans un parc n'était pas la meilleure des options. Même s'il n'y avait personne, je voulais être véritablement seule avec lui, dans un plus petit espace, loin de n'importe quels yeux indiscrets.
Sous son regard suppliant, je me levai et fus la première à prendre direction vers sa voiture. Il me suivit de près, à tout juste quelques pas derrière moi, gardant ses distances le plus possible. Il était nerveux et ses muscles étaient bandés, contractés, tout comme ses mâchoires qu'il ne cessait de serrer et desserrer, signe irrévocable de son anxiété.
Une fois devant la Jeep, j'ouvris la portière côté passager et entrai, pour mécaniquement mettre ma ceinture en même temps que Cole s'installait sur le siège conducteur.
Mon cœur battait la chamade et je ne cessai de pousser de longs soupirs angoissés, cette tension était vraiment beaucoup trop dure à soutenir. J'avais toujours autant envie de crier ma frustration qu'auparavant, mon sentiment d'impuissance ne faisait qu'accroitre à chaque seconde qui passait.
J'aurais tellement voulu lui dire quelque chose, mais j'ignorais quoi. J'avais l'impression d'être un monstre sans cœur, pourtant, qu'était-on censé dire dans ce genre de circonstances ? Je n'en savais foutre rien.
Cole mit le contact et démarra la voiture, fit marche arrière pour ensuite, commencer à rouler sur la route non-transitée de Fairfield.
***
Le trajet se déroula dans le plus clair des silences, tandis que l'ambiance dans l'habitacle était électrique et assez dérangeante. Je ne savais toujours pas quoi dire, même si je mourais d'envie de dire quelque chose, n'importe quoi. J'en avais marre de cette quiétude, de cette tension qui s'était emparée de nous, mais les mots refusaient toujours de sortir de ma gorge. Cette dernière était nouée et j'avais l'impression que si je commençais à parler, ma voix allait se briser à la première phrase et que j'allais éclater en pleurs, comme un peu plus tôt et je ne voulais surtout pas rendre le moment encore plus gênant de ce qu'il était déjà.
Nous étions sortis de Fairfield, le panneau indiquant quand commençait ou terminait la ville était désormais loin derrière nous. Cole avait quitté la route principale et s'était engouffré sur des sentiers sinueux, où la chaussée avait pleins de nids-de-poule ou n'était tout simplement pas goudronnée. Il n'y avait également plus de lumière, seuls les phares de la Jeep illuminaient le passage et ça me rendait nerveuse, car à cause de l'obscurité, je voyais à peine le sentier devant moi.
Cole tourna à plusieurs reprises, parfois à droite, d'autres à gauche, j'avais l'impression qu'il faisait le tour d'un canyon pour tenter d'arriver au sommet. Ayant le tournis à cause de tous ces virages, je finis par fermer les yeux pendant un moment, appuyant ma tête contre la vitre froide, ce qui m'apaisa un peu.
Je n'avais pas mangé depuis de longues heures, mon estomac était complètement vide, pourtant, j'aurais été capable de vomir en cet instant. Voyant que je n'allais pas forcément bien, Cole réduit la vitesse à laquelle il roulait et je lui en fus très reconnaissante, car s'il continuait à prendre les virages à cette allure, j'allais finir par dégobiller trippes et boyaux sur le tableau de bord.
Après ce qui me parut une éternité, et même si j'avais l'impression que la voiture roulait encore, j'entendis le moteur s'éteindre et j'ouvris les yeux. D'abord totalement perdue, je ne compris pas où nous nous trouvions.
Nous nous trouvions en hauteur, comme sur une colline et je voyais devant moi des centaines de petites lumières au loin, mais il n'y avait aucun bruit, c'était le silence complet, hormis ma respiration et celle de Cole qui venaient briser ce calme à intervalles de temps réguliers, désynchronisées.
Doucement, je tournai mon regard vers lui et vis ses mains serrer à un tel point le volant, que ses jointures en étaient devenues blanches. Il se mordait également sa lèvre inférieure, la titillant sans cesse, signe de sa nervosité.
Soudain, il frappa le volant à deux reprises, déclenchant ainsi le klaxon et il sortit de la voiture, avant de claquer violement sa portière. Tendu tel un arc, Cole avança presque jusqu'au précipice qui se trouvait à quelques mètres de nous, et je sortis également du véhicule, me laissant guider par mon instinct et ne réfléchissant plus vraiment à ce que je faisais.
Dans d'autres circonstances, j'aurais trouvé la vue magnifique, mais pas en ce moment, j'étais inquiète. J'ignorais comment il pourrait réagir, s'il était prêt à en parler, chose que je commençais sérieusement à douter. Moi-même j'en étais incapable.
Une fois à ses côtés, à trois pas du bord du précipice et n'aimant pas me trouver aussi près du gouffre, j'attrapai délicatement son poignet et le fis reculer de trois pas supplémentaires.
Cole tourna enfin son visage vers le mien et nos regard s'accrochèrent, comme tant d'autres fois auparavant. Les sourcils froncés, la lueur de ses yeux était très différente de celle à laquelle j'étais habituée, même si je l'avais déjà aperçue. Je pouvais ressentir sa douleur, son désespoir ainsi que son impuissance à travers un simple regard. J'aurais dû rester plus tôt et m'imposer face à cette garce, j'aurais dû savoir ce qui arrivait et être là pour lui, au lieu de m'être enfuie. Je ne voulais même pas m'imaginer ce qu'elle lui avait fait...
— Qu'est-ce que tu as vu, Olivia ? me demanda-t-il finalement.
Cole serra les mâchoires et baissa à nouveau le regard, comme s'il était trop dur pour lui de me faire face. Il avait honte, je le savais parfaitement.
— J'ai...
Ma voix se brisa, alors je me raclai la gorge et tentai de poursuivre.
— J'ai vu Piper s'approcher de toi et commencer à te caresser.
Les images revenaient en boucle dans ma tête et un courant électrique me traversait tout le corps.
— Elle a posé ses lèvres sur ton cou et lorsqu'elle a commencé à descendre ses mains tout le long de ton torse, je n'ai pas pu le supporter et je suis partie.
Voilà, c'était tout ce que j'avais vu. Aussi peu d'informations qui m'avaient poussé à en tirer une conclusion beaucoup trop hâtive, une qui désormais, n'avait plus aucun sens après avoir analysé tout ce que je savais déjà et qui s'était déroulé sous mon nez sans que je m'en rende réellement compte.
— Tu penses que j'ai une liaison avec elle, n'est-ce pas ?
Je ne pouvais pas dire non, car en effet, c'était ce que j'avais pensé. Dire le contraire serait mentir. Je l'avais traité de tous les noms d'oiseau dans ma tête, je l'avais même maudit pour m'avoir fait un coup pareil.
— J'ai cru que tu t'étais simplement fichu de moi cette semaine, avouai-je en baissant également le regard et en fixant mes mains, et que tu couchais avec elle pour te venger de ton père.
J'avais vraiment honte d'avoir eu aussi peu de foi et de confiance en lui, plus le temps passait et plus je m'en voulais.
Cole poussa le plus long soupir qui pouvait exister, accompagné par cette intermittence dans la respiration due à l'angoisse, et finit par dire :
— Ce n'est pas ça. Je déteste Patrick, mais jamais je ne ferais une chose pareille.
— J'aurais aimé que cela soit le cas, murmurai-je alors que les larmes perlaient à nouveau au coin de mes yeux.
Jayden ne dit rien et lorsque je relevai enfin le regard vers lui, je le vis en train de m'observer avec attention alors que ses yeux brillaient énormément, à cause des larmes qui étaient sur le point de se déverser sur ses joues.
Si c'était difficile pour moi d'aborder le sujet, pour lui, cela devait être cent fois pire.
— Tu sais, soupira-t-il, mi-soulagé, mi-troublé.
Oui, j'avais compris, mais pas toute seule malheureusement. Il avait fallu qu'un étranger vienne me parler pour que je me rende compte que je connaissais déjà la réponse.
— Depuis quand est-ce que cette salope te viole, Cole ? formulai-je enfin ma question à vive voix.
En l'entendant, il se mordit l'intérieur de sa joue et recula d'un pas, avant de se tourner vers les lumières de Fairfield, vers tous ces petits spots qui éclairaient la nuit.
— Comment en es-tu arrivée à cette conclusion ? me demanda-t-il après quelques secondes.
— En prenant du recul, je me suis rappelée de certains détails qui m'avaient interpellés tout au long de ces dernières semaines. Alors, peu à peu, les pièces du puzzle se sont assemblées et ma première hypothèse a été écartée, même si au fond de moi, j'aurais finalement souhaité que ce soit vrai.
Ça lui aurait évité d'avoir eu à subir de tels sévisses de la part de cette femme immonde.
Cela pouvait paraître insensé vu la société dans laquelle on vivait, une où un homme devait toujours être disposé à sauter sur tout ce qui bougeait, qui ne pouvait pas refuser des avances sous peine de remettre en doute sa « virilité » et où il devait être complètement apte à se défendre, sans demander de l'aide à personne. Cette conception de l'homme était complètement faussée, on le dépeignait souvent comme un être dépourvu de sentiments qui ne pensait qu'à se battre ou à baiser, et franchement, cette image-là était vraiment destructrice. Elle leur faisait beaucoup de tort.
Soudain, il s'accroupit et s'assit en tailler par terre, sur l'herbe humide de la colline. Je l'imitai et gardai une certaine distance entre nous, je ne voulais pas vraiment le brusquer. Il s'agissait d'une conversation délicate et je ne désirais surtout pas qu'il puisse se sentir pris au piège avec moi. Dans ce genre de circonstances, on ne savait jamais comment des victimes pouvaient réagir.
— Tout est ma faute.
Mes poils se redressèrent sur ma nuque et mon cœur se brisa en l'entendant dire une chose pareille. Les victimes de viol avaient toujours tendance à rejeter la faute sur elles-mêmes et c'était bien triste, car le seul fautif n'était ni plus ni moins que l'agresseur.
— Ça a commencé en novembre, lorsque mon père s'est fiancé à Piper, mais tout a empiré en décembre.
Je fronçai les sourcils, tout simplement, parce que ma vie avait également lourdement changé ce même mois. Sans le vouloir, j'y voyais une sorte de parallèle.
— Je ne pouvais vraiment pas la voir, je n'aimais pas la façon dont elle me regardait et elle était beaucoup trop tactile à mon goût, mais cela ne semblait choquer personne, continua-t-il, toujours le regard baissé et en arrachant un bout d'herbe qu'il commença à triturer entre ses doigts. Même si je me montrais pour le plus odieux avec elle, elle ne cessait de vouloir se rapprocher de moi et je n'aimais pas ça, je ne me sentais pas à l'aise.
Je tournai mon corps doucement vers lui et l'écoutai attentivement, ayant parfaitement conscience qu'il devait lui être extrêmement difficile de s'ouvrir. Évoquer ce genre de sévisses n'était jamais simple, je n'avais pas été dans sa situation, mais mon ex avait tenté de me tuer, alors niveau sujets délicats, je connaissais.
— Lors de la soirée de fiançailles, j'ai voulu me venger de mon paternel et c'est là la première fois que j'ai pris de la coke, que j'ai mélangé à de l'alcool. Tu imagines bien l'esclandre que j'ai pu faire, soupira-t-il en passant une main sur son visage. Je n'ai pas vraiment de souvenirs de la soirée, je sais simplement qu'après avoir atteint mon but, je suis retourné dans la pool-house pour continuer à me déchirer la gueule.
Oui, je voyais parfaitement dans quel état il avait dû se retrouver, car même si je ne l'avais jamais vu drogué, je l'avais déjà vu ivre mort.
— Piper m'a rejoint, je m'en souviens aussi. Elle est entrée dans ma chambre, a fermé la porte derrière elle et la suite est floue. Je me suis réveillé quelques heures après, dans mon lit totalement nu en sachant ce qui s'était passé, ou du moins en ayant une vague idée.
Cette garce avait profité de son ivresse pour coucher avec lui, autrement dit, elle l'avait violé alors qu'il était sous les effets de la drogue et de l'alcool. Elle avait profité de sa vulnérabilité pour commettre ses méfaits. C'était vraiment dégueulasse !
— Pendant un instant, j'ai vraiment cru que c'était mon imagination qui me jouait des tours, m'expliqua-t-il, car elle agissait comme si de rien était, alors j'ai fini par penser que c'était la descente de coke qui m'avait fait délirer.
Pour le protéger, son esprit avait cherché des issues, après tout, il s'agissait de la future femme de son père, jamais elle ne pourrait faire une chose pareille... je savais parfaitement ce que c'était que se mentir à soi-même parce que la vérité était beaucoup trop difficile à accepter.
— Mais le jour du mariage, alors qu'elle se préparait pour la cérémonie, mon père m'a demandé d'aller la voir pour lui remettre un collier qu'il lui avait acheté pour l'occasion. Elle était avec ses demoiselles d'honneur et elle leur a demandé de nous laisser seuls, qu'elle avait quelque chose à dire à son « beau-fils » en privé.
Je voyais parfaitement ce qu'il voulait dire et je n'avais vraiment pas de mal à m'imaginer la suite, ni ce qu'elle avait entrepris de faire.
— Elle s'est jetée sur moi, mais j'ai riposté. J'ai alors compris que ce qui était arrivé lors de la soirée de fiançailles n'était pas un délire, c'était bel et bien arrivé. Je lui ai alors dit que ça ne devait plus jamais se reproduire.
— Elle t'a aussi violé cette fois-là, tu en es conscient ? ne pus-je m'empêcher de lui demander.
— Je sais, soupira-t-il, mais j'étais complètement paumé à ce moment-là, tu comprends ?
Oui, je voyais parfaitement. Normalement, lorsqu'une femme couchait avec un homme ivre, cela n'était pas considéré comme une agression, alors que c'en était une en toute règle.
— Piper s'est alors mise en colère et m'a menacé de m'accuser de viol.
Mon sang se glaça dans mes veines, pour ensuite, se mettre littéralement à bouillir. Mais c'était l'hôpital qui se foutait de la charité !
— Après mon comportement à la fête de fiançailles, elle disait que personne ne mettrait en doute sa parole contre celle d'un ado problématique amateur de drogues. Elle s'est ensuite inventée toute une scène où elle décrivait comment je l'avais forcée à coucher avec moi cette nuit-là, murmura-t-il, la voix brisée. C'était tout bonnement horrible, Olivia, j'étais pris au piège, car je savais que personne ne me croirait jamais, quoi que je fasse.
— Elle te menace de t'accuser de viol, en déduis-je, voilà pourquoi...
Il ne se débattait pas, mais ce n'était pas tout. Il y avait quelque chose d'autre, j'en étais certaine, je pourrais mettre ma main à couper.
Cole hocha la tête.
— J'avais peur et je ne me suis pas débattu parce qu'au fond de moi, je pensais vraiment mériter ce qui m'arrivait. Une sorte de chatiment divin pour ce qui était arrivé à Amara. Ironique de la part de quelqu'un qui ne croit pas en Dieu, n'est-ce pas ?
C'était vraiment terrible. Comment pouvait-il penser qu'il méritait qu'une chose aussi horrible lui arrive ?
— Puis surtout, qui allait me croire ? Mon père ?
Il ricana et une larme s'échappa du coin de son œil gauche. Son rire était triste, il me brisait complètement le cœur. Son récit était déchirant et je me demandais comment est-ce qu'il faisait pour garder sa santé mentale intacte après tous les malheurs qui lui étaient arrivés.
— J'étais seul, Liv. Je n'avais aucun moyen de m'en sortir et à chaque fois qu'elle posait une main sur moi, je voulais mourir.
Mes larmes débordèrent de mes yeux et roulèrent tout le long de mes joues, tandis que je retenais ma respiration afin de m'empêcher d'éclater en sanglots puis de me jeter dans ses bras.
— Si je n'avais pas pris la coke cette fois-là, rien de tout ceci ne serait arrivé, s'en voulut-il.
— Cette femme est une prédatrice, elle t'aurait fait du mal, certifiai-je. Peu importe que tu aies consommé de la drogue, tu es la victime, ce n'est pas ta faute !
Cole tourna son regard vers moi et j'y vis un certain soulagement, mais soudain, son visage se déforma en une grimace remplie de douleur et il éclata en pleurs. Ce n'était pas la première fois que je voyais pleurer un homme, mais ça me déchira complètement l'âme, car je pouvais sentir sa détresse et son impuissance face à la situation.
Doucement, je me rapprochai de lui et l'entourai de mes bras, le pressant contre moi de toutes mes forces. Les secousses de ses pleurs se heurtaient contre mon corps et m'atteignaient au plus profond de mon être. Il attrapa ma main et la serra dans la sienne, tandis que ses larmes tombaient sur ma peau par à-coups. Je caressai son dos tendrement, en faisant des mouvements circulaires afin de l'apaiser et enfouis mon visage dans son cou, ravalant mes sanglots.
Les secondes passèrent et aucun de nous deux parlâmes. Ses pleurs cessèrent et Cole reprit sa respiration à grandes goulées d'air, comme si ce dernier lui manquait. Je me séparai alors de lui et le vis sécher ses yeux du revers de sa main, avant de secouer la tête et d'esquisser un sourire amère.
— Je me suis rebellé, continua-t-il, aujourd'hui. Je lui ai dit de ne plus jamais poser ses sales mains sur moi. Elle m'a menacé de m'accuser de viol et je lui ai répondu de le faire, que je n'avais rien à perdre.
Il préférait aller en prison que continuer à se laisser faire. En lui tenant tête, cette psychopathe avait perdu son pouvoir face à lui, elle n'avait plus l'avantage. Si Cole n'avait plus rien à perdre, cela voulait également dire qu'il n'hésiterait pas à la dénoncer.
— Je ne l'aurais jamais fait sans toi, Olivia.
Je fronçai les sourcils. Qu'avais-je donc à voir là-dedans ?
— C'est hier en passant la journée avec toi que j'ai pris cette décision.
— Pourquoi ? demandai-je, perdue.
Jayden posa une main sur mes hanches et se pencha sur moi, avant de dire :
— Parce que tu m'as ouvert les yeux, je ne suis plus seul.
Mon cœur fit un bond incommensurable dans ma poitrine et je laissai cette fois le sanglot s'échapper de ma gorge. J'étais heureuse de l'avoir aidé d'une manière ou d'une autre à se débarrasser de l'emprise de cette harpie.
— Mais surtout, poursuivit-il en caressant délicatement ma joue, parce que je suis amoureux de toi.
L'air resta coincé dans mes poumons, mes paupières clignèrent à deux reprises et avant que je ne puisse répondre quoi que ce fut, Cole posa ses lèvres sur les miennes et nous échangeâmes un baiser qui avait un goût de sel.
Le sel de nos larmes.
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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! Tout comme la petite déclaration de Cole en fin de chapitre ainsi que ce baiser après ces chapitres tellement éprouvants.
C'était vraiment un chapitre difficile à écrire, j'ai eu les larmes aux yeux tout du long, vraiment !
Cole est libéré d'un poids immense désormais, mais Olivia en garde un gros sur ses épaules.
On se retrouve LUNDI prochain à 20H pour la publication du chapitre 74, qui cette fois sera un point de vue de Cole.
Je vous souhaite une bonne semaine !
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