Chapitre 68 Olivia
— Tu as fait quoi ?! s'exclama Ivy, complètement abasourdie par ce que je venais de lui dire.
Décidément, depuis que j'étais arrivée au lycée et qu'elle m'avait vu le faire avec Cole, elle n'avait pas cessé de m'envoyer des messages pendant les cours et de me demander où est-ce que je m'étais fourrée la veille. Car oui, dès l'instant où j'avais prévenu ma mère que je ne rentrerais pas dormir, j'avais éteint mon téléphone afin d'être tranquille.
Bien évidemment, j'avais servi une autre excuse à Ivy, sans lui dire que j'avais passé la nuit avec Cole, je n'étais pas stupide à ce point. J'avais simplement sous-entendu que j'avais passé la nuit avec quelqu'un et que Cole avait eu l'obligeance de me couvrir, sans dire qu'il était ce quelqu'un en question.
Est-ce que les choses commençaient à se corser ? Oh oui ! Mais je préférais mentir comme un arracheur de dents plutôt que dire la vérité à ce sujet. Franchement, les secrets n'étaient pas ma tasse de thé, je n'aimais pas en avoir, pourtant j'en trimballais pas mal. Parfois ils étaient nécessaires afin de vivre tranquillement, même si ces derniers avaient tendance à un moment ou à un autre à t'exploser en pleine gueule.
— Ne me dit pas que tu es partie avec Jake et que tu as passé la nuit dans un motel avec lui, poursuivit-elle en baissant d'un ton lorsque la plupart des élèves du réfectoire s'étaient retournés pour la dévisager.
Car il fallait bien l'avouer, elle n'avait pas été du tout discrète.
Donc oui, mon mensonge impliquait Jake désormais, encore heureux qu'il n'ait à parler avec personne que je connaissais, sinon, j'aurais eu de véritables ennuis.
— Il ne s'est rien passé.
Et c'était vraiment le cas. Cole et moi n'avions fait que dormir, rien de plus, et ça m'allait très bien comme ça. Notre nuit n'avait pas été bien différente de celles que nous avions déjà passé ensemble dans la pool house, hormis la première, bien entendu.
Nous nous étions levés tôt et étions partis pour être à l'heure en cours. Le trajet s'était bien déroulé, nous avions bien ri également et une fois sur le parking du bahut, nous étions redevenus « nous-mêmes ». Il était parti vers son premier cours et moi au mien, triste que notre journée ensemble se soit aussi rapidement terminée. J'avais ressenti un pincement au cœur en le voyant prendre une direction et moi une totalement opposée. J'ignorais pourquoi, mais j'avais jeté un regard en arrière et l'avais observé s'éloigner de moi, pendant que mon cœur battait à un rythme irrégulier et que ma respiration se faisait lourde. Encore maintenant, je ressentais une sorte de poids peser telle une enclume au niveau de ma poitrine, sans en connaître les raisons.
Ce n'était pas comme si je n'allais plus le revoir, bien au contraire, nous nous retrouverions à nouveau cette nuit. Alors pourquoi mon corps réagissait comme si hier avait été notre dernière journée ensemble ?
— Mais quand même, Liv, murmura Ivy. C'est un garçon.
Je ne pus m'empêcher de ricaner. Ivyanne avait une vision un peu extrême des relations fille/garçon. Des êtres de sexe opposé pouvaient être amis sans qu'il n'y ait pas la moindre attirance sexuelle, et ce, même si tous deux étaient de la même orientation sexuelle. Et pour ma part, c'était ce qui se passait avec Jake, bien que je le connaisse depuis relativement très peu de temps. Je ne me sentais pas attirée vers lui de cette façon-là, je le considérais comme un ami, un confident, quelqu'un en qui je pouvais avoir pleinement confiance.
— Une fille et un gars peuvent se retrouver dans la même pièce sans qu'ils aient envie de se sauter dessus, la taquinai-je.
Certes, avec certains garçons la tâche était beaucoup plus difficile, mais on n'était pas des animaux et nous ne nous laissions pas submerger par nos pulsions les plus primitives. Il fallait avant tout savoir se contrôler.
— Tu ne crois pas à l'amitié fille/garçon ?
— Pas lorsque ce dernier est hétérosexuel, m'avoua-t-elle sans aucun détour.
Je fronçai les sourcils, à la base je lui demandais ça pour plaisanter, n'attendant pas vraiment de réponse de sa part, mais... il y avait quelque chose qui clochait, je le sentais. Plus que scandalisée par le fait que j'aie passé la nuit avec garçon, elle semblait inquiète. Mais pourquoi ?
— Vraiment ? Pourquoi ça ?
Elle détourna le regard et se contenta de hausser les épaules, comme si ça n'avait aucune importance.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu penses que si un garçon est ami avec une fille c'est parce que tôt ou tard il l'aura dans son lit ?
— Je pense que l'amitié ne sera jamais sincère, parce qu'il attendra toujours quelque chose en retour, murmura-t-elle, en évitant toujours un contact visuel.
Je restai de marbre, ne comprenant pas vraiment sa manière de penser. Certes, il y avait des amitiés qui devenaient quelque chose de plus, que ce soit un couple ou tout simplement des amis avec des bénéfices, mais pour cela, il fallait que les deux parties soient consentantes, sur la même longueur d'ondes.
— Tu te méfies des hommes, conclus-je.
Ivy serra les mâchoires et finit par hocher la tête. C'était étrange, mais maintenant qu'elle le disait, mis à part Sojiro, je ne l'avais jamais vue parler avec un autre garçon, sans compter Cole bien entendu.
— Le seul homme à qui je fais pleinement confiance, c'est mon père. Malgré le fait qu'il soit dur, je sais qu'il ne veut que mon bien.
Merde, elle avait dû se faire trahir par un ami, j'en étais certaine. Peut-être que ce dernier avait fait semblant d'avoir une amitié avec elle pour l'avoir dans son plumard, vu le nombre de connards qu'il y avait dans la nature, c'était fortement possible. Ça expliquerait sa manière de penser.
— Tu veux en parler ?
Ivy sembla hésiter un instant, mais finalement, hocha négativement le chef et se leva de table en saisissant ses affaires ainsi que son plateau.
— Les cours vont bientôt reprendre, nous devrions y aller.
Je n'allais pas insister, si elle ne voulait pas aborder le sujet, je respecterais son choix, mais pour le coup, désormais j'étais assez inquiète. Ce qui était arrivé avec son ami avait dû drôlement la blesser pour réagir de cette façon et ne faire définitivement confiance à aucun homme, hormis son paternel.
Et mon instinct protecteur aurait voulu donner une raclée à l'enfoiré qui s'était servi d'elle de cette manière aussi mesquine. Je connaissais Ivy depuis peu de temps, mais elle était quelqu'un de doux ainsi que d'attentionné qui se préoccupait pour les personnes qui comptaient pour elle. Alors qu'un crétin ait joué les amis afin de la foutre dans son lit, ça me faisait littéralement bouillir le sang dans mes veines.
***
Sojiro continuait à fulminer après deux jours. Il ne pouvait tout simplement pas se faire une foutue raison ? L'article était tombé à l'eau ? Eh bien ce n'était pas la fin du monde, on n'allait pas se bloquer pour si peu, non ?
Je l'observais depuis un coin de la salle de journalisme, il tapait avec hargne sur son clavier d'ordinateur et s'énervait comme un débile lorsque la connexion internet ramait, en donnant des coups à la souris, comme si cette dernière y était pour quelque chose dans l'affaire.
— Il n'est vraiment pas croyable, marmonna Kyle en approchant de moi afin de se servir de la photocopieuse contre laquelle je m'appuyais légèrement.
J'esquissai un sourire.
Ce type qui ressemblait au parfait surfeur californien me plaisait bien, il était sympa. Des peu de fois où j'avais causé avec lui, nous nous étions toujours très bien entendus lui et moi. Puis pour mener à bout Soji, nous faisions une parfait duo de choc. C'était drôle de l'emmerder, il s'énervait bien trop vite.
— Je peux savoir ce qu'il lui prend ?
Vraiment ? Il l'ignorait ? Je pensais pourtant que vu la mauvaise humeur de mon binôme, tout le monde au lycée saurait pourquoi son article était parti aux oubliettes. Toutefois, je me contentai de hausser les épaules, il n'avait qu'à croire ce qu'il voulait, je m'en fichais un peu, car je n'avais envie que d'une seule chose : rentrer chez moi. Même si j'avais très bien dormi la veille, il n'empêchait que la journée d'hier m'avait fatiguée et que mon corps ne demandait qu'à se reposer sur ce magnifique petit lit que j'avais dans ma chambre, avec un peu de musique dans mes oreilles.
— Tu sais bien comment il est, me contentai-je de dire.
— Ouais, je savais qu'il était excentrique, mais là, il dépasse carrément les bornes.
Kyle semblait amusé ainsi qu'intrigué par l'étrange comportement de notre camarade. Mais allez savoir ce qui se passait en ce moment dans la tête de Soji, j'avouais que malgré le fait de passer pas mal de temps avec lui, j'avais du mal à le cerner.
Après avoir poussé un long soupir rempli d'agacement, je regardai pour la énième fois en deux heures mon téléphone portable afin de consulter l'heure. Il ne restait plus que dix minutes et je serais enfin libre pour tout le week-end... bon, pas tellement, étant donné que je devais travailler demain, mais étant donné que c'était en après-midi, je pourrais aller visiter Alex. J'avais tellement envie de le voir et de lui dire que nous avions peut-être trouvé un moyen de le sortir de là.
Mais avant ça, je devais parler à ma mère de Graham Porter, l'avocat que Mr Sheppard m'avait recommandé. Oui, elle devait être mise au courant au plus vite afin que nous puissions agir en conséquence et le contacter. Eh mon dieu, j'espérais par-dessus tout qu'elle accepterait et qu'elle ne se sentirait pas offensée par ce que mon proviseur avait fait. Certes, il avait pris quelques libertés, mais c'était afin de m'aider, de nous aider.
— Sinon, commença Kyle en se rapprochant de moi, tu fréquentes quelqu'un ?
Sa question eut pour effet de me faire éclater de rire. Non, parce qu'il fallait le dire, sa technique de drague était vraiment... nulle ? Pas innovante ? Au moins, je devais bien admettre qu'il ne tournait pas autour du pot, ce qui était tout à son avantage.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ? le taquinai-je en enfonçant mon doigt entre deux de ses côtes.
— Bah... t'es nouvelle, mignonne... aucun gars du lycée ne t'a fait des avances ?
— Genre comme toi en ce moment ? rétorquai-je, un peu moins amusée qu'auparavant.
Il leva les mains en l'air en signe de reddition en voyant que s'il continuait par-là, il allait se faire mordre. Mais littéralement.
Kyle se retourna et s'éloigna, sans même daigner s'excuser pour ses petites questions déplacées. Tant qu'il ne se montrait pas lourd, ça m'allait, je ne demandais pas plus. Ça ne me gênait pas de flirter avec les mecs, c'était un peu un jeu, mais cela ne voulait pas pour autant dire que j'étais intéressée par autre chose qu'une simple amitié. Du coup, ce qu'Ivy avait dit plus tôt dans le réfectoire me revint en mémoire.
Qu'avait-il bien pu lui arriver pour qu'elle en vienne à penser qu'une amitié entre une fille et un garçon n'était pas possible ? Bon sang, j'aurais tellement voulu lui demander le sens caché – car il y en avait bel et bien un, j'en étais certaine – de ses mots, même si je savais qu'elle ne m'aurait pas répondu. Je lui avais tout simplement demandé si elle voulait en parler, mais face à son refus... aurais-je dû insister ? Pas pour faire ma commère, mais vraiment pour comprendre le fruit de ses pensées, car il y avait vraisemblablement quelque chose qui m'échappait.
Je retournai finalement auprès de Soji, avant que la cloche qui annonçait la fin de la journée ne sonne. Il écrivait à toute allure, visiblement, c'était encore un article qui avait un rapport avec le maire de Fairfield. Bon sang, n'en avait-il pas marre de vouloir coincer ce type ? Ça tournait à l'obsession son truc.
— Au lieu de draguer Kyle, tu pourrais me donner un coup de main, non ? me balança-t-il sans pour autant lâcher l'écran du regard.
On avait des définitions différentes du terme « draguer », je l'avais plutôt envoyé balader, mais à quoi ça servait d'en discuter avec lui ? Il était tout simplement frustré. D'accord, il avait perdu du temps en écrivant cet article, tout comme moi en allant au Grace Hall et en faisant des photos, qui finalement, ne serviraient strictement à rien.
— T'es vraiment con, tu sais ?
Il se retourna enfin vers moi et la cloche sonna, me libérant ainsi de lui ainsi que de ce cours qui m'ennuyait de plus en plus. J'aimais la photographie en tant que passion, pas dans un but journalistique. L'année prochaine, j'essayerais de prendre une autre option ou alors, tout simplement aucune, même si ça n'allait pas faire briller mon dossier.
Je ramassai mes affaires et quittai la salle tandis que Soji me récriminait quelque chose, mais je ne pris même pas la peine de l'entendre. J'en avais marre de le voir se plaindre, il ne faisait que ça dernièrement et à la longue, c'était gonflant.
Après avoir franchi les portes de sortie du bahut, il ne me fut pas bien compliqué de voir Cole, appuyé contre un flanc de sa voiture en train de m'attendre. On aurait dit qu'il se trouvait là depuis des heures tellement il avait l'air blasé.
Une fois près de lui, il ne me dit rien mais ouvrit la portière côté passager et fit le tour de la Jeep pour aller à sa place. Une fois tous les deux installés, il démarra le moteur, qui ronronna très légèrement, et nous laissâmes rapidement derrière nous le lycée.
Pendant le trajet jusqu'à Eastridge Hills, nous ne dîmes rien, ce qui me sembla un peu étrange, toutefois, je décidai de briser la glace en première en lui demandant comment s'était déroulée sa journée.
— Les profs me les brisent, ronchonna-t-il.
Je ravalai un rire, sachant à quel point il détestait l'école, que ce soient les élèves ou les profs, si ça ne tenait qu'à lui, jamais il n'irait en cours. Puis s'il s'était fait virer de pleins d'établissements scolaires, ce n'était vraiment pas pour rien. J'aurais aimé lui demander pourquoi c'était arrivé, pourquoi est-ce qu'on l'avait tellement expulsé, mais je gardais ma curiosité pour moi. La veille, il avait répondu à pas mal de mes questions et je ne voulais pas forcer, surtout, parce que moi-même je n'étais pas prête à m'ouvrir sur certains sujets avec lui. Mais ce qui était sûr et certain, c'était qu'une fois qu'Alex serait libéré – si cet avocat réussissait à que ce soit bel et bien le cas –, je devrais lui dire la vérité. Et lorsque je disais la vérité, je voulais dire « toute la vérité », celle que seuls mon frère, Jake et moi connaissions et dont même ma mère ignorait tout.
Toutefois, cette journée n'était pas encore arrivée, mais je devais réfléchir à comment m'y prendre, afin d'être prête pour quand ce serait le cas. Franchement, à l'idée de tout lui dire, j'en avais des frissons.
Toutes ces images s'imposaient à moi, ainsi que la panique ressentie à cet instant-là, alors que j'étais seule chez moi et que Nat s'était introduit, qu'il me pourchassait à travers ma maison pour... pour me tuer, car telle avait été son intention. Je pouvais encore sentir le sang éclabousser mon visage tandis que ma vision était devenue floue à cause de l'asphyxie et des larmes. Cet odeur de sel et de rouille qui se répandait dans la chambre pendant que le corps de mon ex retombait inerte sur moi. Et cette texture froide ainsi que rugueuse dans le creux de ma main qui... m'avait sauvée la vie.
Mes oreilles sifflaient et rien qu'en y repensant, j'avais à nouveau l'impression que j'allais m'évanouir. C'était comme si on déversait un seau d'eau froide au-dessus de ma tête et que cette dernière se répandait sur toute mon échine dorsale, me provoquant des frissons ainsi qu'un mal-être notoire. Au lieu d'être dans cette voiture avec Cole, mon esprit était reparti chez moi, à Lincoln Heights, à cette nuit de début décembre, où le sort de toute ma famille avait été scellé à cause de ma stupidité.
Assise dans mon canapé, je me prélassai devant la télé, profitant d'avoir la maison pour moi toute seule. Ma mère était allée à son club de lecture du voisinage et Alex... eh bien, Alex trainait, j'ignorais où cependant.
Depuis que j'avais eu cette discussion houleuse avec Gideon il y avait plus d'un mois, ce dernier s'était éloigné de mon jumeau, à mon plus grand soulagement. Notre vie était suffisamment ardue déjà pour en plus en rajouter une couche avec des affaires de drogues. Le fait qu'il ait payé mon frère pour qu'il garde sa came chez nous m'avait tout simplement mise hors de moi. Et dieu savait à quel point j'aimais Gideon, il avait été mon premier amour, le garçon pour qui j'avais craqué pendant une grande partie de mon enfance et adolescence, c'était sans doute cela aussi qui m'avait mis tellement en colère. J'attendais tout simplement mieux de sa part, mais à croire que j'en demandais trop.
Toutefois, même si Alex et moi n'avions pas toujours le même avis sur tout, il avait parfaitement compris que ce qu'il faisait pour son ami était un crime punissable de prison. Mais il y avait pire encore : que notre mère l'apprenne. Ce serait encore pire que la prison, du moins, selon mon frère.
Ce dernier mois avait été relativement rude pour moi et j'avais plus qu'envie de décompresser devant un bon film en mangeant une bonne pizza, qui ne tarderait pas à arriver d'ailleurs. C'était vraiment ce dont j'avais besoin, ainsi que d'un peu de tranquillité. Du coup, j'étais vraiment contente d'avoir la maison pour moi toute seule, sans une mère pour me crier dessus ou sans un frère pour avoir le monopole de la télé toute la soirée. J'étais on ne peut mieux.
Je zappai les chaînes télé, mais rien de bien convaincant ne m'attirait. J'ignorais combien de nous en avions, sans doute un tas, mais j'étais de loin celle qui regardait le moins la télévision, je préférais me plonger dans mes musiques ou regarder des films que j'aurais moi-même choisi au préalable. Et je sentais, que ce soir, ça allait être encore pareil.
Mais en tombant sur la chaîne NBC, je vis que The Tonight Show starring Jimmy Fallon était en train d'être diffusé, alors comme j'aimais bien ce présentateur, pour une fois, je laissai. L'invité qui était en train d'être interviewé était l'acteur britannique Freddie Highmore. Il parlait de sa nouvelle série médicale « Good Doctor », ainsi que de son précédent travail en tant que Norman Bates dans la série « Bates Motel ». Je n'avais vu aucune des deux, mais elles me faisaient bien envie.
Depuis que j'avais intégré Winward, je n'avais pas vraiment eu de temps pour les loisirs – autres que les fêtes auxquelles Jennie m'avait entrainée et quand je sortais avec Nat, bien entendu. Cette semaine, comparée aux précédentes depuis près d'un mois, tout avait été un peu plus calme, j'avais eu ainsi un peu de répit, émotionnel ainsi que mental.
Je fermai les yeux et m'efforçai de ne pas penser à ce connard, je ne voulais vraiment pas gâcher ne serait-ce qu'une minute de plus mon existence avec lui. Ce type avait un grave problème comportemental et le pire, c'était que personne ne semblait s'en rendre compte. Il avait retourné tout le lycée contre moi pour faire en sorte que je me retrouve seule. Seule contre tous. C'était vraiment très courageux de sa part.
Je me claquai mentalement : je ne devais pas penser à lui, ni à aucun de ces connards qui me pourrissaient l'existence depuis bientôt un mois. C'était ma soirée détente, je l'avais méritée, alors ils pouvaient tous aller se faire foutre !
La sonnette retentit et je me levai du canapé, c'était sans aucun doute le livreur de pizza. J'allais jusqu'à ma chambre chercher mon portefeuille afin de prendre les dix dollars que coûtait le plat, plus neuf virgule cinq pourcent de la taxe de l'état ainsi que dix pourcent du prix comme pourboire pour le livreur, ce qui faisait en tout, douze dollars.
On sonna à nouveau.
— J'arrive !
Bon sang, ce livreur était drôlement pressé.
Je me dépêchai d'aller à l'entrée et en ouvrant la porte, je faillis la refermer aussitôt. Il ne s'agissait pas de ma pizza, mais de ce connard de Nat Hawkins qui se tenait sous le porche de ma maison. Il portait comme à son habitude des jeans Lewis, sa veste rouge de l'équipe de football du lycée et ses cheveux blonds parfaitement coiffés retombant légèrement sur son front.
Il était carrément gonflé de ce pointer ici. Mais là, il n'y avait plus de doutes possibles, c'était bel et bien du harcèlement.
Tous les muscles de mon corps se raidirent en même temps et ma respiration se coupa, alors que je voyais rouge. J'étais vraiment en colère. Est-ce qu'il m'avait surveillée pour savoir que je me retrouvais seule ? Jamais il n'aurait eu le tripes de venir en sachant Alex dans le coin, il savait parfaitement que s'il le voyait, il lui referait le portrait.
— Je peux savoir ce que tu fous ici ?
— Je dois te parler, Olivia.
Non mais il était vraiment gonflé ! Après m'avoir brutalisée en pleine rue, tabassé mon ami et détruit ma réputation au lycée, désormais il voulait parler ? De quoi ? De comment me démolir encore plus ?
— Dégage !
— Je suis sérieux, Liv, dit-il d'un ton qui se voulait suppliant, sauf que ça ne prenait plus avec moi.
J'avais vu son véritable visage, je savais parfaitement qu'il avait deux personnalités et que pour lui, je n'étais rien d'autre qu'un objet dont il pensait avoir tous les droits. Il ne m'avait jamais aimé, même un peu. J'avais simplement blessé son égo en étant celle qui avait rompu la première, je l'avais froissé, car aucune fille ne ferait une telle chose au grand Nat Hawkins. Mais je n'étais pas les autres filles et j'aurais dû voir les signes bien avant de coucher avec lui et ainsi couper les ponts à temps. Je ne pouvais pas retourner en arrière, toutefois, je n'allais pas rester avec une personne qui se pensait maître de ma vie.
— Je te promets que si tu ne pars pas de chez moi, je vais appeler la police, l'avertis-je.
— Tu me manques !
Sa déclaration m'énerva encore plus. Ne comprenait-il pas que je n'en avais strictement rien à faire ?
Il s'avança d'un pas et j'en reculai d'un autre, même s'il ne franchit pas le seuil de la maison. Je ne voulais surtout pas qu'il m'approche.
— On peut arranger ça et reprendre notre relation. Je te pardonne.
Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. Me pardonner ? Bien entendu, dans l'histoire, c'était moi la méchante. Je l'avais « trompé », alors que j'étais simplement allé au ciné avec un ami de longue date. Me pardonner... je n'en croyais vraiment pas mes oreilles. J'ignorais si rire ou pleurer pour être honnête.
— Tu ne comprends donc pas ? Je ne veux rien arranger du tout avec toi, je veux simplement que tu me laisses tranquille, Nathan ! Cesse de me harceler, de me suivre partout où je vais, de me guetter ! Toi et moi, c'est terminé !
Il serra les mâchoires, perdant de plus en plus patience face à mes refus répétés.
— Pourquoi es-tu aussi cruelle ? Je veux simplement discuter avec toi !
— Mais je n'ai absolument rien à te dire ! Tu as gâché ma scolarité à Winward, à cause de toi et de tes mensonges tout le lycée est contre moi. J'espère que tu es content !
— Il n'y a que ça qui t'intéresse ? rétorqua-t-il, avec une moue dégoûtée. Qu'en est-il de nous ?!
Il était obsédé par ce sujet et je ne voyais vraiment pas d'autres manières de lui dire que lui et moi c'était terminé, qu'il n'y aurait plus jamais quoi que ce soit entre nous. J'avais l'impression de causer à un mur.
— Il n'y a plus de nous, alors s'il te plait, passe à autre chose.
Toute cette situation me bouffait de l'intérieur, même si je me considérais quelqu'un de fort, savoir que tout un bahut était contre moi, ça démoralisait n'importe qui. Et je ne savais plus comment lui faire comprendre que je voulais qu'il me laisse tranquille.
— S'il te plait Olivia, ne vois-tu pas que je t'aime ?
Si c'était sa manière de concevoir l'amour, alors dans ce cas, je préférais me faire détester.
— Arrête, répondis-je, de plus en plus mal à l'aise.
— Mais c'est...
— Arrête ton baratin ! hurlai-je. Je ne te le répéterai pas, Nathan : va-t'en ou j'appelle les flics.
Je doutais énormément qu'il veuille voir son casier judiciaire vierge être tâché par tout ceci, après tout, il était le petit-fils d'un ancien maire de Los Angeles, il ne voudrait surtout pas que sa famille soit mise au courant de son maudit comportement.
Nat serra les mâchoires à s'en péter les dents et une veine battit à tout rompre au niveau de son front ainsi que de son cou. Il était en colère et j'ignorais de quoi il était capable, sans aucun doute du pire, car désormais il était évident qu'il ne pouvait pas se contrôler. Ce n'était rien d'autre qu'un petit fils de riche avec un égo surdimensionné qui pensait avoir tous les droits, mais ce n'était pas le cas. Du moins, pas avec moi.
Il recula d'un pas et je me détendis un peu, voyant qu'il abandonnait, toutefois, je n'étais pas assez bête pour lui faire confiance, du coup, je restais sur mes gardes.
Les secondes passèrent et même s'il s'était éloigné de la porte d'entrée, il continuait à me tuer du regard. J'ignorais ce qui pouvait bien lui passer par la tête en ce moment, mais vu comment il me fixait, j'étais certaine que rien de bon.
Alors que je m'apprêtais à fermer la porte, il s'avança rapidement et coinça un pied entre cette dernière et l'encadrement, m'empêchant ainsi de la clore, et de ses grands bras de footballeur, il poussa le battant en arrière de toutes ses forces pour m'envoyer valser contre le mur à ma droite.
Mon dos le cogna de plein fouet et ma respiration en fut coupée, alors que je me pliais en deux. Désormais, je n'avais qu'une seule chose en tête, saisir le téléphone et appeler la police ainsi qu'Alex.
Nathan entra dans la maison et claqua la porte derrière lui, avant de s'avancer dangereusement vers moi, pendant que je reprenais mon souffle.
— Et maintenant ? Tu vas faire quoi ?
Son regard ressemblait à celui d'un fou, je pouvais y lire qu'il n'avait absolument plus rien à perdre et qu'il allait me les faire payer.
Et ce fut à ce moment-là que je compris que l'un de nous deux ne ressortirait pas vivant de cette maison.
— Liv ?
Cole posa une main sur ma cuisse et je sursautai sur place, me cognant de plein fouet contre la portière de la Jeep. Bon sang, ces souvenirs étaient tellement clairs, que j'avais eu la sensation pendant une minute d'être retourné en arrière et de me retrouver encore une fois face à Nat. Mon cœur battait la chamade et je pouvais sentir un filet de sueur courir tout le long de mon dos.
Bordel, je détestais ça. Après, j'avais toujours l'impression d'avoir une enclume ancrée au niveau de la poitrine, comme en cet instant.
Je me rendis alors compte que nous étions garés devant le portail donnant accès à Eastridge Hills.
— Tu es certaine que ça va ? me questionna-t-il en caressant avec douceur mon bras.
— Oui, j'ai eu une absence, ça m'arrive souvent.
Et je ne mentais pas, ce n'était que la stricte vérité.
— Tu ne rentres pas à la maison ? lui demandai-je afin de changer de sujet et en remarquant que ce n'était pas dans ses intentions.
— Je dois aller chercher Ronnie et ensuite je dois passer chez Eli, m'informa-t-il. Tu veux venir ?
Je souris face à sa proposition. J'aurais bien aimé, mais nous voir ensemble semblerait très louche. Toutefois, j'étais heureuse qu'il m'ait posé la question, qu'il veuille m'inclure ainsi dans ses plans, même lorsqu'il s'agissait de ses amis.
— Je suis un peu fatiguée, en plus, j'ai des devoirs à faire.
— Mouais, ronchonna-t-il, pas très convaincu.
Cole tourna son buste vers moi et me lança un regard rempli d'avidité qui me fit rapidement oublier ce que je venais tout juste de revivre dans ma tête. Un sourire narquois esquissa ses lèvres et il se pencha dangereusement sur moi, afin de murmurer tout près de mon oreille :
— Je rêve de t'embrasser depuis que nous sommes partis du motel, alors je vais le faire maintenant, si tu n'y vois aucun inconvénient.
Non, je n'en voyais aucun. Personne n'était dans les parages, nous étions totalement seuls et moi aussi je rêvais de poser mes lèvres sur les siennes afin de me perdre dans l'intensité de nos baisers. C'était sans aucun doute l'une des choses que je préférais au monde.
Je lui souris et hochai négativement la tête, bien évidemment que je n'y voyais aucun inconvénient et le fait qu'il ne me prenne pas pour acquise me plaisait d'autant plus.
Cole attrapa mon menton et déposa un bisou, avant de dévier vers mes lèvres et poser sa bouche sur la mienne. Ma main droite se balada sur son torse pour remonter ensuite vers son cou et s'enfouir dans sa sombre chevelure. Il me taquina en mordant gentiment ma lèvre inférieure pour finalement, l'aspirer tout doucement, avant de rompre notre étreinte. Je me rendis alors compte que j'avais cessé de respirer.
— On se voit plus tard, déclara-t-il avant de déposer un bécot rapide et de me tapoter la cuisse.
Oui, on se verrait plus tard, de cela j'en étais certaine.
Je lui fis un clin d'œil, descendis de voiture et fermai la portière derrière moi. Il me fit un signe de la main et décampa en prenant la direction de Green Valley.
Mon cœur tambourinait dans ma cage thoracique et j'éprouvais une sensation très semblable à celle des papillons au creux de l'estomac. Non, ce n'était une sensation semblable, c'était précisément celle-là.
Bordel, j'étais dans un sacré pétrin, mais étrangement, je m'en fichais.
Avec toujours un sourire béat collé aux lèvres, je me retournai, mais ce dernier s'effaça lorsque je me rendis compte que Jake se trouvait à quelques mètres de moi, les bras croisé sur sa poitrine et le regard courroucé.
Il avait absolument tout vu.
Finalement, j'étais bel et bien dans un sacré merdier.
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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Le souvenir d'Olivia n'est pas terminé, loin de là, ce n'était que le début, mais je ne tenais pas à tout dévoiler dans un seul chapitre, ce serait trop facile 😏
Pour ce qui est d'Ivy, pourquoi croyez-vous qu'elle pense ça des relations d'amitié entre fille et garçon ? Des hypothèses? Dîtes-les moi !
Et cette fin... on dirait bien que Liv et Cole se sont faits griller 😅
On se retrouve MERCREDI PROCHAIN À 17H pour la publication du chapitre 69, qui sera du point de vue de Cole.
Je vous souhaite une bonne fin de semaine !
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