Chapitre 65 Cole

Les vitres de la voiture complètement baissées, l'air qui pénétrait à l'intérieur ébouriffait mes cheveux et ceux de ma co-pilote.

Je tentai de garder le regard droit devant moi, fixé sur la route que nous parcourions, mais toutes les trente secondes, ce dernier bifurquait vers Olivia, qui contemplait le paysage, un sourire collé sur les lèvres. La voyant faire, je ne pouvais m'empêcher de sourire à mon tour, bien bêtement je devais bien l'avouer, mais je me sentais bien. Il n'y avait plus aucune tension entre nous et lorsqu'elle m'avait serré contre elle dans les couloirs du lycée, mon cœur avait cessé de battre pendant quelques instants. Ce geste venant d'elle m'avait énormément surpris, mais pas pour autant déplu. J'avais aimé ça, j'irais même jusqu'à dire, que j'avais adoré, surtout après comment s'était terminé notre conversation la veille.

Le fait de sécher les cours avait toujours été pour moi un véritable plaisir, entre le fait de défier l'autorité scolaire et parentale, on pouvait dire que j'adorais faire tout ce que l'on m'interdisait. Mais aujourd'hui, c'était quelque chose de relativement différent. Cette sensation qui s'était emparée de moi lorsque Liv m'avait dit de l'emmener au loin et de passer la journée ensemble, jamais je n'avais ressenti quelque chose de semblable. Et désormais, assis à côté d'elle, je ne m'étais jamais senti aussi libre.

— Tu es certaine de ne pas vouloir appeler ta mère ? lui demandai-je cependant, ne voulant pas qu'elle ait de problèmes.

Elle tourna son visage vers moi et me sourit, tendrement.

— Ça ira, je pense que le sms pour lui dire que je vais chez Ivy après les cours est suffisant.

Olivia avait inventé une excuse bidon, assez rapidement devais-je avouer, et avait appelé Mr Reeves – le directeur du Country Club – pour lui annoncer son absence cet après-midi. Elle ne s'était pas vraiment foulée, elle n'avait pas inventé un argument biscornu que personne ne pourrait croire. Elle avait tout simplement dit qu'elle avait un devoir très important le lendemain et qu'elle ne pourrait pas aller travailler. Et comme elle était la fille recommandée par les Coleman, il lui avait tout simplement répondu de ne pas s'en faire et de cartonner lors de son examen. Vraiment, ce Reeves, c'était un lèche-bottes de la pire espèce, mais au moins aujourd'hui, le fait qu'il en soit un était bénéfique.

— Donc, tu veux rentrer après ? lui demandai-je.

Après tout, j'ignorai encore ce que nous allions faire de ce qui restait de journée. Pour commencer, je voulais l'emmener s'amuser au Six Flags Discovery Kingdom, un parc d'attractions qui se trouvait à Vallejo, à plus de vingt minutes de Fairfield et seulement à cinquante de San Francisco. Si nous ne rentrions pas tout de suite après au manoir, j'avais vaguement pensé au fait de nous rendre dans ma ville natale pour trainer un peu et lui faire une visite nocturne. La ville était vraiment belle la nuit. Mais ce qui était certain, c'est que le fait de rentrer ensemble tard la nuit, soulèverait tout un tas de questions.

Liv virevolta complètement son corps vers le mien, en pliant une jambe et en plaçant son pied gauche sous son genoux droit et éclata de rire.

— Je rêve ou tu veux m'emmener à l'hôtel ?

Je fronçai les sourcils. Quand avais-je... ? Oh... d'accord, je voyais parfaitement. Mais en effet, dans le pire des cas, si elle voulait faire le tour de La ville de la Baie, nous pourrions sans aucun problème louer une chambre... ou deux, selon son souhait.

— Je me suis simplement dit que tu voudrais visiter San Francisco. À moins, que tu l'aies déjà fait, répondis-je en me raclant la gorge.

Je tentai de rester concentré sur la route, mais je sentais son regard sur moi et je ne savais dire si c'était une bonne ou une mauvaise chose.

— J'ai toujours voulu me promener sur le Golden Gate.

— Seigneur, que c'est cliché ! ne pus-je m'empêcher de commenter après avoir pouffé. Tu sais, c'est juste un pont. Un pont où plein de monde se suicide chaque année, me vis-je obligé d'ajouter.

— As-tu donc peur que je te pousse au fond de la baie ?

Je tournai brièvement mon regard vers elle et la vit me sourire de toutes ses dents, avec ce petit air narquois qui lui appartenait. Je levai les yeux au plafond et soupirai légèrement, elle allait finir par me rendre dingue.

— Il y a tellement d'autres choses à voir à San Francisco...

— Comme le quartier homosexuel ? me coupa-t-elle.

D'accord, définitivement, elle voulait un tour cliché de la ville, celui que tous les guides touristiques offraient aux voyageurs. Et personnellement, je n'avais pas envie de jouer les touristes, pour ça, j'allais déjà en cours.

— Je plaisante, je te laisse décider du tour. Mais dans ce cas, on fait comment pour rentrer ? Je veux dire, il sera vraiment tard et ma mère risque de se poser des questions en nous voyant arriver plus ou moins au même moment, elle n'est pas stupide.

Non, loin de là. Clara avait l'air rusé comme un renard et je ne tenais pas vraiment à lui donner des indices quant à la « relation » que j'entretenais avec sa fille. Moins de trucs suspects, mieux ce serait, et là, en effet, ce serait très flagrant.

— Ce que tu disais par rapport à l'hôtel avant, c'est une bonne idée, finis-je par répondre sans pour autant lui adresser un seul regard.

Le silence plana dans l'habitacle pendant quelques instants et Olivia se tortilla sur son siège. Visiblement, le fait d'aller à l'hôtel avec moi la mettait dans tous ses états. L'idée lui était-elle donc si désagréable ? Ou bien au contraire, alléchante ?

— Tu veux louer une chambre ? Je n'ai pratiquement pas d'argent sur moi, juste vingt dollars.

— Je t'en prie, Liv, m'offensai-je. Je ne veux pas paraître imbu...

— Oh... vraiment ? ricana-t-elle.

Je poussai un soupir. D'accord, c'était une facile, je lui avais tendu une perche. C'était bien envoyé et Olivia savait saisir les opportunités pour frapper là où ça faisait mal. Elle était douée, je devais bien l'avouer.

— Pour ce qui est de l'argent, tu n'as pas à t'en faire. J'ai de quoi payer, ce ne sera pas un problème.

— Ça me gêne d'accepter, dit-elle désormais en prenant un ton plus sérieux.

Ça m'énervait que ce soit le cas. C'était juste des billets verts et j'en avais suffisamment sur mon compte bancaire comme pour m'acheter une suite dans l'un des immeubles les plus huppés de San Francisco.

C'était juste de fric. Ça allait et ça venait, en avoir et ne pas l'utiliser était stupide. Du moins, c'était ainsi que je voyais les choses, sans doute parce que je n'en avais jamais manqué et que je pouvais en faire avec ce que je voulais. J'avais toujours eu carte blanche, alors ce n'était pas maintenant que ça allait commencer. Elle m'avait demandé de l'emmener loin et de nous amuser pour ce qui restait de journée, c'était donc ce que je pensais faire.

— Et pourquoi ça ? C'est juste de l'argent, il est là pour être utilisé, sinon il ne sert à rien.

— Tu sais bien pourquoi je ne veux pas.

J'arquai un sourcil et tournai brièvement mon regard vers elle.

— Non, vraiment, je ne vois pas où est le problème, Olivia.

Elle poussa un énième soupir et se tortilla encore une fois sur place. Son comportement me déroutait, c'était juste du fric et j'en avais plein, pourquoi je ne pouvais pas l'en faire profiter ?

Après tout nous étions...

Oh... d'accord, désormais je voyais parfaitement où était le problème et où elle voulait en venir.

Nous n'avions pas défini ce que nous étions. L'autre jour, on avait dit qu'on voulait « être ensemble » ou « passer du bon temps ensemble », mais nous n'étions pas partis plus loin dans la définition de notre relation.

— Qu'est-ce qu'on est l'un pour l'autre ? finit-elle par demander.

Ma déclaration de la veille n'avait pas dû être assez claire, mais tout comme elle, je me posais la question. D'après les normes sociétales, qu'est-ce que nous étions ? Car après tout, notre relation était maintenue en secret, personne de notre entourage était au courant et nous nous cachions, il n'y avait aucun doute là-dessus.

— Qu'est-ce que tu veux qu'on soit ?

— Je... je n'en sais rien, avoua-t-elle, angoissée.

Mon cœur se serra dans ma poitrine en la voyant aussi indécise. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait et moi non plus, alors quel était mon problème ? Pourquoi ça m'affectait autant ? J'aurais dû être soulagé qu'elle voit les choses plus ou moins comme moi.

— Est-ce que tu es à l'aise avec la relation qu'on a ?

Elle sembla hésiter quelques secondes, mais finit par hocher la tête et par esquisser un sourire.

— Alors pourquoi chercher à la définir ? Faisons ce dont on a envie, sans se soucier des normes sociales. On s'aime bien, on passe du bon temps ensemble... c'est ce qui compte, non ?

Je sentis son regard de biche se poser sur moi pendant quelques instants, comme si elle évaluait la situation, attendant de prendre une décision. Quoi qu'elle veuille, je la suivrais. Je voulais simplement qu'elle soit à l'aise.

— Oui, tu as sans doute raison, admit-elle après avoir poussé un long soupir, rempli de soulagement. Tu es vraiment différent de ce que j'avais pensé.

Son aveu me laissa de marbre, mais je me repris assez rapidement et pouffai légèrement, afin de détendre un peu l'atmosphère.

— C'est un compliment ?

— Oui, c'en est un.

Cette fois, mon sourire fut sincère. J'étais heureux que sa vision vis-à-vis de moi ait changé par rapport à un mois auparavant. Je n'étais pas particulièrement fier de mon comportement, je devais bien l'avouer, mais sur le moment, je pensais véritablement qu'elle était à la botte de Piper. Pour moi, elle était une menace au peu de liberté qu'il me restait. Je m'étais également drôlement trompé à son sujet, elle était tout l'opposé de ce que j'avais imaginé. Elle était mille fois mieux.

Ma main gauche sur le volant, je posai ma droite au niveau de sa cuisse, près du genoux, et la lui serrai tendrement. Je la sentis se détendre sous ma poigne et ce sourire qui arborait ses lèvres ne s'effaça pas pendant le reste du trajet.

***

Lorsque nous entrâmes dans le domaine du parc d'attraction, la réaction d'Olivia me fit vraiment rire. Elle me rappela celle d'une petite fille qui découvrait qu'elle allait se rendre à Disneyland. Ses yeux pétillaient d'excitation et elle sautillait littéralement sur place, c'était vraiment très amusant.

Je ne lui avais pas dit où nous allions, ayant voulu garder la surprise, et je n'étais vraiment pas du tout déçu de sa réaction.

Une fois la voiture garée sur le parking, elle fut la première à descendre et à claquer sa portière, je dus la suivre de près sous peine de la perdre parmi toute cette foule qui se dirigeait vers l'entrée du parc. Elle était tellement excitée qu'elle m'avait complètement oublié.

Je la rattrapai en quelques enjambées et saisis sa main dans la mienne pour l'entrainer avec moi vers les guichets afin d'acheter nos billets. Bien que nous soyons en pleine semaine, il y avait beaucoup de monde. Beaucoup d'enfants également. J'entendais autour de moi un mélange de plein de langues, allant de l'espagnol, en passant par l'allemand, du chinois et ce qui me sembla être du russe. Les touristes venaient vraisemblablement des quatre coins du globe, les propriétaires du parcs devaient être contents d'avoir une renommée internationale, un peu dans le même genre de que Disneyland.

Lorsque ce fut notre tour de passer au guichet, je sortis ma carte bleu avant même d'avoir entendu le prix des billets. Je dis simplement que j'en voulais deux simples, sans laisser le temps à Olivia de répliquer pour tenter de payer le sien. Or de question qu'elle dépense un seul centime avec moi dans les parages.

Une fois avec les entrées en main, j'attrapai une carte des lieux et nous nous introduisîmes à l'intérieur du parc. Avec ce soleil rayonnant au-dessus de nos têtes, je sentais qu'on allait passer un superbe après-midi.

— Qu'est-ce que tu veux faire ? demandai-je à Liv tandis qu'elle observait les lieux, l'air complètement éberluée.

La voir aussi enthousiaste me faisait extrêmement plaisir, j'avais enfin l'impression de faire quelque chose de bien. Elle était heureuse en ce moment, je le savais grâce à se sourire qui arborait ses lèvres depuis qu'elle avait compris où nous allions. J'adorais savoir que j'étais la cause de ce sourire.

— Les animaux ! dit-elle soudainement en sautillant comme une gosse de cinq ans tout en me tenant la main.

— D'accord et ensuite, on va manger ?

Elle hocha la tête frénétiquement et j'éclatai de rire, avant de passer un bras sur ses épaules pour la serrer tendrement contre moi. Elle enroula ses bras autour de mon tronc et je n'entendis rien d'autre que son rire cristallin à travers la cacophonie des lieux, un mélange de cris et de musique permanent.

Olivia se mit alors sur la pointe des pieds et déposa un baiser en plein milieu de ma joue, faisant durer le moment pendant quelques instants, avant de me prendre à revers et m'enlever la carte du site des mains.

— Alors, commença-t-elle en le dépliant et en pointant du doigt notre emplacement actuel – près de l'entrée. Les dauphins sont tout près.

— Oui, mais c'est un spectacle.

Franchement, le côté animalier du parc ne me plaisait pas des masses. Je n'appréciais pas vraiment les zoos, tout simplement parce que je considérais que les animaux n'étaient pas des objets et qu'ils n'avaient rien à faire dans ces endroits pour amuser la galerie. Enfermés, alors qu'ils étaient privés de leurs habitats naturels pour faire profit. Je détestais ça et ce parc d'attraction n'échappait pas à cette règle.

Voir des dauphins ou des orques obligés de vivre dans des bassins relativement petits tandis qu'ils devenaient fous à chaque journée qui passait, franchement, ça me fendait l'âme. Pour moi, c'était de la maltraitance animale, ni plus ni moins.

Si ça n'était que de mon ressort, j'interdirais les parcs animaliers qui exhibaient de la sorte ces pauvres bêtes. C'était tout bonnement injuste. L'être humain pensait que tout sur cette terre lui appartenait et il était dans l'erreur. Rien n'était acquis et son rang d'humain ne lui donnait en aucun cas tous les droits sur les autres espèces peuplant le globe. Et tant que tout le monde ne se rentrerait pas ça dans le crâne, rien ne changerait.

— Tu n'as pas l'air à l'aise, dit soudain Olivia. Il se passe quelque chose ?

Je haussai les épaules. On était là pour s'amuser et si elle voulait voir les animaux, je n'avais pas envie de jouer les troubles fêtes, même si je n'étais pas particulièrement à l'aise.

— Ne t'inquiètes pas, ça va.

Elle m'observa pendant quelques instants et s'approcha doucement de moi, comme si elle avait affaire à un animal sauvage qu'elle aurait peur d'effrayer. Elle posa alors délicatement sa main dans ma mienne et me regarda droit dans les yeux.

— Tu n'es pas à l'aise en sachant ces animaux enfermés, je me trompe ?

Sa clairvoyance me troubla. Comment avait-elle fait pour deviner le tréfond de mes pensées ?

Je devais bien avouer que cette « complicité » qu'il y avait entre nous me faisait assez flipper. Elle arrivait à lire en moi, d'une manière dont jamais personne avait été capable.

— C'est donc si évident ?

Elle esquissa un sourire.

— Tu es végétarien, alors ça tombe un peu sous le sens.

Touché ! J'avais tendance à oublier à quel point elle était observatrice. Elle ferait un bon détective, j'en étais certain.

— Ça ne fait rien, soupirai-je. On est venus ici pour s'amuser et tu étais tout excitée à l'idée d'aller les voir. Je peux faire un effort.

J'étais sincère, je ne voyais pas ça d'un très bon œil, mais si cela lui faisait plaisir, je pouvais mettre mes convictions de côté pendant une journée.

— C'est très généreux de ta part de faire une telle concession, mais... on peut s'amuser d'une tout autre façon. Il y a plein de choses à faire dans ce parc, on n'est pas obligés d'aller voir les animaux. Et en y réfléchissant à tête reposée, en réalité, c'est triste de voir des oiseaux enfermés en cage alors qu'ils sont le symbole de la liberté et des dauphins ainsi que des orques dans des piscines, alors que leur place est dans l'océan. Nous, les humains, sommes très égoïstes.

Bon sang, cette fille...

Sans même y réfléchir deux fois, je tirai doucement sur son bras pour l'approcher de moi et poser mes lèvres sur les siennes afin de lui dire tout ce que je pouvais proférer à voix haute. Elle soupira de bien-être et se laissa aller contre moi, me rendant mon baiser avec énormément d'enthousiasme.

C'était la première fois que je l'embrassais en public, mais j'étais tellement absorbé par elle, que pendant un instant, j'avais oublié que nous étions entourés par des tas de personnes venant de divers endroits du monde. Ici, personne ne nous connaissait, nous n'avions pas à nous cacher et ça faisait un bien fou.

Aucun de nous deux n'avait à faire semblant, nous pouvions être comme nous le voulions et faire ce que nous voulions. J'espérais vraiment que cette journée ne prendrait jamais fin, je ne voulais en aucun cas qu'elle se termine.

Je souhaitais qu'elle persiste dans l'espace et le temps pour qu'elle puisse se répéter en boucle, encore et encore. Je ferai de cette journée passée avec elle, la plus belle de notre vie. Pas à cause de ce qui s'y déroulerait, mais à cause de nous deux. C'était mon premier rendez-vous avec Olivia et je voulais me souvenir de chaque parcelle de celui-ci pour toujours.

Cette fille n'était pas comme les autres et si la veille, je n'avais pas su lui dire ce que je ressentais pour elle, désormais, je pouvais me l'avouer à moi-même.

J'étais bel et bien amoureux d'elle. 

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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !

Au moins, Cole a compris l'évidence 😂

On se retrouve MERCREDI PROCHAIN À 17H pour la publication du chapitre 66, qui sera cette fois un point de vue d'Olivia.

Bonne fin de semaine ! 

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