Chapitre 56 Olivia

J'allais lui parler de Nat et seulement de lui. J'ignorais encore comment j'allais terminer mon récit, mais je ne pourrais en aucun cas dévoiler la vraie fin de toute cette affaire. J'essayerais de me montrer le plus sincère possible, tout en gommant l'existence de mon frère.

Je tortillai mes doigts dans tous les sens sous le regard attentif de Cole, qui se montrait bien trop patient à sa tolérance habituelle. Il m'observait dans le silence, sans me presser, me laissant prendre mon temps. J'étais à peine à quelques centimètres de son corps, mais il ne me toucha pas, respectant mon espace.

— Pour comprendre, il faut remonter au début de l'année scolaire, me lançai-je enfin sans pour autant le regarder, gardant la tête baissée. Grâce à mes bons résultats, j'ai été admise dans une école privée. L'école Winward à Los Angeles.

— Tu venais du lycée de Lincoln Heights, non ?

Je hochai la tête, un peu surprise qu'il se souvienne de ce détail.

— Les gens étaient gentils et accueillants, je ne pensais vraiment pas que ce serait aussi facile. Je me suis fait une amie lors des premiers jours et d'août à octobre, j'ai vraiment cru que tout se déroulerait à merveille et que je terminerais le secondaire dans cette école. J'adorais tout simplement faire partie d'elle, j'avais enfin l'impression d'appartenir à quelque chose.

C'était dingue que je sois en train de m'ouvrir comme ça à lui, alors que je ne l'avais encore jamais fait avec personne. C'était comme si en commençant à déballer mon sac, tout demandait à sortir. Alors je devais faire doublement gaffe.

— Tu ne te sentais pas à ta place dans ton ancien lycée, en déduisit-il.

— Pas vraiment, j'avais des buts que la plupart de mes camarades ne partageaient pas. Ils se fichaient d'obtenir leur diplômes ou pas, certains ne venaient en cours qu'une fois par semaine. C'était vraiment désolant et je ne voulais pas que leurs basses aspirations déteignent sur moi. Eux semblaient heureux de leur condition alors que moi... je voulais plus. Voilà pourquoi lorsqu'on m'a offert une bourse pour cette école d'élite, je n'ai pas hésité une seconde.

Ce que je recherchais, c'était d'avoir un avenir meilleur et ce lycée m'ouvrait absolument toutes les portes que je désirais, cela aurait été bête et inconscient de ma part de leur dire non. Après tout, je disais toujours à Alex que je ne voulais pas vivre pour le restant de mes jours à Lincoln Heights, tandis que lui, il ne voyait vraiment pas où était le problème avec notre quartier. Lui se contentait, pas moi. J'avais voulu aspirer à plus et malheureusement... je m'étais brûlé les ailes pendant le processus.

— Lors des premières semaines, je me suis rendue à ces fêtes qui avaient lieu le vendredi et le samedi. C'est là que j'ai été présentée au quarterback de l'équipe de foot. J'avais déjà entendu parler de lui et de ses prouesses sur le terrain de jeu. Il... impressionnait et était très accessible à la fois.

Cole bougea la jambe et effleura légèrement mon genoux, contact qui m'électrisa bien malgré moi, toutefois, je ne relevai pas la tête. Je le sentais s'agiter et j'ignorais pourquoi, mais je n'étais pas prête à croiser son regard.

— Il s'est intéressé à moi presque instantanément, il m'abordait souvent au lycée et me demandait comme j'allais, si je m'intégrais bien. C'est sans doute toute cette attention qui m'a fait lui dire oui lorsqu'il m'a proposé un rencard. Alors mi-septembre, on a commencé à sortir ensemble. Il était vraiment gentil, prévenant en plus d'être beau et athlétique, admis-je.

Quoi que pour le côté prévenant, je m'étais lourdement trompé.

— Oui, tu es tombée sous le charme de son intelligence à ce que je vois, ironisa Cole, avec une légère pointe de jalousie dans la voix.

Sa remarque m'arracha tout de même un sourire, car il n'avait pas tort. Même si je m'entendais bien avec Nat, les sujets de conversation n'étaient jamais très vastes et se réduisaient souvent à parler de choses pas très profondes et dont je m'en fichais un peu la plupart du temps, comme son plan de jeu ou comment faire un touchdown du tonnerre. S'il avait la moyenne dans toutes les matières, c'était bien évidemment parce qu'il était le quarterback et le capitaine, rien d'autre. Sans Nat, l'équipe n'était pas au complet, alors les professeurs jouaient tous le jeu et augmentaient sa moyenne pour qu'il puisse continuer à faire gagner l'école, ni plus ni moins.

— Du moins, c'était ainsi que je le voyais... jusqu'à ce que tout parte en vrilles.

Je le sentis bouger et lorsque je relevai le visage, il était tout juste à quelques centimètres de moi, s'étant penché en avant alors que sa main prenait une mèche de mes cheveux et la plaçait délicatement derrière mon oreille. Ce geste me laissa pendant quelques instants sans voix, ne sachant pas vraiment comment réagir. Il ne changea pas de position et me regarda droit dans les yeux, ma bouche ainsi que ma gorge s'asséchant comme si je m'étais retrouvée en plein désert.

— Continue, pourquoi tout est parti se faire voir ?

Je tentai de reprendre mon souffle tandis que j'avais la sensation que ma cage thoracique allait éclater.

— Parce que j'ai commencé à voir à travers le voile de son charme. Il ne cessait de me contrôler, de me manipuler et de me faire des remarques qu'au début je ne prenais pas vraiment à cœur, mais qui se sont intensifiées une fois...

Je me mordis la langue. Ce que je m'apprêtais à dire était beaucoup trop intime pour le partager avec Cole.

— Que tu as couché avec lui, devina-t-il.

Mon cœur se mit à battre à cent à l'heure et mes joues s'empourprèrent plus que jamais. Je n'avais aucun mal à parler de sexualité, mais il s'agissait de Cole et lui dévoiler cette partie de moi-même... c'était lui donner la chose que je redoutais le plus : le pouvoir de s'en servir contre moi.

— Je me trompe ? renchérit-il face à mon silence.

Je serrai les mâchoires et relevai une nouvelle le regard vers lui, ses yeux bleus me scrutant avec attention et une infime tendresse. Pourquoi devait-il me contempler ainsi ? C'était très déstabilisant pour mon petit cœur de lycéenne fleur bleue.

— Non, tu ne te trompes pas, avouai-je d'une voix presque inaudible.

— Est-ce qu'il t'a forcée ? me demanda-t-il sans aucun détour et en serrant les mâchoires.

J'écarquillai les yeux et sans même m'en rendre compte, je lui saisis la main avec empressement.

— Non ! me hâtai-je de répondre, ne voulant surtout pas qu'il pense une chose pareille. Je l'ai fait de mon plein gré, même si... ça ne s'est pas passé comme je l'imaginais.

Il fronça les sourcils, ne comprenant pas ce que je voulais dire par là. Voilà que j'allais devoir donner des détails. Génial !

— Il...

Je poussai un long soupir alors que je commençais à trembler légèrement, ne croyant vraiment pas que j'allais prononcer ces mots à haute voix.

— Il est allé au but !

Cole battit des paupières à plusieurs reprises et souleva un sourcil pendant que sa bouche s'ouvrait et qu'aucun son n'en sortait. Il semblait ébahi par cette révélation, outré devrais-je même dire.

— Hein ? Tu veux dire que ce connard a zappé l'étape des préliminaires ?

Je me mordis l'intérieur de la joue et fermai les yeux, n'arrivant vraiment pas à croire qu'on était en train d'avoir cette conversation. Je trouvais ça tellement intime, que j'avais la sensation de me retrouver à nu face à lui.

— Est-ce que me peloter les seins par-dessus mon chemisier compte ?

— Bordel, non ! Bien entendu que non ! s'exclama-t-il, horrifié.

— Alors, oui, il a zappé cette étape.

Je gardai le silence pendant quelques instants, alors que ce moment me revenait encore une fois en mémoire, comme lorsque j'étais avec Jake au cinéma drive-in, à peine deux jours plus tôt.

— Cette brute t'a fait mal ? me demanda-t-il avec une voix remplie de colère, tandis qu'il dessinait des petits cercles à l'aide de son pouce sur le dos de ma main.

Ce contact m'apaisait et me donnait confiance pour poursuivre mon récit. J'aimais beaucoup trop le sentir contre moi, tellement que mon esprit partait souvent en vrilles et avait des pensées lubriques, comme lorsqu'il m'avait caressée la nuque dans les douches. J'aurais à ce moment-là tellement aimé sentir cette caresse ailleurs...

— Je n'ai absolument rien ressenti. Ni plaisir, ni douleur, rien. J'ai même cru pendant un instant que c'était moi le problème. Ça a duré quelques secondes à peine et ça a été la désillusion, la déception totale... je n'oublierai jamais ça. Lorsqu'il m'a ramenée chez moi, je suis partie directement dans ma chambre et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Mon cœur était littéralement brisé.

Je sentis un énorme poids s'enlever au niveau de ma poitrine, me rendant plus légère, comme si le fait d'en parler me libérait.

— Je suis désolé que ta première fois ait été avec ce sale égoïste, tenta-t-il de me consoler, tu aurais mérité nettement mieux. Même si je ne qualifierais pas ça de « première fois », après une expérience sexuelle aussi minable.

Je lui mis un léger coup de poing au niveau de l'épaule et ça le fit rire, même si je savais qu'il avait entièrement raison. Les premières fois étaient certes importantes, mais j'aurais l'occasion de recommencer et au moins, j'avais la chance de me dire que personne ne pourrait faire pire que lui.

— Donc ..., commença Cole, ça veut dire qu'on ne t'a jamais...

Il fit une grimace suivi d'un sourire en coin qui se voulait timide, pendant que ses joues rougissaient légèrement.

— Tu sais bien, s'éclaircit-il la gorge.

Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire. Il allait devoir être plus explicite. Voyant que je ne captais pas, il leva les yeux au ciel et grogna, avant de balancer :

— On ne t'a jamais léch...

— Cole ! m'offusquai-je en voyant désormais parfaitement où il voulait en venir.

Une chaleur immense commença à m'envahir. Mais comment osait-il me demander une chose pareille, franchement ? Il y avait quand même des limites à ce qu'il pouvait me demander, mais après tout, de quoi est-ce que je m'étonnais ? À peine deux jours auparavant, il avait parfaitement comparé la taille de son égo surdimensionné à celle de son membre virile, même s'il avait voulu me faire passer pour une perverse en prétendant parler de sa Jeep. Et je devais bien avouer que ça avait été très drôle.

Toutefois, même s'il avait parfaitement deviné, ça ne le regardait aucunement.

— Excuse-moi ! s'esclaffa-t-il. J'essaye juste de comprendre comment on peut être aussi égoïste. Est-ce qu'il a eu le temps de mettre une capote, au moins ? Parce que ce con avait l'air drôlement pressé !

Je le frappai à nouveau, ce qui eut pour effet de le faire rire derechef. Il n'avait pas tort, mais je ne devais pas le suivre dans son petit jeu provocateur. Alors j'essayai de reprendre un air sévère, tentant de lui montrer que ses insinuations ne me plaisaient pas.

La manière dont il me regardait me rendait complètement fébrile, me donnant l'impression d'être la chose la plus belle qu'il ait jamais vu. Cette douceur dans ses iris semblables à la mer avant une tempête me faisait perdre complètement tous mes moyens. Alors je baissais les yeux, afin de calmer l'affolement de mon palpitant.

— Est-ce que tu l'aimais ?

Sa question me surprit, mais il avait l'air sérieux, il ne faisait plus le pitre. C'était quelque chose que je m'étais souvent demandé : est-ce que j'avais aimé Nat ? D'un côté, oui. Mais d'un autre... je n'étais pas amoureuse de lui, je n'avais jamais ressenti ces « papillons » que l'on décrivait dans les films ou les romans d'amour. Je n'avais jamais éprouvé ce que je ressentais lorsque j'étais près de... Cole. Mon corps ainsi que mon cerveau partaient en vrilles et j'avais beau savoir que je n'avais rien à faire avec lui, ce que je ressentais ne cessait de grandir chaque jour un peu plus. Voilà pourquoi j'avais peur.

— Non, déclarai-je enfin, il me plaisait, mais ce n'était pas... le grand amour, celui qui s'écrit avec un grand A et que l'on n'oublie jamais, même si c'était la première personne avec qui je sortais.

À dire vrai, s'il ne s'était pas passé toutes ces choses à la suite de notre rupture, j'aurais sans aucun doute oublié Nat Hawkins bien rapidement.

— À partir de cette nuit-là, enchainai-je, il a voulu recommencer et j'ai refusé. Je voulais tout arrêter, mais je ne savais pas comment lui dire, comment lui faire face. Alors j'ai trouvé des prétextes pour passer le moins de temps possible avec lui, pensant qu'au bout d'un moment, il saisirait l'indirecte. Il est alors devenu à chaque fois plus insistant, observant mes moindres faits et gestes et devenant même jaloux lorsqu'un garçon s'approchait pour me parler au lycée. J'ai commencé à étouffer et l'envie de le quitter est devenue de plus en plus forte. Un jour, environ deux semaines après cette première fois catastrophique, il m'a suivie en-dehors du lycée, alors que j'étais allée au cinéma avec un ami d'enfance. Sa jalousie a atteint de tels niveaux, qu'il a failli me casser le poignet tandis qu'il me secouait comme un prunier, en me traitant de tous les noms de trainée qui lui passaient par l'esprit et en disant que je lui appartenais.

Je sentis Cole se raidir et saisir ainsi ce que mes mots de l'autre jour voulaient vraiment dire. Cependant, il ne m'interrompit pas et me laissa poursuivre.

— Je ne l'avais jamais vu aussi violent, c'était comme si j'avais eu affaire à une tout autre personne. Mais c'est vraiment là que j'ai vu son vrai visage. Il s'en est pris quelques jours plus tard à mon ami avec certains de ses potes et ils l'ont envoyé à l'hosto. C'est là que je lui ai dit que c'était terminé et que je ne voulais plus qu'il s'approche de moi. Je pensais que le message était passé, mais j'étais bien loin du compte. Il a retourné tout le lycée contre moi, en disant que je l'avais trompé et cet endroit que j'adorais, est devenu un putain d'enfer. Les gens me traitaient de pute, de salope, certains souhaitaient que j'aille me prendre et une pétition a même été lancée par ces chères cheerleaders pour me faire expulser du bahut. En plus de devoir vivre ça à l'école, lorsque j'en sortais, ce n'était pas mieux. Il s'est mis à me suivre, à me guetter, je sentais tout le temps sa présence où que j'aille.

Ma voix se brisa sur la fin de la phrase et je dus prendre une énorme inspiration pour pouvoir continuer.

— Cette situation a duré un mois entier, puis un jour, en début décembre...

Je me mordis la langue, est-ce que je pouvais lui raconter la suite de l'histoire sans pour autant qu'il en devine le tragique dénouement ? Jusqu'à maintenant, je n'avais absolument rien omis, ni même menti et c'était tellement libérateur. Mais il ne pouvait connaître l'entière vérité, pour mon bien et celui de ma mère, il devait complètement l'ignorer ou même la soupçonner.

— Il s'est pointé chez moi un soir où j'étais seule. Je pensais que c'était le livreur de pizza, sinon je n'aurais jamais ouvert.

Je me revoyais parfaitement assise sur le canapé du salon, en train de regarder la télé, lorsqu'on avait sonné. Quelle désagréable surprise de trouver Nat au seuil de ma porte par cette nuit de début décembre.

— Il disait vouloir parler et arranger les choses pour qu'on se remette ensemble. Je n'arrivais pas à comprendre son comportement possessif et je ne voulais absolument rien savoir de lui ou de ses expectatives vis-à-vis de « nous ». Pour moi c'était terminé et je ne souhaitais plus avoir affaire à lui. Alors j'ai été aussi claire que lorsque j'ai rompu avec lui. Il a continué d'insister et j'ai refusé de l'écouter, ses excuses vides de sens je m'en cognais, je désirais simplement qu'il parte et me laisse enfin tranquille.

Après tout, je n'avais souhaité que ça et je m'étais montrée suffisamment patiente et à l'écoute avec lui, alors que j'aurais tout simplement pu lui claquer la porte au nez et même pas lui laisser le temps de s'exprimer. Je n'avais pas un cœur de pierre, mais je savais qu'il ne m'aimait pas – mais nous avions vraisemblablement une vision de la chose bien distincte. Il avait simplement la haine que ça ait été moi qui aie rompu, le blessant ainsi dans son petit égo de mâle alpha. Puis sa jalousie s'était tout simplement transformée en obsession. Il ne me considérait pas comme une personne, mais comme un objet.

Cole buvait mes paroles et je me rendis même compte qu'il ne respirait pas, ayant retenu son souffle depuis un moment, ou alors il le faisait vraiment très doucement.

— Il n'a pas supporté que je lui dise encore une fois « non » et il a forcé la porte alors que je la refermais. La suite... eh bien, j'ai fini à l'hôpital après son passage à tabac avec un poignet cassé et des côtes fêlées, entre autres.

Je ne lui racontais pas le véritable diagnostique bien évidemment, il n'avait pas à tout savoir. D'ailleurs, je ne voulais pas y penser, sinon je risquais de paniquer et me mettre à chialer. Et je voulais éviter ça plus que tout au monde.

Il soupira, haletant, comme s'il avait couru un marathon.

— Je suis désolé, je... bon sang, murmura-t-il en me lâchant et en passant ses deux mains sur son visage avant de se lever et de serrer les poings de toutes ses forces. Tu as vraiment dû avoir peur de moi. Je suis vraiment désolé si à cause de choses que j'ai pu dire ou faire je t'ai fait revivre ce calvaire.

Mon cœur frémit et les parois de ma gorge se resserrèrent, ne sachant vraiment pas quoi dire face à ses excuses. Il avait certes déconné quelques fois et m'avait fichu la trouille, mais...

— Tu ne pouvais pas savoir, Cole, essayai-je de le rassurer en me levant à mon tour pour aller le retrouver. Tu as eu quelques excès de colère, mais jamais... même lorsque tu étais super énervé, tu ne m'as fait mal.

La douceur dont il faisait preuve lorsqu'il avait eu une emprise sur moi avait même été déconcertante. Comment pouvait-on se montrer brutal par les mots mais à la fois, doux dans les gestes ?

Jamais je n'aurais imaginé que cette affaire avec Nat le bouleverserait autant. Ça devait sans aucun doute le renvoyer d'une manière ou d'une autre à ce qu'il avait vécu lorsqu'il était enfant avec son beau-père. La situation n'était pas comparable, mais tous les deux, nous nous étions fait battre par des personnes qui à un moment donné ou à un autre, étaient proches de nous et en qui nous avions placé notre confiance. Puis nous avions tellement d'autres points en commun, mais il l'ignorait encore.

— J'espère que ce salopard a pris cher, marmonna-t-il d'un voix voilée.

Oui, malheureusement pour moi et pour Alex, il avait lourdement payé ses actes. Et même s'il m'avait fait énormément de mal, que ce soit émotionnellement ou physiquement, jamais je n'aurais voulu qu'une telle chose arrive.

— Oui, il a pris cher, murmurai-je en baissant encore une fois le regard.

Cole se rassit sur le rebord de mon lit et secoua la tête à plusieurs reprises, toujours aussi incrédule.

— Je ne comprends vraiment pas les types comme ça. Si une fille ne veut plus de moi, je l'accepte puis je passe à autre chose. À quoi ça sert de la harceler ?

Je pris place à son côté, plus près que jamais et poussai un long soupir, me sentant relativement soulagée d'avoir parlé de Nat à quelqu'un. Mais surtout, j'étais heureuse que ce quelqu'un soit Cole. Je devais vraiment être tordue pour ressentir ça alors qu'au contraire, j'aurais dû avoir la trouille.

— On peut changer de sujet ?

Il tourna le regard vers moi et finit par hocher la tête, un sourire se dessinant sur le coin de ses lèvres.

— Qu'est-ce que tu veux savoir sur Amara ? soupira-t-il.

— Tout ce que tu voudras bien me dévoiler, dis-je en réutilisant sa phrase de plus tôt.

— Copieuse, plaisanta-t-il en me donnant un léger coup d'épaule qui m'arracha un petit rire.

Nos bras se frôlaient et ma peau s'enflammait à chaque contact. S'il faisait déjà chaud cette nuit, depuis qu'il était entré dans ma chambre, c'était dix fois pire. Cole gardait le silence, comme s'il cherchait les mots appropriés pour me parler de sa sœur, cette personne qui était sa moitié. Je ne pouvais cesser de me mettre à sa place en imaginant la douleur qu'il avait dû subir lors de sa perte, ainsi que celle qu'il ressentait encore maintenant.

Mais il me donnait l'impression de ne pas savoir comment commencer, alors je me lançais à sa place.

—  Tu as pu te recueillir sur sa tombe ? 

—  Non, soupira-t-il. Ma chère et tendre mère a choisi spécialement ce jour pour aller lui rendre visite avec une équipe de tournage. 

Je fronçai les sourcils. Est-ce qu'il plaisantait ? 

— Elle est en train de tourner une téléréalité, se moqua-t-il. 

Mince, il était vraiment sérieux ! Comment pouvait-on se servir de la mort de son enfant pour se faire du fric sur son dos ? C'était vraiment quelque chose d'horrible ! Je n'avais vraiment pas les mots pour exprimer ce que je ressentais en ce moment envers cette personne sans coeur et sans âme. 

Le voyant s'agiter, je décidai de garder mes propos pour moi et de relancer la conversation.  

— Qu'est-il arrivé à ta soeur ? Ton père a parlé d'un accident... mais je n'en suis pas entièrement convaincue.

Il serra les mâchoires lorsque je fis référence à son paternel, je pouvais voir à quel point il lui en voulait de ce qui était arrivé. En un début, après qu'il m'ait raconté pour son beau-père et ce qu'il lui faisait subir, j'avais pensé qu'il lui en voulait pour ne pas avoir été là pour lui. Mais peut-être, que c'était surtout en rapport avec ce qui était arrivé à sa jumelle.

— Mes parents ont divorcé alors que nous avions six ans, commença-t-il en regardant droit devant lui, comme s'il fixait un point invisible.

Je comptai mentalement. Comment cela se faisait-il ? Cole et Cayley avaient juste trois ans d'écart.

— Relation extra-conjugale. Patrick s'est marié à la mère de Cayley alors qu'elle avait trois ans et le mariage n'a pas duré plus de quatre. Il s'est ensuite empressé d'engrosser la mère de Joey et de l'épouser, ironisa-t-il. Puis de divorcer encore une fois.

Ah oui, d'accord ! Mr Coleman cachait bien son jeu. Non seulement il changeait de femme comme de paire de chaussettes, mais en plus, il les trompait. Quel salaud !

— Ma mère, quant à elle, a épousé un autre homme d'affaires très réputé du nom d'Alaric Engelmann, environ trois années après son divorce. La partie où il me brutalisait, tu la connais déjà.

Je ne pus m'empêcher de frissonner de la tête aux pieds en m'imaginant ce petit garçon que j'avais vu sur la photo dans le bureau de Mr Coleman être battu à la chaîne par ce monstre.

— Au début il ne s'en prenait qu'à moi, mais... il est vite passé à Amara.

— Il la battait aussi ?

Venant d'un salopard dans ce genre-là, je n'étais pas vraiment étonnée. Il fallait vraiment être la pire des ordures pour s'en prendre à des enfants.

Cole fit une grimace de douleur et lorsqu'il tourna à nouveau son regard vers moi, ses yeux brillaient, comme s'il était sur le point de fondre en larmes.

— Pas exactement. Ça a débuté dès qu'elle a commencé à avoir ses premières...

Il se mordit la lèvre, l'air énervé ainsi que dégoûté.

—... formes.

J'eus du mal à avaler ma salive, en comprenant parfaitement ce qui allait suivre. J'avais l'impression que mon coeur allait se barrer de ma poitrine en s'échappant par ma gorge. 

— À l'époque, je ne comprenais pas, je pensais qu'il la battait, comme moi. Ce n'est qu'après sa mort que j'ai réellement compris. Et tu dois sans doute te dire pourquoi je n'ai rien dit, non ?

À vrai dire, la question ne m'avait même pas effleuré l'esprit. C'était un gamin sous la pression d'un adulte, il devait être mort de trouille et avec un père absent et une mère qui n'en avait rien à carrer de lui ou de sa sœur... ils étaient seuls face aux sévices de ce monstre.

— Après m'avoir donné une correction, ce qui arrivait tous les deux ou trois jours, il m'enfermait dans un coffre en bois qu'il y avait au pied de son lit.

Voilà qui expliquait ses crises de panique ainsi que de claustrophobie. Tout prenait un sens désormais.

— Et c'est là qu'il faisait entrer Amara. Je ne voyais rien, mais j'entendais... des choses.

J'eus un haut le cœur en m'imaginant un pauvre gamin apeuré, enfermé dans un coffre, tandis qu'un pédophile s'en prenait à sa sœur tout juste à côté. À cet âge et sans avoir un visuel direct, il n'avait pas compris de quoi il en retournait.

— J'avais peur, m'avoua-t-il, encore maintenant, cette ordure hante mes cauchemars et je revis encore et encore ces événements.

Il tremblait de la tête aux pieds frénétiquement et ... je m'en voulais de lui refaire vivre ça.

— J'ai essayé d'en parler à ma mère, mais... elle n'a pas voulu écouter. Sais-tu seulement tout le courage que j'ai dû rassembler pour en fin de comptes me faire rembarrer ? Alors je n'ai plus jamais rien dit.

Je comprenais vraiment la haine qu'il avait envers sa mère, elle était plus que légitime. Je n'arrivais pas à comprendre comment cette femme avait pu obtenir leur garde !

— Quant à Patrick... il vivait à l'autre bout du pays et nous ne le voyions plus qu'une fois par an depuis que nous avions déménagé à New York. À ce moment-là, j'étais rempli d'espoir et je pensais véritablement que si je l'appelais, il prendrait le premier vol pour venir nous rejoindre. J'adorais mon père.

Cette révélation me brisa complètement le cœur. Je n'avais aucun mal à m'imaginer Jayden enfant en train de jouer avec Mr Coleman dans ce jardin que j'avais vu par deux fois sur les photographies. Il avait fait confiance à son père et ce dernier... l'avait abandonné.

— Mais Amara avait raison, il n'en avait plus rien à faire de nous. Je ne voulais pas la croire, je m'accrochais à un tout petit espoir. J'étais vraiment bête, j'ai beau le critiquer, mais j'ai fait exactement pareil que lui : ça s'est déroulé sous mon nez et je n'ai rien vu.

Je fronçai les sourcils, ne voyant pas vraiment ce qu'il voulait dire par là. Si Mr Coleman était en Californie et eux à New York... comment cela aurait-il pu se dérouler sous son nez ? Peut-être était-ce une réflexion pour lui-même ?

— J'ai compris ce qui était arrivé à ma jumelle à cause des questions des officiers de police après sa mort. Après son autopsie, ils m'ont fait des examens et ils m'ont demandé si mon beau-père avait abusé sexuellement de moi. Pas avec ces mots, bien entendu, mais cela en revenait au même.

Je me raidis de tous mes muscles en soupesant cette possibilité.

— Et est-ce qu'il... ?

— Non, soupira-t-il avec un air diverti que je ne saisis pas, comme s'il s'était agi d'une ironie. Il avait une préférence pour les filles prépubères. Ils ont dit que j'avais eu de la chance.

De la chance... je ne voyais vraiment pas comment est-ce qu'on pouvait considérer le fait d'avoir été témoin des abus à répétitions de sa jumelle sans être conscient de ce qui se passait comme de la chance !

— Elle est morte en tentant de lui échapper. Amara a toujours été plus courageuse que moi, continua-t-il avec un brin de nostalgie. Elle me défendait, prenait soin de moi... elle s'est résistée et elle est passée par-dessus la rambarde du premier étage, alors que j'entrais à peine dans la maison.

L'air resta coincé à l'intérieur de mes poumons, n'arrivant plus à parler, ou même à tout simplement réfléchir. Il avait été témoin de sa mort aux premières loges.

— Alors oui, peut-être que sa mort était accidentelle, mais pas tout ce qu'Alaric lui a fait subir. Fort heureusement, tout son sale fric n'a pas pu lui éviter la prison. Mon père s'est assuré que cela soit ainsi, tout comme il a fait très attention à ce que l'affaire ne fuite pas dans la presse.

— Tu as déjà parlé de tout ça à Eli ? Ou encore à Veronica ? ne pus-je m'empêcher de lui demander.

J'ignorais s'il avait d'autres amis, mais c'était les seuls que je connaissais.

Jayden tourna la tête vers moi et une larme roula sur sa joue qu'il se dépêcha de balayer.

— Je n'ai jamais parlé de tout ça à personne. Tu es la première, Liv.

La première... je ne savais si me réjouir qu'il me fasse à ce point confiance ou au contraire, être effrayée. Je sentais même mon sang se glacer dans mes veines.

— Pourquoi ?

— Je n'ai pas envie qu'on me prenne pour une bête de foire, répondit-il tout simplement. Qu'on me voit comme le pauvre petit garçon qui a été battu par son beau-père et qui a perdu sa sœur jumelle. Je connais les gens, je sais comment ils fonctionnent et je ne veux pas qu'on ait pitié de moi. Je déteste ça.

— Alors pourquoi m'en parler à moi ?

Il haussa les épaules et soupira un grand coup.

— Tu n'es pas le genre à prendre en pitié les gens.

— Qu'est-ce que tu en sais ? Tu me connais à peine, rétorquai-je.

Cette assurance qu'il avait lorsqu'il parlait de moi comme s'il me connaissait depuis toujours... étais-je donc si transparente ?

— Je ne suis pas d'accord. On s'observe, on se cherche, on se met au défi... c'est suffisant pour commencer à connaître une personne.

J'esquissai un sourire narquois tandis qu'une idée me traversait l'esprit afin de détendre l'atmosphère et de le faire penser à autre chose. Je tournai tout mon corps vers lui et lui demandai :

— Bien, dis-moi alors, quelle est ma couleur préférée ?

Il m'observa, comme en essayant de trouver ma couleur fétiche sur mon t-shirt et mon short. Mais je n'étais pas du genre de personne à s'habiller qu'avec sa couleur préférée. Il ne devinerait jamais.

— Le bleu de mes yeux, répondit-il en me faisant un clin d'œil qui se voulait séducteur.

Je ne pus m'empêcher de rigoler, j'avais pendant une seconde oublié que j'étais en présence de Jayden Coleman, l'être le plus imbu de lui-même que la Terre n'ait jamais porté.

— Tu es bien loin du compte, le narguai-je, même si en réalité j'adorais la nuance de bleu qui arborait ses iris, le tout sublimé par ses longs cils.

— La couleur de mes lèvres alors ? Vu que tu les regardes souvent, continua-t-il à me taquiner. Elles ont dû te faire un sacré effet, avoue.

Je le poussai en arrière et il se coucha contre mes oreillers, en plaçant ses mains derrière la tête et en me défiant de son sourire narquois. Il voulait vraiment jouer à ça ?

— Dixit celui qui mate mes seins dès qu'il en a l'occasion.

Ses yeux se posèrent sur mon corps et telle une caresse, je frémis en essayant de réguler ma respiration ainsi que les battement de mon cœur.

— Et je ne m'en cache pas !

Le culot monstre de ce mec était tout simplement indescriptible. Vraiment, il ne le niait même pas ?

— Moi, contrairement à quelqu'un, j'assume, continua-t-il à me défier.

Un sourire machiavélique arbora mes lèvres et d'une manière presque féline, je me déplaçai sur le matelas jusqu'à me retrouver à son côté, pendant qu'il me suivait du regard, ne perdant pas une miette du spectacle que je lui offrais. Je posai ensuite mes mains sur ses épaules et enfourchai son corps en passant une de mes jambes par-dessus afin de m'asseoir sur le haut de ses cuisses.

Ses pupilles se dilatèrent et ses mains vinrent caresser l'extérieur de mes jambes pour se glisser ensuite sous mon short, me provocant des sensations complètement inconnues, mais loin d'être désagréables, au contraire : j'en voulais à chaque fois plus. Toutefois, je tentai de ne rien laisser paraître afin de garder le contrôle de la situation.

Sa pomme d'Adam tressaillit lorsque je posais mes mains sur son torse et les remontai jusqu'à son cou. Dos appuyé contre le mur, sa respiration devint haletante, pendant qu'il me contemplait dans les moindres détails, l'air complètement béat.

Je savais que je jouais avec le feu mais... c'était trop tentant. Ce n'était pas dans mes habitudes de chauffer un mec, mais je voulais lui faire ravaler sa joie. Cela faisait tellement longtemps que je voulais le faire et désormais que je l'avais à ma merci, je ne pouvais tout simplement pas laisser cette occasion me filer entre les doigts.

Je me penchai en avant tout doucement jusqu'à n'être qu'à quelques millimètres de ses lèvres, en le regardant avec intensité et en effleurant délicatement son torse à travers son t-shirt. Au moment où je l'entendis soupirer de bienêtre et qu'il ferma les yeux pour recevoir mon baiser, je bifurquai vers son oreille, en reposant ma poitrine contre la sienne et murmurai :

— Blaireau.

En me séparant, je ne pus m'empêcher de rire à gorge déployée lorsque je le vis me foudroyer du regard sans pour autant retirer ses mains de mon corps.

Soudain, la porte d'entrée claqua, ma mère m'appela et je me raidis de tous mes muscles en voyant le sourire sournois qui se dessinait sur les lèvres de Cole au fur et à mesure qu'une idée tordue germait dans son esprit.

Et alors, il poussa un gémissement qui enveloppa le silence de la nuit. 

*****************************

Olivia, toujours aussi joueuse et vindicative, sauf contrairement avec Aiden, pour Cole, il est tout simplement hors de question de perdre la partie comme ça MDR 

Bref, j'espère que ce chapitre vous a plu. Enfin, le moment des confidences est arrivé, certes ils ne se sont pas tout dévoilé, mais c'est un excellent début de mise en confiance et de rapprochement 😉

On se retrouve demain à 17H pour la publication du chapitre 57, où on saura finalement ce qui se passe après ce cliffhanger. Se feront-ils prendre la main dans le sac ?

Passez une bonne soirée ! 

Tamar 😘

PS : la playlist sur YouTube a été mise à jour. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top