Chapitre 5 Cole
Je m'affalai sur le lit d'Eli.
J'étais vraiment claqué, bien qu'insomniaque, mon corps me faisait atrocement mal. Cela faisait bien quatre jours que je n'avais pas fermé l'œil. Ça m'arrivait souvent, je pouvais passer une semaine sans dormir et ensuite le faire pendant une ou deux journées d'affilé, tellement profondément qu'on pourrait même croire que j'étais mort.
— Mec, c'est quand la dernière fois que tu as dormi ? Tu as une mine épouvantable !
Je levai les yeux au ciel et soupirai longuement.
Je n'avais pas cessé de chercher Ronnie et il fallait bien croire qu'elle savait se tapir comme une souris dans sa cachette. Je comprenais désormais pourquoi les services sociaux ne l'avaient pas trouvée après près de quatre années de recherches.
Je n'avais pas reçu de coup de téléphone d'Alice... m'appellerait-elle seulement si elle la voyait ? Ronnie avait vraiment besoin d'aide, surtout si elle recommençait à se piquer comme cette fille prétendait. J'espérais seulement qu'elle ne soit pas tombée dans les pattes d'un psychopathe et qu'il ne lui soit rien arrivé. Ou dans celles d'un nouveau proxénète, sinon pour l'en sortir j'allais à nouveau devoir débourser une fortune et là, mon paternel ou sa pétasse de femme viendraient se mêler de mes affaires et c'était la dernière chose dont j'avais envie.
— Tiens, bois ! dit mon ami en me tendant un verre d'eau.
Je le bus d'une traite, définitivement j'avais vraiment besoin de m'hydrater. Cela pouvait expliquer cette fatigue extrême, en plus du manque de sommeil. Généralement, je pouvais ne pas dormir pendant cinq jours d'affilié, mais lorsque j'atteignais mes limites, quand je n'avais plus de batterie comme j'aimais dire, je pouvais m'écrouler n'importe où, ce pourquoi j'essayais de ne pas rester en-dehors de la maison au-delà de cette période.
Une fois, je m'étais endormi dans un parc et je m'étais réveillé deux jours plus tard, à côté d'un vagabond à qui j'avais volé son banc. Il m'avait surveillé pendant tout ce temps afin de s'assurer qu'il ne m'arrivait rien. Il s'appelait Charlie et depuis, j'allais souvent le voir. Ce dernier vivait dans le parc Sunrise, au nord de la ville. Il s'agissait d'un vétéran de guerre d'environ soixante ans qui n'avait pas le sous et qui vivait dans la rue depuis désormais quinze ans. J'essayais de l'aider, étant donné qu'il aurait très bien pu me faire les poches pendant mon sommeil de 48h, au lieu de ça, il m'avait surveillé, s'assurant que personne ne me faisait de mal.
Lorsque cette profonde fatigue me submergeait, je respirais à peine ou du moins, on ne me voyait pas respirer. Apparemment, ma cage thoracique ne se soulevait pratiquement pas, on était obligé de prendre mon pouls afin de savoir si j'étais bel et bien vivant. Du coup, Charlie avait cru pendant un instant que j'étais vraiment mort.
— C'est quand la dernière fois que tu as mangé ? me demanda Eli en me donnant un paquet d'Oreos.
— Hier... enfin, je crois, répondis-je en croquant dans le biscuit au chocolat.
Pour être tout à fait honnête, je n'en étais pas très sûr. Lorsque je faisais quelque chose d'important, je pouvais oublier de me nourrir ainsi que la notion du temps. D'ailleurs, je ne savais même pas quel jour on était.
— Quel jour on...
— Dimanche, m'interrompit mon ami.
Waouh... déjà la fin du week-end. Demain j'avais cours et je ne pouvais pas me permettre le luxe de sécher à nouveau, déjà que je ne m'y étais pas rendu jeudi ni vendredi, je ne devais pas pousser le bouchon trop loin sous risque de me faire expulser.
Déjà qu'on m'avait viré de toutes les écoles respectables de San Francisco et de toutes celles de Fairfield mise à part le lycée Rodriguez... si je me faisais encore exclure, mon père m'avait promis de m'envoyer dans un camp de redressement et je tenais à éviter ça plus que tout au monde. Non, je devrais me rendre en cours demain.
Je trouverais une excuse bidon pour le secrétariat et puis bon vent. Je n'aurais qu'à falsifier la signature de mon paternel et le tour serait joué. Ces cons ne prenaient même pas la peine de vérifier.
— Si tu continues dans cette dynamique, tu vas te faire chopper par ton père.
— Ferme-là, Fuentes ! dis-je en posant un oreiller sur ma tête.
Mon père... Tant que je ne tâchais pas notre nom de famille, il n'en avait que faire de moi. Toutefois, il avait une réputation à préserver. Si son cher fils au comportement « particulier », comme il aimait si souvent le dire, causait trop d'ennuis, alors il s'en mêlait et me menaçait. Le dernier chantage datait d'il y avait à peine deux semaines : me confisquer ma voiture.
De toute façon, je savais qu'il se fichait de ce qui pouvait m'arriver. Il n'en avait rien eu à faire lorsque j'étais un môme à problèmes alors je ne voyais pas pourquoi il essayait de s'en mêler maintenant. Sans doute pour se donner bonne conscience et se dire qu'il avait vraiment tout essayé.
Faux !
— Eli, t'as pas une bouteille de téquila dans le coin ? marmonnai-je.
— Tu dis ça parce que je suis mexicain ? Putain, c'est d'un raciste sérieux...
— T'en as ou pas ?! m'agaçai-je en me relevant d'un bond, mais en restant assis sur son lit.
Je savais qu'il faisait ça juste pour me distraire, mais là, j'en avais vraiment besoin, ayant besoin de me sentir mieux et surtout, voulant dormir.
— Pourquoi tu ne prends pas les somnifères que le psychiatre te donne ? Je ne te comprends vraiment pas. C'est de l'autodestruction ça, mec !
— Tu en as ou pas ? me répétai-je en essayant de garder mon calme.
Il poussa un long soupir avant de passer sa main sur le visage et se leva afin d'aller me chercher ce que je lui demandais.
Sa mère travaillait de nuit à l'hôpital et son père... eh bien... j'avais toujours ignoré où se trouvait son père. Si ma mémoire était bonne, il était parti cinq ans plus tôt avec une stripteaseuse, en abandonnant ainsi sa femme et ses deux fils : Diego et Elijah.
Après son départ, Diego – qui était l'aîné – avait vraiment mal tourné. Il avait intégré un gang et était ainsi devenu un dealer de drogue. Cela faisait bientôt deux ans qu'il était en prison et que sa mère ne voulait plus rien savoir de lui, il n'y avait qu'Eli qui prenait encore de ses nouvelles. Je ne le connaissais pas, il était déjà au trou lorsque j'avais rencontré mon ami et ce dernier ne parlait pas des masses de lui.
Il revint et avant de me donner la bouteille, il la cacha derrière son dos et me tendit sa main, complètement vide. Qu'est-ce qu'il voulait ?
— Si tu comptes boire à t'en déchirer la gueule, je veux que tu me donnes tes clés de voiture.
Ouais... ce n'était pas une mauvaise idée.
En plus, je ne voulais pas rentrer à la maison. Pas quand je savais qu'elle m'attendait. Je préférais dormir par terre dans la chambre d'Elijah plutôt que de retourner dans ce manoir excentrique où tout n'était que mensonges et faux semblants. Rien que d'y penser, j'avais envie de vomir.
Ainsi, je les sortis de ma poche et les lui donnai. Ce fut alors qu'il lança la bouteille d'alcool sur le lit.
Je l'ouvris et bus une grande lampée. L'alcool me brûla sur son passage, mais je ne m'arrêtais pas, étant ce genre de sensations qui me rappelaient que j'étais encore vivant.
Boire la téquila sans sel et citron était dégueulasse, mais j'avais besoin de me saouler, pas de m'amuser. Là, c'était la voie la plus rapide d'atteindre le niveau d'ébriété que je convoitais.
Ce fut ainsi, sous le regard abasourdi de mon ami, que j'ingurgitais en un temps record plus de la moitié de la bouteille à moi tout seul. Je lui rembourserai la boisson, même si ce n'était pas une marque de grande qualité.
— Ton foie va en prendre cher, marmonna le mexicain.
Sans doute, mais qu'est-ce que j'en avais à faire ? Que dalle !
On creverait tous un jour tôt ou tard. De toute façon, que je meure ou que je vive... personne n'en avait rien à faire et cela depuis ma naissance.
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Exceptionnellement cette fois, le chapitre 6 suit de près 😉
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