Chapitre 45 Olivia
Jayden Coleman allait mourir de mes mains ce soir !
Je m'en fichais ! En rentrant, j'irai le retrouver dans sa chambre et je l'étoufferai avec son propre oreiller. Peut-être que j'aurais dû le faire avant, la nuit où il était bourré à mort, j'aurais dû en profiter. Surtout que j'avais eu deux belles occasions et je les avais laissées filer.
— J'hallucine ! ricana Sojiro en s'essuyant le menton après en avoir mis partout sur la table.
D'ailleurs, il m'avait aspergé.
Ivy me regardait, comme en attendant que je réplique et lui dise que c'étaient des conneries que Cole aurait inventées pour faire son intéressant... mais que faire ? Ça faisait exactement une semaine que cet événement avait eu lieu et on dirait bien qu'il lui était légèrement monté à la tête.
Définitivement, il n'en avait rien à carrer de cette trêve. Ses promesses ne valaient absolument rien.
Il allait me les payer. À qui d'autre avait-il raconté ce qui s'était passé ? Et d'ailleurs, s'il voulait tellement en parler, pourquoi ne pas raconter toute l'histoire ?
— Ce connard d'Aiden nous a enfermés mercredi dernier dans la chambre noire et Cole a fait une crise de claustrophobie doublé d'une de panique. J'étais censée faire quoi ? Le laisser s'asphyxier parce qu'il n'arrivait pas à retenir son souffle pour reprendre sa respiration ? rétorquai-je, vraiment irritée. Je n'ai absolument rien ressenti, c'était comme embrasser un caillou.
Je serrai tellement ma fourchette dans ma main que j'avais la sensation que j'allais la pulvériser. Les mecs qui se vantaient... je détestais vraiment ça.
Soji, assis en face de moi à cette table du réfectoire, se pencha en avant sur la table et me scruta droit dans les yeux, comme s'il cherchait à y déceler un mensonge.
— Alors pourquoi tu rougis ?
Je fronçai les sourcils et portai automatiquement mes mains à mes joues, avant de comprendre à son regard narquois, qu'il bluffait et qu'il m'avait démasquée. Désormais, il souriait, l'air satisfait.
J'ignorais ce que j'avais ressenti à ce moment-là, la réaction de mon corps me déroutait encore, tout comme lorsqu'il avait débarqué à la pool house bourré et qu'il m'avait embrassé au niveau du cou. La manière dont il m'avait regardé, c'était y repenser et des frissons parcouraient sans cesse mon échine dorsale. Et ce n'était pas désagréable, tout au contraire.
Après ce qui était arrivé avec Aiden l'autre jour, alors que je rentrais du boulot après avoir fait la connaissance de Jake, heureusement que Cole était arrivé, sinon j'ignorais vraiment ce qui aurait pu arriver.
Je pouvais encore sentir la main d'Aiden me saisir de toutes ses forces, et quand il m'avait avouée avoir eu accès à mon dossier scolaire... je m'étais paralysée tout en étant submergée par une peur primaire. Le nom d'Alex ne figurait pas dessus, toutefois c'était le cas de tous les établissements scolaires que j'avais fréquenté de la maternelle à maintenant, ce qui signifiait qu'il savait que j'avais étudié au lycée Windward. S'il était un tant soit peu futé, il verrait que j'avais été scolarisée à la maison depuis début décembre jusqu'à il y a à peine un mois. Et la dernière chose que je voulais, c'était qu'il fouine dans ma vie.
Bon sang ! Peut-être que Cole avait raison, si je ne l'avais pas humilié, si je lui avais tout simplement dit qu'il ne m'intéressait pas, peut-être que la situation n'aurait pas pris de telles proportions. Enfin de comptes, je ne le saurais jamais, alors il serait stupide de ma part d'y penser.
Mais ce qui était clair, c'était que je ne céderais jamais face à Aiden.
J'étais consciente que Cole m'avait poussée à bout afin de me faire réagir. J'avais dit qu'il ne me connaissait pas, mais il m'observait suffisamment pour savoir qu'il fallait me pousser dans mes retranchements lors de mes moments de léthargie pour m'en sortir. Et ça, ça me faisait vachement peur.
Surtout que j'avais commis une grosse gaffe en baissant ma garde sans m'en rendre compte. Désormais, j'étais certaine que Cole se doutait de quelque chose, je le devinais à la façon dont il m'avait regardée lorsque les mots « Je n'appartiens à personne » étaient sortis de ma bouche.
J'avais essayé d'enlever de l'importance à l'affaire en tentant de me reprendre rapidement et de ne rien laisser paraître, mais... il l'avait remarqué.
—Je ne rougis pas, répliquai-je enfin, ayant eu l'impression d'avoir quitté mon corps pendant quelques instants.
— Oui, continua Soji, pas convaincu du tout. Je suis certain que tu vas me dire que tu le détestes de tout ton être et qu'il ne se passera jamais rien entre vous deux...
Il leva les yeux au ciel et soupira avant de se frotter l'arrière de sa tête, sous le regard amusé d'Ivy. Mais ses insinuations ne me faisaient pas rire du tout.
— Pour ton information, je ne le déteste pas.
Enfin... pas tellement.
— Mais je ne l'apprécie pas non plus pour autant.
Mensonge, dit une petite voix sinueuse au fond de moi.
— Et moi je pense que tu l'apprécies même un peu trop, ricana le journaliste.
Je le foudroyai du regard. C'était quoi son but ? Me foutre en rogne ? Si c'était le cas, il s'y prenait comme un chef.
— Pas du tout, c'est...
— Compliqué ? renchérit Ivy, l'air vraiment amusé.
— Oui, compliqué.
Soji partit d'un nouveau fou rire en levant les yeux au ciel et se mit debout.
— J'abandonne ! On se voit tout à l'heure en cours de journalisme, m'avertit-il avant de prendre son plateau et s'en aller, en nous laissant seules mon amie et moi.
D'ailleurs, il avait pris l'habitude depuis plus d'une semaine de s'incruster avec nous. Mais au moment des cours de journalisme, il était toujours aussi infect avec moi. J'avais l'impression d'avoir affaire à deux personnes totalement différentes.
J'avais rarement rencontré des gens aussi intransigeants que Sojiro. Cela devait être dû à ses origines japonaises, il ne déconnait jamais avec le travail. L'autre jour il avait failli péter un câble lorsque j'avais fait quelque chose de travers. Mais le voir s'énerver m'amusait plus qu'autre chose.
— Vide ton sac, Liv, dit soudain Ivy en me sortant de mes pensées. Soji est parti, tu peux parler franchement.
— De quoi ?
À chaque fois qu'on me disait ça, je me raidissais de la tête aux pieds.
— De ce que tu as ressentis lorsque tu as embrassé Cole. Je suis certaine que ça ne t'a pas laissée indifférente, continua-t-elle en mordant dans un morceau de concombre.
Je serrai les mâchoires et cessai de respirer pendant quelques instants. Ce que j'avais éprouvé ? Du bien-être. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie ainsi et... ça m'avait fait un bien fou. Ce baiser que j'avais partagé avec lui m'avait transportée au loin, de tout et de tous. Ça n'avait duré que quelques secondes avant que je ne me rende compte de la connerie que j'étais en train de faire, ayant franchi les bornes, mais qu'est-ce que j'avais adoré.
Puis l'autre jour... lorsqu'il m'avait serré contre lui et embrassé le cou, j'avais vraiment cru que mon cœur allait cesser de battre. Depuis ce jour, lorsque j'étais auprès de lui, mon corps faisait n'importe quoi. Et ma tête aussi.
— J'ai ressenti bien plus de choses que je ne l'aurais voulu, avouai-je, à cran.
Ivy me scruta en détails et finalement, tapota ma main, comme en cherchant à m'encourager, ce qui me fit sourire bien malgré moi.
Peut-être bien que Cole m'avait ébranlée d'une certaine manière, mais cette espèce « d'attirance » naissante, je me devais de l'étouffer au berceau, ne pouvant pas me permettre qu'elle grandisse.
***
Après avoir laissé mes affaires chez moi, je franchis la porte arrière du manoir et pénétrai à l'intérieur, disposée à faire la peau à ce débile de Jayden Coleman. Il avait envie de se vanter ? Bien, j'allais le lui faire regretter.
Je traversai la cuisine - qui était déserte d'ailleurs - et passai au salon, où je ne vis absolument personne. Pas de peste blond vénitien du nom de Cayley à l'horizon, ce qui était plus que parfait, cette fille étant une véritable fouine. Elle avait vraiment des yeux partout, c'était dingue. J'avais l'impression de me faire surveiller par Big Brother.
Arrivée au hall d'entrée, j'entrepris de monter les marches de l'immense escalier au quart tournant confectionné tout en marbre. Je laissai glisser ma main sur la rambarde tandis que je réfléchissais à mille et une manières de lui faire ravaler sa joie, tout en lui rappelant qu'il mettait en péril notre trêve avec ses gamineries. Si je voulais la paix, ce n'était pas pour rien, sinon jamais je ne lui aurais rendu son journal.
Une fois devant sa porte, je tripotai mon collier pour me donner des forces et ensuite, cognai suffisamment fort pour qu'il m'entende.
— Cole ! clamai-je. C'est Olivia, ouvre-moi !
Je frappai à plusieurs reprises tout en l'appelant, mais aucune réponse. Alors je portai main à la poignée et ouvris le battant pour ensuite en franchir le seuil. La chambre était complètement vide, le lit était fait et tout semblait être parfaitement à sa place : il n'était pas venu ici.
Je soupirai, vraiment agacée. Si Mr Coleman apprenait qu'il séchait et qu'en plus il gambadait dans la nature, il n'allait pas être très content. Ainsi, agacée et frustrée, je quittai la pièce et la refermai derrière moi, avant de redescendre les escaliers en marmonnant mon envie de lui dire deux trois choses à ce pauvre imbécile que j'étais censée fliquer.
Il avait une sacrée manie de disparaître sans donner de nouvelles, surtout qu'il aurait dû me ramener à la maison. Il ne faisait qu'aggraver son cas en séchant ses heures de colle.
— Olivia ?
Une voix grave et bienveillante me sortit de ma rêverie et en relevant le regard, j'aperçus Mr Coleman en bas des marches, habillé d'un costume qui semblait avoir coûté la peau des fesses. En tout cas, je ne pouvais nier qu'il avait bon goût.
Il venait sans doute d'arriver, ayant été absent depuis plusieurs jours maintenant, depuis jeudi dernier à vrai dire si mes souvenirs étaient bons.
— Bonsoir, monsieur, dis-je en continuant de descendre.
— Jayden est à la maison ? demanda-t-il, l'air irrité.
Je m'arrêtai net, ne sachant vraiment pas quoi répondre. Je voulais que cet imbécile heureux ravale sa joie, mais je ne souhaitais pas pour autant qu'il ait des problèmes avec son paternel. Mon rôle était de rapporter tous ses faits et gestes, mais je détestais vraiment ça. Le rôle de fouine, ce n'était définitivement pas fait pour moi.
Toutefois, je me voyais mal lui mentir, après tout s'il montait et entrait dans sa chambre, il découvrirait rapidement la supercherie.
— Non, avouai-je.
— Sais-tu où il est ?
— Désolé, je ne l'ai vu que tôt ce matin.
Il soupira un grand coup, l'air vraiment mécontent, et me fixa, sans ciller une seule fois. Il me détailla du regard, pensif et finalement, dit :
— Viens avec moi !
Je me tendis comme un arc et descendis les dernières marches qui nous séparaient. Une fois en face de lui, il se retourna, me fit signe de le suivre et je m'exécutai sans me faire prier.
J'ignorais ce qu'il me voulait, mais je me doutais que c'était le moment du rapport. Il m'avait ces dernières semaines demandé plus ou moins comment ça se passait avec Cole au lycée, mais mes réponses avaient toujours été très évasives et il n'était pas débile. Je sentais que j'allais passer un sale quart d'heure.
Il allait m'interroger sur les moindres faits et gestes de son fils, et je n'étais vraiment pas prête pour ça. Je n'étais pas une balance, même si la personne en question me tapait sur les nerfs.
Mr Coleman s'arrêta devant une double porte coulissante en verre et l'ouvrit, pour ensuite s'effacer pour me laisser entrer en première.
Il s'agissait de son bureau. La pièce était vraiment grande, presque aussi grande que la chambre de son fils. Les murs étaient lambrissés et vu la couleur, je devinais qu'il ne s'agissait pas de n'importe quel bois, mais de l'acajou. Et il y avait même une cheminée, ce qui donnait un air rustique et à la fois très chic.
Le maître des lieux reposa son porte-documents sur son bureau pour ensuite s'asseoir sur sa chaise, tandis que je sentais ses yeux se poser sur moi pendant que j'observais chaque détail de cette chambre.
Je me tournai alors dans sa direction, mais mon regard fut attiré par un cadre photo posé tout juste derrière lui, sur une étagère de sa bibliothèque, qui occupait tout le mur se trouvant en face de moi. Elle était remplie à craquer de livres et je ne pus m'empêcher d'esquisser un léger sourire en comprenant de qui Cole détenait cet amour pour la littérature.
Il s'agissait d'une photo de Mr Coleman, une femme aux cheveux roux - dont je n'arrivais pas à discerner le visage - ainsi que de Cole et sa sœur lorsqu'ils étaient petits. L'endroit où ils se trouvaient me rappelait vaguement celui du positif que j'avais trouvé dans le journal.
— Assieds-toi, Olivia, dit Mr Coleman en me rappelant à l'ordre et en m'invitant à prendre place dans l'un des deux petits fauteuils se trouvant devant son bureau.
Je fis comme il me dit et croisai maladroitement les jambes, afin de cacher ma nervosité. Plein de questions fusaient dans mon esprit en rapport à cette sœur jumelle qui semblait avoir disparu de la surface de la terre et dont personne n'osait parler. Ça faisait près d'un mois que je vivais ici et c'était la première fois - autre que la photo dans le journal - que je voyais une photo d'Amara. Elle semblait avoir été effacée des souvenirs familiaux, mais pourquoi ?
— Ma secrétaire a reçu un appel ce matin de la part de Mr Sheppard.
Bien entendu, il ne pouvait pas décrocher le téléphone tout seul, tout devait passer d'abord par sa secrétaire.
— Il aurait manqué de respect à sa prof de physique et serait parti alors qu'elle l'a envoyé chez le proviseur. Es-tu au courant de ça ?
Je serrai les dents, car techniquement si Ivy ne m'en avait pas parlé, je n'aurais rien su. Alors, j'optais pour faire comme si la nouvelle ne m'était jamais parvenue.
— Non, désolée. Nous ne partageons pas les mêmes cours.
D'ailleurs, je pensais même que nous ne partagions aucun en commun. Mais il séchait tellement aussi... je ne pouvais pas en être totalement certaine.
— Et ça ne t'a pas étonnée de ne pas le voir de la journée ?
— Je le vois rarement et à cause de ses heures de colle, nous ne rentrons plus ensemble après le lycée.
Ce n'était qu'à moitié vrai, étant donné que lorsque j'avais cours de journalisme - les mercredis et les vendredis - nous rentrions ensemble. Mais ça, il ne le savait pas.
Il soupira et se laissa retomber sur sa chaise en se pinçant l'os du nez et en fermant les yeux, comme dépassé par la situation.
D'un côté, je me disais qu'il en faisait tout un plat d'une affaire de rien du tout, et d'un autre... j'étais consciente que ce devait être frustrant de tenter de remettre son enfant sur le droit chemin et que ce dernier ne fasse aucun effort pour rendre la tâche plus facile.
— Je ne sais vraiment pas ce que je vais faire de ce gamin, pensa-t-il à haute voix. Est-ce qu'il s'est encore battu ?
Ainsi, il était au courant pour la bagarre qui avait éclaté une semaine plus tôt et qui lui avait valu ces heures de retenue jusqu'à la fin de l'année scolaire. Pourtant, il ne m'avait posé aucune question jusqu'à maintenant.
— Pas à ma connaissance, non.
Il souffla un grand coup et se redressa afin d'appuyer ses coudes sur la table et placer son menton sur ses mains jointes, le tout en me scrutant, comme en évaluant si j'étais en train de dire la vérité ou de couvrir son fils.
— D'ailleurs, ce mec l'avait mérité, parlai-je sans y être invitée.
Je me mordis la langue, ne sachant pas vraiment pourquoi est-ce que j'essayais de prendre la défense de Cole... la seule chose dont j'étais sûre, c'était que je ne pouvais pas me taire et le laisser porter tout le blâme. Ce qu'il avait fait était courageux et cette punition qu'il se coltinait était injuste.
Mr Coleman fronça les sourcils, mais m'encouragea à poursuivre.
— Il s'en prenait à une fille en plein couloir. Tout le monde en était témoin, mais personne ne faisait rien. Je n'ai rien fait non plus, avouai-je, honteuse d'être restée passive face à ce bullying qui se déroulait sous mon nez. Mais Jayden a réagi, il a d'abord demandé au gars d'arrêter, mais il l'a envoyé balader avant de pousser cette gamine contre un casier. C'est là que la bagarre a éclaté.
Je m'en souvenais parfaitement, ainsi que du sentiment qui m'avait envahi lorsque je l'avais vu terrasser ce salopard par terre. Il avait mérité chacun des coups que Cole avait porté sur lui.
— Jayden a toujours eu un sens de la justice démesuré, finit-il par répondre après quelques secondes de silence et réflexion. Il ne sait pas arranger les choses sans l'aide de ses poings, pensant que la violence se règle par la violence.
Peut-être que frapper cette ordure n'était pas la meilleure des solutions, mais il l'avait amplement cherché ainsi que mérité. Et son père avait tort, Cole ne résolvait pas tout par la violence, il savait se maîtriser, me l'ayant démontré samedi dernier alors qu'il était venu à ma rescousse. Il lui aurait été très simple de refaire le portrait d'Aiden, mais il s'était contrôlé, même si j'avais senti à quel point ça le démangeait.
— Il ne mérite pas cette punition.
— Je ne sais plus rien, jeune fille, pouffa-t-il. En ce qui concerne mon fils, j'ai l'impression que quoi que je dise ou fasse, il n'en a rien à faire. À la longue, c'est assez fatigant. Mais toi, tu as l'air de le maîtriser.
Cette observation m'arracha un frisson, ainsi qu'un petit rire nerveux. Moi ? Contrôler Cole ? Cet homme ne pouvait pas être plus éloigné de la réalité.
— Pas du tout, il n'en fait généralement qu'à sa tête.
Il me sourit amicalement.
— J'ai vu que tu contemplais la photo derrière moi tout à l'heure, continua-t-il en se retournant légèrement et en attrapant le cadre. Tu dois sans doute te demander qui est la petite fille, je me trompe ?
— J'ai découvert par inadvertance une photo similaire dans la pool house il y a quelques jours, avouai-je, n'ayant pas envie de feindre l'ignorance. Il s'agit de Jayden et d'Amara, sa jumelle.
Mr Coleman fronça les sourcils et me scruta pendant quelques instants, l'air vraiment surpris par ma déduction. Je compris alors que je venais de faire une bourde, certes tous deux se ressemblaient, mais ils auraient très bien pu être frère et sœur, sans être jumeaux. Et si je connaissais la signification de cette phrase écrite à l'arrière du positif, c'était parce que moi aussi j'étais une jumelle.
— Comment as-tu su ?
La meilleure chose à faire, c'était de me montrer franche. Avec un peu de chance, il penserait simplement que j'avais un esprit avisé.
— Il y avait une inscription au dos de la photographie. « Les deux faces d'une seule et même pièce », récitai-je. Ils semblaient aussi extrêmement proches, alors je l'ai déduit.
— Tu es très perspicace, observa-t-il. Oui, Amara et Jayden étaient jumeaux.
Je fronçai les sourcils, tandis que quelque chose faisait tilt à l'intérieur de moi. « Étaient » ?
— Amara est décédée il y a de cela sept ans. À vrai dire, ça fera exactement sept ans ce samedi.
Ma gorge se serra, tout comme mon cœur, à un tel point, que j'en eus mal. Ça ne m'aurait jamais effleuré l'esprit, je pensais qu'elle vivait avec sa mère et non qu'elle était... partie pour toujours.
— Jayden l'a très mal vécu, une des raisons pour lesquelles il ne veut plus qu'on l'appelle comme ça, c'est à cause de cet événement. Le jour où sa sœur est morte, une partie de lui l'a fait également.
Mes yeux se remplirent de larmes, comprenant mieux que personne la détresse qu'il avait et devait encore ressentir. La perte d'un être proche était horrible, mais lorsqu'il s'agissait de ta « moitié »... j'avais plus d'une fois pensé à ce qui m'arriverait si Alejandro venait à disparaître et franchement, je n'y survivrais pas.
— Ils étaient comme cul et chemise, continua-t-il en contemplant l'image. Toujours fourrés ensemble. Ils n'avaient besoin de rien, tant qu'ils s'avaient l'un l'autre...
Sa voix se brisa, tout comme quelque chose à l'intérieur de moi. Je frémissais de la tête aux pieds, comme si c'était à moi que cela arrivait.
— C'est à partir de là que Jayden a commencé à devenir incontrôlable. La perte de sa sœur l'a complètement changé. Il s'en est toujours terriblement voulu, pensant n'avoir rien fait pour la sauver, même si ce n'était qu'un accident.
Un accident ? Est-ce que Cole avait fait quelque chose à sa sœur et l'avait... non, ça ne pouvait être ça. Il ne pouvait pas être responsable de sa mort, il y avait beaucoup d'autres raisons pour qu'il se sente coupable que celle-là. Non, j'étais certaine qu'il n'aurait jamais fait du mal à sa sœur.
Puis il me tendit la photographie, afin que je puisse l'admirer. Ainsi, la main tremblante, je l'attrapai et la contemplai pendant quelques instants, en tentant de mémoriser les moindres détails.
Le cliché avait été pris dans un jardin, à l'arrière d'une maison tout aussi majestueuse que dans celle où nous nous trouvions en cet instant. Mr Coleman avait moins de cheveux gris et semblait heureux, contrairement à la femme se tenant à ses côtés qui paraissait blasée, alors que Cole et Amara souriaient à la caméra en montrant leurs dents manquantes.
Ils étaient plus jeunes que dans la photo que j'avais trouvé dans le journal. Je leur donnerai entre cinq et sept ans sur ce cliché, même si je n'avais pas de mal à reconnaitre Cole, ayant toujours la même bouille de tombeur. Quant à Amara, elle était vraiment très belle également.
J'observai alors la femme rousse et... sa tête me disait vaguement quelque chose, j'avais l'impression de l'avoir déjà vue quelque part, mais j'ignorais où.
— À chaque fois que quelqu'un voit Beverly, il fait la même tête que toi. Ma première femme était Beverly Hutton, star hollywoodienne.
J'écarquillai les yeux en tombant sur l'évidence.
Mais bien sûr ! Je voyais parfaitement où je l'avais vue, elle avait énormément de succès dans les années 90, jouant dans un feuilleton à l'eau de rose qui avait duré énormément d'années. Ma mère et ma grand-mère le regardaient ensemble, étant subjuguées par les talents d'actrice de cette belle rousse au caractère farouche.
— La belle Beverly, reprit-il, tous les hommes la convoitaient à l'époque. Belle, douce... la star la plus étincelante dans le ciel nocturne. Ça a été les feuilletons, puis les films, les récompenses puis ensuite... plus rien. Notre mariage a été un véritable échec, elle n'était pas heureuse et n'était même pas attachée à nos enfants.
« La seule chose qui lui importait, c'était l'argent », avait dit Cole une semaine auparavant, lorsqu'il m'emmenait pour la première fois sur mon lieu de travail.
— Après la mort de notre fille et son deuxième divorce, elle est retournée sur les plateaux. Désormais, elle fait diverses apparitions dans des séries télés ou des films. La belle bimbo d'antan n'est plus.
Puis il esquissa un sourire.
Alors, elle avait quitté le beau-père - et bourreau - de son fils. La question que je me posais désormais, avait-il également maltraité Amara ? Quelles étaient les conditions de son décès ? Et que voulait dire Mr Coleman par « accident » ?
Tout un tas de questions se bousculaient dans ma tête, mais pour le moment, je savais que même si je les lui posais, il ne me répondrait pas.
— Ça fait longtemps que Jayden ne l'a pas vue ? fut la seule question que je fus capable de lui poser.
Je savais que Cole détestait son père, mais je me doutais que ce qu'il ressentait pour sa génitrice allait au-delà. « La seule chose qui lui importait, c'était l'argent ». Elle savait ce que son fils subissait auprès de son époux et elle n'avait rien fait pour l'en empêcher.
— Depuis l'enterrement d'Amara.
Sept années sans voir sa mère... je ne pouvais l'en blâmer, c'était tout à fait normal même. Cette femme qui était censée le protéger, ne l'avait pas fait. Tout comme il devait en vouloir à son père d'avoir laissé sa mère faire.
— D'après les divers psychologues qui l'ont traité, Jayden souffre énormément et se cache derrière une façade de marbre et d'indifférence, dans le but de se préserver. La violence est un exutoire pour lui, il a vraiment beaucoup de mal à tolérer les injustices.
Sans doute parce qu'il en avait lui aussi été victime. C'était une manière de ne pas laisser ses démons prendre le dessus, tout en essayant de démontrer que personne ne serait capable de le blesser à nouveau, que ce soit physiquement ou émotionnellement.
Je rendis le cadre photo à Mr Coleman, non sans avoir jeté un dernier coup d'œil aux bouilles des jumeaux. Ils avaient l'air tellement heureux, comment les choses avaient-elles pu dégénérer d'une telle manière ?
— Désolé de te déranger avec les réminiscences d'un vieux fou, reprit-il en m'adressant un sourire qui me sembla un peu forcé.
Il était terrassé, avoir évoqué tous ces souvenirs avait dû ramener certaines choses à la surface. Il devait lui aussi s'en vouloir pour ce qui était arrivé à sa fille, peut-être regrettait-il de ne pas avoir été présent.
— Je vais y aller, décidai-je en me levant. Toutes mes condoléances, Mr Coleman.
Même si elles arrivaient avec sept années de retard, j'étais vraiment désolée pour Amara. Aucun parent ne méritait de voir son enfant mourir, mais je ne pouvais cesser de penser à Cole et à quel point il devait se sentir seul ainsi que vide sans son âme sœur. Ça me fendait littéralement le cœur, car même si Alex était en prison, je pouvais encore aller le voir ou entendre le son de sa voix à travers un téléphone. Cole ne pouvait rien faire de tout ça, et en comprenant la détresse qu'il devait ressentir, ça me donnait envie de pleurer toutes les larmes de mon corps.
— Tu es une bonne petite, me complimenta-t-il. Et je pense qu'auprès de toi, Cole peut se ressaisir. Je vois la manière dont il se comporte avec toi, tu sais comment t'y prendre avec lui.
Si seulement il savait qu'il s'était tenu tranquille simplement parce que je lui avais fait du chantage, je ne crois pas qu'il continuerait à penser de la même manière.
— Passe une bonne soirée, Olivia, me souhaita-t-il alors que je m'éloignais déjà vers la porte du bureau.
J'attrapai le pommeau et pivotai légèrement vers lui pour ensuite, m'efforcer à esquisser un sourire.
— Vous aussi, Mr Coleman.
Je sortis et refermai les battant derrière moi, alors qu'un tas de questions affluaient dans mon esprit.
Peu à peu, certaines pièces du puzzle s'assemblaient toutes seules et au fur et à mesure que ce mécanisme se mettait en place, je me rendais compte à quel point j'avais été infecte envers lui.
J'ignorais ce qu'il avait vécu pendant son enfance, étant donné qu'il ne m'en avait dévoilé qu'une infime petite partie, déjà assez horrible de base. Mais désormais, apprendre qu'il avait perdu sa sœur et que sans aucun doute, il avait été présent lors des faits... je sentais tout simplement mon âme ainsi que mon cœur se déchirer en mille lambeaux.
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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Olivia sait enfin ce qu'est arrivé à Amara (ou du moins une partie de ce qui lui est arrivé), mais ça ne fait qu'accroitre le nombre de questions qu'elle se pose au sujet de Cole et bien entendu de sa jumelle.
On se retrouve MERCREDI PROCHAIN À 17H pour la publication du chapitre 46 qui sera cette fois du point de vue de Cole.
Je vous souhaite une bonne fin de semaine ainsi qu'un bon week-end !
Tamar 😘
PS: la playlist youtube a été mise à jour 😉
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