Chapitre 44 Cole

— Mr Coleman !

Je relevai brusquement la tête de mon bureau et tentai d'ouvrir les yeux, tandis que je bâillais sans même prendre la peine de me couvrir la bouche, certain qu'on pouvait voir parfaitement ma glotte.

Bordel de merde, ne pouvait-on pas dormir tranquille ici ?! J'avais trouvé enfin une certaine utilité à un cours et cette sale vieille peau de Mrs Adams devait hausser le ton pour me réveiller. Pour une fois que le sommeil venait à moi bien gentiment...

— Ça va ? On ne te dérange pas trop ? demanda-t-elle en croisant ses bras sur sa poitrine et en plaçant ses lunettes presque sur le bout de son nez, pour me scruter à travers elles.

Ma prof de chimie était une véritable plaie. Elle portait toujours sa blouse blanche et en-dessous, ses vêtements de vieille schnock, sortie tout droit de la fin des années 60.

J'esquissai un sourire malsain, mes pupilles s'adaptant à la luminosité de la pièce et mes paupières s'agrandissant petit à petit.

— Si vous pouviez parler un chouïa plus bas, répondis-je, je vous en serais très reconnaissant.

Mrs Adams fronça les sourcils et devint rouge de rage, je pouvais même voir de la fumée lui sortir des oreilles telle une théière en pleine ébullition. Ma réponse et sa réaction créèrent l'hilarité générale auprès de mes camarades de cours. Oui, il ne leur fallait pas grand-chose pour se marrer.

Ma prof avança jusqu'à moi et frappa violemment sa main contre mon bureau, ce qui lui valut mon regard las et blasé. Pourquoi ne pouvait-on pas me laisser tranquille ? Je ne cherchais les problèmes à personne, était-ce trop demander qu'on me laisse dans mon coin ?

— Lève-toi, Jayden ! brailla-t-elle.

Je serrai les mâchoires et la foudroyai du regard. Tous les élèves de cet établissement – ainsi que le personnel d'ailleurs – avaient compris qu'il ne fallait jamais m'appeler comme ça... sauf cette vieille folle.

À contre-cœur, je me levai de ma chaise et la dominai de toute ma hauteur. Elle n'aurait jamais dû me dire de me mettre debout et ça, vu son nouvel air paniqué, elle devait sans doute l'avoir compris. Je n'étais pas spécialement grand, mais cette femme était minuscule. Et vu le regard noir que je lui lançai, elle devait sentir que rien de bon ne se préparait.

— Ivyanne ! beugla-t-elle.

Pourquoi est-ce qu'elle faisait appel à la bonne-sœur ?

— Oui, Mrs Adams ?

— Emmène Jayden chez le proviseur, dit-elle en retournant à son bureau et en prenant une de ses belles petites fiches d'exclusion pour la remplir.

Je poussai un long soupir, ramassai mon sac par terre et sortis de la classe sans me faire prier une seconde de plus, commençant à marcher de façon nonchalante dans le couloir.

Ces dernières nuits d'insomnies se faisaient soudain ressentir et j'avais une folle envie de pioncer pendant deux journées entières, c'était d'ailleurs ce qui risquait d'arriver.

Puis cette prof n'avait qu'à s'en prendre à elle-même si ses cours étaient nuls à chier. Qu'elle revoit la méthode, merde !

Depuis que j'avais sorti Olivia de ce mauvais pas avec Aiden quelques jours plus tôt, je n'avais cessé de me poser des questions à son égard. J'avais beau essayé de ne pas y penser, ça revenait me hanter et de ce fait, elle était toujours dans mon esprit, bien malgré moi.

Si jamais il recommençait ce sale petit jeu, je m'amuserais à lui faire subir un autre, mais le mien aurait pour but de l'envoyer illico presto à l'hôpital.

« Je n'appartiens à personne ! », avait-elle dit alors qu'elle avait vidé son sac, sans même se rendre compte de ce qu'elle dévoilait.

La vie d'Olivia semblait pleine de secrets et même si je n'étais pas de nature curieuse, cette fille me retournait le cerveau et me faisait devenir quelqu'un dont j'avais horreur : un fouineur. Je savais que ce n'était pas mes affaires, que je ne devais pas me mêler de sa vie, mais après ces étranges révélations de l'autre jour... je ne pouvais m'en empêcher. J'étais vraiment à deux doigts d'engager un détective privé pour qu'il fouille dans le passé des Vega.

La seule chose que je savais d'elle avant qu'elle ne débarque à Fairfield, c'était qu'elle venait de Los Angeles, rien d'autre. En définitive, je ne savais strictement rien sur cette fille, et ça me frustrait.

La seule personne qui devait faire partie de son passé et dont je connaissais le nom, c'était cet « Alex » qu'elle avait qualifié d'âme-sœur... sans pour autant être son petit-ami. C'était vraiment énigmatique, sans doute était-ce la raison pour laquelle je ne pouvais cesser d'y penser.

J'étais certain d'une chose : quelqu'un lui avait fait du mal. J'ignorais cependant encore de quelle façon, mais son regard l'autre soir... je ne crois pas que je l'oublierai de sitôt.

Aiden avait dit ou fait quelque chose qui l'avait terrifiée et je devais découvrir de quoi il s'agissait. Même si Olivia ne signifiait pas grand-chose pour moi, mon instinct me disait que je devais découvrir ce qui était enseveli derrière ce joli minois et ces yeux de biche.

Toutefois, j'ignorais encore de quelle manière procéder.

— Hey ! me héla quelqu'un au loin en me sortant de mes pensées.

Je n'avais cependant pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agissait : la gentille petite fille catholique, exemple à suivre pour tous les jeunes de son âge. Non à l'alcool, non aux drogues et non au sexe, cette fille était une véritable petite sainte.

— Cole ! continua-t-elle en voyant que je ne m'arrêtais pas.

Croyait-elle vraiment que j'allais l'attendre bien sagement pour qu'elle m'emmène chez Sheppard ? Je n'étais pas aussi débile, je rentrais chez moi roupiller comme il se devait. Hors de question de me prendre de nouvelles heures de colle.

Si Mrs Adams n'avait pas d'humour, ce n'était pas ma faute. Dire que cette femme avait un balai dans le cul aurait été un véritable euphémisme. Depuis que j'avais débarqué à Rodriguez, j'étais dans son collimateur, alors qu'elle n'avait pas vraiment à se plaindre de moi, n'étant pas ce qu'on appellerait un « élément perturbateur ». Je n'empêchais personne de suivre le cours, je voulais simplement qu'on me laisse à mon aise.

Soudain, une main se posa sur mon épaule et je me dégageai automatiquement pour ensuite me retourner vers Ivyanne.

Mis à part les filles du cheerleading qui venaient le plus souvent en cours dans leurs uniformes, personne ne portait de jupes, sauf cette blondinette qui me faisait face. Elle avait ce style si innocent, j'étais pourtant certain qu'elle cachait bien son jeu sous ses airs de sainte nitouche.

— Qu'est-ce que tu veux ? ronchonnai-je.

— Je... je dois te conduire chez le proviseur, bégaya-t-elle en évitant mon regard.

Sérieusement ? Je lui faisais aussi peur que ça ? Pourtant, je ne lui avais jamais donné de raison de me craindre.

— Ce n'est pas la peine, je me casse d'ici.

J'ignorais où aller, mais il était hors de question d'aller dans le bureau de Sheppard. Il appellerait cette sale garce qui me servait de belle-mère et elle débarquerait ici, furieuse parce qu'on l'avait interrompu pendant son match de tennis au country club. C'était comme si je la voyais déjà débarquer, furibonde.

— Il est à peine dix heures du matin, observa Ivy, me donnant l'impression d'être un débile profond.

— Merci bien Ivyanne, je sais lire l'heure !

Elle baissa le regard face à ma réplique et se recroquevilla sur elle, comme à son habitude à chaque fois que quelqu'un lui adressait la parole, fille ou garçon confondus.

Ivyanne Keller était vraiment le genre de fille que je ne supportais pas. Fragile, chétive, qu'on devait toujours être disposé à sortir des mouises, n'ayant pas la volonté de se défendre elle-même. Elle était l'exact opposé d'Olivia, et pourtant... elles étaient amies, chose que je n'arrivais pas à comprendre. J'étais tout de même certain que derrière ce masque de petite fille modèle se cachait une ado qui intérieurement hurlait. J'avais entendu des choses sur sa famille, des fanatiques religieux qui avaient réussi par leur foi à éloigner leur fille aînée, alors... je me doutais que ça ne devait pas être simple non plus pour Ivy de vivre sous l'emprise de personnes de ce genre.

Et même si sa nonchalance me sortait de mes gonds, si je l'avais vue se faire harceler en plein couloir, je serais quand même venu l'aider, détestant vraiment ce genre de pratiques. Elles me donnaient la gerbe tellement je les trouvais injustes, même si la personne se faisant persécuter n'était pas forcément de mon gré.

— Tu ne devrais pas faire ça.

Si Mrs Adams l'avait choisie pour m'emmener chez le dirlo, c'était tout simplement parce qu'elle ne répliquait jamais et faisait tout ce qu'on lui demandait. Bref, elle se laissait faire, que ce soit par les profs, les élèves ou même ses parents. Elle était dans certains de mes cours et à chaque fois que quelqu'un se faisait exclure, c'était toujours à elle qu'on faisait appel, alors qu'elle n'était même pas déléguée des onzième année.

Personnellement, je trouverais ça lassant de toujours faire ce qu'on me demandait. À son âge, elle devrait plutôt se rebeller et non acquiescer bien gentiment à tout. Même lorsqu'Amber s'en prenait à elle, elle ne bougeait pas le petit doigt, et ça, c'était quelque chose qui m'énervait plus que tout.

Ivy releva la tête et me contempla, l'air surpris. Visiblement, elle ignorait totalement de quoi je voulais parler.

— Te tapir comme une petite souris et te laisser marcher dessus, précisai-je. Ou alors, tellement croyante que tu es, prends-tu exemple sur Jésus Christ en tendant sans cesse l'autre joue ? Pourtant, tu dois savoir comment ça s'est terminé pour lui, non ?

Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son n'en sortit, ne pouvant définitivement pas réfuter ça. Mon exemple était plutôt bon. À tellement se laisser faire sans répliquer, on risquait de très mal finir.

Je me souvenais de la première fois que je l'avais vue, lors de mon arrivée dans ce bahut. C'était pendant la pause déjeuner et elle était toute seule, en train de lire un livre bien tranquillement. Je me remémorais de l'avoir remarquée parce qu'Aiden – après m'avoir limité obligé à aller m'asseoir avec lui et sa clique – avait fait un commentaire salace à son propos. En gros, il avait laissé sous-entendre que les « bonnes-sœurs » dans son genre étaient en réalité de véritables « chaudasses ». Le cliché de la vierge, en réalité : prudes mais tellement sauvages, attendant que le méchant garçon de l'histoire vienne les transformer en addictes au sexe. Sauf que dans la réalité, les méchants garçons ne s'intéressaient pas à ce genre de fille, mis à part peut-être pour les sauter et ensuite les jeter comme de vulgaires déchets.

Mais Ivy avait tout entendu, étant donné que nous étions passés à côté d'elle. La seule chose qu'elle avait alors faîte, cela avait été de fixer tristement Aiden alors que ce dernier l'ignorait royalement. Je me rappelais encore l'expression de son visage et de ses yeux qui s'étaient remplis de larmes, sans pour autant les déverser. Après quoi, elle avait ramassé son plateau ainsi que ses affaires et était partie.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Elle était gentille. Trop gentille même, et c'était bien cela qui me tapait sur le système. Elle se laissait toujours faire et ça m'écœurait plus que tout, mais le pire, c'était que j'ignorais pourquoi.

— À tellement te laisser faire, plus personne ne prendra la peine de te défendre. Les gens comme toi sont lassants.

À un moment donné, il fallait apprendre à s'en sortir soi-même, sans attendre un sauveur.

Mon dernier commentaire sembla l'énerver plus que tout et j'eus enfin le droit à un regard foudroyant. Bien, on faisait des progrès.

— Olivia a raison, t'es vraiment un blaireau. Je me demande sincèrement comment elle fait pour vous supporter, toi et ta prétention.

Sa réplique me fit sourire légèrement, on pouvait dire que je venais de toucher un point sensible. Peut-être bien que je m'étais trompé et qu'Ivyanne n'était pas irrécupérable malgré tout, il fallait juste frapper là où ça faisait mal.

— C'est parce que moi et ma prétention embrassons vachement bien, répliquai-je.

Ses yeux s'écarquillèrent et elle recula d'un pas. Il semblerait qu'Olivia ne lui ait rien dit... Mince alors, moi qui pensais qu'elle se serait empressée de tout raconter à son unique amie dans ce lycée... bon, on pouvait dire que c'était chose faîte désormais.

Je savais que ça n'allait pas lui plaire que j'aie dévoilé une telle chose, mais en cet instant, je n'en avais rien à cirer, voulant tout simplement quitter le lycée pour aller dormir à mon aise.

— T'es vraiment un narcissique.

— Merci, fis-je en mimant une révérence pour ensuite me retourner et continuer ma route.

— Et pour ta gouverne, c'est « ma prétention et moi » ! me corrigea-t-elle.

— J'en prends note, Blondie ! 

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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! 

N'hésitez pas à voter si l'histoire vous plait ou à commenter en faisant savoir votre ressenti vis à vis du chapitre (ou de l'histoire en général). Je ne vous demande pas de commenter à chaque chapitre que vous lisez, mais en tant qu'autrice, si j'écris sur wattpad c'est bien pour avoir le ressenti de mes lecteurs et pouvoir interragir avec eux. Alors n'oubliez pas de temps en temps de dire ce que vous en pensez, ça fait toujours plaisir à savoir, n'importe quel auteur vous le confirmera 😉

N'oubliez pas également de me suivre que ce soit sur wattpad ou sur mon compte insta (@le_monde_livresque_de_tam)afin d'avoir toutes les nouvelles que je peux donner vis à vis de mes histoires 😉

On se retrouve MERCREDI PROCHAIN À 17H pour la publication du chapitre 45, qui sera un point de vue d'Olivia.

Passez une bonne fin de semaine !

Tamar 😘

PS: La playlist de Si Jamais sur You Tube a été mise à jour 😉

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