Chapitre 42 Olivia

Soit j'étais bête, soit... non, j'étais définitivement débile profonde, il n'y avait pas un autre adjectif pour me décrire en cet instant même.

Si ma mère l'apprenait, c'en était fini de moi, ça je pouvais en être certaine.

— Cesse de flipper, je ne vais pas te manger, dit ce bel inconnu qui se trouvait en face de moi en train de boire un café dans ce drive-in ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

J'ignorais comment il faisait pour boire quelque chose d'aussi infecte ! J'avais préféré prendre de l'eau plate plutôt que me risquer à ingurgiter une truc pareil.

J'étais assise sur ma chaise, tentant de garder mon calme, même si je ne cessais de titiller ma jambe. L'endroit était comme le café se trouvant dans la tasse de mon interlocuteur : vraiment miteux. Même les motards lambda ne viendraient pas dans ce genre d'endroits. Une petite rénovation s'imposait, selon moi.

À ces heures, il n'y avait pas grand monde, mis à part une serveuse et un cuisinier, sinon Jake et moi étions les seuls clients en cet instant. Lorsque nous étions arrivés, il y avait un jeune couple ainsi qu'un camionneur, mais ils étaient partis depuis.

Lorsqu'il était venu à ma rencontre à peine vingt minutes plus tôt et qu'il s'était présenté, j'avais failli prendre mes jambes à mon cou. Mais dès le moment où il avait parlé d'Alex, ma curiosité l'avait emporté sur tout.

Note à moi-même : la curiosité est un très vilain défaut qui aurait pu me coûter très cher.

Heureusement, cet Adonis latino ne semblait me vouloir aucun mal, plutôt le contraire. Ce pourquoi, j'étais montée dans sa voiture et que nous nous étions assis à la table de ce drive-in miteux de la route de Green Valley.

Après avoir fait cette chose stupide et imprudente, j'avais commencé à me poser plein de questions et à me traiter de téméraire en m'auto-accusant de tenter le diable. C'était vrai ! Alex connaissait peut-être ce mec, mais ce n'était pas mon cas.

Si ça se trouvait, c'était un prédateur sexuel et j'étais sa prochaine victime. Ou même un cannibale ! Merde ! Je me voyais déjà à la une des journaux « Jeune fille intrépide monte dans le véhicule d'un violeur et tueur en série cannibale ».

Je savais mieux que personne qu'il fallait se méfier des gueules d'anges, ces dernières cachant souvent des démons ensevelis sous le beau masque de ses homonymes. Pourtant... je me trouvais ici, sans trop savoir comment ni pourquoi.

Mes yeux observaient son visage, qui d'ailleurs me disait vaguement quelque chose, même si j'ignorais où j'avais bien pu le voir auparavant. Ses iris verts étaient hypnotisants, surtout avec cette peau hâlée et ces cheveux châtain foncé mi-long... il y avait quelque chose de fascinant chez-lui et je n'arrivais pas à décider de quoi il s'agissait. Était-ce ses anneaux à la narine et au lobe gauche ? Ou alors ses tatouages ? Je l'ignorais.

Sa voix était rauque et profonde, puis il avait un sourire en coin vraiment super craquant. Je n'étais pas du genre à m'attarder sur le physique des gens, mais je devais bien avouer que ce garçon – sans aucun doute plus âgé que moi – était vraiment beau, tout en dégageant un charisme particulier.

— Au lieu de me reluquer comme si tu allais me sauter dessus, commença-t-il en me fixant à son tour, as-tu des questions ?

Je m'empourprai. Pour le coup, j'avais vraiment fait fort. Depuis qu'on était arrivés, j'avais à peine prononcé deux mots, tout comme dans la voiture où j'avais gardé le silence, m'étant tout simplement contentée de l'étudier depuis mon coin.

— Pardon, répondis-je en me raclant la gorge et en me tortillant sur mon siège, mal à l'aise. C'est juste que toute cette situation me déroute... un peu.

— Beaucoup à ce que je vois, ricana Jake en croisant les bras et en les posant sur la table, pour ensuite s'y pencher légèrement. Pose tes questions, Olivia. Tu dois en avoir pas mal.

Certes, j'en avais tellement en tête que j'ignorais par laquelle commencer en réalité.

— Est-ce qu'on se connait ? Tu m'as l'air vraiment familier.

— Tu connais peut-être mon petit frère, Elijah.

Je fronçai les sourcils et tombai sur l'évidence. En effet, ils se ressemblaient pas mal, voilà pourquoi j'avais eu l'impression de l'avoir déjà rencontré par le passé. Ils avaient un air de famille, mais la forme de leurs nez était différente ainsi que la couleur de leurs yeux. Sans parler de leur taille et de leur musculature.

— En effet, je l'ai rencontré. J'étais avec lui à la fête de Greg la semaine dernière, lui expliquai-je. Tu es venu le chercher, enfin... je crois.

Il se contenta de hocher la tête tout en me fixant.

— Et donc... pourquoi me cherchais-tu ?

Lorsqu'il m'avait approchée près de ce lampadaire de malheur un peu plus tôt, il avait dit « Te voilà », comme s'il me cherchait ou m'attendait.

— Ton frère m'a contacté la semaine dernière et m'a demandé de veiller sur toi. Je t'attendais à l'entrée d'Eastridge Hills depuis un bout de temps, et sachant que tu travaillais au country club de Green Valley, j'ai décidé de venir y faire un tour afin de vérifier que tout allait bien.

J'écarquillai les yeux. Non mais Alejandro était sérieux ? Veiller sur moi ? Je pouvais prendre soin de moi toute seule, ce n'était pas la peine d'envoyer un ex-taulard jouer les nounous ! Il lui avait même dit où je travaillais ! Sans doute connaissait-il aussi mes horaires, voilà pourquoi il m'attendait devant Eastridge Hills.

Voyant que j'allais répliquer, il leva une main et me fit taire de ce simple geste.

— Depuis que tu lui as parlé de Cole, il est très inquiet pour toi.

Je soupirai. Je savais que jamais je n'aurais dû lui raconter, mais ça ne m'avait pas effleuré l'esprit qu'il contacterait un de ses amis ex-détenus pour me fliquer !

— Il m'a simplement demandé de venir vers toi et d'être... comme un frère de substitution.

Alors là, c'était le comble ! Non mais il pensait à quoi Alejandro, franchement ? La prochaine fois que j'irais lui rendre visite en prison, il se mangerait mon poing en guise de salutation !

Je n'avais pas besoin de frère de substitution, ni personne pour veiller sur moi ! Je savais très bien me débrouiller !

— Merci, marmonnai-je entre mes dents, mais je n'ai pas besoin de tes services.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis, rétorqua-t-il, hilare. Je dois un service à ton frangin, alors c'est une manière de solder ma dette.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Il t'a sauvé les miches dans les douches de la prison ? me moquai-je.

Mais ma blague ne sembla pas du tout le faire rire, il me foudroya même du regard. En effet, me moquer du viol en prison était vraiment très minable de ma part. Repensant à la sale blague que je venais de faire, je blêmis et sentis un froid intense me parcourir de la tête aux pieds. Qu'est-ce que je pouvais être conne, sérieusement.

— Fais pas ta maline, m'avertit-il. Je sais pourquoi Alex est en prison, alors tu devrais moins la ramener.

J'écarquillai les yeux, mon cœur rata un battement et ma respiration s'agita. Il savait ? Alex lui en avait parlé ?!

Mes mains – qui se trouvaient sur la table – commencèrent à trembler, alors je les cachai, ne voulant pas qu'il voit à quel point sa confession m'avait troublée.

Il n'y avait qu'Alex et moi qui avions toujours su... pourquoi mêler cette personne ?

— Pourquoi étais-tu en prison ? demandai-je afin de détourner la conversation.

Je pris mon verre d'eau de ma main tremblante et le portai à mes lèvres afin d'en boire une gorgée, ma bouche étant devenue soudainement très sèche.

— Possession et trafic de drogue.

Je recrachai l'eau qui venait d'entrer dans ma bouche et m'étouffai également avec, ce qui me provoqua une crise de toux.

— Pardon ?! demandai-je en haussant un petit trop la voix à mon goût.

— Tu as parfaitement bien entendu, je ne vais pas me répéter.

J'ignorais quelle genre de tête j'étais en train de faire en cet instant, mais ça arracha un rire à mon interlocuteur.

— D'après ton expression, tu n'aimes pas ça.

Non ? Vraiment ? C'était ma tête ou le fait que j'avais failli m'étouffer qui l'avait mis sur la voie ?

— Pas du tout à vrai dire.

— Je n'en consomme pas, si c'est ce qui te pose problème...

— Tu fais ce que tu veux, rétorquai-je sèchement. C'est ta vie après tout.

Il ricana légèrement et se pencha une nouvelle fois sur la table.

— Je n'y ai jamais touché, je ne suis pas aussi débile.

— Parce qu'en vendre ça ne te rend moins débile peut-être ?

Depuis que Gideon avait essayé d'embarquer Alex dans ses affaires louches, j'avais ce genre d'activités en horreur, je ne voulais même pas en entendre parler. Et ensuite, il y avait Cole qui en consommait... et ça me foutait en rogne. Je ne cessais de me demander ce qu'un gosse comme lui pouvait... Je m'efforçai de ne plus y penser, c'était son argent et sa santé, il en faisait ce qu'il voulait. Je n'avais pas à m'en mêler, je n'étais ni son amie et encore moins sa petite-amie. Qu'Eli et Ronnie s'occupent de ce genre de problèmes, moi, je séchais.

En avoir vendu, me corrigea-t-il en me lançant un regard noir. Je me suis racheté une conduite et je ne suis pas assez stupide pour retourner en prison. Je me tiens à carreau et j'ai même un travail digne de ce nom.

Pourquoi se voyait-il obligé de se justifier auprès de moi ? Je ne lui avais rien demandé, comme j'avais dit, c'était sa vie et ce n'étaient pas mes affaires.

Toutefois, je sondai son visage ainsi que son regard et... il me sembla sincère. Après tout, je n'avais pas le droit de le juger, tout le monde commettait des erreurs.

J'aurais dû lui dire d'oublier cette dette qu'il avait envers Alejandro, mais je devais bien avouer que cette idée d'avoir une personne sur qui je pourrais compter comme s'il s'était agi de mon frère... c'était vraiment quelque chose de très alléchant.

— Je ne remplacerai pas Alex, c'est certain, dit-il comme s'il avait lu dans mon esprit, mais je peux être là pour toi si besoin. Pour tout et n'importe quoi.

— Tu serais un genre d'ange gardien ?

Il sembla réfléchir au mot que j'avais employé pour décrire le rôle qu'il aurait dans ma vie et finit par sourire légèrement.

— Quelque chose dans le genre, oui.

C'était gentil, mais je ne voulais compter sur personne pour me sortir des mouises, ce serait trop égoïste de ma part de la mêler à mes problèmes. Je m'y refusais, ne voulant pas refaire les erreurs du passé.

— Désolée, mais je ne peux pas accepter.

Il sembla dérouté par ma réponse.

— Pourquoi ça ?

— Parce que je peux me débrouiller toute seule.

— Même avec Cole ?

J'esquissai un sourire amère. C'était le sujet qui revenait sans cesse sur le tapis, mais je ne voulais plus parler de lui. Pas alors que je savais qu'il était dans sa chambre, complètement stone.

— J'ai appris à le caresser dans le sens du poil. Il ne me posera plus de problèmes, certifiai-je.

Je bluffai bien évidemment, après ce qui était arrivé ce soir, c'était évident que la paix entre nous ne serait que de courte durée. Mais ça, Jake l'ignorait.

Il me toisa pendant quelques instants, sans ne rien dire, comme s'il m'étudiait dans les moindres détails. Je devais également lui être étrangement familière, étant donné qu'Alex et moi nous ressemblions sur beaucoup d'aspects, non seulement physiquement, mais aussi dans nos gestes et notre comportement.

— Tu n'as pas besoin de tout affronter toute seule, tu sais ? Je peux être ton ami, ton confident.

— Sous la demande de mon frère, précisai-je. Tu le fais parce que tu lui dois quelque chose, pas parce que tu veux être mon ami.

Et il ne pouvait pas réfuter ça.

— J'aurais très bien pu ne pas y accéder, répondit-il tout de même. Il m'aurait été très simple de lui dire d'aller se faire voir, mais je ne l'ai pas fait parce qu'il est mon ami et que tu es sa sœur. Et la sœur de mon ami est mon amie, c'est aussi simple que ça.

En voyant les choses sous cet angle... il n'avait pas tort. Il aurait pu dire à mon jumeau de chercher quelqu'un d'autre pour veiller sur moi, au lieu de quoi, il m'avait cherché et était désormais assis avec moi dans ce drive-in.

Il semblait être quelqu'un de loyal, prêt à tout pour venir en aide à ceux qui comptaient à ses yeux. Et ça, c'était une qualité que j'admirais plus que tout. Sans doute, parce que j'étais aussi ainsi.

— Je sais que tu sais prendre soin de toi-même, reprit-il, je ne le remets pas en doute. Si tu crois que je fais ça parce que tu es une femme, détrompe-toi. Si Alex m'avait demandé de veiller sur son frère, je l'aurais également fait. Nous avons tous besoin d'aide à un moment ou à un autre.

Visiblement, ses raisons étaient de poids. Est-ce qu'il avait déjà tous ces arguments en tête au cas où je refuserais pour me les balancer un à un ? S'était-il imaginé le moment où il me rencontrerait ou improvisait-il juste ?

Je soupirai, ne sachant vraiment pas quoi faire.

D'un côté, je ne voulais pas que ce bel inconnu joue aux anges gardiens avec moi. Et d'un autre, peut-être qu'à travers lui, j'arriverais mieux à visualiser la vie que mon frère menait en prison. Et aussi... parce que j'avais désormais envie d'en apprendre plus sur lui également. J'étais curieuse.

Encore une fois : la curiosité était un vilain défaut. Mais que faire ? Une fois la machine lancée, il était difficile de l'arrêter.

— D'accord, soyons amis, mais je ne veux pas que tu te mêles de ma vie... à moins que je ne te le demande, précisai-je.

Il se mordilla l'intérieur de la lèvre et me fixa de ses yeux verts énigmatiques, pour ensuite me tendre la main.

— Bien, j'accepte.

Et alors que j'allais la lui serrer, il ricana et me dit :

— Ton téléphone, je vais enregistrer mon numéro.

Sentant mes joues s'empourprer légèrement, je fouillai dans mon sac et sortis mon smartphone, le déverrouillai et le lui donnai.

Normalement lorsqu'on passait un accord, on se serrait la main, voilà pourquoi j'avais fait ça. Il était un peu étrange comme garçon, pas du genre conventionnel.

Deux secondes plus tard, ses doigts bougèrent sur l'écran de mon téléphone et il me le rendit.

Je vis qu'il avait enregistré son numéro sous le nom de « Beau mec ». Je levai les yeux au ciel et soupirai, alors que Jake s'esclaffait en voyant la tête que je faisais.

— Pourquoi n'as-tu pas mis ton nom ?

Il haussa les épaules, désinvolte.

— J'aime bien qu'on m'appelle comme ça, répondit-il en me faisant un clin d'œil.

J'esquissai un sourire narquois et troquai le nom pour « Ange gardien narcissique ». Une fois le changement fait, je lui montrai l'écran, ce qui eut pour effet de le faire à nouveau éclater de rire.

— Ça me va aussi. Allez, je te ramène, déclara-t-il en se levant et en laissant deux billets d'un dollar sur la table.

Deux dollars pour ce truc infect ? Eh bin ! Il était généreux au moins, je n'allais pas dire le contraire.

J'attrapai mon sac, le plaçai sur mon épaule et le suivis jusqu'à la sortie du drive-in, où une serveuse dans son uniforme jaune et bleu nous souhaita une bonne nuit avant que nous ne franchissions les portes du local. Nous lui rendîmes la politesse et sortîmes avant nous diriger vers le parking, où était garée la voiture de Jake.

Il s'agissait d'une Chevrolet camaro noire, modèle 1969, dont la peinture était écorchée à certains endroits et dont le pare-chocs en métal était assez rouillé.

J'étais déjà montée dedans, mais c'était seulement maintenant que je pouvais la voir dans ses moindres détails. Me prenant en flagrant délit de voyeurisme sur sa voiture, il me dit :

— J'avais une moto avant, mais je l'ai vendue il y a quelques semaines pour m'acheter ce petit bijou.

Waouh ! Nous avions des concepts différents de ce qu'un « petit bijou » devait être.

— Lorsque j'aurais plus d'argent, je la ferai retaper et elle sera superbe, continua-t-il en tapotant gentiment la toiture.

— Pourquoi vendre ta moto ?

S'il avait déjà un moyen de locomotion, pourquoi l'échanger pour un autre ?

Jake esquissa un léger sourire qui mourut relativement vite, comme si le souvenir qu'il était en train d'avoir était aigre et doux à la fois.

— Elle faisait partie de mon ancienne vie et je veux recommencer à zéro, tout simplement. Tu montes ?

Voilà qui démontrait qu'il s'était racheté une conduite et qu'il ne voulait plus retomber dans les leurres du passé. Je venais à peine de le connaître, mais il m'avait l'air d'être doté d'une force de caractère qui lui était propre : têtu, borné mais également compatissant et loyal. J'étais certaine qu'il s'en sortirait et je priais pour que mon frère ait exactement la même force une fois qu'il serait libre.

Je m'engouffrai dans le véhicule et une fois ma ceinture en place, Jake démarra le moteur et nous prîmes la route en direction de Fairfield, qui nous mènerait tout droit vers Eastridge Hills.

***

Le trajet ne fut pas vraiment long et lorsque je regardai l'heure sur le tableau de bord, je faillis m'étrangler. Il était plus de minuit et ma mère allait me zigouiller. C'était bien ma veine ça !

Jake gara la voiture devant l'entrée de la zone résidentielle, ne pouvant pas franchir les barrières. Je devrais remonter l'allée à pied et d'ici dix minutes, je serais à la maison.

Le jeune homme regarda avec attention la maison du vigile, qui se trouvait être la première sur la droite, où les lumières extérieures étaient allumées. C'était toujours ainsi j'avais remarqué.

— Tu vas pouvoir rentrer ? me demanda-t-il, l'air inquiet.

— Oui, ne t'en fais pas. J'ai ma carte, dis-je en la lui montrant, cette dernière se trouvant à l'intérieur de la coque de mon portable.

Il me contempla pendant quelques instants pour finalement opiner doucement du chef et me sourire amicalement.

— Bien, dans ce cas...

— Bonne nuit, le devançai-je. Je t'envoie un message demain.

Il me fit un clin d'œil et je sortis de la voiture avant de refermer la portière.

Jake attendit que j'aie franchi les barrières, le temps que le scanner reconnaisse ma carte, et il redémarra le moteur pour ensuite faire marche arrière et finalement disparaître de mon champ de vision.

En franchissant ces clôtures, en cet instant j'avais l'impression de rentrer dans un autre monde. Je venais de passer ma soirée en train de bosser pendant un mariage et j'étais vraiment claquée, ne rêvant que d'une chose : m'assoupir sur mon lit moelleux.

Après avoir remonté l'allée, je tournai à droite à la deuxième intersection et m'engouffrai dans Oakridge Drive. La route n'était pas spécialement grande entre le portail d'entrée et la maison, mais ma rue était vraiment très longue. D'après les promenades que j'avais faites ces derniers jours dans le voisinage, c'était l'une des plus longues. En plus, j'étais claquée, ce qui faisait que j'avais la sensation de marcher depuis hyper longtemps alors que ça ne faisait même pas cinq minutes que j'avais quitté Jake.

Mes jambes étaient vraiment lourdes, me semblant peser une tonne. Mon niveau de batteries internes devait être vraiment bas, de plus, mon ventre criait famine. J'aurais pu commander quelque chose à manger dans le drive-in mais... j'avais peur de ce que je pourrais ingérer dans un taudis pareil. Autant être prévenant et ne pas s'exposer sans raison à des maladies louches, comme la salmonelle.

Je soupirai un grand coup et dirigeai mon regard vers le ciel, où il m'était même impossible de regarder les étoiles, à cause de la pollution lumineuse. Tous les lampadaires d'Eastridge Hills étaient allumés, sans exception, ce qui était vraiment dommage.

L'un de mes plus grands plaisirs dans la vie était d'observer le ciel étoilé. Je voulais aller dans un lieu reculé où rien ne pourrait m'empêcher de contempler ces petits soleils en toute leur splendeur. Alex m'avait dit qu'un jour, nous irions jusqu'au Canada, dans une cabane paumée en plein milieu des bois et que nous observerions le ciel pendant des nuits entières.

Et mon frère tenait toujours ses promesses, même au péril de sa vie. Même depuis la prison, il continuait à s'inquiéter et à veiller sur moi. M'envoyer Jake était une manière à lui de me dire à quel point il m'aimait et qu'il était toujours prêt à tout et n'importe quoi pour me protéger. Je ne pouvais me plaindre, étant consciente de la chance que j'avais d'avoir un frère pareil.

Je m'appuyai contre un lampadaire, à moins d'une cinquantaine de mètres de la maison et attendis en silence. Quoi ? Je l'ignorais, voulant simplement me retrouver seule avec moi-même avant de rentrer, pour faire le vide de la journée. Trop de choses s'étaient passées aujourd'hui et je devais tout évacuer.

Mais ma tranquillité fut de courte durée lorsque je vis une silhouette traverser la rue et venir vers moi, mains dans les poches et un sourire railleur collé sur son visage.

Aiden.

Je levai les yeux au ciel avant même qu'il n'ait ouvert la bouche. Franchement, ne pouvait-il pas être en train de dormir comme les gens normaux ?

— Tiens, tiens, on fait le trottoir, Olivia ?

J'écarquillai les yeux et jetai un coup d'œil rapide à mes vêtements. J'ignorais dans quel monde parallèle il vivait, mais dans le mien, les prostituées ne s'habillaient pas avec un jean, un débardeur et des converses. Ou alors ce con prenait vraiment toutes les femmes pour des objets sexuels, ce qui était probablement le cas.

— T'es quel genre de demeuré, toi ?

Il me sourit narquoisement et s'approcha davantage de moi, avec la ferme intention de m'intimider, mais il ne me faisait pas peur. C'était une lavette et de toute façon, je n'aurais qu'à lui foutre un coup de genoux bien placé et je le rendrais soprano pour tout ce qui restait de semaine. Alors il n'avait pas intérêt à tenter quoi que ce soit.

Ce qui était arrivé samedi dernier n'était qu'un petit avant-goût de ce qui l'attendait s'il continuait dans son délire. Jouer les mecs sympas alors qu'on était un véritable salopard au fond... ça me donnait la gerbe. Au moins, les mecs qui ne cherchaient que des filles pour coucher, assumaient ce qu'ils étaient et ne trompaient personne. L'ordure qui me faisait face était un véritable scélérat.

— Allons, joli cœur, dit-il en se plaçant à mes côtés et en passant un bras par-dessus mes épaules pour me serrer contre lui. Pourquoi tu ne viens pas chez moi ? On pourrait s'amuser.

Je ne pus m'empêcher de ricaner tout en me défaisant aisément de son emprise.

— Tu viens de me traiter de pute il y a tout juste quelques secondes et désormais, tu me demandes d'aller chez toi ? T'as vraiment un sérieux problème !

— Oh... pardon, où sont donc mes bonnes manières ? dit-il en me fixant. Combien ?

Je fronçai les sourcils. De quoi est-ce qu'il parlait ?

— Combien quoi ? demandai-je, totalement perdue alors que ma voix tressautait.

Il roula des yeux et ricana, comme si je venais de faire une bonne blague.

— Combien pour pouvoir te baiser ? Dis-moi ton prix.

Mon sang se glaça dans mes veines et mon cœur commença à battre tellement lentement, que pendant un instant, je crus qu'il s'était arrêté. J'étais submergée par la tristesse et la colère. Qu'est-ce qui donnait le droit à cet enfoiré de me traiter ainsi ?

— Tu dois sans doute avoir besoin d'argent, continua-t-il à me reluquer, sinon tu ne travaillerais pas au country club après les cours. Si tu te plies à ma volonté, tu auras tout ce que tu voudras. Je t'achèterai même une voiture.

Définitivement, j'allais l'étrangler s'il ne la fermait pas !

J'essayai de me calmer, car il était vraiment en train de me sortir de mes gonds et désormais, je voyais clair dans son jeu : il ne cherchait qu'à me provoquer. Mais plus je réagirais, plus il continuerait. Je ne devais pas entrer dans cette dynamique, sinon, ça ne prendrait jamais fin. La meilleure chose à faire, c'était de l'ignorer.

Pars, me dit ma conscience, que je pris grand plaisir à écouter cette fois.

Par conséquent, je me détournai et commençai à m'éloigner, lorsqu'Aiden m'attrapa violemment par le poignet et m'obligea à lui faire face.

— C'est très mal poli de quitter une conversation. On ne t'a jamais appris ça dans ton école de Lincoln Heights ? Ou encore dans ton école huppée ?

J'écarquillai les yeux. Comment pouvait-il savoir ça ? Je ne lui avais même pas dit que je venais de Lincoln Heights, ni même de Los Angeles... Alors comment... ?

— Je sais plein de petites choses sur toi, Olivia Vega, dit-il d'un ton menaçant. C'est ce qui est bien dans le fait d'être influent, c'est que je peux avoir accès à tout ce que je veux au lycée. Même aux dossiers des étudiants et j'ai une copie du tien toute fraîche dans ma chambre. Pourquoi ne viens-tu pas avec moi y jeter un œil ?

J'étais pétrifiée. J'avais donné ce dossier le premier jour de cours... comment avait-il bien pu y avoir accès ? C'était confidentiel ! Ça retraçait tout mon parcours scolaire, de la maternelle à ma sortie du lycée de Winward.

— Lâche-moi tout de suite, Aiden ! réussis-je à articuler de manière claire et précise, alors que des larmes de rage perlaient au coin de mes yeux.

Il n'y avait rien que je ne détestais plus que montrer mes faiblesses en public, si je pleurais, c'était toujours dans l'intimité de ma chambre, jamais lorsqu'il y avait des spectateurs.

Je n'étais pas une dure à cuire, même si j'aimais avoir cette notoriété, je n'aimais tout simplement pas qu'on voit ma vulnérabilité. Et en ce moment, ces larmes qui menaçaient de couler sur mes joues étaient en train de me trahir de la pire des façons.

— Oh, rigola-t-il encore une fois, tu fais moins ta maline ?

— T'es sourd ? dit une troisième voix à laquelle je ne m'étais pas du tout attendue à entendre.

Je me retournai et vis Cole avancer vers nous, les poings serrés et en me foudroyant du regard, comme si j'étais la fautive de cette situation.

La poigne d'Aiden ne se fit que plus pressante autour de mon poignet, alors qu'un sourire carnassier venait esquisser le coin de ses lèvres.

Cole nous toisa à tour de rôle, avant de se focaliser sur moi, plisser les yeux et demander :

— Qu'est-ce que tu fous ?  

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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu !

\!/ Je tiens cependant à rappeler que même si cette histoire se veut ancrée dans la réalité, elle n'en reste pas moins une fiction, et de ce fait, si vous vous retrouvez dans la même situation qu'Olivia avec Jake (un mec que vous ne connaissez pas vous aborde - que ce soit en plein jour ou en pleine nuit - et vous dit de monter dans sa voiture), même s'il dit connaître quelqu'un de votre famille, BARREZ-VOUS ILLICO PRESTO, cela peut être vrai et il peut avoir de très bonnes intentions ou alors cela peut être tout le contraire.\!/

Je pense que vous en êtes conscients mais je préfère le rappeler au cas où, on n'est jamais trop prudents. 😅

On se retrouve MERCREDI PROCHAIN À 17H pour la publication du chapitre 43, qui sera cette fois un point de vue de Cole.

Je vous souhaite à tous une bonne semaine.

Tamar 😘

PS: La playlist de Si Jamais sur You Tube a été mise à jour 😉

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