Chapitre 31 Cole

 Amara ! Jayden ! cria Lupe depuis le milieu du jardin. Il est tard ! Rentrez ou vous aurez des problèmes avec votre père !

 Plutôt beau-père, marmonnai-je, caché entre les buissons avec ma sœur.

Maman n'était pas encore rentrée et je ne voulais vraiment pas rentrer à la maison où Alaric s'y trouvait. Bientôt les domestiques partiraient et alors tout recommencerait. Je n'avais pas été gentil aujourd'hui, ayant cassé l'un de ses précieux vases chinois qui se trouvait dans le salon. Je ne voulais plus sentir sa collection de ceintures s'abattre sur mon dos encore une fois.

 Nous devrions y aller, Jayjay, murmura-t-elle, apeurée. Alaric va s'en prendre à toi sinon.

Je le savais bien, mais il le ferait que je rentre ou pas. Il disait que les éléments dans mon genre, il fallait les mâter avant qu'il ne soit trop tard... J'ignorais ce qu'il voulait dire par là, mais il trouvait toujours un prétexte pour s'en prendre à moi et me faire mal. Comme la fois où il m'avait retordu le poignet jusqu'à me le casser car selon lui, je n'avais pas été sage.

Je voulais voir mon père. Mon vrai père. Lui ne me frappait jamais lorsque je commettais une erreur.

— Nous pourrions aller voir papa.

Amara soupira et son visage se ferma. Dernièrement, elle n'avait pas l'air d'aller bien. Depuis qu'Alaric s'en prenait à elle aussi. Alors que j'étais enfermé dans une boîte au pied de son lit, je l'entendais l'appeler, d'abord gentiment puis ensuite, Amara commençait à crier. Mais je ne comprenais pas pourquoi il lui faisait du mal, car elle était toujours gentille.

— Jayjay, ça fait longtemps que nous ne l'avons pas vu. Il n'appelle même pas pour prendre de nos nouvelles. Il ne nous aime plus.

Non, je n'y croyais pas. Je n'aimais pas qu'elle pense ce genre de choses, il était simplement occupé, c'était différent. Avant, lorsque nous vivions en Californie, il venait souvent nous voir pour passer du temps avec nous et nous passions des semaines entières à la maison. C'était depuis que nous avions déménagé à New York que les choses avaient changé. Depuis que maman s'était mariée avec Alaric Engelmann.

— Et comment voudrais-tu qu'on se rende jusqu'à la maison ? C'est beaucoup trop loin.

Nous avions peut-être dix ans, mais nous n'étions pas bêtes pour autant et malgré le fait d'avoir grandi avec une cuillère d'argent dans la bouche comme beaucoup disaient, ça ne nous empêchait pas d'être débrouillards. Lorsque j'étais avec ma jumelle, je me sentais capable de tout.

— Nous pourrions l'appeler et lui demander de venir nous chercher. Tu en penses quoi ?

Amara me regarda, l'air désolé sur son beau visage ivoire, comme si elle avait de la peine pour moi. Peut-être étais-je trop crédule ? Je souhaitais cependant croire que mon père ne nous avait pas oublié et qu'il n'en avait plus rien à faire de nous deux. Je gardais espoir, après tout, c'était un homme très occupé, voilà ce que notre mère avait tendance à dire.

— Et s'il ne décroche pas ? Si Alaric nous prend sur le fait... je ne sais pas ce qui pourrait arriver Jay...

— Je te protégerai, lui assurai-je, ce à quoi elle sourit tendrement.

— Tu peux à peine te protéger toi-même, murmura Amara en baissant le regard. Pourquoi n'as-tu jamais rien dit ?

Sa question me dérouta. Pourquoi n'avais-je rien dit ? Je n'en savais rien, mais... cet homme me faisait peur et il disait que c'était ma faute, parce que j'étais mauvais. Mais Amara ne l'était pas, alors je ne comprenais pas pourquoi il s'en prenait désormais à elle.

— Et toi ? rétorquai-je. Pourquoi tu n'as jamais dit qu'il te battait ? Je ne vois peut-être rien, mais j'ai des oreilles, Amara. Et je sais à quel point il te fait mal.

Ma sœur se raidit pour finalement se lever.

— Il ne me fait pas mal de la même manière qu'à toi, chuchota ma jumelle, d'une voix presque inaudible.

Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas ce qu'elle était en train de dire.

— Retournons à la maison avant d'aggraver les choses.

Puis elle sortit des buissons et se dirigea vers Lupe, qui continuait à crier nos noms depuis désormais un bon moment.

Ça m'énervait ! Je ne voulais pas y retourner, je savais ce qui allait arriver tant que maman ne serait pas rentrée. Mais Amara avait raison, il valait mieux ne pas aggraver notre cas. Si j'étais gentil... peut-être pourrais-je échapper aux coups de ceinture aujourd'hui ?

Peu à peu, j'émergeai d'un sommeil agité, le cœur au bord des lèvres alors qu'une migraine horrible me martelait la tête, tel un marteau piqueur en train de perforer du béton.

Je soupirai, soulagé de m'être réveillé avant que le souvenir n'aille plus loin. Pour une fois, mon esprit m'avait fait une véritable fleur, car généralement, il me torturait avec la deuxième partie.

En ouvrant les yeux, je remarquai qu'il faisait encore nuit et au moment de regarder l'heure sur mon portable – qui était posé sur ma table de chevet –, je vis qu'il était à peine quatre heures.

Couché sur le flanc droit, direction vers la fenêtre qui donnait sur le jardin, je me contentai de respirer de façon régulière tout en contemplant l'astre lunaire qui cette nuit était plein.

Mais comme toutes les fois où mes souvenirs venaient me harceler pendant mes songes, j'avais envie de me baffer, à cause de mon innocence. Pour ne pas avoir vu ce qui arrivait véritablement à ma sœur, alors que j'aurais dû le sentir. J'avais peut-être dix ans, mais cela ne changerait rien. J'aurais dû le savoir.

Le fait d'avoir eu un jour foi en ce connard qui me servait de père montrait à quel point j'étais crédule et plein d'espoir à l'époque. Amara avait toujours eu raison : il n'en avait jamais rien eu à faire de nous. Dommage que mon destin n'ait pas été partagé avec celui de ma sœur, il aurait alors été débarrassé d'un problème ambulant tel que moi.

Je poussai un long soupir et tentai de ne plus y penser, sinon je risquais d'avoir à nouveau besoin d'alcool pour oublier et vu l'état de ma tête en ce moment, il ne valait mieux pas que je me mette à picoler dans l'immédiat.

Ma jumelle me manquait atrocement, à un tel point, que parfois j'avais la sensation que mon cœur allait cesser de battre. C'était comme si j'avais le syndrome du membre fantôme, elle n'était plus là, mais je la sentais toujours.

Mais pour l'instant, je ne devais plus y penser, il fallait que je me focalise sur autre chose. Je fermai alors les yeux et tentai de me tranquilliser, essayant de faire mémoire afin de me souvenir de ce qui était arrivé pendant la soirée. J'étais allé à la fête de Greg avec Eli ; Olivia était arrivée ; je l'avais prise à part pour la mettre en garde contre Aiden ; nos corps s'étaient touchés ; j'avais maté sa poitrine sans aucune gêne ; elle m'avait frappé ; nos corps s'étaient touchés et une idée assez lubrique m'avait traversé l'esprit mais je l'avais chassée assez rapidement ; je l'avais plaquée contre le mur et elle m'avait envoyé me faire voir ailleurs. J'étais redescendu au rez-de-chaussée et avais commencé à boire comme un trou tout en me prenant la tête avec Eli et ensuite... c'était le blackout total. C'était peut-être d'autant mieux ainsi, étant donné que j'avais dû faire pas mal de conneries dont j'étais certain ne pas vouloir me souvenir. Mais ce n'était qu'une question de temps avant que tout ne me revienne en pleine poire, comme toujours. Tôt ou tard, je finissais par me rappeler, mais je faisais la plupart du temps comme si de rien était, surtout lorsqu'il était question de filles.

D'ailleurs... comment avais-je fait pour débarquer chez-moi ? Seigneur... je n'avais pas pris la voiture au moins, non ?

Non, Eli ne m'aurait jamais permis de conduire ivre, alors comment avais-je fait pour atterrir dans mon lit ?

Je me laissai tomber sur le dos et ma main alla percuter quelque chose de doux et chaud. En tournant mon visage vers la gauche, je sursautai légèrement en voyant une fille couchée à mes côtés, par-dessus la couette et porteuse d'un de mes t-shirts noirs, mais rien d'autre en bas, rien que sa culotte.

Mince... j'avais ramené une fille avec moi ? Ce n'était pourtant pas mon genre, personne ne venait jamais à la maison. Même bourré, je le savais ça, je ne risquais pas de l'oublier.

Ses cheveux cachaient son visage, je les écartai afin de voir de qui il s'agissait. Et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que la fille n'était ni plus ni moins que ...

Olivia ?!

Je faillis tomber du lit en sursautant une nouvelle fois. Je n'arrivais pas à y croire, mais qu'est-ce qu'elle fichait ici ?

Elle dormait à poings fermés, paisiblement sur mon oreiller. Sa respiration était régulière, mais elle tremblait de temps en temps. Bien que nous soyons en avril, il faisait frisquet la nuit et en plus elle ne portait qu'un simple t-shirt.

Seigneur, j'espère qu'elle a pensé à fermer la porte, parce que si quelqu'un rentre dans cette chambre, nous risquions d'avoir des gros problèmes.

Je me levai du lit et faillis me vautrer par terre, visiblement mes jambes étaient encore endormies. Je remarquai alors une chose plutôt importante : je ne portais que mon boxer, le reste de mes vêtements avait entièrement disparu. Toutes mes pensées se dirigèrent alors vers mon dos, où se trouvaient plusieurs lacérations qui avaient été provoquées par les coups à répétition de ceinture de mon beau-père. Il prenait toujours soin de me frapper avec la boucle.

J'espère qu'elle n'a pas remarqué mes cicatrices, pensai-je, paniqué en contemplant Olivia.

Je ne les avais jamais vraiment comptées, mais j'en avais entre et sur les omoplates, ainsi qu'au niveau de mes côtes. Quant à mon torse... lui aussi en avait quelques-unes, mais elles étaient bien moins nombreuses que sur mon dos. J'étais petit quand c'était arrivé, mais mes cicatrices avaient grandi avec moi, faisant partie intégrante de ma personne. Non seulement j'avais ces horribles souvenirs dans mon esprit, mais j'en garderais également des traces sur mon corps. À jamais.

Je poussai un soupir et me dirigeai vers la porte de la chambre : celle-ci était bien fermée à la clé, ce qui fut un véritable soulagement. Olivia avait visiblement bien fait les choses.

Toutefois, je me demandais ce qu'elle pouvait bien faire dans mon lit. Bien que je sois en boxer et elle en petite culotte, j'étais certain d'une chose : nous n'avions pas baisé. Premièrement, parce que cette fille ne m'aurait jamais laissé la toucher, avant je me serais fait castrer. Et deuxièmement, parce que ce ne serait pas un comportement rationnel ni de sa part, ni de la mienne, même ivre mort.

Mais alors... si nous n'avions pas couché, pourquoi était-elle là ?

Puis alors je me rendis compte du goût affreux que j'avais dans la bouche. Je portai ma main à mes lèvres, soufflai dessus afin de sentir et je crus bien tourner de l'œil. Bon sang ! J'avais une haleine de chacal, c'était dingue !

Il fallait impérativement que je me lave les dents.

Ainsi, je me rendis à la salle de bain et en allumant la lumière, je vis plein de vêtements de toutes parts. Ces derniers étaient mouillés et semblaient avoir été lavés depuis peu. Ils étaient tendus sur le porte serviette ainsi que sur la parois en verre de la douche. Il s'agissait de mes vêtements et des siens.

Je fis rapidement le lien entre mon haleine à réveiller un mort et ces vêtements trempés : j'avais dégobillé tripes et boyaux, sur moi et sur elle. Peut-être bien que si Olivia était là, c'était justement parce qu'elle avait peur que je ne m'étouffe avec mes vomissements alors... elle était sans doute restée me surveiller, ce pourquoi elle avait enlevé ses vêtements, les avait nettoyés et avait enfilé un de mes t-shirts. C'était-elle qui m'avait aidé à monter jusqu'à la chambre ? Dans tous les cas, j'étais vraiment étonné. Si j'avais été à sa place, je l'aurais abandonnée sur la pelouse du jardin pour qu'elle cuve sa gueule de bois.

Elle avait dû s'endormir sans même s'en rendre compte, j'en étais certain, étant claquée.

Je pris ma brosse à dents, mis du dentifrice et commençai à me laver la bouche frénétiquement, cette saveur à menthe chlorophylle me fit rapidement oublier l'horrible arrière-goût à vomi avec lequel je m'étais réveillé.

Et pendant ce temps, je ne cessai de penser ce qui avait poussé Olivia à me supporter alors que j'étais en mode ivrogne. Donc, après le petit numéro que je lui avais fait pendant la soirée, elle m'avait tout de même ramené à la maison et pris soin de moi ? Définitivement, je ne comprenais vraiment pas cette fille. Soit elle était débile, soit... elle allait me les faire payer d'une manière ou d'une autre.

Je crachai le dentifrice, pris le verre en plastique sur l'évier, le remplis d'eau et le portai à ma bouche afin de la rincer. J'avais envie de faire des gargarismes afin d'enlever complètement cette horrible saveur du fond de ma gorge, mais je risquais de réveiller Olivia et je n'y tenais pas réellement, ne voulant surtout pas l'affronter avec ce mal de crâne que je me coltinais.

Ainsi je crachai tout simplement l'eau, nettoyai l'évier, me séchai la bouche et pris une aspirine dans un tiroir du meuble avant de l'avaler, espérant qu'elle ferait quelque chose contre cette migraine qui menaçait ma tête d'exploser.

J'éteignis la lumière de la salle de bain avant de sortir et me dirigeai vers ma commode afin d'enfiler un pantalon ainsi qu'un t-shirt, pour ensuite, retourner sur le côté droit du lit, où j'observai pendant quelques instant la fille de ma domestique.

Elle fit un petit bruit en se recroquevillant de froid et je ne pus m'empêcher de prendre ma partie de la couette pour la couvrir avec. J'aurais pu la prendre dans mes bras et la mettre à l'intérieur du lit, mais je ne voulais pas la réveiller et je pouvais parfaitement prendre une couverture dans l'armoire.

Au moment de déposer la couette sur elle, elle m'attrapa la main et pendant une seconde je crus qu'elle s'était réveillée, mais en réalité pas du tout, elle dormait toujours.

— Alex, murmura-t-elle. Alex, ne t'en va pas.

Je fronçai les sourcils, alors que ma peau, là où elle me touchait, était en train de me brûler atrocement. Je ressentais un picotement qui devenait de plus en plus intense.

— S'il te plait, supplia-t-elle alors qu'une larme s'échappait de ses paupières closes.

Elle était en train de rêver et tout comme moi, elle parlait pendant les songes, ce qui parfois pouvait être vraiment nuisible. On ne savait jamais ce que notre subconscient allait balancer sans notre autorisation.

— Ne lui faîtes pas de mal, pleura-t-elle alors que son emprise sur ma main devenait de plus en plus forte.

Ses muscles étaient tendus et elle semblait souffrir le martyr, mais j'ignorais quoi faire et la réveiller n'était pas une option, elle devait le faire d'elle-même, je ne pouvais pas la brusquer.

— Ne me laisse pas, couina Olivia, les larmes continuant de se déverser sur ses joues à travers ses yeux fermés.

Ma gorge se serra, tout comme mon cœur et sans trop savoir comment, je me retrouvai à lui tapoter doucement le dos de ma main libre. Puis elle sembla se détendre petit à petit, mais ne lâcha pas ma main pour autant. Elle s'y agrippait comme si sa vie en dépendait.

— Je suis là, Olivia, murmurai-je près de son oreille afin qu'elle se détende. Je ne vais nulle part. Dors.

Puis ces simples mots eurent un effet immédiat sur tout son corps, car je la sentis se relâcher petit à petit, pour finalement pousser un soupir de bien-être sans pour autant lâcher ma main. Mais cette fois, elle enroula ses doigts autour des miens, ce qui me laissa assez pantois, ne sachant pas vraiment comment réagir. Devais-je retirer ma main ou la laisser faire ?

Malgré le fait que cette fille me déteste, elle m'avait ramené chez-moi, alors qu'elle aurait très bien pu m'abandonner dans un fossé pour que je cuve ; ou encore, elle aurait pu me laisser me débrouiller tout seul pour rentrer dans le manoir et ainsi réveiller tout le monde avec mes braillements d'ivrogne ; ou même me laisser me noyer dans mon propre vomi. Elle avait eu toutes les raisons du monde pour me laisser à mon sort et pourtant, elle était restée. J'ignorais ses motivations, mais en cet instant, je m'en fichais un peu.

Alors... je la laissai tout simplement faire, et de ma main libre, j'entrepris de sécher doucement ses larmes salées tout en m'attardant sur les traits de son visage pour les mémoriser à l'aide du bout de mes doigts avant de retomber moi-même dans les bras de Morphée. 

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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu.

Maintenant une petite annonce, étant donné que j'écris deux histoires en même temps, là je me sens un peu serrée, entre le nombre de chapitres écrits et les publications, vu que je publie deux chapitres de chaque histoire par semaine. Donc, je ne vais pas publier pendant 2 mercredis et un samedi, les publications reprendrons en force à partir du SAMEDI 16 MARS. J'ai besoin de ces 14 petits jours pour pouvoir écrire tranquillement. Je rappelle qu'en plus de l'écriture j'ai un travail et en plus, je vais déménager pendant le mois de Mars, et je ne pourrais sans doute pas écrire, alors je préfère écrire le plus possible maintenant et les poster au fur et à mesure pendant que je serais en plein déménagement. Peut-être qu'à ce moment-là, ce sera 1 chapitre de chaque histoire par semaine, je n'en sais rien, je préfère ne pas me précipiter.

Donc, récapitulatif : il n'y aura pas de nouvelles publications avant le SAMEDI 16 MARS, pour que je puisse avancer dans l'écriture.

Je vous souhaite à tous une bonne semaine et on se revoit le SAMEDI 16 MARS ! 😉

Tamar 😘

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