Chapitre 13 Olivia
La porte de ma chambre se ferma à la volée, me réveillant ainsi en sursaut et en me provocant une terrible douleur au niveau des côtes.
Mais qu'est-ce que...
— Je peux savoir ce que tu fais en train de dormir à ces heures ? me demanda ma mère, fortement énervée.
Je laissai tomber ma tête sur mon oreiller, ayant vraiment du mal à ouvrir les yeux. La fatigue était telle, que mis à part ma douleur, je ne sentais aucune autre partie de mon corps.
— Lève-toi immédiatement et mets quelque chose de convenable !
— Pourquoi ? demandai-je d'une voix rauque.
Je dormais depuis que j'étais arrivée du lycée, mon corps me réclamant cela depuis des heures déjà. D'ailleurs... quelle heure était-il exactement ?
J'arrivai à ouvrir un œil et à voir qu'il était 19h45. Pourquoi diables ma mère avait-elle débarqué dans ma chambre comme ça ? En plus, je sentais qu'elle était nerveuse. Et pourquoi diantre voulait-elle que je mette quelque chose de convenable ?
— Mr Coleman est rentré et il veut faire notre connaissance.
Si ce n'était que ça, je pouvais bien m'en passer.
Tant mieux s'il était rentré, mais en quoi cela me concernait ? Depuis quand un riche tenait à connaître le personnel ? C'était vraiment une première.
Je n'avais jamais rencontré les anciens employeurs de ma mère, alors pourquoi devais-je rencontrer Mr Coleman ?
— C'est toi qui travailles pour lui, pourquoi dois-je me présenter ?
Ce qui me valut une claque en pleine fesse, me faisant me relever d'un coup et lâcher un cri de douleur effroyable... bien entendu, ce n'était pas à cause de la claque de ma mère.
— Seigneur, que tu es exagérée Olivia ! Mets quelque chose de joli et ensuite, viens au manoir ! Tu as quinze minutes !
Lorsque ma mère était dans cet état, il valait mieux ne pas répliquer et se plier à ce qu'elle disait dans la seconde. Dire qu'il ne fallait pas l'énerver était une véritable litote. Elle aurait fait un excellent général dans l'armée, voilà ce que mon frère et moi disions toujours pour nous moquer d'elle.
Elle sortit de ma chambre, en claquant la porte et je me laissai retomber à nouveau sur le matelas, vraiment éreintée. Il avait vraiment fallu que cet homme rentre aujourd'hui ? Le jour où j'avais l'impression qu'un train m'avait roulé dessus tellement j'étais claquée ?
Puis qu'est-ce que ma mère avait à s'exciter comme ça ? Cet homme l'aurait-il menacé ? Je ne comprenais pas sa réaction en fait.
Voulait-elle donc lui faire tellement bonne figure ? Je pensais tout de même que nous avions déjà fait une assez forte impression à sa femme. C'était ce qui importait, non ? Vu que cet homme avait l'air d'être les trois quarts du temps absent.
Je me retins de soupirer afin de souffrir le moins possible et me levai du lit vraiment à contrecœur.
Me dirigeant vers mon armoire, je réfléchissais à ce que j'allais bien pouvoir mettre. Quelque chose de joli ? La plupart de mes vêtements se résumaient à des pantalons, des t-shirts et des chemises. Je n'avais pas de jupes, ni des petits hauts. Il n'y avait qu'une robe qui trainait parmi tous ces vêtements et cette dernière était courte avec de la dentelle blanche, sans bretelles et avec le décolleté plissé en forme de cœur. Il s'agissait de la robe que j'avais porté quelques mois plus tôt, pour le bal de début d'année dans mon ancien lycée.
C'était la seule chose un peu jolie que j'avais, mais je refusais de la mettre. Alors j'optais pour un autre pantalon et un t-shirt blanc avec des imprimés d'éclaboussures d'encre noire appartenant à mon frère, m'étant deux tailles plus grand. Mais je m'en fichais, je ne me sentais pas bien, c'était déjà bien assez que je me lève de mon lit pour aller me présenter à cet homme. Mon apparence était plus que correcte.
Après m'être habillée, je sortis et me dirigeai vers la salle de bain, afin de me laver le visage et de dompter ma longue tignasse. Ce traitement contre la chute des cheveux semblait vraiment marcher. Quelques mois plus tôt, c'était passer ma main dans ces derniers et je ramenais à chaque fois une touffe. Mon médecin avait dit que c'était dû à tout ce stress subi et que même si émotionnellement je ne ressentais rien, inconsciemment mon corps le subissait.
Heureusement, le problème semblait avoir été réglé à temps, avant que je ne me retrouve avec une calvitie partielle.
Parfois, je me demandais comment je faisais pour ne rien ressentir vis-à-vis de ce qui était arrivé. Je ne l'avais pourtant pas oublié, mais... j'étais incapable de me sentir coupable ou encore peinée. J'avais la sensation que cette nuit-là, j'étais morte... ou du moins, une partie de moi.
J'avais toujours fait comme Alex me l'avait conseillé : aller de l'avant et ne jamais regarder en arrière. Mon regard était donc porté vers l'avenir, mais mon corps... s'exprimait à sa manière, me faisant comprendre qu'au fond, je n'allais pas bien, même si j'essayais de me persuader du contraire.
Certaines personnes se laissaient submerger pleinement par la culpabilité, la rage ou n'importe quelle autre émotion. Moi ? Je les refoulais, jusqu'à me persuader que tout allait pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Et la plupart du temps, j'arrivais à me convaincre moi-même, mais parfois... ce n'était pas aussi aisé. Il m'arrivait d'exploser.
Et quand c'était le cas, je devais aller voir Alex, ayant besoin de son soutien, alors que cela aurait dû être l'inverse, étant donné que celui qui se retrouvait derrière les barreaux, c'était lui.
J'avais toujours pensé être forte... mais j'avais tort. Ce n'était rien d'autre qu'une façade, et plus les journées passaient, plus elle s'effritait. Sans mon frère à mes côtés, tout était beaucoup plus difficile. La plus petite épreuve me semblait insurmontable, mais je devais me faire une raison.
Je secouai la tête afin de me sortir ces idées noires de l'esprit et sortis de la pool house, pour ensuite me diriger vers le manoir.
J'imaginais qu'il fallait que je passe par la porte de la cuisine, ne pouvant tout simplement pas entrer par la grande baie vitrée de la salle commune. Si jamais j'entrais par là, ma mère me taperait sur les doigts. Pour elle, les domestiques devaient savoir où se tenait leur place – même si techniquement, je n'en étais pas une, mais étant sa fille, par extension j'étais considérée comme tel. Les familiarités pour elle étaient à bannir, voilà pourquoi elle n'aimait pas que j'appelle Piper par son prénom ou que j'entre dans la maison sans une autorisation préalable.
À chaque fois qu'elle me donnait des consignes, je levais les yeux au ciel et soupirais d'agacement. Si Piper m'avait dit de l'appeler ainsi, c'était qu'elle le voulait. Si elle m'avait dit d'aller quand je le voudrais dans la demeure, c'était qu'elle le pensait également... alors pourquoi tout compliquer ?
Si un jour j'avais envie de me baigner dans la piscine ou d'aller me faire une séance cinéma dans leur salle, je n'allais surtout pas me gêner ! À croire que ma mère voulait que je reste enfermée dans ma chambre, telle une prisonnière.
J'ignorais d'où lui venait cette obsession, mais elle avait toujours mis un point d'honneur à qu'il y ait cette distance entre employeur et employé.
Une fois dans la cuisine, je ne la vis pas. Mais il y avait plein de nourriture sur l'énorme ilot en plein milieu de la pièce. À croire que c'était Thanksgiving à l'avance !
Visiblement, Clara avait passé toute la journée aux fourneaux. Elle voulait sans doute impressionner Mr Coleman de ses talents de cuisinière, tout de même, elle n'avait pas à en faire des tonnes non plus. Je doutais énormément qu'ils mangent toute cette nourriture.
Mon dieu, quel gaspillage !
— Olivia ! me héla ma mère tandis que je regardais toute cette nourriture totalement hébétée.
En me tournant vers elle, je remarquais qu'elle ne portait pas son tablier habituel. Puis surtout, je vis qu'elle me regardait d'un air désapprobateur.
— Ne t'avais-je pas dit de mettre quelque chose de convenable ? murmura-t-elle en venant dans ma direction.
Pourquoi murmurait-elle ? Ah ! Sans doute que Mr Coleman se trouvait de l'autre côté de la porte, dans l'immense salle commune et qu'elle ne voulait pas passer pour une folle furieuse criant après sa fille quant à son choix vestimentaire.
— C'est convenable, rétorquai-je.
Franchement, je n'étais vraiment pas d'humeur, alors elle n'avait pas trop intérêt à me gonfler. Je pensais que je faisais un sacré effort en me pointant alors que j'aurais très bien pu retourner dormir et la tourner en ridicule. Elle me prit par le bras et me fit avancer. Bon sang, mais elle avait bu une boisson énergétique ou quoi ? Je l'avais rarement vu aussi agitée.
— Il va falloir que tu arrêtes de forcer sur la caféine, ironisai-je.
— Arrête de faire ta maline et avance !
Je levai les yeux au ciel.
Bon sang, ce n'était qu'un homme ! J'avais l'impression qu'elle allait me présenter à notre créateur en voyant la façon dont elle réagissait !
Une fois dans la salle commune, je vis un homme d'environ une cinquantaine d'années aux cheveux grisonants assit sur un canapé en cuir beige, Piper placée sur l'accoudoir de ce dernier et autour, le petit Joey en train de jouer. Quant à Cayley, elle était assise sur un autre canapé, un livre dans les mains.
— Oh ! s'exclama Mr Coleman en me voyant.
Il se leva et vint à mon encontre, un sourire espiègle collé aux lèvres.
— Tu dois être Olivia. Je suis Patrick Coleman.
Puis il me tendit la main, pour que je la lui serre.
Il était affable... peut-être même trop ? Pourquoi ? Je ne comprenais vraiment pas cette famille. Je n'avais encore jamais vu des gens friqués traiter aussi bien leurs employés, surtout leurs domestiques. Piper avait même dit que nous faisions désormais partie de la famille... Même si je voulais me persuader du contraire, je sentais qu'il y avait quelque chose qui clochait.
Ou alors c'était moi qui me faisais des idées, étant devenue vraiment méfiante du monde qui m'entourait et surtout, des gens fortunés. Mes expériences avec ces derniers n'avaient jamais été très bonnes, mais ce qui était arrivé quelque mois plus tôt remportait la palme !
Voyant que je ne disais rien, ma mère me donna un léger coup de coude au niveau de mes côtes, dans mon flanc gauche. Je fis mourir un cri de douleur au fond de ma gorge, serrant les dents et me mordant l'intérieur de la joue jusqu'au sang pour canaliser la douleur.
— Enchantée Mr Coleman, répondis-je en lui serrant la main.
— Ta chambre te convient ? me questionna-t-il, toujours tout sourire.
— Euh... oui, bafouillai-je, vraiment surprise qu'il me pose une telle question.
— Tant mieux alors. Et le lycée ? Tu t'y plais ?
Que dire ? Ça faisait deux jours que j'y étais et mis à part Ivy, je pensais que les autres personnes que j'avais rencontré étaient vraiment de sombres crétins. Mais celui qui gagnait la médaille haut la main, c'était ce satané Cole de mes deux ! Punaise, lorsque je le choperais, j'allais lui en faire voir de toutes les couleurs !
— Ça peut aller.
— N'hésite surtout pas à me dire si quelque chose ne va pas, je parlerai personnellement avec ton proviseur.
J'imaginais qu'il devait sans aucun doute faire partie du conseil du lycée ou alors, président des parents d'élèves ou quelque chose dans le genre. Ça ne m'étonnerait même pas.
— Ils jouent au golf de temps en temps, précisa Piper en s'approchant.
Voilà, affaire résolue : le country club !
— Vous avez une fille charmante, Clara, dit-il en s'adressant à ma mère.
— Merci beaucoup, monsieur.
— Vous vous joindrez à nous pour le diner ? demanda-t-il. Afin de faire plus ample connaissance ?
J'écarquillai les yeux. Hein ? Les rejoindre pour le diner ?
Étais-je tombée dans la seule maison de friqués qui traitaient leurs domestiques comme s'ils étaient de la famille ?
Il fallait croire que oui !
Ma mère était totalement bouche bée, cela devait être la première fois qu'un de ses patrons lui proposait une telle chose.
— Euh... si c'est ce que vous voulez, répondit-elle, vraiment sous le choc.
— Bien, dans ce cas vous dinerez avec nous. Mettez deux assiettes en plus.
— Une suffira, intervint Piper.
— Jayden va venir, répliqua son mari d'un ton posé, mais semblant toutefois irrité. Il va venir, il n'oserait pas me défier de la sorte.
Ce Jayden semblait être un sacré élément en tous cas.
— Mettez deux assiettes en plus, Clara.
— Tout de suite, monsieur !
Puis ma mère m'attrapa par le bras et me traina avec elle jusqu'à la cuisine. Visiblement la proposition de Mr Coleman l'avait laissée totalement de marbre, elle fronçait les sourcils, ce qui voulait dire que la situation la contrariait amplement. Si elle ne voulait pas, pourquoi avoir accepté ?
— Tu tiendras ta langue dans ta poche, est-ce que c'est compris ? Fais très attention à ce que tu dis et surtout, ne prends pas de familiarités. Ce n'est parce qu'ils sont gentils qu'il faut oublier...
— La bienséance, répondis-je à sa place en levant les yeux au ciel. Tu ne cesses de me le répéter depuis que j'ai six ans.
— Ne me répliques pas ! Fais ce que je te dis et tout se passera bien.
Je soupirai.
Si elle ne voulait pas tisser de liens avec ses patrons, pourquoi avoir accepté le diner alors ? Elle aurait très bien pu dire « non ». Certes, cela aurait été très impoli, mais elle avait eu le choix et elle avait dit « oui ».
J'espérais tout simplement que la soirée ne serait pas aussi horrible que ce que j'appréhendais.
Avec un peu de chance, le fils prodigue débarquerait et mettrait un peu de piment. Plus que jamais j'étais curieuse à son sujet. La manière dont son père avait parlé de lui m'intriguait.
***
Nous étions tous assis à table, ma mère à mes côtés, Mr Coleman présidant la table tandis que j'étais à sa gauche et la place qui se trouvait en face de moi était vide, étant désignée pour Jayden.
Cela faisait bien trente minutes que nous l'attendions, toute la nourriture refroidissant à pas de géants. D'ailleurs, pourquoi devions-nous attendre ce petit crétin qui prenait un malin plaisir à sortir son daron de ses gonds ?
Mon ventre criait famine et j'étais claquée. Je n'avais envie que d'une chose : manger un peu et retourner me coucher, mais à croire que mes plans tombaient de plus en plus à l'eau à chaque minute qui passait et que ce petit gamin capricieux ne se pointait pas.
— Patrick, dit Piper à l'autre extrémité de la table. Il ne viendra pas. Pourquoi ne dis-tu pas les bénédicités ?
Sérieux ?!
Waouh ! Je ne m'y étais vraiment pas attendue.
Mr Coleman soupira et joignit les mains tout en fermant les yeux et en baissant la tête. Toute sa famille en fit de même et ma mère me donna un autre coup pour que je les imite.
La dernière fois que j'avais entendu quelqu'un faire une prière cela remontait à l'enterrement de ma grand-mère alors que j'avais sept ans. Je savais qu'il était coutume de bénir le repas avant de l'entamer, mais j'ignorais que ça se faisait encore. Surtout un homme qui s'était marié cinq fois !
— Notre père qui êtes aux cieux...
Je déconnectai instantanément, tout en gardant le silence et en faisant le vide à l'intérieur de moi.
Puis soudain, j'entendis la porte de la salle à manger s'ouvrir à la volée et contrairement au reste du monde, je relevai la tête.
En reconnaissant la personne qui venait de faire irruption dans la pièce, mes yeux s'écarquillèrent, mon corps se raidit et mon sang bouillonna dans mes veines.
Cet air de suffisance, mélangé à de la colère... Cole.
Mais qu'est-ce qu'il fichait là ?
Alors, comme une vraie idiote, je compris. Cole... était Jayden.
— Oh putain, fait chier ! m'exclamai-je à haute voix, alors que j'étais juste censée le penser.
Je venais d'interrompre la prière de Mr Coleman, mais je n'avais pas pu m'en empêcher. C'était comme si j'avais été obligée de vomir ces mots, ne pouvant les garder pour moi.
Ma mère me donna une claque au niveau de l'épaule pour me réprimander, mais je m'en fichais, trop concentrée à observer cette énergumène qui n'était autre que le fils problématique de l'homme chez qui je vivais.
Ce qui voulait dire que j'allais devoir cohabiter avec cette grosse brute et voir sa tronche de cake tous les foutus jours !
Mon cœur battait à cent à l'heure. Grand dieu, j'avais une sérieuse envie de me jeter sur lui et de l'étriper !
Tout le monde me regardait avec attention, devant sans aucun doute arborer mon regard de tueuse. Mais contrairement aux autres, Cole esquissa un sourire malicieux, tout en s'approchant de la table sans me lâcher de son regard hautain. Mais finalement, il se détourna de moi pour s'adresser à son père.
— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Pourquoi ne puis-je pas entrer dans la pool house ?!
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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu, tout en vous permettant de mieux connaître Olivia. Le chapitre suivant sera la continuité de la dernière scène.
Donc! Ça y est, Liv sait que Jayden n'est autre que Cole, le gars bourru qui a failli la renverser et qui a détruit son vélo dès son premier jour de cours.
On se retrouve MERCREDI pour le chapitre 14, ce sera encore un PDV d'Olivia et je vous promets que ça va être électrique 😉
Je vous souhaite un bon week-end!
Tamar 😘
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