Chapitre 12 Cole


— Franchement Cole, murmura Eli alors qu'il essayait de ne pas piétiner les choses qui trainaient par terre. Tu penses sérieusement qu'elle peut être ici ?

Nous venions d'entrer dans un immeuble abandonné où énormément de sans-abris habitaient. J'étais passé voir une association qui aidait ces personnes en leur offrant des vêtements et des repas chauds une fois par jour. Leur local était au centre-ville et je m'étais alors dit que si je leur demandais des informations, peut-être pourraient-ils m'aider.

Je m'étais entretenu avec plusieurs personnes du groupe. Pour la plupart, il s'agissait de femmes au foyer qui n'ayant rien de mieux à faire de leurs journées, donnaient un coup de main. Ce n'était pas une critique, à vrai dire, je les admirais beaucoup ! Au moins, elles faisaient quelque chose et ne passaient pas leur vie dans le country club du coin, comme ma chère belle-mère.

— Il y a de fortes chances.

J'ignorais vraiment où Ronnie pouvait se cacher même si j'avais fouillé tout Fairfield. Personne ne semblait l'avoir vue, toutefois, en donnant sa description à l'association, une dame m'avait alors dit qu'elle avait remarqué une très jeune fille parmi les sans-abris lorsqu'elle était venue apporter des couvertures et des sandwichs à l'immeuble abandonné. C'était elle qui m'avait donné la direction.

Et en effet, ici, il n'y avait que des personnes âgées, pas d'adolescents et si Ronnie était là, alors elle devait vraiment faire tâche dans le décor.

L'endroit était jonché de tentes, de cartons, de couvertures... ils avaient construit une cité à eux. D'après ce que j'avais cru comprendre, il s'agissait d'un lieu de réception abandonné depuis les années cinquante. Et pendant tout ce temps, il n'avait été ni reconstruit ni démoli, apparemment parce que la ville tenait à garder l'infrastructure intacte pour le patrimoine.

Le plafond était vraiment haut. Autrefois, cela avait dû être une salle de danse, là où la ville organisait les bals.

— Mec, je ne vois que des vieux ici, dit Eli.

Il était plutôt tard, près de vingt heures et la plupart dormaient déjà. Pour l'instant, je n'avais vu aucun ivrogne, ni rien de semblable, simplement des personnes n'ayant aucun lieu où vivre. Pour la plupart, des personnes dépassant la cinquantaine.

— Vous cherchez quelqu'un ? nous demanda une femme dont je n'aurais su déterminer l'âge.

Elle avait des cheveux gris, le visage très ridé et alors qu'elle nous souriait, je vis qu'il lui manquait énormément de dents. Elle était très maigre, ayant la peau presque sur les os et ses joues étaient creusées. Je n'arrivais pas à comprendre comment elle arrivait à se tenir assise en tailleur par terre, m'ayant l'air tellement fragile qu'un coup de vent un peu trop fort aurait pu l'emporter.

— Oui, dis-je en arrêtant de la fixer et en me baissant pour être à sa hauteur. Nous cherchons une jeune fille de notre âge. Elle fait environ un mètre soixante, des cheveux bruns et des yeux bleus très intenses.

La femme me regarda avec attention quelques instants, comme si elle allait trouver la réponse à ma question en me scrutant.

— Vous cherchez Ronnie.

— C'est ça !

Peut-être bien que cette personne savait où elle se trouvait, car si nous devions vérifier toutes les tentes et cartons des lieux, nous n'en finirions jamais !

— Vous savez où elle est ?

— Je croyais vraiment que cette petite s'en était sortie lorsque je ne l'ai plus vue dans le coin pendant un temps... pauvre petite. Elle me fait tellement de peine.

Je ne cessais de me demander pourquoi elle était retournée faire le trottoir et vivre dans un lieu pareil, alors qu'elle avait un travail stable et un bon logement dans un motel. Et tant que je ne la trouverais pas, je ne pourrais pas cesser de broyer du noir, ayant besoin de réponses.

— Savez-vous où elle se trouve ? demanda Eli en voyant que j'étais ailleurs.

Notre interlocutrice sembla hésiter, sans doute en se demandant si nous étions là pour aider Ronnie ou non.

— Elle était ici hier soir, mais je ne l'ai pas vue de la journée les enfants. Généralement, elle revient très tard.

— Vers quelle heure normalement ?

— Oh... vers minuit je dirais. Vu le travail qu'elle fait... pauvre petite, répéta-t-elle.

Soudain, mon téléphone se mit à vibrer dans la poche de ma veste. Je décidai de l'ignorer, mais il ne cessa pas de bourdonner encore et encore, jusqu'à ce que je le sorte et vois la personne qui essayait de me joindre : mon père.

Il fallait vraiment qu'il m'appelle maintenant ?

Si je ne décrochais pas, il n'allait pas cesser de me harceler, alors je répondis.

— Quoi ? maugréai-je.

— Comment ça « quoi » ?! Reviens tout de suite à la maison ! Je viens d'apprendre que tu as été absent toute la semaine et que tu as séché les cours ! Rentre immédiatement, c'est un ordre !

Je serrai les mâchoires. Il fallait toujours qu'il vienne me les briser au pire moment. Qu'est-ce que ça pouvait lui foutre que je n'ai pas mis les pieds à la maison depuis une semaine ? Cela faisait près de deux que je n'avais pas vu sa gueule ! Il s'était remarié pour quoi ? Pour que sa femme...

Je me mordis l'intérieur de la joue jusqu'au sang pour m'empêcher de divaguer de la sorte. Je ne voulais pas y penser, pas maintenant. Je le ferais lorsque j'aurais envie de me bourrer la gueule ou de me shooter, pour l'instant, c'était Ronnie la priorité.

— Je te promets que si tu ne rentres pas immédiatement, je t'envoie illico presto dans un camp de redressement ! Tu as encore dix-sept ans, tu vis sous mon toit et je suis ton père ! Par conséquent, tu te plieras à mes règles !

Je pouffai. Ses règles ? Mais quelles putains de règles ? Rentrer pour manger en famille ? Mais quelle famille ? Nous n'étions rien d'autre qu'une arnaque !

Considérer cette femme comme ma mère ? Rien qu'en y songeant, j'en avais la nausée.

— Ta sœur et ton frère sont rentrés hier ! Cela fait deux semaines que je suis parti en voyage d'affaire, je veux diner avec TOUTE ma famille ! Alors, ramène tes fesses ici tout de suite espèce de...

Je soupirai, fortement agacé, et raccrochai.

Putain ! Il fallait toujours qu'il vienne me faire chier ! Il ne pouvait tout simplement pas m'oublier ? Faire comme si je n'existais pas ? C'était donc trop demander ?

Il n'en avait rien eu à faire de moi pendant toutes ces années, pourquoi tout à coup il s'en souciait ? Le pire, c'était qu'il ne se préoccupait même pas de moi, mais plutôt de ce que penseraient les voisins, ses actionnaires... un homme qui ne pouvait contrôler son fils, comment pouvait-il donc diriger une aussi grande entreprise ? Il serait remis en doute de tous les côtés, ses actions tomberaient en bourse... qu'est-ce que j'aimerais que ce soit véritablement les cas !

— Tu dois rentrer ? devina Eli.

Je hochai la tête.

Cette conasse avait sans doute dû tout lui balancer à la gueule dès qu'il était arrivé. Elle se faisait un plaisir de me montrer que celle qui commandait véritablement, c'était elle.

— Ouais. Et je ne pense pas pouvoir m'échapper pendant la nuit. Je sens que ça va être Alcatraz.

Connaissant mon père, il allait m'avoir à l'œil comme un gardien de prison surveillerait un détenu.

Il avait le pouvoir de m'envoyer dans ce foutu camp de redressement au Texas et ça, c'était tout bonnement hors de question. Je devais par conséquent céder, encore et toujours.

Putain, qu'est-ce que j'avais hâte d'avoir dix-huit ans et ne plus être obligé d'obéir à ce sale type !

Mon ami et moi remerciâmes la femme et je lui donnai un peu d'argent, qu'elle accepta avec un grand plaisir tout en souhaitant que Dieu me bénisse. Par politesse, je souris et nous sortîmes.

Une fois en-dehors du bâtiment, je donnais un coup de pied contre un mur, me faisant mal au passage, mais je n'en avais que faire, étant vraiment à fleur de peau.

— Cette salope l'a sans doute mis au courant de tout dès qu'il a foutu un pied à la maison, dis-je à Eli, qui attendait une explication.

— C'est vraiment une garce.

— Tu n'imagines pas à quel point.

Alors que j'étais tellement près de Ronnie, j'allais devoir repousser ceci d'une journée juste parce que cette pouffiasse voulait me montrer qu'où que j'aille et où que je me trouve, elle aurait une emprise sur moi.

Mais ça, j'en étais conscient depuis le jour où elle avait épousé mon père.

Ma vie avait toujours été un putain d'enfer, mais dès le moment où elle avait débarqué, c'était devenu cent fois pire. Je détestais me retrouver chez-moi à cause d'elle, alors lorsque mon père était absent, j'évitais le manoir le plus possible.

Mais elle n'avait pas besoin de me rappeler qui commandait, je le savais.

Je le savais trop bien même. 

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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu! 😉

On se retrouve SAMEDI pour le chapitre 13, du PDV d'Olivia. Ne vous inquiètez pas, la rencontre "officielle" va bientôt avoir lieu 😂 

Comment pensez-vous que cela va se dérouler? J'ai bien envie d'entendre vos théories à ce propos 😏

Je vous souhaite une bonne fin de semaine! 

Tamar 😘

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