Chapitre 1 Olivia


Déménager dans une nouvelle ville était souvent synonyme de nouvelle vie, de renouveau. Et c'était bien ce que ma mère et moi cherchions plus que tout. Mais alors là... je ne m'étais pas du tout attendue à ça.

— Liv ! Dépêche-toi donc ! me pressa-t-elle alors que j'étais figée devant cette maison qui se dressait devant moi.

J'étais complètement bouche bée. Si Alejandro avait été là, il m'aurait mis un coup sous la mâchoire afin de la fermer, tout en disant « Arrête de faire l'idiote Liv, tu vas gober une putain de mouche ! ».

En repensant à lui et à l'endroit où il se trouvait, mon cœur se serra dans ma poitrine, alors je m'efforçai d'y faire abstraction. Je devais faire comme il me l'avait dit : aller de l'avant et ne jamais regarder en arrière. Ce qui était sans doute plus facile à dire, qu'à faire.

En tout cas, j'avais encore du mal à croire que j'allais vivre là-dedans. Cette maison... ou plutôt manoir, était tout simplement énormissime ! Pas énorme, énormissime, je répète.

Les nouveaux patrons de ma mère n'étaient définitivement pas n'importe qui !

Nous avions quitté Lincoln Heights – à Los Angeles – pour Eastridge Hills, une zone résidentielle appartenant à la ville de Fairfield, dans le comté de Solano. Après avoir passé deux semaines dans un motel de la ville, l'agence dans laquelle ma mère s'était inscrite l'avait appelée pour lui faire savoir qu'elle avait obtenu un job ainsi qu'un logement sur son lieu de travail.

Au moment où elle me l'avait annoncé, j'avais fait mes petites recherches sur internet. Il s'agissait d'une communauté où la plupart du monde avait beaucoup... non ! Énormément d'argent ! Dire beaucoup serait une litote.

Toutes les maisons alentours étaient extravagantes, mais celle qui se trouvait devant moi les dépassait haut la main ! Et pour pouvoir entrer dans la zone résidentielle, ma mère avait dû montrer au garde de sécurité une sorte de passe VIP. C'était vraiment surréaliste !

Les gens du coin devaient gagner des millions pour se permettre de vivre dans de telles maisons.

L'argent... ça devait être génial de se lever tous les matins sans avoir des doutes, des angoisses ayant un lien avec le pognon. Franchement, je me demandais quel genre de problèmes pouvaient avoir les riches ? Pas assez de temps pour aller faire une partie de golf ? Une manucure ratée ?

Je n'avais jamais eu une grande opinion des gens fortunés, mais depuis quelques mois, ils étaient descendu encore plus dans mon estime. Avec de l'argent, on pouvait tout acheter, même des faux témoignages.

Ma mère tapa dans ses mains pour me faire revenir à la réalité et je pressai le pas afin de la rejoindre. 

Une fois à ses côtés, elle sonna à la porte. Serait-ce la maîtresse de maison qui viendrait ouvrir ou alors serait-ce le majordome qui le ferait ? Avaient-ils un maître d'hôtel ? En voyant les dimensions exorbitantes de la demeure, ça ne m'étonnerait même pas !

— Arrête de tout regarder comme ça ! me gronda ma génitrice.

Je roulai des yeux. Que pouvais-je faire d'autre ? Certes, il y avait beaucoup de quartiers résidentiels à Los Angeles, mais jamais je n'aurais imaginé que je vivrais dans un endroit pareil. Je pouvais bien détailler les lieux du regard, je n'allais pas les user !

— Et surtout, pas un mot par rapport à ton frère.

Je serrai les dents ainsi que les poings face à sa remarque.

Les règles étaient très claires dans mon esprit : même si nous allions vivre dans cette maison, ce ne serait jamais chez-nous ; je devais me montrer respectueuse envers le maître et la maîtresse de maison ainsi qu'envers leurs enfants ; je ne devais pas parler sans être invitée à le faire et finalement... ne jamais faire référence à mon jumeau en public.

Pour les gens de Fairfield, la famille Vega se limitait à ma mère et moi.

— J'ai été recommandée par l'agence, continua-t-elle, alors je t'en prie : fais ce que je te dis, sinon nous risquons de devoir partir et je ne pense pas que tu y tiennes.

— Tu sais bien que non, maman. Moi aussi je veux être ici.

Nous étions bien loin de chez-nous et ce n'était pas plus mal.

Depuis que Clara avait perdu son travail chez son précédent employeur de longue date, elle était devenue très irritable et je ne pouvais pas l'en blâmer.

Ma mère était une femme forte qui nous avait élevé mon frère et moi sans l'aide de personne. D'aussi loin que je m'en souvienne, nous avions toujours été trois : Alejandro, ma mère et moi.

Désormais nous savoir toutes les deux seules, me semblait vraiment bizarre. Sans mon jumeau, j'avais un sentiment de manque perpétuel, c'était comme si on m'avait arraché un membre.

Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit sur une jeune femme habillée de vêtements pour le plus couteux. Chanel ? Dior ? Rien qu'à l'œil nu, je pouvais imaginer que la chemise blanche qu'elle portait coûtait au moins trois fois le salaire de ma mère.

— Bienvenues ! dit-elle en nous souriant. Vous devez être Carmen !

— Clara, madame, la corrigea poliment ma mère.

Je levai discrètement les yeux au ciel. Cette femme devait avoir tout au plus vingt-cinq ans... je me voyais très mal l'appeler « madame », c'était tellement bourgeois !

— Oh excusez-moi, je ne suis pas très douée pour les prénoms, continua-t-elle avec un sourire forcé.

Oui bien évidement, surtout pour retenir les prénoms appartenant au personnel, pensai-je, cynique.

— Mrs Coleman, je vous présente ma fille, Olivia.

Et cette femme me regarda de haut en bas avec attention, me donnant l'impression d'être un cafard qu'elle regarderait avec dégoût avant de l'écraser avec la pointe de son talon.

Qu'est-ce qui n'allait pas avec mes vêtements ? Ils étaient plutôt cools pour une fille de dix-sept ans. Jean délavé, chemise à carreaux noirs et violets ouverte avec un marcel noir où les mots « Rock&Roll » étaient imprimés dessus. Quoi de plus moderne ?

Mrs Coleman était une femme très belle. Teint hâlé, cheveux blonds lisses lui arrivant jusqu'au niveau des reins. Cette femme était jeune... mais je me doutais que son mari ne l'était pas tant que ça.

— Entrez donc, dit-elle en s'écartant pour nous laisser passer.

Ma mère franchit le pas la première et je la suivis.

Si l'extérieur était extravagant... l'intérieur était dix mille fois pire. Des escaliers en colimaçon, tous faits de marbre, un chandelier énorme pendant du toit du hall d'entrée, des vitraux de toutes les couleurs... J'étais vraiment époustouflée.

— L'intérieur te plait, jeune fille ?

Jeune fille ? Elle devait tout au plus avoir dix ans de plus que moi, sinon moins.

— Oui, votre maison est très belle.

— J'espère que vous vous y plairez et que vous – continua-t-elle en s'adressant à ma mère –, vous prendrez plaisir à votre travail. Nous voulons que vous vous sentiez comme chez-vous. Après tout, désormais vous faîtes partie de la famille.

Pourquoi est-ce que j'avais l'impression que tout ce qu'elle disait sonnait faux ? Ah c'est vrai ! Ma mère était la nouvelle domestique et moi, j'étais la fille de la nouvelle domestique, pour ces gens, jamais nous ne serions autre chose que ça.

Si ma mère croyait vraiment les paroles de cette mégère, c'était qu'elle était plus crédule que je ne le pensais.

— Vous êtes d'origine mexicaine ? nous demanda-t-elle par la suite en commençant à nous faire le tour du « palace ».

Je fis une grimace et ma mère me mit une claque au niveau du bras.

Je n'y pouvais rien, c'était d'un cliché sérieusement ! Tous les hispaniques n'étaient pas d'origine mexicaine.

— Je suis d'origine cubaine et portoricaine, madame.

— Oh je vois. Je suis allée à Cuba il y a quelques mois, depuis que l'embargo a été levé. C'est vraiment un très bel endroit, mais tellement pauvre. Toutefois, ce serait l'endroit propice pour faire des affaires, ne croyez-vous pas ?

— Sans doute, madame.

Si ma mère disait le mot « madame » encore une fois, j'allais vomir. Ou me mettre à hurler.

— Je pense vraiment que tu te plairas au lycée Rodriguez ! dit-elle en changeant totalement de sujet et en pointant son regard vert émeraude sur moi. Les gens y sont vraiment fabuleux.

Je m'étais renseignée et j'avais découvert qu'il y avait trois lycées pour le district scolaire unifié de Fairfield-Suisun. Il y avait le lycée Fairfield, le lycée Armijo et le lycée Angelo Rodriguez. Et donc, apparemment, j'irais à ce dernier. En voyant le coin, je me doutais que ce serait l'école des gamins riches.

— Je n'en doute pas, répondis-je poliment, même si je n'étais pas vraiment emballée par cette idée.

Il ne restait que deux mois d'année scolaire et j'allais pouvoir finir ma onzième année avec les autres. J'aimais bien les cours par correspondance que je suivais depuis Décembre, mais le contact humain me manquait assez. Surtout depuis que mon frère n'était plus là.

— Le fils aîné de mon mari va également à cet établissement. Tu as quel âge ? Seize ans ?

— Dix-sept.

— Oh ! Tu as le même âge que Jayden dans ce cas.

— Combien d'enfants a Mr Coleman ? demanda ma mère.

— Il en a trois. Jayden avec sa première femme. Cayley avec sa deuxième et le petit Joey avec sa troisième.

— Vous êtes sa quatrième femme ?!

En me rendant compte de la question que je venais de poser, j'écarquillai les yeux, en espérant déjà recevoir un coup de la part de ma mère. Définitivement, les mots avaient dépassé mes pensées.

— Non, ricana-t-elle,  n'ayant pas l'air d'avoir mal pris ma remarque. Je suis sa cinquième. Avec la quatrième, ça n'a pas duré au-delà de quelques mois.

Eh bien... j'en déduisais que Mr Coleman n'aimait pas vivre seul et qu'il devait être un sacré coureur de jupons.

— Bien, maintenant, continuons avec la visite !

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Le chapitre 2 suit de près ... 

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