Chapitre 24
-C'était vraiment génial, soupire Alex avec mélancolie.
-On a réussi ! s'exclame Liam, dont les yeux sont plus pétillants que jamais.
-C'était parfait, renchérit Mélodie.
-Vous, vous étiez vraiment parfaits, affirme Sakura en désignant les deux acteurs de Narcisse et Écho.
Mélodie rougit et replace une mèche derrière son oreille. Alex sourit fièrement pendant que les filles vantent ses qualités d'acteur. Amy lève les yeux au ciel avec agacement, ce qui me laisse échapper un rire hystérique. Mes camarades me dévisagent avec curiosité et j'ai une nouvelle fois droit à leur regard d'élèves qui se croient supérieurs à la pauvre nouille de la classe. Je pense qu'ils n'ont toujours pas avalé le fait que je soie entrée en Catégorie jaune dès ma première année à Grimm. Moi aussi, j'ai du mal à y croire.
-En tout cas, bravo à ceux qui ont remplis la machine de descriptions. Les décors étaient sublimes !
-On a tous fait du bon boulot. On peut être fiers de nous !
***
-Qu'est-ce que Merily ?
Ethan lève les yeux de son livre des Misérables.
-C'est la ville où nous sommes allés, celle où il y a le Quartier littéraire. Pourquoi ?
-Ma Catégorie voudrait faire une fête là-bas, en l'honneur de notre travail.
-Les Jaunes ne sont pas les seuls à s'y rendre. Il y a toujours beaucoup de catégories qui font la fête à Merily. La mienne s'y rend aussi.
-Donc, tu vas y aller ?
-Oui, bien sûr. Et toi ?
-Je ne sais pas. Je n'aime pas danser.
Ethan hoche la tête et me lance un regard entendu. Visiblement, il se moque de moi.
-C'est dimanche prochain. Tu as tout ton temps pour y réfléchir... me glisse-t-il à l'oreille en quittant la bibliothèque.
***
Nous avons des simples cours pendant toute la semaine qui suit. C'est comme ça à chaque fin de Seconde création; les élèves ont toujours une semaine de pause.
Madame Garnier entre dans la classe et nous distribue nos emplois du temps de la semaine ainsi que la liste des activités. Elle me jette un regard noir lorsqu'elle se souvient que je suis dans cette Catégorie.
-Si vous êtes méritante, prouvez-le, Duvinier, siffle-t-elle.
-Je n'ai rien à prouver, Madame, je réplique sèchement. J'ai auditionné, et j'ai gagné, c'est tout.
Elle me regarde comme si mes cheveux roux avaient pris feu.
-Il faudra que vous appreniez à contenir votre prétention, jeune fille. En aucun cas vous ne pouvez vous vanter de vos prestations.
Mes joues s'empourprent et je détourne la tête. Moi, me vanter ? Je retiens un grognement quand je me compare à Alex, qui se couvre d'éloges lui-même. Puis, je repense à certaines actrices qui prennent la grosse tête. Je ne voudrais pas devenir une fille comme cela.
Madame Garnier sourit. Son visage n'est tellement peu habitué à cela que les rides de sa peau se creusent et la vieillissent encore plus.
-Nous nous sommes comprises, chuchote-t-elle en hochant la tête.
A la fin de notre cours de Français -où Mademoiselle Lys faisait de son mieux pour bien prononcer chaque mot sans bafouiller- Mélodie vient me rejoindre à mon pupitre.
-Salut,la p'tiote ! Amy m'envoie pour te demander si tu veux venir à l'activité de ce soir. Alors ? Yes or no ?
J'essaie de ne pas regarder ses cheveux avec trop d'insistance. Une coupe carrée, avec un dégradé de bleu. Une horreur.
-Je n'ai pas regardé la liste. Qu'y-a-t-il de prévu ? je demande.
A vrai, dire, je m'en fiche un peu, car je préfèrerais rester seule à lire dans mon dortoir que de traîner avec les autres élèves de Grimm.
-Ils repassent La la land dans la salle de projection.
Je finis de ranger mes derniers classeurs et empoigne mon sac. Je marche le plus vite possible devant elle en baissant les yeux.
Pitié, je voudrais être invisible ! Me fondre dans la masse !
Mélodie me dépasse et me regarde en fronçant les sourcils. Ils sont tellement refaits aux crayons qu'ils ressemblent à des triangles isocèles. C'est amusant.
Elles semble essayer de décrypter mes pensées. Le problème, c'est que moi non plus, je ne les comprends pas. Avant d'arriver à Grimm, j'avais hâte de me refaire une nouvelle vie, de rencontrer de nouvelles personnes. Mais aujourd'hui, j'ai... peur. Peur de refaire face à des gens comme ceux qui me blessaient au lycée. Peur de l'inconnu, tout simplement.
-Alors, tu viendras ?
-Hum... Oui.
Bien, Esther ! Tu as fait un effort considérable !
-A ce soir ! je lui crie avant de sortir de la salle à grandes enjambées.
***
La salle de projection me paraît très différente, ce soir. Pourtant, il y a toujours les gros fauteuils rouges, l'obscurité, les murs aux couleurs chaudes. C'est sûrement parce qu'il ne flotte pas la même atmosphère qu'à la rentrée. Les élèves ne transpirent pas, ne se rongent pas les ongles ou ne chuchotent pas entre eux avec des voix paniquées. Je me sens plus à l'aise, mais pas parfaitement à ma place...
Amy m'interpelle pour que je la rejoigne sur le siège vide qui est à côté d'elle. Avant de me glisser dans l'allée de fauteuils, je ne peux m'empêcher de chercher Ethan du regard, ce qui est absurde, puisque je n'ai pas spécialement envie de le voir. Enfin, je ne crois pas...
J'adore le cinéma. Peut-être même plus que le théâtre. Bien sûr, je l'aime pour la diversité des personnages, les rôles très différents que les acteurs interprètent. Mais ce que j'adore, dans les films, c'est l'image. Je suis passionnée par les prise de vues, les plans, la lumière, le montage... Les caméramans participent également à l'histoire et y ajoutent leur touche de sensibilité. Et c'est génial !
Quand j'étais petite, je regardais beaucoup d'émissions avec mon père le samedi soir. Mon père manquait de tomber du canapé tellement il riait devant les sketchs qui passaient à la télévision. Moi, j'étais très silencieuse, complètement enfermée dans ma bulle. Mon père s'inquiétait et se demandait pourquoi je ne m'amusais pas comme n'importe quel enfant de mon âge. En réalité, j'étais seulement fascinée par les prises de vues et j'imaginais les caméramans changer de place, la régi qui choisissait les images qui suivraient après celles que nous voyions... Mais c'est quelques années plus tard que j'ai découvert que passer devant la caméra me correspondrait mieux que de rester derrière.
-Tu as déjà vu ce film ? me chuchote Mélodie, assise à droite d'Amy.
-Non, jamais.
-Il est gé-nial ! affirme Amy en prenant bien soin de séparer les deux syllabes de son mot préféré. Une œuvre d'art ! Un classique de l'histoire du cinéma !
-Tu en rajoutes, mais c'est vrai qu'il est bien. Mais la fin...
-Eh ! Ne spoile pas ! la gronde Amy.
Le film commence. Les premières notes d'une chanson retentissent. Il y a une image d'une autoroute, où des voitures sont coincées dans des bouchons. Une femme fredonne un chant qui parle d'un nouveau jour de soleil et les paroles n'ont ni queue ni tête. Soudain, elle sort de sa voiture et danse entre les nombreux véhicules. D'autres personnes la rejoignent et chantent avec elle. Puis, ce sont tous les chauffeurs qui sortent de leurs voitures. La caméra bouge tellement que je n'arrive pas à suivre. Le rythme est intense. Cela me donne mal à la tête.
Dans les autres scènes, il y a quelques dialogues. L'histoire est très intéressante, car on y suit la vie de Mia, une jeune femme ayant l'ambition d'être actrice mais qui rate tous ses castings. Elle me ressemble beaucoup : je me retrouve dans son caractère et la couleur de ses cheveux.
Alors que tout commençait à se passer plutôt bien, le film est encore dérangé par une chanson. Pourquoi les personnages se mettent-ils si brusquement à danser ? Cela est anormal. Personne n'interrompt une discussion avec un garçon très mignon pour se mettre à danser et chanter à côté d'un lampadaire !
Je jette un coup d'œil à Amy. Elle chantonne gaiement les paroles des chansons, comme si elle les avait apprises par cœur pendant un mois. Ses yeux, éclairés par la lumière de l'écran, brillent à chaque baisers échangés par Mia et son amoureux. Je soupire et m'affale encore plus dans le fond de mon fauteuil.
***
C'est la fin du film. Mia a réussi à être actrice, ce que je trouverais génial si je n'avais pas été autant ennuyée par le nombre incalculable de chansons qui se trouvaient dans le film.
Mélodie et Amy sont toutes les eux en train de pleurer comme des petites fillettes quand nous sortons de la salle de projection.
-Ils se sont séparés ! Ils sont plus ensemble ! dit Mélodie d'une voix plaintive.
-C'était tellement beau, souffle Amy. Magique. Ce film est magique.
Ses hanches bougent pendant qu'elle fredonne joyeusement Another day of sun sur la terrasse. Mélodie essuie ses dernières larmes et la rejoint dans sa ridicule danse de claquettes.
-Qu'en as-tu pensé, Esther ? me demande Amy lorsque leur délire prend fin.
Je les regarde tour à tour, toutes les deux les yeux remplis d'étoiles et un sourire béat sur leurs visages ravis.
J'hésite avant de prendre la parole.
-Ce que j'en pense ? C'est une comédie musicale hyper bidon, où les gens se lèvent brusquement pour entamer une danse complètement folle dans des lieux où habituellement, les personnages devraient se taper la honte. Sauf que tout le monde trouve ça normal et personne n'est étonné de voir quelqu'un grimper sur sa voiture et chanter comme une casserole. Voilà, ce que j'en pense.
J'observe leurs réactions. Elle ne semblent pas blessée le moindre du monde. Au contraire, elles paraissent amusées.
-Tu es trop réaliste, la p'tiote, me fait remarquer Mélodie. Les films sont faits pour raconter des histoires qui ne pourraient jamais arriver dans la vraie vie.
-Comme dans Harry Potter, ajoute Amy. Tu crois vraiment que les fans pensent qu'ils vont recevoir une lettre et apprendre la magie à Poudlard ?
Je réfléchis. Il est vrai qu'elles n'ont pas tort.
-Mais j'ai l'impression que le film nous fait croire que tout cela est possible, je réplique. Il n'y a aucuns effets spéciaux, les personnages sont normaux et leur vie est normal.
-Mais qui a dit que danser quand nous le voulons est impossible ? fait observer Mélodie.
-Oui, Esther ! approuve Amy. Imagine que la vie est comme une comédie musicale ! Si tu veux qu'elle soit originale et amusante, danse ! Danse comme tu le souhaites, quand tu veux, lorsque l'envie te prend !
-Même si on se sent ridicule ? je m'enquiers.
-Tu dois ignorer les autres ! Tu ne vis que pour toi ! s'exclame Mélodie d'une voix enjouée.
***
Le soir, alors que je suis dans mon lit, les paroles d'Amy trottent encore dans ma tête.
Ta vie est comme une comédie musicale...
***
Coucou tout le monde !
Je suis ravie d'avoir eu le temps de poster ce chapitre ! Je ne pensais pas pouvoir ! Si j'étais... reste tout de même en pause car je ne sais pas si d'autres occasions identiques à celle-ci se présenteront dans les semaines qui suivent.
J'aimerais juste faire une petite note à propos de La la land :
Je ne partage pas du tout le même point de vue qu'Esther. La la land est mon film préféré et je l'adore par dessus tout. Il m'a même inspiré pour l'idée de Si j'étais... : raconter l'histoire d'une jeune fille dont le rêve absolu est de devenir actrice mais qui n'est jamais prise par les directeurs de casting. Je voulais également qu'Esther aime ce film et vous montre tout son amour pour lui, mais je me suis dit que, finalement, il ne correspondait pas à sa personnalité. Esther est du genre réaliste et moderne, elle n'aime pas les choses rétros et vintages, du style "comédies musicales". Je me suis donc imaginée, pour ce chapitre, ce que penserait une personne comme elle quand elle voit ce film.
Mais si j'ai un conseil à vous donner : regardez ce film, il en vaut la peine !
Bisous vintages ! ;) (ça existe ?!)
Clémence
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