Chapitre 20


Nous revenons à l'arrêt où la locomotive nous avait laissés toute à l'heure. A peine sommes-nous assis sur le banc vert pomme que cette dernière se gare déjà devant nous. Je grimpe les marches du minuscule escalier qui mène à l'allée de sièges. Je salue une seconde fois le chauffeur, qui avait déjà oublié que j'étais présente derrière lui il y a quelques temps.


Ethan et moi sommes entraînés de tous les côtés tandis que la locomotive fait sa course folle à travers la ville. Une vieille dame au dos bossus braille des mots incompréhensibles à un homme s'étant assis malencontreusement sur le siège qu'elle gardait pour elle depuis son enfance. Les passagers ne semblent même pas remarquer les piaillements furieux de la vieille dame et tous ses sacs de course qui s'échappent de ses mains et qui glissent dans l'allée centrale. Elle brandit sa canne d'un air de défi, devant le pauvre jeune homme qui n'a rien demandé.


-Il y a souvent des disputes entre plusieurs générations, ici, fait remarquer Ethan.


-Pourquoi ?


-Sans doute parce que les personnes âgées et les jeunes n'ont pas la même vision des choses. Et ils ont du mal à communiquer, à se mettre d'accord. Il n'est pas évident de vivre dans un tel mélange de générations.



La locomotive émet un bruit strident et s'arrête dans une rue peu calme et à l'ambiance très mouvementée. Elle est noire de monde et particulièrement fréquentée par des enfants et des adolescents. La foule de personnes s'écarte au passage de la locomotive.


-Chapitre seize ! hurle le chauffeur par-dessus les voix excitées des jeunes, qui sortent de la locomotive en courant pour rejoindre leurs amis, qui les attendent à l'arrêt de train.



Ethan et moi descendons à notre tour du véhicule et j'observe la vieille locomotive démarrer dans un nuage de fumée. Elle s'éloigne en suivant le chemin de railles qui s'étend jusqu'au bout de la ville et bientôt, je ne vois plus ses immenses roues aux rayons rouge corail et sa forme de tube ne devient plus qu'un minuscule point sombre à l'horizon.



Ici, la fête semble être au rendez-vous. Un groupe de jeunes hommes coiffés de casquettes beiges et revêtus de salopettes marrons jouent de l'accordéon et dansent pieds nus devant un magasin de verbes. Un petit garçon tend un fil entre deux arbres et marche dessus avec application avant de rejoindre le groupe de spectateurs qui s'est formé autour de lui. Il agite son bonnet et les pièces de"bill's" le remplissent peu à peu. Des "grimm's"sont également donnés à l'enfant par les plus généreux.


Plus loin, un jeune jongle avec des points sur un monocycle en tentant d'échapper le vendeur furieux qui le poursuit. La foule l'applaudit avec émerveillement lorsqu'il fait sauter en l'air des points de suspension.


J'interroge Ethan :


-C'est un jour spécial, ici ?


-Non. Quotidiennement, musiciens, danseurs et acrobates se produisent dans cette rue. Ce sont les "oubliés", ceux qui étaient invisibles aux yeux des personnes les plus aisées. Ici, ils font ce qu'ils veulent, ils sont libres.


Ethan me conduit dans une boutique de déterminants. Je lève les yeux pour voir le panneau en bois qui surplombe la vitrine et je suis amusée par son nom : "Dés, terre, mie, nan !". Cela me refait penser au magasin de ponctuation "Un point c'est tout". Les gens d'ici doivent sûrement apprécier les jeux de mots.


-C'est une boutique simple, dit Ethan. On aura juste à faire quelques achats rapides pour alimenter la "machine à déterminants", qui envoie tous ses mots à la Syxel.


Ce magasin ressemble étrangement à une boulangerie. Enfin, à quelques détails près : les croissants, les pains au chocolat, les cookies et les baguettes de pain sont remplacés par des minuscules mots. Plusieurs exemplaires de "le", "la" et "les" sont entassés dans un coin à côté de "un", "une" et "des". Au bout sont présents les possessifs comme "mon", "ton", "son", "notre", "votre" et "leur" et je peux également lire "mes", "tes", "ses" et d'autres déterminants.


Ethan en achète seulement dix de chaque, prétextant que la "machine à déterminants" en contient déjà beaucoup trop et que ce sont des mots de secours.


Je les range dans une besace en cuir que nous offre la gérante du magasin et mes doigts caressent les lettres lisses et brillantes collées les unes contre les autres. Leur touché est tellement agréable ! Leur parfum est si délicieux que je dois mettre de côté le plaisir dévorant de les croquer. Les mots ont une odeur d'encre et de papier froissé, d'épices et de boulons rouillés. Le genre de senteur que l'on peut imaginer quand on lit un bon roman le soir mais qui peut nous étonner.



Notre mission est à présent terminée. Ethan a trouvé tous les mots qu'ils lui fallaient. Nous flânons dans les rues et j'observe avec joie les musiciens qui saluent les passants sur les trottoirs et qui jouent un air entraînant, les acrobates agiles qui grimpent en haut des lampadaire et nous invitent à monter avec eux, les danseurs chics qui séduisent des femmes en jouant avec leur chapeau melon, les timides qui restent à l'écart des groupes et écrivent des poèmes en regardant le monde qui les entoure... Ces gens possèdent une liberté incroyable. Et cette liberté, ils l'auraient gagné grâce à leur souffrance dans un autre monde... Mais quel souffrance? Dans quel monde ? Où étaient-ils, avant de s'amuser dans cette étrange ville ? Depuis mon arrivée à Grimm, je n'ai cessé de me poser des questions. Ma vision d'une soit disant école de cinéma a aujourd'hui changé et tout se bouscule dans ma tête.


***


Clap !


Ethan tape dans ses mains et la ville disparaît. Nous sommes aussitôt propulsés devant le dolmen, où est encore ouvert le livre. Je calme ma respiration haletante. Je suis fatiguée par ce saut entre ces deux mondes si éloignés qui n'a seulement duré que quelques secondes. Le livre nommé Quartier littéraire est entouré d'autres ouvrages et je vois parmi eux un recueil de nouvelles écrit pour des enfants.


-Zut ! La Catégorie verte ne m'a pas attendu ! râle Ethan.


Il fixe le livre quelques secondes et disparaît.



"Cela ne fait qu'une semaine qu'il est là et il sait déjà rentrer dans un livre mieux que personne !" me souffle mon esprit.


J'attends que les chênes, la rivière et les nymphes m'enveloppent puis je plonge dans mon histoire.


***

Bonjour, wattpadiens et wattpadiennes !

Je suis très heureuse d'être déjà arrivée au vingtième chapitre de cette histoire, et encore plus de me dire que je n'ai toujours pas abandonné (car oui, d'habitude, j'arrête d'écrire au bout de quatre ou cinq chapitres maximum...). C'est en partie grâce à vous car vos commentaires me donnent toujours des idées pour les prochains chapitres ! En quelques sortes, vous participez aussi à l'écriture de "Si j'étais..." ! Je rappelle aussi que vous pouvez à présent voter pour mon histoire sur la page "Le vote du Concours du Café" dans le "Journal du Café" !!

Afin de connaître les aspects négatifs (et positifs, si vous voulez !),  j'ai encore quelques questions à vous poser :


*Pour vous, que représente Esther ? Une fille ambitieuse ? Rêveuse ? Avec du caractère ? Ce serait intéressant de voir les aspects de son caractères que vous ressentez le plus chez elle !

*Avez-vous déjà résolu quelques énigmes sur l'école ou êtes-vous quelques fois surpris ?

*Y-a-t-il des choses à changer ? A souligner ? Des fautes qui vous dérangent ? Je suis toujours prête à corriger les erreurs que vous trouvez (et merci, d'ailleurs, à ceux qui me les font remarquer !)

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