-Tu le vois ?

Nous sommes garés à l'entrée d'une forêt à la végétation dense. Elle est éclairée d'une lumière blanchâtre, ce qui me paraît étonnant quand je lève les yeux et observe le feuillage vert fougère des chênes qui surplombent les chemins étroits du lieu, ne laissant apparaître que quelques morceaux de ciel bleu entre les branches.

Je plisse les yeux.

-Non, je ne vois rien, je souffle.

-Regarde encore un peu, insiste l'adolescent. Fais preuve d'imagination.

-Pourquoi ? Parce qu'il va se passer un truc magique ? Je vais voir un monde parallèle s'ouvrir devant mes yeux ? je me moque.

Je tente malgré moi de penser à quelque chose, une image que je rêve de voir.

-Alors ? me presse-t-il. Je n'ai pas rêvé ?

-Attends... lui dis-je, concentrée sur la rivière qui nous fait face.

A cet instant, je discerne une ombre. Je ne sais pas de quelle forme elle est. Je ne trouve pas ce qu'elle représente. Mais je la vois.

-C'est bon ! je m'écrie.

-Et qu'est-ce que tu perçois ? s'enquiert Ethan.

-C'est vague... Ça commence à prendre forme. On dirait un bâtiment. Attends, les couleurs arrivent ! Je vois du blanc crème. Du rouge brique. Du marron rappelant l'écorce des arbres.

-Tu vois les portes et les fenêtres ?

-Oui, elles arrivent ! C'est... C'est un bâtiment... immense ! Et... étrange ! Luxueux, aussi... Et il est...

Je me tais. La formation de l'image est terminée.

Mise à part sa taille identique à celle d'un immeuble de huit étages, ce ne n'est qu'une construction comme les autres. Il y a des fenêtres aux contours blancs, des portes rectangulaires et unies et une devanture délavée. C'est tout ce qu'il y a de plus simple au monde.

Je grimace.

-Qu'attendais-tu ? Poudlard ? Un manoir hanté ? Une école sous terre ? ricane Ethan.

-A vrai dire, je n'imaginais pas quelque chose d'aussi... banal !

-Mais cette école n'est pas banale ! Rappelle-toi ! Il n'y a pas que l'extérieur qui compte : c'est l'intérieur qui est le plus important.

Je soupire.

Il n'y a que le physique qui compte. Les filles qui se moquent de moi ne se limitent qu'à cela. Qui chercherait à aller plus loin ? A découvrir mon caractère, mes pensées, mes rêves ? Mon apparence est celle qui se voit le plus. Ceux qui m'entourent ne font donc attention qu'à ce critère.

Ethan me donne un coup de coude. Je dois abandonner mes sombres pensées.

Il est temps d'entrer dans l'école. Je n'ai jamais eu cette sensation d'excitation et d'angoisse en même temps...

Grimm

Scène1

Esther monte lentement les marches qui mènent à l'entrée de l'école, suivie d'Ethan (qui affiche un air confiant et assuré).

Madame Garnier, une femme aux cheveux gris tirés en un chignon sévère les fait entrer.

Madame Garnier(d'une voix froide )

Bonjour. Je suis la responsable de Grimm. Vous êtes les nouveaux arrivants, je présume ?

Esther(bafouillant)

Euh...Oui... Oui, c'est ça !

Madame Garnier

Eh bien, il faudra faire des efforts à l'oral, car à l'avenir, je ne veux aucun bafouillage dans tes performances.

Esther (elle se rattrape)

Nous sommes tous deux gagnants du concours de "Si j'étais...".

Madame Garnier(elle lève les yeux au ciel)

Bien entendu ! Comme tout le monde !

Ethan (il chuchote à l'oreille d'Esther)

Sympa l'accueil !

Madame Garnier

Silence ! Suivez-moi, je vous prie.

La femme les conduit l'extérieur, dans la forêt. Ils marchent dans la végétation dense du lieu et arrivent devant une construction en pierre, entourée de mauvaises herbes et de plantes remontant jusqu'aux fenêtres.

La directrice ouvre une porte en bois, qui craque lorsqu'elle actionne sa lourde poignée.

Madame Garnier

Voici votre dortoir, Monsieur Ethan Bonnier. Préparez-vous rapidement et essayez d'être ponctuel au niveau des horaires : le rendez-vous dans la salle 18 se fait à neuf heures précises.

Ethan hoche la tête et se glisse à l'intérieur.

Esther suit  Madame Garnier à l'opposé du bâtiment et entre dans un nouveau dortoir, dont la façade est identique à la précédente.

Madame Garnier

Vous logerez dans la maison du Chat Botté, avec vingt autres filles ayant un an de plus que vous. Faites attention à ne pas laisser partir le chat, d'ailleurs. Il ne voudra pas retourner chez lui tant qu'il n'aura pas retrouvé ses bottes.

Esther hoche la tête, incrédule.

Des filles la saluent rapidement et l'emmènent aussitôt dans une pièce sombre et désordonnée, remplie de placards et d'ustensiles de ménage. Esther s'active tant bien que mal à chercher ces étranges bottes qui appartiendraient à un chat, se demandant si la directrice se moquait d'elle ou si elle était tout simplement folle.