Chapitre 5

Aucune réaction de ma part, tandis que je priais intérieurement que quelque chose vienne me sauver de cette situation génante.

Tout en lui m'intimidait, son regard perçant donnait l'impression qu'il pouvait lire en vous comme dans n'importe quel livre ouvert, sa posture était naturellement confiante. Il avait la particularité de paraître à l'aise avec n'importe quel individu et dans n'importe quelle situation.

Mais surtout, il ne jugeait personne.
Et c'était la seule chose qui faisait la raison pour laquelle je n'avais pas déjà tourné les talons.

Je ne fus pas surprise lorsque mes membres refusèrent d'obéir aux ordres de mon cerveau.
Alors je restai là, face à lui, le regard pourtant orienté très loin de lui.

Je regardais au loin, l'intérêt soudain attiré par cette magnifique porte de toilettes qui me faisait coucou de l'autre bout du collège.
Décidément, j'adore cette porte!

Le silence qui nous unissait fut promt, car il s'empressa de le rompre sans ménagement.

-Mon père est venu chez vous hier soir.

J'ettouffai avec ma propre salive.
C'était son père?!

Cette information intensifia encore plus la sensation que les articulations de mes membres se transformaient peu à peu en béton.
J'avais l'impression d'être prise au piège.
Mon silence confirmait imperceptiblement ses propos.

-Tu l'as vu, n'est-ce pas? Poursuivit-il.

C'était lui, l'homme en costume...

Je n'avais même pas la force de nier, on aurait dit que j'avais perdu tout usage de mes membres.

Qu'est-ce que je suis censée faire?
Et où est passée cette traitresse d'Athéna, elle qui a l'habitude de m'interrompre pendant des moments très importants?!

Je baissai la tête et partis droit devant moi, serrant les poings.
Pourquoi diable a-t-il fallu que je me réveille pile à cet instant?
J'aurais mille fois préféré ne rien savoir.

-Je.. je vais être en retard. Balbutiai-je à mi-voix.

Je le contournai et pressai le pas vers la sortie qui avait l'air baignée de lumière.

Cette affaire devient un petit peu trop bizarre.
J'aurais volontiers demandé des explications à mes parents, si je n'étais pas consciente du vent monumental que je me prendrai sûrement.

J'allais devoir trouver des réponses à mes questions seule.
Encore une fois.

Ma mère n'a jamais pris la peine de répondre à mes questions d'enfant curieuse.
J'étais obsédée par le système solaire à l'époque, pendant que mes semblables s'acharnaient à défigurer des poupées barbie.

Les feuilles qui s'entêtaient toujours à déserter les branches d'arbres avaient été contraintes à sortir quelques bourgeons, pendant que le vent froid profitait de ses derniers instants de gloire avant d'être chassé par l'arrivée du printemps.

Je pris le temps d'admirer le paysage endormi parmi l'activité frénétique des personnes passant, leurs yeux rivés sur des écrans qui constituaient malheureusement leur occupation la plus prenante.

La sonnette sinistre du portail me tira de mes songes, et je pénétrai la propriété en rendant les bonjours répétitifs du jardinier qui se débarassait des branches mortes, ainsi que du reste du personnel.

Des bribes de conversations me parvinrent de l'intérieur, et je reconnus la voix de Mathilda, le femme de chambre qui avait toujours de nouveaux ragots à faire circuler.

Les attentions de tout le personnel de cette maison m'étaient grandement plus chaleureux que tous les services que m'auraient rendu mes parents.

La seule fois où mon père avait décidé, je ne sais par quel hasard de me consacrer un minimum de son temps avait été le jour où il m'avait accompagnée au golf.

Il a été rappelé un quart d'heure plus tard pour "régler une affaire urgente d'une extrême importance".
J'avais ri sarcastiquement dès qu'il avait tourné les talons, me laissant plantée là telle une vieille souche parmi des golfeurs plus expérimentés qui avaient compati en souriant d'un air désolé.

J'avais fini le parcours avec un monsieur très chaleureux et sa femme, et on avait bien rigolé.

Cela remonte à il y a six mois de cela.
Après, j'ai continué à y aller, et je passais un bon moment à chaque fois que je rencontrais le jeune couple.

-Mademoiselle Reylons?

Je relevai la tête vers le majordome en costume qui se tenait bien droit devant moi, le visage mimé en une expression respectueuse.

-Oui?

Il parut mal à l'aise. Ses mains tordaient nerveusement la manche de son costume. Après quelques secondes de silence où j'eus le temps d'appréhender une probable mauvaise nouvelle, il se décida enfin à parler.

-Votre génitrice est partie ce matin.

-Au travail, n'est-ce pas?

Il parut encore plus gêné.

-Non, pas exactement.

-C'est-à-dire?

-Elle est en route pour la capitale, elle a quelques papiers à faire signer. Votre père la rejoindra d'ici une semaine. Ils prendront ensuite le bateau pour une destination qu'il n'ont pas jugé nécessaire de m'indiquer. Ils doivent rencontrer des clients importants et y demeureront une durée indéterminée.

Cette nouvelle me fit l'effet d'un coup de poing en pleine poitrine.
Ils partiront, et ils n'ont pas considéré cela nécessaire de m'avertir de leur départ.
Ils n'ont pas non plus estimé cela important de me tenir au courant de leurs manigances.

Au fait, ils n'ont jamais estimé cela important de m'informer de quoi que ce soit les concernant, je me rends compte qu'en toute une vie, je ne connais strictement rien de mes parents.

Cette constatation me fit l'effet d'une douche d'eau glacée.

-Très bien. Répondis-je dans un souffle, m'efforçant de garder un semblant de sang-froid.

Ils exagéraient. Et je n'allais pas rester toute ma vie à rien faire en les regardant calmement.

Ce laps de temps me sera largement suffisant pour creuser un peu cette affaire de bateau et de vermine.

Je secouai faiblement la tête en me reprenant immédiatement. Ça virait au gros n'importe quoi.
Mais peut-être qu'une petite recherche ne me fera pas de mal après tout.

Je passai une partie de la soirée à faire mes devoirs et à parler au téléphone avec Athéna. Vers dix-huit heures, j'entepris d'amasser mes affaires de danse, et succombai ensuite au supplications du chauffeur qui insistait énormément pour m'y conduire. Il disait que c'était dangereux pour une jeune fille comme moi de prendre le bus le soir. Je comprenais parfaitement pourquoi.

Dehors, on apercevait clairement que le printemps prenait son temps pour s'installer confortablement. La journée était plus longue et la nature se réveillait peu à peu. Pourtant, il faisait toujours froid. Le soleil, avare, préférait garder ses rayons pour lui, pourtant, viendra bien un temps où il sera contraint de les partager avec nous, pauvres minuscules petits êtres ici-bas.

La vitre opaque obstruait la vue vers l'extérieur. Je regrettai le paysage épique de cette magnifique journée dès que la portière fut fermée. Le chauffeur conduisait dans un silence monotone, accompagné du ronronnement régulier du moteur et des bruits de klaxon exprimant l'impatience impulsive des conducteurs.

Arrivés à destination, il se gara puis me déposa devant le bâtiment que j'ai appris par coeur. Je montai les quelques marches pour la énième fois, et pénétrai les vestiaires. Je me changeai ensuite dans un silence complet, profitant de l'endroit désert pour moi toute seule. Je ne portais pas de tutu ni de chaussons, je dansais pieds nus, avec un simple débardeur rose pale et un short noir. J'appréhendais, aujourd'hui, ma coach serait là...

Quand j'entrai dans la salle de danse, je trouvai l'entraineuse, Maria Parker déjà entrain de régler les derniers détails des hauts parleurs.
Elle m'intima d'un signe de la tête la barre devant moi, et je compris la suite.

Je commençai les étirements seule, puis elle vint intensifier les mouvements. C'est ainsi qu'elle commença à appuyer avec une force spectaculaire sur ma jambe levée derrière moi, et me força à la tirer par la cheville au dessus de mon épaule.

Une douleur insoutenable me parcourait le corps, et des larmes perlaient au coin de mes yeux. Je supportais tout de même la souffrance. La danse contemporaine était pour moi la meilleure chose qui m'était arrivée en toute une existence, le seul fil auquel je m'accrochais pour me maintenir en vie.

Quelques chorégraphies et pirouettes plus tard, elle m'ordonna d'arrêter, et que c'était la fin de la scéance.
Juste avant de quitter l'endroit, elle me fit signe de la main pour approcher. Je m'éxecutai. Puis elle m'annonça, en abrégeant énormément:

-Je pense que ton niveau est assez développé pour commencer à danser avec un partenaire.
-Pardonnez-moi?

Je n'avais pas pu me retenir, c'était sorti tout seul, mon coeur avait commencé à maltraiter ma cage thoracique entre-temps.
Je ne suis même pas capable de tenir plus de deux secondes devant un garçon. Comment suis-je censée danser avec un partenaire?

Et que vais-je faire à propos du secret de mes parents?

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