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Un Mentaï.

Ils auraient dû s'en douter, après tout.

L'évasion, la bataille, la recherche, les répliques d'Ims et la course—poursuite acharnée dans les corridors n'avaient visiblement pas été suffisants. Il fallait maintenant qu'un fichu Mercenaire du Chaos possédant l'Art du Dessin se dresse en travers de leur route.

Un Mentaï.

Cela ne l'étonnait plus vraiment. Lui eut on présenté un Kharx qu'elle se serait ruée sur lui, sans doute au travers d'une mot imminente, mais prête à tout pour affronter cette créature démoniaque et conserver sa si précieuse liberté. Et puis, bouger l'empêchait de trop réfléchir. Les consternantes révélations qui l'avaient fait vaciller n'occupaient plus qu'une minuscule part de son esprit, refoulés par l'adrénaline constante et l'effroi tout aussi grand.

A ses côtés, Aweo lâcha un soupir de lassitude, sans doute en proie aux mêmes pensées que Shun. Si la jeune fille avait d'abord trouvé la ressemblance entre lui et Luffey immense, plus le temps s'écoulait et plus cette impression s'en allait. Ils s'étaient adressés la parole quelques heures auparavant, juste avant que les étranges créatures nommées Ims les attaquent. La première fille avait abandonné depuis longtemps, à la toute première épreuve, se faisant rattraper au vol moins de dix minutes après avoir commencé à fuir. Le second garçon avait résisté un peu plus de temps, deux heures tout au plus – mais il n'était clairement pas de taille à affronter quiconque et cela s'était ressenti immédiatement. Seuls Aweo et elle étaient restés en lice, mais, alors qu'elle s'attendait à une compétition acharnée, la gentillesse et la générosité de son nouvel ami l'avaient profondément touchés.

Solidarité, un autre maître mot qu'elle se devait d'ajouter à sa liste.

Liberté, Équité, Solidarité. On aurait presque pu croire un slogan, ou, mieux encore, une devise régissant un pays utopique. La pays qu'elle voulait.

— Vous êtes encore deux ? Impressionnant, les gamins de la nouvelle année. D'habitude, une seule personne parvient à percer les autres défenses et à arriver jusque là, ou alors les apprentis tentent de s'entre—tuer et ne me rencontrent jamais.

Le Mentaï se tut quelques instants, puis lâcha un sourire amusé en voyant les deux amis rassemblés.

— Vous avez comprit où était votre intérêt, vous. On est toujours plus fort à plusieurs que seuls, ne l'oubliez jamais.

– Et la voie de la diplomatie est la meilleure qui soir. Vous êtes la première personne qui parle. C'est la dernière épreuve ?

La question du jeune homme basané fit rire le redoutable Dessinateur, le rendant un peu plus sympathique aux yeux de Shun.

— Tu ne manques pas de culot, dis donc ! Rien ne m'empêche toutefois de te le révéler et vous m'avez l'air plutôt débrouillards. Oui, c'est la dernière épreuve. Triomphez, et vous réussirez la Rej'kah. Ratez, et vous n'obtiendrez que la honte.

– Sinon... N'y a t'il pas moyen que vous nous laissiez passer ? Comme ça, on ne détruit pas votre honneur et on gagne la Rej'kah sans blessures. C'est un jeu à somme non nulle, comme on dit dans le métier.

Le rire du Mercenaire fut cette fois franc et sincère. Ses lèvres découvrirent de délicieuses fossettes agrémentées de dents minuscules, qui donnèrent un fou rire irrépressible à Shun, sans qu'elle ne comprenne le pourquoi du comment. Visiblement, son amusement était communicatif, et Aweo ne tarda pas à rejoindre leur rire espiègle.

Le Mentaï prit de longues minutes à se clamer,, les larmes presque aux yeux. Il déclama en souriant toujours :

— Bien essayé. Malheureusement, ce serait contraire au règlement.

Son visage redevint brusquement sérieux.

— Fini de rire, il est temps de se battre. Êtes vous prêts ?

– Oui, et...

Shun ne termina jamais sa phrase.

A peine avait elle ouvert la bouche pour répondre que le Mentaï avait réagit, si vite que même son ombre ne put percevoir son mouvement. Ses pas furtifs s'étaient dirigés vers la jeune fille, l'avaient délicatement effleurée, la faisant irrémédiablement tomber dans des liens indésirables. Elle était coincée.

Ce n'est que lorsque Aweo se retrouva entouré par ces me^mes cordes argentées que Shun comprit enfin la dure vérité de ces liens.

Elle avait perdu.

— La Rej'kah ne comportera aucun gagnant, cette année. souffla le Mentaï. Son souffle n'avait pas accéléré d'un iota ; seule la lueur de ses yeux, un peu déçue, pouvait prouver à Shun que le combat irréel qui s'était déroulé n'était pas un rêve. — Personne n'héritera des pouvoirs de Dessinateurs.

Les deux phrases rituelles retombèrent dans l'air avec violence, blessant bien plus Shun que toutes les épreuves qu'elle avait traversée.

Mais ce n'était pas ça qui la heurtait le plus.

Deux informations, deux affirmations, les plus douces et les plus violentes à la fois, inoffensives et destructrices, l'entaillaient bien plus fort que n'importe lequel de ces liens insupportables.

Elle avait perdu.

Comment cela avait il pu se produire ? Cela faisait deux ans qu'elle s'entraînait sans relâche, vouant sa vie à l'entraînement, ne se laissant aucun temps libre. Elle avait affronté vie et mort, courage et déception, bravoure et lâcheté, éléments et néant... pour ça ? Pour rien ?

A ses côtés, Aweo ferma les yeux, en guise de résignation. Le monde des rêves devait lui paraître mille fois plus agréable que cette déception brillant dans les yeux du Mercenaire, excepté si ceux ci le poursuivait jusque dans ses pensées les plus intimes. Il s'enfuyait. Il devait avoir honte. Il s'enfuyait avec lâcheté, et pour cela, Shun ne pouvait s'empêcher de le mépriser.

Et elle ? Elle ne se résignerait jamais. Elle s'entraînerait plus fort, plus puissamment, plus dur que ce qu'elle n'avait encore jamais vécu jusqu'alors.

Mais elle avait perdu.

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