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Voler.
Voler pour vivre. Pour survivre.
Voler pour Heirmag.
Attendre le bon moment, attraper l'objet d'une main preste, et s'envoler comme un oiseau.
Vol...
— Shun ! Arrête de rêver. Si on ne rapporte pas assez de choses, Heirmag va encore se fâcher. Tu sais à quoi il ressemble quand il est en colère...
Shun frissonna. Oui, elle avait déjà vu Heirmag en colère.
Deux fois.
Deux fois de trop.
La première fois, la fille s'en était tiré à plutôt bon compte. Elle ne s'était fait couper qu'un pied.
Le second n'avait pas eu autant de chance. Après une tentative infructueuse de révolte, le malheureux s'était vu attribuer une jambe cassée, une dizaine de côtes fêlées et une volonté brisée. Il avait succombé quelques heures après l'affrontement.
Définitivement, Shun n'avait vraiment pas envie de se frotter à la colère d'Heirmag.
— J'arrive, Phul !
— Dis plutôt ça à Andyna, maugréa le concerné. Elle a déjà dévalisé la moitié des stands...
Les deux comparses se hâtèrent de rejoindre leur amie au milieu de la cohue. Ils étaient chanceux qu'aujourd'hui soit un jour de marché.
Shun, d'ores et déjà engagée dans l'allée, jeta un rapide coup d'oeil aux stand à la recherche de quelque chose à subtiliser à son propriétaire.
Son regard fut vite attiré par le stand de bijoux.
Diamants, pierre précieuses, bagues serties d'or...
Shun n'avait beau ne pas être une experte, elle était persuadée que ces babioles valaient cher.
Très cher, vu l'état du marchand.
Si elle et ses deux amis parvenaient à ravir ne serait ce qu'un seul de ces bibelots, ils pourraient acheter de quoi se mettre bien pendant plusieurs jours.
— Où est Andyna ?
— Juste là, répliqua Phul en désignant une foule rassemblée autours d'un stand de sculpture. Elle déleste les passants de leur bourse. Mais pourquoi...
— Parce que je voudrais activer la procédure trois.
Phul se stoppa, les yeux ronds comme des soucoupes.
— La trois ? Mais...
— Contente-toi juste de la prévenir. C'est pour ce stand.
En même temps, Shun désigna la boutique ambulante ornée de joyaux.
— J'espère que ça en vaut la peine... se contenta de répondre Phul avant de foncer vers Andyna.
Silencieusement, Shun se rapprocha de la tente abritant les objets convoités. Un petit rictus fit place sur son visage.
La sécurité était décevante. Un garde du corps posté sur un côté, une cape étendue par dessus les bijoux...
Pitoyable. Ça allait être du gateau.
Tout à coup, une personne la percuta de plein fouet et elle s'écrasa à terre, manquant de s'écraser contre le comptoir contenant les bijoux.
— Hé ! Toi ! hurla le marchand en direction du malfrat.
Trop tard hélas.
— Toi, gamine, dégage de là. Ce n'est pas parce que tu as été poussée que je vais t'offrir quelque chose. Je vous connaît, les gamins des rues. Toujours à préparer un sale coup. Pars vite avant que j'appelle les gardes pour vol à l'étalage.
Shun lui lança un regard torve avant de se redresser lentement.
Très lentement.
Extremement lentement.
— Bouge toi !
En foudroyant une dernière fois le marchand du regard, Shun s'éloigna en se dépoussiérant. Elle se glissa entre les corps enchevêtrés des passants, usant même de la force, et réussi enfin à rejoindre le lieu de rendez vous.
Phul et Andyna l'y attendait déjà.
— Désolé pour le coup, se justifia immédiatement Andyna. J'espère que je t'ai pas poussé trop fort et...
— C'était parfait, ne t'inquiète pas pour ça.
— Et alors ? Ça donne quoi ?
Les yeux de Phul brillaient d'un éclat fiévreux. Compatissante, Shun refusa de le faire attendre plus longtemps.
Avec un grand sourire, elle glissa sa main dans la poche intérieure de son gilet et en sorti un monumental collier d'or, serti d'une magnifique pierre rouge. Andyna réagit immédiatement.
— J'en ai déjà entendu parler, c'est un rubis ! Ça vaut une fortune !
— Alors on vend le rubis, on garde l'argent et on rapporte le collier à Heirmag ?
Les deux comparses approuvèrent. Aujourd'hui, ils allaient festoyer comme des rois.
Quelques heures plus tard et l'estomac bien plus rempli que nécessaire, les trois camarades se décidèrent enfin a se mettre en route. La planque était loin et arriver en retard n'était pas recommandé.
À l'entrée du taudis qui leur servait de cachette, Shun, Andyna et Phul se retrouvèrent nez à nez avec Heirmag.
Un Heirmag en colère, en colère comme il ne l'avait jamais été auparavant.
— C'est à cette heure ci que vous rentrez ?! vociféra immédiatement celui ci. J'espère pour vous que vous avez rapporté quelque chose de bien, sinon...
Avec un sourire cruel, Heirmag sorti de sa poche un coutelas qui ne le quittait jamais.
La menace était claire. Assez claire pour que Shun s'exécute sans tarder.
Avec délicatesse, elle tendit le collier soupoudré d'or a Heirmag. Qui l'attrapa voracement.
— Vous avez intérêt à ce que ce soit du vrai, sinon...
— Ne t'inquie...
Le regard que jeta Heirmag à Phul le fit taire sur le champs.
— Je ne t'ai pas autorisé à parler.
La voix, aussi dure et froide que la lame d'une épée, trancha net l'audace de Phul.
Qui se répandit instantanément en excuses.
—Je suis désolé Heirmag, désolé, je...
Heirmag lui accorda un de ses regards qu'on ne lance qu'aux esclaves, avant de lâcher avec dédain.
— T'as de la chance que je sois miséricordieux. Tu vas faire la sentinelle jusqu'à la fin. T'as pas intérêt à faire entrer quelqu'un qui mérite pas sa place. C'est compris ?!
— Oui, Heirmag, souffla le garçon de sept ans, heureux de s'en tirer à si bon compte.
Shun n'était pas dupe. La soi disant "miséricorde" d'Heirmag ne venait que du collier.
Ils avaient eu de la chance qu'aujourd'hui soi un jour de marché.
***
Heirmag observait la salle d'un air goguenard. Devant lui s'entassait des dizaines d'enfants.
Des dizaines de jouets.
Et certains semblaient bien moins intéressant que d'autre.
— C'est tout ?
— Oui, Heirmag, c'est... c'est pas de ma faute, je... je...
— La ferme ! Voilà bientôt une semaine que tu n'as rien rapporté. Je crois que je vais te couper une main. Non, pas je crois, je vais te couper une main. Ainsi tu pourras mendier puique tu est incapable de voler !
Un horrible sourire s'étala sur la figure du tortionnaire. Avec avidité, il sortit un petit coutelas, s'approcha de Nahis...
— Une main en moins, une mendiante en plus ! Que cela serve de leçon aux autres. Si vous ne voulez pas finir aveugle ou estropié, obéissez moi !
Dans un geste interminable, Heirmag abaissa son coutelas près de la main de Nahis, de plus en plus près...
— S'il te plait, ne me coupe pas la main...
Pour toute réponse, Heirmag aggripa Nahis par les cheveux et celle ci lâcha un petit gémissement.
— Donne moi une raison valable de ne pas le faire.
Malgré tous ses efforts, Shun ne pouvait détourner son regard du macabre spectacle se déroulant sous ses yeux. Une espèce d'avidité morbide, la forçait à regarder, encore, encore, le couteau qui se baisse...
— Moi j'ai une bonne raison ! hurla une voix dans le dos du tortionnaire.
En un éclair, de longs cheveux noirs, d'étranges habits et un visage couvert de mépris se matérialisa devant Heirmag.
Celui ci se retourna à toute vitesse, prêt à la bagarre.
La jeune fille ne broncha pas.
Heirmag, intrigué, la jaugea du regard quelques instant avant de railler :
— Dis toujours ?
— Si tu lèves ton couteau sur elle, ou mieux, si tu ne la lâches pas immédiatement, j'explose ta face de trodd !
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