La Valse

Le plafond semblait hors de vue tant il était haut. On pouvait lever la tête, plisser les yeux, même avoir un monocle : la seule chose qui pouvait prouver son existence était la longue corde dorée qui tenait les quatre lustres illuminant la salle de façon égale. Seuls les quatre angles de la pièce semblaient assombris, et il était évident que c'était fait exprès, étant donné que les hommes les plus importants de la soirée s'y étaient regroupés, chuchotant et parcourant la salle de regards méfiants.

Ils savaient que quelqu'un était de trop : l'un des trois soldats qui surveillait auparavant l'entrée avait quitté son poste quelques secondes afin de les prévenir, avant de retourner là où il était attendu en veillant à ne pas trop attirer l'attention.

Les deux yeux de chaque homme balayaient donc la salle avec insistance, pire, peut-être même avec peur. Tout le monde pouvait être l'intrus, tout comme personne ne pouvait l'être : après tout, une fausse rumeur pouvait si simplement se diffuser. Chaque être de la salle, du baron à la duchesse, était à la fois innocent et coupable. Mais rien, rien ne pouvait permettre aux quatre hommes de savoir, de découvrir qui s'était introduit dans cette salle de bal. Après tout, le but d'une mascarade était bien d'être masqué, non ?

Elle était là, entourée et pourtant seule, son poing renfermé sur le tissu de la robe blanche qu'elle portait -et qu'elle ne pouvait d'ores et déjà plus supporter-. Elle se demandait comment elle allait réussir à tenir une soirée entière et à mener à bien sa mission dans une robe si peu confortable. Et pourtant, elle devait tenir : le Petit Peuple de Paris avait besoin de son aide, Il avait besoin d'Elle.

Il aurait été simple de remarquer son malaise apparent si les couples juste en face d'elle ne la cachaient pas des yeux des nobles de la salle, eux qui semblaient chercher comme une proie, un bouc émissaire. Mais elle était cachée, et elle savait très bien que ceci ne se reproduirait plus dans la soirée, pas après que la valse ait été démarrée en tout cas. Alors, elle inspira profondément pour calmer le rythme presque musical rythmant son cœur, et décida d'observer.

Elle observa d'abord les hommes, ainsi que sur qui dansaient leur regard ; puis les femmes, leur façon de se tenir, les gestes gracieux de leurs mains, leur façon de rire, de parler, même de respirer -et elle remarqua avec une joie maligne que ces femmes semblaient aussi peinées qu'elle avec ce corset bien trop serré-. En un claquement de doigt, elle se fondait dans la masse : la demoiselle à l'allure et les gestes hésitants n'était plus, puisqu'elle avait été remplacée par une véritable bourgeoise au menton haut et au regard supérieur.

Cependant, elle était toujours seule, et une jeune femme seule se faisait facilement repérer dans une salle de bal, qu'elle porte un masque ou non.

Bien vite, un homme fit son chemin vers elle, sa redingote longue et blanche -accordée aux tenues des autres invités- rebondissant de façon presque comique dans l'air. Il était coiffé d'une perruque blanche, quoique penchant vers le gris. Elle était grossièrement attachée à son crâne, si bien qu'on pouvait voir de fines mèches de cheveux blonds en dépasser.

Enfin, bon nombre d'invités semblaient s'être habillés à la va-vite, comme si le temps les avait rattrapés. Ce n'était néanmoins pas si étonnant que cela : en vue des récents évènements ayant eu lieu à la capitale– « Ainsi que ceux à venir », pensait la jeune femme au regard fougueux-, le roi avait donné l'ordre au marquis de Convivium de mettre en place en un délais de trois jours une fête qui permettrait à tous de se rassurer, de se remettre les idées en place (même si ce semblable de paix ne serait que provisoire). Bien sûr, trois pauvres jours, c'était bien trop peu pour créer à partir de rien un bal digne de ceux habituels. Pourtant -mais sans surprise-, le marquis de Convivium avait bel et bien réussi à exécuter la demande du roi. Cela avait été plus dur pour les invités : eux avaient l'habitude de bénéficier de semaines, voire de mois, afin de se préparer (d'où leur allure bien différente de celle de d'habitude).

L'homme était dorénavant à deux pas de la jeune femme, avançant comme un loup vers sa proie : lentement, attendant le moment propice pour lui sauter dessus. Pourtant, elle ne cillait pas, au contraire. Sa respiration se faisait plus lente et profonde, faisant ressortir sa poitrine à chaque inspiration. Elle ne croisa pourtant jamais son regard, même si lui ne la quittait pas des yeux, et cela ne la rendait que plus désirable.

Elle attendit qu'il soit juste en face d'elle avant de lever un œil, et un petit sourire en coin se forma sur ses lèvres rougies par le maquillage. Ceci incita l'homme à sourire à son tour, réajustant sa posture afin de paraître plus grand, plus imposant. La femme dut se retenir de ne pas lâcher un petit rire moqueur face à son attitude.

La vérité était qu'elle était fière d'elle : elle qui pensait que trouver cet homme serait la tâche la plus compliquée à effectuer ! Elle s'était apparemment bien trompée, puisqu'il était lui-même venu à elle. À partir de là, elle considérait que le reste était dans la poche. Il ne lui restait que trois simples tâches.

Maintenant que les yeux des deux adultes s'étaient rencontrés, ils semblaient ne plus vouloir se quitter. Il fallait dire que, le masque couvrant la moitié du visage de la femme ne cachait en rien sa beauté : ainsi, cette beauté impossible à ignorer (même si on le souhaitait) était visible non seulement dans ses yeux rieurs, mais aussi dans son nez grec, et même sa mâchoire assez ferme qui contrastait avec la forme de ses yeux, mais qui s'accordait pourtant parfaitement avec la fermeté de son corps (offerte en partie, bien évidemment, par l'horrible corset).

Sans un mot, d'abord, il lui tendit une main. Elle fit mine de ne pas comprendre sa demande, penchant sa tête sur le côté, le faisant ricaner légèrement.

« M'accorderiez-vous la prochaine danse ? », demanda-t-il, arquant son corps vers l'avant pour réduire l'espace davantage entre eux.

« N'êtes-vous point accompagné ? », répondit-elle, lui dévoilant une voix calme, quoique plus aiguë que ce à quoi il s'était attendu. Le froncement de sourcil -remarquable par trois plissures sur son front- qu'elle découvrit sur son visage la fit serrer les dents. Si elle voulait mener sa mission à bien, il fallait que tout soit parfait. Alors, après un court silence, elle rajouta, d'une voix un ton plus grave : « Il me semble que votre compagne vous observe faire votre chemin vers moi depuis quelques minutes déjà. »

Se mettant légèrement sur la pointe des pieds, elle regarda au-dessus de l'épaule de l'homme pour apercevoir une magnifique femme dont la robe était décorée de quelques ornements de dentelle bleue. Ses cheveux étaient d'un blond polaire surprenant tout en étant très attrayant, tandis que ses yeux reflétaient deux qualités, la sagesse et l'intelligence. Celles-ci étaient telles que la jeune femme n'avait jamais vu chez quelqu'un d'autre de tout son vivant. Cependant, elle doutait que c'était pour cette dernière critère que l'homme l'avait épousée. Après tout, il ne fallait pas espérer beaucoup des bourgeois de mille sept cent quatre-vingt-neuf : ces fameux évènements récents en étaient la preuve.

« Est-ce que cela signifie que vous saviez que je marchais vers vous ? »

L'audace de la question qu'il posa la surpris quelques instants, si bien qu'elle perdit son équilibre, retombant sur ses talons. Le rouge de la frustration -tout devait être parfait !- monta aux joues de la jeune femme, et elle toussa dans son poing pour l'atténuer. Elle reprit bien vite le regard supérieur dont elle s'était imprégnée plus tôt, et ses yeux s'accrochèrent de nouveau à ceux de l'homme.

« Et bien, cette information s'agit de quelque chose que je sais, et que vous devez deviner.

-J'ose espérer bénéficier du reste de la soirée pour la deviner, alors. »

La jeune femme sourit cette fois-ci, ne laissant pas la surprise la déconcentrer. Elle était de ceux qui apprenaient vite, si bien qu'une erreur était suffisante pour la faire comprendre. Et pour comprendre, elle avait compris que l'homme en face d'elle était de ceux dont on s'inspirait pour décrire le « typique bourgeois » ; il était le stéréotype de l'homme riche privilégié, du prédateur de la classe sociale supérieure. Et elle comprit aussi que tout allait être bien plus simple que ce qu'elle avait pensé.

Quand l'orchestre s'arrêta pour changer de musique, la jeune fille avait un total contrôle d'elle-même. Elle posa finalement sa main sur celle de l'homme, et se laissa entraîner vers le milieu de la pièce. Elle ferma les yeux quelques secondes, laissant ses oreilles analyser le rythme de la musique, et donc la danse qu'elle allait devoir effectuer. Un, Deux, Trois. Un, Deux, Trois. Un rythme ternaire, une mélodie propre à la danse de la valse, souvent dite « grossière » par la haute-société. C'était la danse que la jeune femme préférait, probablement parce qu'elle lui remémorait la chaleur que la proximité avec son partenaire de danse pouvait apporter. Certes, elle était déçue d'avoir appris tant de danses différentes pour au final tomber sur une qu'elle connaissait déjà auparavant, mais, en y réfléchissant, elle était sûre de ne pas faire d'erreurs.

Elle menait la danse. En partie, du moins.

Les couples s'avancèrent tous au centre de la pièce, et il était amusant de lire l'hésitation chez certains, probablement provoquée par la peur de rater un pas et de devenir la risée de tous. Cependant, cette peur était cachée par le masque de chacun des invités, ce masque qu'ils avaient forgé au fur et à mesure du temps, celui qui les avait aidés à tenir le coup même dans les pires moments, ce masque qu'ils ne se sentaient même plus porter tant il s'était accroché à leur visage jusqu'à en faire partie intégrale.

Il n'avait pourtant fallu à la jeune femme qu'une heure (ainsi que trois petits jours de préparation) afin de se créer un masque semblable, et de le porter d'une telle façon qu'il semblait aussi vrai que celui des autres personnes présentes dans la salle.

« Il ne me semble pas vous avoir déjà vue auparavant, me trompai-je ? », l'homme tenta d'instaurer une discussion, aidant, sans le savoir, la cause de la femme. À ce rythme-là, il ne lui resterait bientôt que deuxétapes. Elle avait hâte que la danse commence pour continuer son plan.

« La discrétion et la petitesse ne sont-elles pas des qualités voulues chez les femmes ? », l'interrogea-t-elle avec innocence et un brin de sarcasme. Elle savait que la personne en face d'elle allait ainsi recevoir ses mots de la manière qu'elle préférait : si l'homme était du genre joueur, il n'y avait aucun doute qu'il interprèterait la phrase comme sarcastique, sinon, -et c'était ainsi que la jeune femme, après avoir observé l'homme, imaginait qu'il allait réagir-, il aurait l'impression qu'elle était simple d'esprit, prête à se soumettre pour plaire. La jeune femme devait avouer qu'elle se sentait mal de changer ainsi sa personnalité, mais elle savait aussi que ses sentiments à elle ne comptaient pas, surtout pas durant cette mission. Il fallait qu'elle fasse tout ce qui était en son pouvoir. Pour la France.

« Croyez bien que chacune de vos qualités sont voulues, mademoiselle, que ce soit ces deux là ou toutes celles que vous cachez sous votre masque. »

Enfin, la première note retentit, et la jeune femme se fit tirer en avant pour commencer à danser. Tout allait se jouer ici, avec cette valse à droite.

« Et puis, », il était étonnant que ce soit lui qui continue la discussion, remarqua la jeune femme (mais elle n'allait pas s'en plaindre). « Avec le chaos qui nous entoure, il me semble que rester discret est la meilleure des choses à faire. »

Son visage avait pris une allure sombre que même son masque ne pouvait pas cacher. À l'opposé, la jeune femme semblait s'illuminer : jamais elle n'avait imaginé que son plan allait aussi bien marcher. Elle n'avait même pas besoin de lancer le sujet qu'elle voulait aborder, puisque le besoin de discussion de son partenaire les y avait menés !

« Qu'est-ce que vous souhaitez dire par là ?

-Je- », il profita d'un mouvement pour la rapprocher de lui, sa voix changeant de ton. « Des rumeurs se propagent. Enfin, à cette heure-ci, je ne serais point surpris d'apprendre qu'elles courent.

-Des rumeurs, monsieur ?

-Des rumeurs. Le bruit court dans les rues qu'une révolution se prépare. », la jeune femme mima un hoquet de surprise, et regarda autour d'elle comme pour s'assurer que personne n'avait entendu ce qu'il venait de dire. Fière d'impressionner la femme, l'homme continua, d'un air plus sûr : « J'ai reçu des informations importantes venant -mais c'est un secret- du Roi lui-même.

-Du Roi ! Mon Dieu, ne faudrait-il pas que vous soyez des plus forts -forts, que dis-je ?- des plus loyaux, des plus puissants afin que le Roi lui-même ne vous confie de ses secrets ? »

Elle savait que de tels mots allaient flatter l'égo de l'homme. Les hommes de son époque ne répondaient qu'à deux choses : la sensualité et la flatterie. Et, bien souvent, c'était la flatterie qui marchait le mieux. Surprenant, n'est-ce pas ?

Son partenaire changea délicatement de position afin de la faire pivoter au moment exact où les autres femmes présentes sur la piste de danse tournèrent. La jeune femme ressentit un certain frisson face à cette harmonie bien trop parfaite et bien trop peu humaine. Ou bien, peut-être que son frisson était dû au trio de soldats qui semblaient avoir repris leurs recherches. Elle allait devoir accélérer la danse : qui pouvait savoir combien de temps elle allait avoir avant de se faire démasquer ? Qui tomberait avant elle, et qui la suivrait dans sa chute ?

La femme profita de la remise en place de son partenaire afin de lancer un nouveau regard vers les personnes qui l'entouraient ses yeux retombèrent sur la dame de son partenaire, qui la regardait d'une telle façon qu'elle avait l'impression que ce n'était pas ses deux yeux que la dame fixait, mais bel et bien son âme, son esprit, et le drapeau tricolore qui motivait ses moindres faits et gestes. Pour la première fois depuis le début de la soirée, la femme prit peur, peur de ne pas réussir à mener sa mission à bien.

« Sûrement, Ma Dame. Enfin, je n'en serais pas surpris. Le fait-est que- Allez-vous bien, ma chère ? Vous me semblez en grande peine. »

Elle avait bien du mal à cacher le sourire naissant sur ses lèvres, si bien que son visage s'était tordu en unegrimace afin de ne pas gâcher sa couverture. Cependant, garder sa couverture la forçait dorénavant à perdre quelques secondes, une chose effroyable quand son temps était compté. Après tout, il ne suffisait que d'uneseconde pour renverser le monde. Il fallait qu'elle soit habile.

« Pardonnez-moi Monsieur, je dois simplement avouer être bouleversée par vos dires... D'abord, la », elle se mit à chuchoter en cachant sa bouche de sa main : « La Révolution. Ensuite, un secret du Roi ?

-N'ayez crainte ! Ce secret que le Roi m'a confié pourrait à lui tout seul empêcher la Révolution. »

La musique baissa de nouveau, et la jeune femme fut surprise, presque déçue, qu'elle soit passée si vite. Et pour cause, au moment même où les deux dernières notes sortirent d'un instrument, la femme de l'homme s'approcha, sautillant presque sur ses deux longues jambes. Elle portait en ses mains deux coupes remplies de vin, dont l'une qu'elle sirotait avec grâce.

« Philippe, ne m'aviez-vous pas promis une danse ? », demanda la dame en lui tendant le récipient, dont il sirota tout de suite une goutte ou deux avant de le lui rendre.

« Je vous l'avais promis, Évangeline, il est vrai.

-Oh ! Mais, Monsieur, j'osais espérer vous accompagner pour une toute dernière danse. », la jeune femme posa sa main sur le bras de Philippe. Il hocha la tête, et elle sourit.  « Reprenez donc une gorgée de votre breuvage, et allons-y : une nouvelle mélodie va bientôt débuter ! »

Philippe ingéra trois gorgées de sa boisson, avant de tapoter les coins de sa bouche suivis de sa lèvre supérieure, et se saisit de la douce main de la jeune femme. C'était bel et bien la dernière danse, sa dernière chance de mener sa mission à bien. Il n'y avait plus d'étapes, tout était pressé dans un chaos qui semblait sans autre issue que récupérer l'information et fuir. Pourquoi Évangeline était-elle intervenue à ce moment précis ! Elle risquait de tout gâcher !

La danse recommença, et, pourtant, Philippe ne semblait plus d'humeur à parler, au grand désespoir de la jeune femme. Elle réfléchit à toute vitesse, quand une idée prit place dans son esprit. En plein mouvement, elle se décala d'un pas, rentrant dans un autre couple. La femme en face dû utiliser toutes ses forces pour ne pas tomber, faisant un grand pas de travers. Son talon claqua bruyamment contre le sol, et la jeune femme en profita pour mimer l'épouvante.

« Mon Dieu, vous êtes-vous blessée ?

-Pardonnez-moi, Monsieur. Je suis encore bouleversée par vos mots, et il me semble que rien ne pourrait m'apaiser ! », couina-t-elle en pinçant les lèvres. Ce mouvement, malgré tous ceux qu'elle avait fait avant, fit trembler son masque, qu'elle sentit se décrocher petit-à-petit de ses cheveux. Alarmée, elle couina de nouveau. « Qui pourrait me protéger face à la fin des temps !

-Je vous protégerai !

-Vous me protégerez ?

-Oui, Ma Dame ! Moi, le Roi, et l'armée de troupes étrangères appelées par le Roi ! Croyez-moi, je ne suis de ceux à douter de la garde française, mais avec les temps qui courent, je me sens bien plus sûr avec eux autour de Paris ! »

Le cœur de la jeune femme sembla s'arrêter, et sa bouche s'ouvrit en un bref « o ». Tout semblait ralentir autour d'elle, tout sauf le masque se dénouant de son attache dans ses cheveux, commençant dorénavant à glisser légèrement. C'était donc ça, le secret du Roi. C'était donc ça, les convois que les paysans avaient dit avoir vu passer de nuit aux frontières de Paris. Des troupes étrangères !

Le temps reprit son cours, et, cette fois, elle fut celle à prendre la parole, parlant d'une voix ferme, mais inaudible des nobles des alentours.

« Je vous remercie.

-Vous me remerciez ? », elle le rapprocha d'elle pour qu'il soit bel et bien le seul à entendre ses mots, susurrés à son oreille comme s'ils étaient des mots doux. Elle sentait déjà la poitrine de Philippe se lever puis se baisser, elle entendait son souffle paniqué qui ricochait contre son visage, elle voyait ses mains se crisper, elle reconnaissant l'odeur de la transpiration qui émanait de lui due à sa panique, et elle sentait déjà le goût de la victoire sur ses propres lèvres.

Elle ne ressemblait plus en rien à la jeune femme que Philippe avait abordée une heure plus tôt.

« Je vous remercie. Qui aurait cru que le désir de plaire d'un simple noble pourrait nuire au Roi ?

-Je ne comprends pas.

-Bien sûr que vous ne comprenez pas, Monsieur, et je n'en attendais point moins de vous. Il faut dire que vous m'avez beaucoup aidée à atteindre mon but, voyez-vous ? J'avais pensé rester un peu plus longtemps que cela. », elle se fit elle-même tourner avec le bras de Philippe, menant, cette fois, absolument et complétement la danse.  « Faites-moi danser, voulez-vous ? Après tout, comme je l'ai dit, il s'agit de votre dernière danse.

-Qu'entendez-vous par-là ?

-Ce que j'entends par là, Monsieur, c'est que les masques, comme les systèmes, tombent, et qu'ils emportent toujours des soldats avec eux.

-Vous êtes des leurs, n'est-ce-pas ? Le P-Petit Peuple.

-Oh, si vous saviez à quelle vitesse tout s'est mis en place ! Et vous ne devinerez jamais grâce à qui tout cela est possible ! », elle semblait devenir folle, se retenant pour éclater de rire. Toute la tension qu'elle avait construite en elle-même malgré elle se détruisait maintenant qu'elle avait mené sa mission à bien. Elle avait l'impression que le corset bloquant sa cage thoracique avait disparu, et qu'elle pouvait enfin respirer correctement. Elle ne s'en privait pas, d'ailleurs : entre deux rires, elle prenait de grandes inspirations qui la faisaient presque hoqueter.

« Mais enfin, qui êtes-vous ! », tenta-t-il de crier. Cependant, si la jeune femme pouvait enfin respirer librement, lui avait de plus en plus de mal, et il tentait avec grand mal de retenir la toux qui le prenait à la gorge.

« Avec Évangeline ! Votre femme ! Quelle érudit, cette femme : mettre du poison dans le vin ! Oh, je n'arrive pas à croire que tout cela ait marché ! Il faut croire que les masques peuvent servir, après tout. »

Cette dernière phrase fit jaillir une lueur d'espoir dans les yeux de Philippe, et il étendit son bras vers le visage de la jeune femme, essayant d'attraper et de lui retirer son masque. Mais c'était trop tard, il était trop faible pour y parvenir. Aussitôt avait-il commencé à tendre son bras qu'elle l'avait arrêté, s'en emparant brusquement. La lumière de folie joyeuse avait disparue pour laisser place à un regard plus sombre, plus effrayant. Elle secoua doucement la tête de gauche à droite, avant de poser une main sur son dos pour le rapprocher d'elle. D'une voix à la fois doucereuse et vénéneuse, elle lui chuchota :

« Bonne nuit, Philippe. Vive la France, Vive la Révolution. Si le Diable vous demande qui vous a envoyé, passez-lui les salutations de Clotilde. »

La chute de Philippe devenait de plus en plus visible alors, replaçant son masque une dernière fois, Clotilde prit un air paniqué avant d'appeler à l'aide le plus fort possible. Bientôt, toute la salle se réunit autour de Philippe, lui laissant la distraction parfaite pour partir.

Sur le palier, elle se tourna une dernière fois vers la foule pour y voir Évangeline, à qui elle adressa une révérence, avant de s'en aller en sautillant, sans masque tombant au sol en un bruit étouffé.

Trois. Deux. Un.

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