Short Story 31 - La peste
Je suis infecté.
Vous savez de quoi je parle. Les médias nous rebattent les oreilles avec ça vingt-quatre heure sur vingt-quatre. L'Organisation Mondiale de la Santé a affirmé l'autre jour qu'il s'agissait d'une pandémie. Je n'aurais jamais cru faire partie des victimes. Maintenant que c'est le cas, je ne sais pas quoi faire.
Contrairement à certaines personnes de mon âge, je n'ai pas de salaire à proprement dit. Je n'ai plus d'arrêts maladie. Je les ai tous utilisés quand je me suis luxé la cheville en Janvier. Brad dit que j'ai besoin d'une note médicale pour obtenir un congé payé. Vous savez, pour s'assurer que je ne profite pas de la paranoïa générale pour ne pas faire mon travail. Il ne veut pas créer de précèdent. Le seul problème est que je n'ai pas assez pour payer la facture. Bien sûr, ce n'est pas une facture de crise cardiaque de cent mille euros non plus. Mais cent soixante quinze euros pour un check-up c'est presque la moitié d'une semaine de salaire. Je sais que je dois me mettre en quarantaine. Mais, je n'ai pas d'économies. Je ne pourrai pas payer le loyer si je ne sors pas de chez moi pour gagner de l'argent.
Vous savez ce que je dois faire. Seulement, je ne sais pas si j'ai le cœur de le faire.
Je vérifie l'heure. Plus que quarante cinq minutes avant le début de mon quart de travail. Je dois bouger. Après avoir bu un peu de Benylin, je porte un masque médical et romps avec ma quarantaine.
Alors que je monte dans le bus, la maladie jaillit de ma bouche comme un épais brouillard vert. Mes gaz nocifs transportent de petits germes malveillants. Une enfant me regarde. Des prédateurs microscopiques se précipitent sur sa peau, dans ses yeux et dans sa bouche. En peu de temps, elle aussi se met à répandre du vert autour d'elle. Je l'imagine malade et mourante. J'imagine toutes les personnes que ses vapeurs infernales vont infecter. Elle me sourit. Souris pendant que tu peux, petite. Souris avant que ne commence la peste. Souris avant le début de l'invasion.
En descendant du bus, j'observe mille suicides subtils. Un homme sur un banc lèche le ketchup de sa main et aussitôt propage du vert. Une femme, répandant déjà cette brume verte, embrasse son mari, régurgitant le vert dans sa bouche comme une mère oiseau. Une fuite brumeuse étreint le sol, prête à être respirée. Je tousse. Les passants reculent. Si seulement ils voyaient ce que je vois. Ils fondraient en larmes.
Quand j'arrive au travail, Brad se met à me crier dessus et m'ordonne de retirer mon masque. Il me dit que j'effraie les clients, ne sachant pas qu'en ce moment, il est lui-même en train de cracher ce brouillard vert comme un lance-flammes toxique. Je proteste, mais il insiste.
–Lave juste tes mains, dit-il, et tout ira bien.
Je lave mes mains, les salissant à nouveau la seconde où mon souffle les touche. Au moment où je commence mon quart de travail, la peste s'est dispersée dans le bâtiment comme une trainée de poudre. Soudain, j'ai envie de partir, de m'enfuir. Mais je n'en fais rien. Au lieu de cela, j'arbore un sourire et salue ma prochaine victime :
–Bienvenue à Burger King. Puis-je prendre votre commande ?
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