Chapitre 33

"Et l'ombre s'avança vers lui, traînant son fléau par ses mots;

- Tu crois que la mort est le pire des châtiments, pauvre héros ?

Ses mains cadavériques passèrent dans ses cheveux.

- Tu as tout faux. La plus grande souffrance, la plus terrible des douleurs...

Elle ferma un court instant les yeux.

- C'est celle de l'oubli.

Ses doigts descendèrent vers sa frêle gorge, en une caresse morbide.

- Tu meurs quand tes mots se taisent, que ta présence n'éveille plus rien, quand ta disparition n'en n'est plus une, car ton nom s'est effacé des mémoires, mais...

Ses minces lèvres s'arquèrent en une courbe inquiétante, ne ressemblant ni à un sourire, ni à un rictus. Une grimace indéfinissable, qui lui dévorait toute une partie de son visage, déchiquetant avec une harmonie contre-nature les traits fins de son minois.

- Tu connais déjà le refrain, n'est-ce pas ? Toi qui est mort tant de fois dans le cœur des autres, tu ne mérites même plus le terme de "poupée", pour te désigner. Tu es là sans être là, comme ceux que je corromps, après s'être fait avoir.

Le cœur du Vaillant se figea.

- Ce n'est point un pacte, car je n'offre qu'une tranquilité truquée, en échange de maigres offrandes. Un corps se donne, une âme aussi, puisque l'on dit qu'une vie humaine n'a pas de prix.

Sa poigne se serre peu à peu autour du cou.

- Oh, ne me regarde pas comme ça, que peux-tu faire pour empêcher cela ? Tu es incompétent, et rien ne pourra t'aider. Observe tes actions, que fais-tu pour les sauver ? Même en sachant tout, tu ne feras rien, c'est une des raisons qui me pousse à t'expliquer mes desseins. Il te faudrait des mots que tu n'as pas, voilà pourquoi tu en es là.

Le héros ne pouvait que rester immobile, écoutant de force les propos putrides.

- Une idiote déterrée veut "protéger" ces adolescents de moi, même si elle ne le peut pas. Je me glisse dans la moindre faille, la plus ridicule inatention de sa part, et le sort se scelle. Puisqu'elle ne peut surveiller tout le monde, j'en profite pour m'attaquer aux esprits les plus affaiblis, ceux qui subissent leur histoire et leurs peurs.

L'ombre commença à se déplacer au gré de ses propos.

- Parents divorcés, ruinés, pensées suicidaires, besoin de se faire du mal, amour contrarié... ils ont tous une raison de sombrer. Ils sont au bord du précipice, et je ne suis que la main qui les pousse, tout en contrôlant le vide d'en bas. Hélas... elle ne veut pas abandonner, elle ne désire pas me les laisser, malgré son désavantage évident. J'en ai perdu un, un corps tout neuf, tout beau, bien plus résistant que celui que je me traîne. Elle l'a emmenée je-ne-sais-où, probablement dans un autre abîme, car j'ai beau fouiller, je n'arrive pas à le retrouver.

Elle s'arrêta, dos à l'autre.

- Et puis, alors que j'ai tout fait pour que tout le monde oublie, elle est parvenue à protéger les souvenirs d'une fille, une brunette. Elle a perpétué son nom par un jeu stupide, et j'ai eu vite fait de m'en débarrasser, en espérant que cela puisse rattraper l'affaire. Hélas, ça ne fut pas le cas, et j'ai eu l'horreur de constater que, non seulement elle m'avait cachée des choses, mais qu'en plus, une autre adolescente se mit à propager un jeu à son nom. Une boucle sans fin.

Elle soupira.

- Une noiraude, fille de bonne famille, que j'ai toute les peines du monde à corrompre. Cette histoire de sorcière prouve bien que le danger est monté d'un cran, un traumatisme léger ne saura l'arrêter. Il me faut vite terminer le blond et sa rouquine, pour provoquer une réaction en chaîne.

L'ombre se retourna vers le Vaillant, qui ne pu que le fusiller du regard.

- Oh, et le noiraud aussi, maintenant que j'y repense. Mes sœurs ne veulent pas me laisser ma part du travail, elles me disent que l'on devrait se contenter de les enlever, mais... cela ne changera RIEN. Il faut des preuves, des corps, des morts, pour que la panique prenne ! Il me faut...

Ses yeux s'arrêtèrent de cligner. Sa langue passa sur ses lèvres.

- Il me faut le plat de résistance, maintenant. J'ai déjà dévoré l'entrée, et le dessert ne se fera pas attendre.

○○○●●●

《 Hey !
Jeune fille !

Des mots
Ont su te trouver jusqu'ici ! 》

Néant, il n'y a que le néant.

Tout est noir, sans éclat, sans couleur. Ni sol ni plafond, ni début ni fin.

Et pourtant palpite un cœur.

On l'entend. On VEUT l'entendre plus.

《 Les histoires ont toujours leur part d'inspirations réalistes,
n'est-ce pas ? 》

En vue à la troisième personne, on perçoit une main. Puis un bras.

《 Je ne peux pas te forcer à y croire,
Mais saches que je veux vraiment t'aider.

Tu peux encore lutter. 》

Le rythme cardiaque s'accélère. Un corps, un visage, des cheveux...

Un être.

《 Deviens la personne dont tu as besoin. 》

Un crépitement se joint aux battements.

Dans l'immensité obscure, une porte apparaît.

: Oser y croire.

☆ : Abandonner.

♤ : Oser y croire.

La personne se précipite sur la porte, l'ouvre dans le fracas de son esprit.

《 Tu n'as plus beaucoup de temps.
Tout sera terminé
Avant la nouvelle année. 》

Chargement terminé.

La caméra présente un morceau de mochi dans une assiette, et quelques bougies renversées tout autour.

Elle quitte la table, dévoile une cuisine dévastée.

On remarque une adolescente, seule, prenant un vain appui sur le mur. Son visage est figé, scrute un point invisible.

C'était vrai.

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