À : Nezu.
Objet : Psychologue Scolaire

Bonjour.

Je sais que vous êtes très occupé en ce moment, cependant, j'aimerai vous informer que madame Baiai, la psychologue scolaire, n'est toujours pas revenu travailler cette semaine.

Son congé maternité est arrivé à terme depuis environ deux mois, et je n'ai pas entendu parler d'une quelconque démission de sa part. Mes collègues et moi pensions qu'elle était simplement tombée malade, ou avait eu un accident handicapant, mais personne n'a reçu de sa part de lettre, d'e-mail... explicatif de son état.

J'ai tenté moi-même de la contacter, que ce soit par mail ou appel téléphonique, mais je n'ai obtenu aucune réponse. Madame Baiai exerce ses fonctions dans notre lycée depuis des années, et son soudain silence m'inquiète.

Le début d'année jonché d'accidents que nous avons eu nous a empêché de remarquer son absence plus tôt, aussi, je reconnais ma responsabilité dans les faits; j'aurai dû voir le problème bien avant.

Pourriez-vous, si vous trouvez le temps, essayer de la joindre ? Voir appeler la police, si vous pensez que quelque chose ne tourne pas rond, dans cette histoire ? Je vous remercie d'avance.

Sincères salutations,

Nemuri Kayama.

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Cassette numéro une, enregistrement deux.

- Salut grand frère ! Tu te sens bien ? J'ai plein de trucs à te raconter, aujourd'hui ! Genre... les enregistrements sur les cassettes !

...

- Comme je me posais la question, j'ai écouté la face où on n'avait rien enregistré, pour voir si quelqu'un d'autre que nous les avait utilisé. Et tu sais quoi ? Il y avait un message !

...

- Bon, par contre, c'était plutôt ennuyeux à écouter, surtout que je ne comprenais rien ! C'était une meuf qui chialait, tout en disant qu'elle était désolée... Tu parles d'une histoire ! La cause de son état devait sûrement être expliqué sur la première face, mais comme tu as pu l'entendre précédemment, c'est foutu.

...

- ...et après ça, on est partit un peu plus loin au sud, mais on a croisé personne, pareil quand on a fait un détour ! Ça fait bizarre de ne pas croiser de gens, alors qu'on marche dehors pendant des heures... Tu peux me dire comment tu as fais pour t'y habituer, toi ?

...

Une porte grince, et on peux entendre des bruits de pas en arrière-fond.

- Tu enregistre quelque chose ?

- Oui, c'est pour notre grand frère ! Tu veux lui passer un petit coucou ?

- Je suis un peu surchargée en ce moment, mais tu peux lui dire que tout le monde va bien !

Les bruits de pas s'éloignent, avant de disparaître quelques secondes plus tard.

-  Comme t'as pu l'entendre, personne n'est blessé, ici ! Tout va bien ! Je vais m'arrêter ici, mais dès que je le peux, je t'enregistre un troisième petit morceau de notre avancé ! Je t'aime, grand frère.

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La vidéo, filmée à la verticale avec un portable, débute sur un poisson nageant dans son bocal, derrière la vitre d'une animalerie.

- Ça filme ?

La caméra se tourne vers la gauche, l'image tremblote un peu sur le coup, avant de se stabiliser sur un adolescent à quelques pas de celui tenant le téléphone. Cheveux noirs en bataille, yeux de la même couleur, regard amical et petit sourire, il semble sympathique et calme. Le soleil d'une fin d'après-midi tranquille lui illumine le visage.

Il regarde le caméraman, attendant une réponse à sa question. Un bref signe de la main du cadreur, apparaissant à peine une seconde à l'écran, mais faisant trembler le téléphone, semble lui indiquer que le mode vidéo est lancé. Le noiraud retourne son attention sur la caméra.

- Hey, vous allez bien ?

Son ton est très naturel, et le fait d'être filmé n'a pas l'air de le stresser. Il se met à marcher, l'autre personne le suivant, et ils passent devant diverses boutiques et passants, se fondant dans la foule. Le brouahaha sature le son, et l'adolescent flirte à la limite du cri pour se faire entendre.

-Y'a du monde, aujourd'hui ! s'exclame d'ailleurs le garçon, on se croirait à l'examen de licence provisoire !

Il émet un rire discret, et un sourire fleurit sur son visage. Il lance ensuite un coup d'œil au caméraman, et son sourire fâne de la même façon qu'il était apparu, dans un imperceptible soupire, qui se lisait plus sur les lèvres qu'il ne s'entendait.

- Je me rend compte que...

Son regard se tourne vers le sol, semblant en pleine réflexion.

- C'était débile de croire que j'en était capable.

Il serre les poings.

- C'était idiot de penser que tout irait mieux, après.

Son pas s'accélère.

- C'ÉTAIT UNE CONNERIE D'IMAGINER QUE JE POUVAIS ÉCHAPPER À CETTE MERDE !

Quelques personnes se retournent vers lui, le dévisageant face à cette exclamation plus bruyante et grossière que les autres. Il se met à courir, fend la foule, bouscule et ne s'excuse pas, de sa bouche ne sort plus que cette grossièreté, la répétait en boucle comme un mantra.

Le cadreur a du mal à le suivre, il se fait distancer de plusieurs mètres, l'image est floue sous les mouvements bruques, passant parfois pour un enchaînement de couleurs vives ou mornes. C'est au final sur un fondu au noir sur la foule grouilante que se termine la première partie de la vidéo.

La deuxième commence encore une fois sur l'adolescent, cette fois sur le côté, qui est dans une gare si on en croit les affiches collées aux murs, et ceux traînant quantité de valises derrière eux. Son souffle est court, erratique, laissant deviner que la scène se passe juste après celle de sa "fuite". Son regard n'est pas tourné vers la caméra, mais droit devant lui.

- C'est pour ça que...

Il passe une main sur son front, cherchant une fièvre pour expliquer son comportement.

- "La vie est belle"...

Sa voix est devenu si basse qu'il faut mettre le volume au maximum pour l'entendre.

- ...mais la mienne ne l'est pas.

Sa main quitte son front. Il se tourne vers la caméra.

- Désolé, mais j'ai un train à prendre.

Sa phrase est ponctué d'un sourire triste, avant qu'un étrange éclat ne brille dans ses pupillles, celui d'un être n'espérant plus rien.

Il s'enfuit du cadre de la caméra à toute allure, avant que des cris et des hurlements ne vrillent l'air.

Pendant un bref instant, on entend le bruit d'un corps se déchiqueter.